Par delà les industries culturelles, l’émergence du capitalisme culturel








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Par delà les industries culturelles,

l’émergence du capitalisme culturel




Jacques Delcourt


Professeur émérite

Louvain-la-Neuve
PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE
Par le biais des mécènes, le développement économique a pu contribuer à la culture. Aujourd’hui, les révo­lu­tions technologiques favorisent la captation du culturel par l’économie. Les productions et les marchés de l’information, de la connaissance et du divertissement s’élargissent. Par delà les industries culturelles, art et culture sont incorporés dans une large gamme de produits. Dans le monde, une part importante de la culture se trouve soumise aux lois du marché, de la proprié­té, du profit et de l’accumulation capitaliste. Elle devient, par delà la science et la technique, une force productive, un instrument de production, un capital au service des entreprises et des États.
Deux thèses s’affrontent concernant les effets de ce capitalisme culturel.

Selon les uns, il opère une homogénéisation, une occidentalisation de la culture. Cet impérialisme culturel va engendrer des mouvements de résistances et de retraditionnalisation.

Selon d’autres, les économies nouvelles avec l’appui des industries culturelles monopolisent la créativité, jouent sur la qualité, la valeur symbolique et culturelle et donc sur la différenciation des produits et créent des bouquets de biens et services selon les préféren­ces des clients. Non seulement le capitalisme culturel différencie les produits, mais par la publicité et les médias, il manipule la subjectivité des person­nes, aiguise les désirs et transforme les styles de vie. Ces évolutions conduisent à l’extension des droits de propriété intellectuelle, d’auteur et des copyrights. Profitant d’abord aux entreprises et au capital, cette monopolisation de la création provoque, à son tour, problèmes et résistances.
Mais alors où fixer la limite du brevetable ? Quels droits culturels la société civile peut-elle défendre et promouvoir parallèlement aux droits de propriété intellectuelle ?

LA PRODUCTION MARCHANDE DE LA CULTURE


Longtemps la culture s’est développée de manière relativement autonome par rapport à l’économie. Le développe­ment culturel suivait celui de l’économie. Les surplus économiques accumulés étaient dé­versés dans la culture et le luxe par de riches mécènes. Aujourd’hui, tant dans les pays du Nord que du Sud, les révo­lu­tions technologiques et la globalisation favorisent la captation du culturel par l’écono­mie, son in­corporation dans une infinité d’objets biens et services, dans la stimu­la­tion des marchés, dans la transformation de la subjectivité et dans la persuasion des consommateurs.
Au cours des dernières décennies, une multiplicité de facteurs a provoqué une mutation fondamentale favorisant la production marchande de la culture notamment par les industries et les entreprises culturelles multinationales et mondiales dont la montée en puissance est remarquable. Parmi ces facteurs, il faut compter le développement de l’informatique et de la micro-électronique, les révolutions dans les communications interpersonnelles et collectives, la propagation rapide des moyens de réception et d’émission efficaces et tous azimuts, la miniaturisation des appareils permettant la diffusion de l’oral, du visuel ou de l’écrit, l’installation et l’intégration planétaires des réseaux de communication et de transport, comme encore le développement des connexions entre les appareils et entre les entreprises. Des niveaux accrus d’éducation et le développement des temps libres et des revenus expliquent également le formidable boom des entreprises et industries culturelles.
PREMIÈRE PARTIE

La thèse de la convergence et de l’uniformisation culturelles

LES DANGERS DE LA MARCHANDISATION DE LA CULTURE

La marchandisation de la culture favorise sa démocratisation, sa popularisation mais suscite aussi de nombreuses critiques parmi les artisans et les partisans de la haute culture. Cette révolution culturelle est mal appréciée  par les élitistes qui n’hésitent pas à critiquer l’involution de la haute culture et sa vulgarisation par la propagation à la masse et le divertissement : son objectif principal.

D’autres critiques voient dans l’industrialisation et la commercialisation de la culture, la source de l’impérialisme culturel des pays du Nord sur le reste du monde et dénoncent l’occidentalisation de la culture dans le monde et, par ailleurs, la folklorisation des cultures locales, régionales et locales.

D’autres encore dénoncent l’uniformisation et l’homogénéisation planétaires de la culture : celles-ci seraient les conséquences inéluctables du développement des industries et des secteurs culturels publics ou privés, ainsi que de la concentration économique et financière grandissante dans les secteurs de l’information, de la diffusion et de la communication de la culture.

Mais est-il sûr que l’évolution soit unidirectionnelle ? Le capitalisme culturel n’exercerait-il aucune force dans le sens de la diversité? Ne peut-on, au contraire, montrer comment les nouvelles économies provoquent une différenciation à l’infini des produits, biens et services, en jouant sur les désirs, le goût du luxe, en travaillant à la séduction, à la persuasion et à la distinction ?

