Introduction : La Maladie d’Alzheimer nous lance des défis…








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Alzheimer une maladie pour notre temps…

Carpe diem le 10/02/2010.

Michel Billé. Sociologue.
Permettez-moi d’abord de vous dire combien je suis heureux et honoré d’être invité ici à prendre la parole. Carpe diem, à travers l’action de Nicole, a désormais, vous le savez, une réputation internationale. En France un peu partout on parle de vous et de ce qui se passe ici, je suis donc très touché, très honoré, de votre invitation et je vous en remercie très sincèrement.
Introduction : La Maladie d’Alzheimer nous lance des défis…

Et si, au lieu de regarder la maladie d’Alzheimer comme une maladie qui concerne les autres, nous la regardions quelques instants au moins comme une maladie qui nous concerne, nous personnellement et ensemble, en société.

Elle nous concerne personnellement parce que nous connaissons tous des proches qui portent cette maladie et que nous-mêmes pourrions un jour être malades… Même jeunes, n’oublions pas que la maladie d’Alzheimer ne touche pas que les vieux…

Elle nous concerne collectivement parce que nous avons tous ensemble à penser et mettre en œuvre les réponses aux questions qu’elle nous pose. Nous sommes responsables ensemble, nous avons à « respondre » à en répondre…

C’est au fond le défi, les défis que nous lance la maladie d’Alzheimer. Ces défis en font une priorité tant ils sont d’envergure et tant ils sont multiples et envahissants. Je vous propose d’en regarder quelques uns qui font justement de cette maladie une maladie pour notre temps :


  1. D’abord un défi pour la recherche…

Il faut comprendre, il faut percer le mystère, il faut parvenir à diagnostiquer et il faut parvenir à traiter. Il y a urgence, on le sait, les chercheurs s’y emploient partout dans le monde, les enjeux commerciaux, financiers sont gigantesques mais ils ne sont rien à côté des enjeux humains, des enjeux de souffrance humaine. Aujourd’hui, dans le monde, des millions de personnes sont atteintes et nous sommes, pour l’instant, à peu de choses près impuissants.
N’étant pas scientifique moi-même c’est un aspect sur lequel je passe très vite mais il nous faut souligner combien cet aspect est important.
Les quelques médicaments dont on disposait et dont nous pensions qu’ils retarderaient l’évolution de la maladie (les anticholinestérasiques) sont désormais considérés comme à peu près inefficaces et il nous faut redéployer les recherches dans toutes les directions. A Paris, (le Professeur Baulieu) une équipe de l’INSERM vient de publier des travaux qui donnent de l’espoir à propos d’une protéine (la protéine FKBP52) sensée en réguler une autre (la protéine Tau) et cela permettrait, à terme, d’identifier des marqueurs de la maladie, de diagnostiquer plus vite, d’imaginer un traitement… En attendant les personnes malades souffrent et leur entourage est démuni.
Tout est problème : le diagnostic, le dépistage, le traitement, la nature de la maladie nous échappe encore. Quel défi incroyable ! Défi technique, défi financier, défi intellectuel, défi humain…


  1. Un défi pour la pensée…

Sur ce registre on peut agir, plus vite que sur le défi de la recherche et cela nous concerne tous. Agir c’est d’abord accepter de changer quelque chose dans nos têtes et pour cela changer notre manière de parler parce que les mots font notre pensée. Si nous savons faire cette évolution alors nous ferons changer les pratiques. Changer notre manière de parler, changer notre regard, changer notre manière de penser la maladie :
C’est d’abord un certain regard porté sur les personnes malades et sur la maladie. Non ils ne sont pas déments, ils sont malades. Nous devons chasser de notre vocabulaire ce terme horrible de démence qui sonne plus comme un verdict, une condamnation que comme un diagnostic… Est dément celui que son esprit a quitté… « De mens »… Tous ceux qui travaillent ou vivent avec des personnes malades d’Alzheimer savent au contraire à quel point ils ont une activité mentale intense et continue, même si cette activité nous parait, à nous inadaptée ou sans effet. Ils ne sont pas déments, ils sont malades. Ce sont des personnes malades, atteintes d’une maladie qui touche le cerveau et les fonctions cérébrales et non d’une maladie mentale. C’est très important il nous faut sortir de cette représentation de la maladie qui en fait une forme particulière de folie…

