L'expérience de la réalite dans la photographie d'architecture contemporaine








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L'EXPÉRIENCE DE LA RÉALITE DANS LA PHOTOGRAPHIE D'ARCHITECTURE CONTEMPORAINE

Camilla Pongiglione_EANPLV_DPEA“Architecture et Philosophie”_Boulet_Younés_2007|2008

En ce contexte post-industriel, la photographie représente un modèle de liberté dans le domaine des représentations architecturales automatisées. L’instrument photographique offre la possibilité de s’arrêter, de regarder autour et s'étonner, de se heurter à la résistance de l'œuvre et de chercher à affronter sa complexité, sans la vouloir domestiquer. Pas manipuler, mais seconder le réel et distinguer dans le flux d'images l’instant à conserver.

Selon les situations, le photographe dispose des différents degrés de liberté en décrivant son expérience d'un lieu, souvent modelée selon des compromis auxquels il faut être soumis.

Cette thèse entend se questionner sur l'approche du photographe d'architecture vis-à-vis de cette « résistance », qu'il peut être lue en double façon:

elle peut en effet être interprétée en sens physique, spatial, constatable dans l'expérience tangible de la prise de conscience de l'œuvre architecturale. Elle peut, d'autre part, représenter la résistance des intentions qui sous-tendent un projet photographique : le rôle joué par les commanditaires et le conséquent choix concernant le langage à utiliser, qui se réfléchit dans le binôme document artistico-narratif comme représentation de deux approches et visions probablement aux antipodes.

* [approfondissement concept documentaire|narratif avec citation de Walker Evans-vd. Guidi in Miscellanea] *
On approfondira initialement le corpus théorique, en définissant les questions qui seront au fur et à mesure affrontées sur la relation avec l'état « réel » d'interaction avec un lieu, en s'arrêtant sur l'approche à la réalité dans le procès photographique.

Un excursus historique aidera à comprendre l'évolution du concept de réalité urbaine photographiée jusqu'à l’accomplissement de l'état actuel. Dans le langage photographique, la société contemporaine contraint la présence des commanditaires dans ses différentes formes: figurée par une revue, par un cabinet d'architecture, un centre culturel ou musée. Cependant, même si rarement l’initiative individuelle d’un photographe peut faire jaillir par le photographe même. On se trouve ainsi face au second type de résistance, celui des intérêts personnels, de l'acceptation et du refus de la reconnaissance à travers un regard autre, extérieur à celui de l’auteur, qu’il doit reconnaître son oeuvre architecturale -> interpretazione/intenzione [Eco, Krauss]

En se basant sur les relations avec les commanditaires, on analysera la relation avec le photographe americain Richard Pare et Tadao Ando, et la recherche du photographe italien Guido Guidi sur l’œuvre de Carlo Scarpa, en les rapprochant comme exemples d'empathie parmi lieu, architecte et photographe.

#1 – RHÉTORIQUE DE L’IMAGE
1_Le regard critique du photographe à travers son propre travail de sélection du réel
“Après tout,

le réel n’est qu’un cas

particulier”

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, 1941
J.L. Borges imagine qu'à Tlon, terre appartenant à la littérature mythologique de l'état imaginaire d'Uqbar, la cellule primordiale du langage ne soit pas le substantif mais l'adjectif monosyllabique. Le substantif, donc, est formé par accumulation d'adjectifs.

La méthode de représentation d'une situation de la réalité équivaut à la création d'un substantif décrit à travers une formulation d'adjectifs: même une oeuvre architecturale peut par conséquent être décrite à travers son être, lumineuse, imposante, sombre, solitaire, mystérieuse. En photographiant un édifice, on ne lui donne pas un sens absolu:

on passe au travers d'une série d'attributs connotatifs mais contingents, et le choix de tels attributs trace une portion instantanée et éphémère de la réalité.

Le choix d'un langage, avec ses nuances et ses thèmes récurrents, se profile parmi l'éventail des possibles interprétations de l'instant défini par une photographie, en cristallisant un instant du réel.

On peut alors se demander quand, selon le photographe d’architecture, on est arrivé à une satisfaisante description de ce réel. En autres mots, quelle réalité choisir ? Et quand s'arrêter, où poser ses limites ?

Sûrement une des réponses peut être trouvée dans le rôle recouvert par le commanditaire, principal interlocuteur et référendaire. On va rester encore un moment concentrés sur l'instant où le photographe prend perception de l'œuvre architecturale comme une oeuvre ouverte: celui-ci devient un lieu dans lequel il peut expérimenter son champ de possibilité. Umberto Eco nous illustre comment ce binôme de concepts remonte aux analyses joyciennes de Pousseur: la notion de champ, provenant de la physique, implique le terrain sur lequel on développe le rapport de cause à effet, sur lequel sont impliquées des complexes interactions de forces.

Le sujet architectural et la multiplicité de ses manifestations posent une naturelle résistance, physique et perceptive, aux interprétations du photographe.

La notion de possibilité est liée à la philosophie de la science contemporaine, à l'abandon d'une vision statique et syllogistique de l’ordre, à l'ouverture vers une plasticité de décisions personnelles et à une historicité des valeurs1: ça signifie seconder l'œuvre architecturale à travers une expérience constante, réitéré dans le temps, appareiller une recherche qui élabore et compose son langage, poursuivre comme dit C. Emilio Gadda « une réalité qui se transforme en vertu de l'observateur », et tenter de créer sa narration dans l'instant où on photographie la création momentanée d'un schéma de lignes et de formes resté alors caché dans le flux du mouvement même.

Comment peut-on ouvrir cette réalité face à l'observateur ? Comment le photographe peut-il ouvrir cette réalité aux yeux du spectateur ?