« Le nom d’Alzheimer résonne comme celui d’un savant fou et cruel. Le nom d’Alzheimer permet aux médecins de croire qu’ils savent ce qu’ils font même quand ils ne font rien1… »


  1. Le défi du sens…

Du coup il nous faut changer aussi le regard que nous portons sur les symptômes : ce n’est pas parce que nous n’en percevons pas le sens qu’ils n’ont pas de sens… C’est vrai en particulier des troubles de l’orientation dans le temps et dans l’espace, c’est vrai particulièrement des troubles de la mémoire et du langage. La personne malade me parle et je ne comprends pas de quoi elle me parle ni ce qu’elle me dit. Il y a de quoi se trouver perdu, pour elle et pour moi… Mais nous avons vite fait d’en conclure qu’elle a perdu la raison et que ce qu’elle dit n’a pas de sens. Là encore, condamnation, verdict… Or nous avons tous l’expérience de ces moments de lucidité fulgurante, de ces moments où, parce que nous avons regardé ces propos autrement, leur sens, un sens possible nous est apparu… Alors si nous admettons que notre comportement est langage, il nous faut entrer dans une démarche de recherche du sens et non dans une interprétation hâtive… Non quand ils s’en vont ils ne font pas des fugues, ils sortent… Non quand ils marchent sans pouvoir nous dire où ils vont-ils ne sont pas des « déments déambulants » ils marchent, c’est une de leurs dernières libertés. Il nous revient de les accompagner.

Non nous n’avons pas à les enfermer dans des « unités sécurisées »pour « déments perturbateurs ou déambulants »… même si nous sommes parfois bien perturbés nous-mêmes par leurs perturbations…


  1. Une philosophie de l’accompagnement…

Ce changement de regard s’accompagne d’un changement dans notre manière de parler, c’est à dire de penser l’action. Et cela constitue un véritable changement de paradigme… Il se peut qu’un jour, aux limites de ce qu’ils peuvent vivre chez eux et ce que peut vivre leur entourage, ils aient besoin d’être accueillis. Etre accueillis, oui, bien sûr mais placés, non ! Pas de placement, et cela est fondamental parce que nous ne prenons pas la personne malade en compte de la même manière dans un cas et dans l’autre et nous ne pensons pas la réponse de la même manière si c’est un lieu d’accueil ou un lieu de placement.
De la même manière la progression de la maladie peut conduire la personne malade et son entourage à demander du soutien alors que le malade vit encore chez lui, à son domicile et que peut-être il pourra y vivre jusqu’au bout de sa vie, à condition d’y être soutenu… Justement, soutenu et non maintenu… Vous avez à me soutenir dans l’effort que je fais pour me maintenir… Je me maintiens et vous me soutenez. N’inversons pas les rôles, vous me dépossèderiez de l’initiative sur ma vie…
Ce vocabulaire qui porte notre pensée est riche de pièges qui précisément nous empêchent de penser et nous placent dans la situation de répéter ce qui se fait, comme on le fait, j’allais dire aussi bêtement qu’on le fait parfois. Il en va ainsi du terme incroyable de prise en charge… Le message est clair, il va bien d’ailleurs avec le placement, le malade est une charge, un poids et vous prenez en charge cette charge, ce poids qui pèsent… Réduit à l’état d’objet placé et déplacé, le « malade » est pris en charge par les uns pour en décharger les autres et pèse lourdement sur le budget de la sécurité sociale… Le message est clair, il est désobligeant, détestable…
Non pas déments mais malades, non pas placés mais accueillis, non pas maintenus mais soutenus, non pas pris en charge mais accompagnés…
Accompagnés… Nous avons à penser l’action dans une philosophie de l’accompagnement. Cela détermine une certaine qualité de présence à l’autre. Accompagner c’est, étymologiquement, se joindre à quelqu’un. Le compagnon c’est celui qui partage le pain, le « copain »… Joli terme qui dit plusieurs choses :

  • Une certaine proximité, un certain partage… le pain ici a une valeur réelle et symbolique, partager le repas et partager ce que représente le repas, à savoir la nourriture qui fait vivre mais aussi la convivialité, la culture, la vie quotidienne, les joies et les peines, etc.

  • Un rythme : accompagner c’est marcher au même pas, ni trop vite ni trop lentement, ne pas presser, ne pas ralentir, cela demande de l’attention, de la disponibilité, une aptitude au soutien… L’exemple de l’accompagnement musical est très parlant…

  • Une certaine posture, physique et relationnelle qui détermine une certaine manière d’être… et ne dépossède jamais la personne accompagnée de sa faculté à décider de son orientation, de l’endroit où elle va, etc.

Sur cette base, une certaine conception de la vie quotidienne : Carpe diem : profite du jour présent, avec et malgré la maladie ! Il t’est donné, tu peux le vivre, l’investir… Je sais que je vais mourir, il n’y a pas d’urgence, mais je sais que je vais mourir dès lors je peux regarder le jour qui m’est donné à vivre comme ce temps qui me rapproche de ma mort et je risque d’en faire l’antichambre qui m’y précipite… La tentation du suicide peut être grande alors : mourir maintenant pour ne pas avoir à mourir plus tard, avec la volonté - illusoire sans doute - de maitriser… Ou au contraire je peux regarder ce jour comme ce temps qui me sépare encore de ma mort et que, par conséquent, je peux investir pleinement… Surtout si vous m’y invitez.

Pierre de RONSARD :

« Vivez, si m’en croyez n’attendez à demain :

« Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie » (Sonnet pour Hélène)
Cette philosophie de la vie quotidienne c’est, si je puis dire, « une philosophie du minuscule ». Toutes ces petites choses qui font le quotidien aux quelles on n’attache presque pas d’importance mais qui nous manquent tellement quand on les perd… Donner du sens au minuscule ou reconnaître qu’il en a. C’est la possibilité de choisir un vêtement, de manger ou de ne pas manger telle chose, de se laver avant ou après son café le matin, de sortir parce qu’il pleut et que c’est bon de rentre se sécher, de sortir parce qu’il fait froid et qu’un feu de cheminée donne du sens au reste de la journée, etc. Dans cette philosophie du minuscule, rien n’est insignifiant Un petit rien ce n’est pas grand chose mais trois fois rien c’est déjà quelque chose… (Raymond Devos)


  1. Une philosophie de la parole…

Cette démarche se double, j’allais dire évidemment, d’une présence par la parole, d’une présence qui parle. Les troubles de la parole dont souffre la personne malade l’empêchent, par moments ou de façon continue, de parler, de dire sa pensée ou son ressenti. Mais pour autant le pire serait de la priver de langage, de ne plus lui parler au motif qu’elle ne parle plus ou que l’on ne comprend plus ce qu’elle dit. C’est plus que jamais le moment de lui parler avec simplicité, tendresse, douceur… C’est ce langage là qui peut être entendu et non le harcèlement violent ou inquisiteur de celui qui ne supporte pas le symptôme et pense le faire disparaître en bousculant la personne… « Je te l’ai dit cinquante fois ! Tu me l’as déjà demandé ! Tu as encore oublié… Tu perds la tête… » Ou pire encore…


  1. Une philosophie de la relation…

Cette philosophie qui passe par le regard, par l’attention au minuscule, par la parole, c’est profondément une philosophie de la relation. Que l’on parle d’accompagnement ou de soin, c’est toujours au creux d’une relation que nous avons à penser nos pratiques. Le soin non pas comme un enchainement de protocoles aseptisés mais comme une relation qui soigne, à l’intérieur de laquelle des soins y compris corporels ou d’hygiène peuvent être pratiqués. Soigner encore, même quand on sait ne pas pouvoir guérir, soigner encore parce que soigner c’est reconnaître l’autre comme vivant, un vivant qui compte aux yeux des autres.
Philosophie de la relation, on pourrait dire philosophie du lien : Nous avons souvent le sentiment que les personnes malades d’Alzheimer vivent dans une sorte de bulle, de retrait du monde et de retrait de la relation. C’est vrai sans doute, et parfois de manière durable. Mais de même que leur silence ne saurait justifier le notre, leur retrait ne saurait justifier le nôtre. Il est difficile d’investir une relation quand on ne perçoit pas ou pas clairement le retour, la réciprocité et pourtant ce lien est indispensable puisqu’il relie la personne malade aux autres et au monde. C’est la relation qui nous fait homme, interdépendant des autres hommes. Nous avons à cultiver ce lien quel que soit le support par lequel il peut passer.
De ce point de vue on a évoqué l’importance du langage et des échanges verbaux, il faut parler avec les malades. Mais on devine l’importance de tous les autres modes de communication que sont le toucher, la musique, celle que l’on écoute ou celle que l’on joue, la peinture, la sculpture ou le modelage, les saveurs d’un plat bien préparé, que sais-je. Encore faut-il que tout cela ne se transforme pas en « atelier » ou en « activité thérapeutique ». Le lien passe à travers tout cela mais il est à tisser dans le déroulé quotidien de la vie… Et il aura des effets thérapeutiques, tant mieux mais le but premier c’est que tout cela participe à la vie quotidienne et à la joie de vivre, tout simplement.