En quelle façon le photographe d'architecture peut-il , à travers son expérience, transmettre la spatialité d'un lieu ? Et comment arrive t-il à recompter de l'expérience même de la quotidienneté de l'œuvre architecturale ?

Et encore, qu’est-ce qui lie les choix du photographe et quelles sont les critères de sélection pour affronter la résistance qui lient la réalité posée à l'être photographiée ? Pour répondre à de telles questions, il est nécessaire avant tout de s'arrêter sur l’emploi actuel de la photographie d'architecture, outil doué d’un langage versatile et par conséquence potentiellement ambigu, et comprendre comme on a atteint ces conditions qui contribuent à modeler les choix du photographe.

La perspective du regard et la marchandise de l’image.
Je me demande si jamais l’art ou l’artiste n’a pas

fait autre que isoler, révéler, animer, donner force

et accentuer l’individualité de l’objet, perçu dans

l'abondance du monde visible »

Thomas Mann
Les représentations de l'architecture, offerts par la culture de l'âge classique au témoignage et solide héritage, ont initialement représenté la scène urbaine en calquant les hiérarchies sociales manifestées par la conformation de la ville même: l'attention donc était concentrée sur des lieux comme la porte, la route et la place, éléments définis, avec des fonctions et des limites précises. Dans une ville mass médiatique, dans laquelle la transitivité du changement et du mouvement et le dynamisme ininterrompu de notre société casse la stabilité classique et ses limitent, les lieux jadis chargés de signifié sont mis en discussion, en exaltant nouveaux symboles et nouveaux espaces.

On se retrouve ainsi à parler de métropoles porteuses d’une ontologie faible, qui accompagnent à une sensation de dépaysement et aussi une crise de ses propres représentations en termes visuels traditionnels2. Paul Virilio nous parle de Megaloscopie, “le jour perpétuel du temps réel”: en vivant plongés dans images constamment transmises par les satellites, nous nous retrouvons dans un état dans lequel espace et temps se fondent et s'annulent, en condamnant notre culture de masse à vivre dans la vitesse instantanée de l’ubiquité médiatique, liée à la vitesse d’information.

Est donc important le rôle du photographe qui choisit d'instaurer un procès de pondérée lenteur à la recherche d'une interpretation méditée, en cherchant de dépasser les phénomènes d'autoreprésentation et d’autodescription de notre culture de masse.

En effet, la nature des réponses issues de la photographie d'architecture moderne afin de recomposer une représentation de l'urbain suit deux directives principales : d'un coté on se trouve face à celle que Solà Morales appelle volonté mnémonique3 saisie comme présentation de la ville autant que métaphore de la ville même, comme réminiscence sur laquelle fonder la base pour nouvelle représentation. Luigi Ghirri, photographe italien chargé de photographier l'œuvre d'Aldo Rossi, écrit à tel sujet :

“Comme on le sait, il y a un parcours qui commence par le dessin projecturel, passe ensuite par les étapes que l’on connaît et se conclut dans la construction de l’édifice. Une fois l’œuvre terminée, elle est authentifiée par la photographie. A la fin de ce parcours, nous obtenons une sorte de stéréotype de l’image architecturale, très semblable à un “Still Life” mais exécuté à l’extérieur. Même si souvent ces “natures mortes” semblent brider et capturer le regard par leur singulière et vertigineuse précision, elles me font penser à la photographie de la maquette d’un édifice plutôt que l’œuvre architecturale réalisée. Ciels presque toujours limpides et immobiles, appareil mis de niveau, placé dans l’axe et mise au point d’un objectif à décentrement afin d’éviter les distorsions, mise au point la plus précise afin d’obtenir une netteté maximale, tels sont les éléments qui composent le rituel nécessaire, encore que fascinant, pour envoyer l’architecture à l’archivage muséal. Je repensais à tout cela, et à la façon de décrire l’architecture, alors que je n’avais pas encore terminé les prises de vue, et de nombreuses images me vinrent à l’esprit en même temps qui toutes me rappelaient le cimetière de Modène: une peinture de Beato Angelico dans laquelle les âmes des mortes sortent de terre par une ouverture cubique, les photographies anonymes du tremblement de terre de San Francisco où l’on voit les restes troués des maisons détruites et éventrées, ou encore l’architecture simple qui sert de toile de fond aux scènes de la vie des saints de Sassetta. D’autre facettes encore apparaissaient, d’autres évocations et des images enfouies au plus profond de ma mémoire.”

Je me rappelai avoir lu que pour écrire il faut avoir beaucoup de souvenirs, tout oublier, et attendre que tout revienne en mémoire. Il me sembla que le sens de cette phrase pouvait aussi me donner le secret d’une approche de l’architecture.

Luigi Ghirri, 1987

D'autre part on voit la constitution rapide d'une ville en mouvement, aux limites dilatées, avec des espaces redessinés dans lesquels se profile une ligne rhétorique, basée c'est-à-dire sur un discours sur la ville, où les éléments demandent d'être confrontés et isolés. Telle réalité photographique, présentée par la plus part des publications contemporaines, bâtit sa dialectique dans une représentation spectaculaire d'une réalité pressante qui rend une oeuvre déjà médiatiquement obsolète à la fin du chantier.


1 U. Eco, Opera Aperta, Milano, 2006,Tascabili Bompiani, pg.52

2 Ignasi de Solà Morales, Mnemosi o retorica: la crisi della rappresentazione nella città e nell’architettura moderne, in “Atlante metropolitano”, Quaderni di Lotus, 1991, Electa, Milano

3 Ibid., L’autore si riferisce all’architettura urbana, a mio avviso trasponibile, estendendo il concetto, anche al campo della rappresentazione visiva dell’architettura, notamment la photographie.

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