  1. Une philosophie du soin…

La mode, une certaine mode en tout cas, nous conduit actuellement à considérer que le mot soin n’est plus capable de dire ce qu’il convient de faire auprès des malades. On va alors chercher les Anglos américains à la rescousse et l’on distingue le « care » et le « cure ». Le cure désigne alors les actes techniques et le care, tout ce qui enveloppe, tout ce qui contient pour faire du bien. La technique est volontiers référée aux hommes et le care est volontiers rapporté à la féminité ou à la fonction féminine. Soit, ce sont sans doute des approches respectables mais pour ma part j’aime bien laisser parler la langue française : soigner, prendre soin, avoir soin de, être soigneux, donner des soins, être aux petits soins, aux bons soins, etc. Je ne peux pas croire qu’un terme aussi riche ne puisse pas répondre à ce que nous avons à faire dans la situation des personnes malades d’Alzheimer. La relation de soin est une belle aventure, comme la relation d’accompagnement. Il faut que des orfèvres s’y aventurent, même s’ils ne savent pas très bien où ils s’embarquent.
La technicisation du soin et sa mise en protocole, en guide de bonnes pratiques référencées, fonctionne souvent comme une protection des soignants. On peut le comprendre, la maladie fait peur. Se protéger des malades peut alors sembler une solution… Illusoire solution ! Le soin c’est la rencontre d’un malade et d’un soignant, l’élaboration d’une relation, la confiance qui s’instaure, le geste technique qui soulage, parfois : « Tache difficile que de trouver le geste qui réconforte, tandis que le désespoir l’emporte ! Le sourire fragile, la parole indécise, le soutien arraché au prix de mille efforts paraissent vains, mais s’ils manquent, c’est que manque l’essentiel2. »


  1. Pas un établissement, une maison…

Un certain regard, une certaine manière de parler révélatrice d’une certaine manière de concevoir la personne et ce qu’elle vit, une philosophie de l’accompagnement, de la parole, du lien, du soin, voilà de quoi commencer à caractériser des réponses possibles aux difficultés rencontrées par les malades d’Alzheimer, et leurs proches. Pour entrer dans cette démarche il va nous falloir faire preuve d’imagination. D’abord soutenir les personnes malades et ceux qui les aident, là où ils sont c’est à dire chez eux. Pour certains ce sera peut-être toujours chez eux, d’ailleurs. D’autres auront besoin de prendre de la distance par rapport au domicile familial ou devront accepter que leurs proches aient besoin de cette distance… Dans tous les cas on comprend bien qu’il nous faut soutenir et inventer du domicile. Nous ne disposons sans doute pas aujourd’hui des réponses, je n’ose pas dire des « services » qui le permettront.

Il se peut qu’il faille, pour certaines personnes et à certaines périodes, proposer des alternatives au domicile. Pour autant on ne saurait répondre à cela par la création d’un établissement qui regrouperait pour les enfermer des dizaines de malheureux qui ne seraient reliés que par une maladie qui profondément les délie…

Pas un établissement donc, une maison, avec des appartements pour habiter, où les proches peuvent venir et repartir. Une maison pour vivre et pas seulement un « lieu d’hébergement » sécurisé pour attendre la mort.


  1. Le défi de la solidarité…

Ca coutera cher ? Peut-être, oui, bien sûr mais c’est normal que ça coûte de l’argent et que nous payons, nous concitoyens solidaires des malades. Etre solidaire c’est se reconnaître un lien et une dette… Il n’y a pas de raison que nous acceptions cette dette pour certains et pas pour d’autres. Les personnes malades d’Alzheimer n’ont pas plus choisi leur maladie que les cardiaques… ou les cancéreux ou que sais-je ? Nous leur devons solidairement des conditions de vies dignes, jusqu’au bout de leur vie, terme de leur existence dont nous n’avons pas à décider.

Quand je m’adresse à mes compatriotes, j’aime bien rappeler que la solidarité est une déclinaison de la Fraternité républicaine. Mais m’adressant à vous, je serais tenté de vous dire que ce beau « Je me souviens » que vous portez comme devise, ne peut évidemment oublier personne… On ne peut pas se souvenir de l’histoire qui nous a faits sans se souvenir de ceux qui ont fait l’histoire, tous ceux qui l’ont faite et particulièrement ceux que les projecteurs de la renommée éclairent peu à cause de la maladie ou du handicap… Parce qu’ils nous ont précédés nous leurs sommes redevables ! C’est une condition de la démocratie.

La solidarité est toujours constituée de deux composantes : un lien et une dette.

  • Un lien : se reconnaitre un lien, décider de se relier avec ceux avec qui, pour un peu, personne ne se relierait : les plus pauvres, les plus démunis, les plus handicapés, les plus malades, les plus étrangers… Un lien parce que l’autre est mon frère en humanité, une humanité et une dignité que je ne peux ni lui disputer ni lui mesurer…

  • Une dette : se reconnaitre une dette, à cause du lien, alors même que je n’ai pas conscience de l’avoir personnellement contractée, et accepter d’en répondre personnellement et ensemble.

Et, franchement, personne ne me fera croire qu’il n’y a pas d’argent…

  1. Un défi sociétal :

La maladie d’Alzheimer nous donne à comprendre quelque chose de notre propre fonctionnement

Nous vivons dans une société qui souffre de désorientation dans le temps : nous n’avons jamais vécu aussi longtemps, jamais eu autant de temps, jamais autant manqué de temps…

Nous vivons dans une société qui souffre de désorientation dans l’espace : les toboggans et giratoires de nos périphéries urbaines sont des espaces dans lesquels personne ne peut s’orienter sans un GPS qui nous dit d’aller devant pour aller derrière, de tourner à droite pour aller à gauche, etc.

Nous vivons dans une société amnésique, anosognosique même, et qui refuse de se soigner.

Nous vivons dans une société malade du lien, de la relation, qui confond la connexion et la relation, connexion toujours réversible, et qui délie le lien social partout où l’on devrait le renforcer…

Cette société a à entendre quelque chose de ce que lui disent silencieusement les personnes malades d’Alzheimer. Elles sont les symptômes vivants d’un mal dont nous souffrons ensemble… Nous révélant ce mal, si nous acceptons de le voir, elles nous rendent un service incomparable.
Alors ? A Trois Rivières, capitale de la poésie, vous savez mieux que tous qu’il arrive que les poètes disent mieux que nous l’essentiel de ce que nous avons à comprendre… Aragon, à propos de sa propre vieillesse et de la nôtre nous invite à retrouver ainsi une part de mystère et par conséquent de questions qui constituent la base de la démarche éthique :

« Rien n'est précaire comme vivre
« Rien comme être n'est passager
« C'est un peu fondre comme le givre
« Et pour le vent être léger
« J'arrive où je suis étranger »


Dans ce monde où je suis étranger j’ai besoin que bienveillamment tu m’accompagnes… Aragon adresse cette supplique à celle qu’il aime plus que tout :

« Donne-moi tes mains pour l’inquiétude

« Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé

« Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude,

« Donne moi tes mains, que je sois sauvé ! »

Louis Aragon.

1 Christian BOBIN : « La présence pure ». Ed. le temps qu’il fait. Cognac. 1999.

2 Alexandre JOLLIEN : « Le métier d’homme » Ed. Du Seuil. Oct. 2002. P. 47.


« Alzheimer : une maladie pour notre temps ». Michel Billé. Sociologue.

Trois Rivières le 10 février 2012.

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