L’UNIFORMISATION DE LA CULTURE EST-ELLE INÉLUCTABLE ?



Dans ce but, on examinera dans l’ordre : les arguments de ceux qui lisent l’évolution en terme de convergence, d’universalisation et d’uniformisation ; puis les thèses de ceux qui croient à l’émergence d’économies nouvelles, créatives et culturelles, et donc à la mise en place des composants indispensables au fonctionnement d’un capitalisme culturel global mu par la recherche de marchés pour de produits esthétisés ou à valeur culturelle ajoutée.
Notre conviction est que le capitalisme mondial est une force qui œuvre à la fois dans le sens de l’uniformisation et de la différenciation. Il joue à la fois sur la production de masse et de luxe, sur le prêt à porter et le sur mesure, sur une large diffusion mais aussi sur la séduction et la distinction. On ne peut sous-estimer la capacité du système à travailler la subjectivité des consommateurs, à aiguiser leurs désirs et à les séduire. Dans l’analyse de la réalité, on ne peut occulter les forces jouant dans le sens de la diversité culturelle.
LES PROCESSUS A LA BASE DE L’HOMOGÉNÉISATION CULTURELLE
Dès avant la guerre de 1940-45, Theodor Adorno et Max Horkheimer n’ont pas hésité à critiquer la massification culturelle provoquée par les industries culturelles fonctionnant dans le cadre des Etats-nations (Adorno/Horkheimer, 1973).

De nos jours, un ensemble de facteurs contribue à l’imposition d’une culture consumériste à travers le monde et conduit à une standardisation et à une uniformisation culturelles, y compris des lieux de consommation, de détente et de loisir. Telle est la thèse généralement défendue par ceux étudient la multiplication des moyens de communication interperson­nelle et collective, la diversité des techniques de transmission transnationale, les méthodes de promotion des produits (biens ou services), les possibilités d’observation, d’enregistrement, de surveillance et de contrôle des consommateurs, ainsi que des techniques de persua­sion clandestine et de conquête des esprits. Des instruments performants sont mis en œuvre en vue d’assurer la propagation mondiale de produits, biens ou services ; en vue de globaliser certains styles de vie, de diffuser une culture de marché et de la consommation. Telles sont les formes nouvelles de conformation sociale et de contrôle social.

Aujourd’hui, un tabassage médiatique global est possible.
Même les formes d’organisation du travail, de production et des entreprises sont infléchies en vue de correspondre aux impératifs de développement et de fonctionnement des industries culturelles de masse et du capitalisme culturel. De nouvelles cultures de la production et de nouvelles cultures d’entreprise sont introduites.

C’est ce que montrent George Rit­zer dans « The McDonaldization of Society » (1998) et Alan Bryman dans « The Disneyization of Society » (2004).

Ritzer considère le secteur de la restauration rapide comme l’irruption d’un nouveau mo­dèle de consommation et, en même temps, d’un modèle protoypique d’organisation de la production basé sur l’efficience, la calculabilité, la prévisibilité et le contrôle de la production avec comme objectif une organisation déqualifiante du travail : chaque travailleur a sa tâche et sait ce que l’autre doit faire.

Quant à Bryman, il étudie les parcs d’attraction de Disneyworld. Ses recherches ne s’intéressent pas aux thèmes et aux contenus culturels qui y sont véhiculés car ils sont déjà analysés en profondeur par le courant de la “dysneyfica­tion”. Bryman choisit donc de s’intéresser aux conceptions à la base de l’aménagement, de la gestion, de la surveillance de la propreté et de la sécurité dans ces parcs. Il décortique ce qu’il croit être le modèle prototypique à la base de la concep­tion et l’organisation des parcs mais aussi de leur architecture. Dans son étude, il n’examine pas seulement les principes qui président à la décoration, l’entretien, la propreté et la sécurité, il étudie, en outre, l’éventail des biens et services offerts, comme encore les règles architecturales et les modes d’implantation et d’aménagement de ces parcs. Selon lui, l’intérêt de ces formes archi­tec­turales et organisatrices nouvelles découle du mo­dèle d’aménagement proposé au monde et que l’on retrouve, au­jourd’hui, à la base des modèles de rénovation des centres-villes, des quartiers commer­ciaux ; à la base de la création des centres de loisir et des villages de vacances. Ainsi, selon Bryman, le capitalisme libéral et global fournit, par delà le modèle d’économie de marché, des modèles de consommation, de loisirs et de vacances, des styles de vie, et dans cette ligne, de nouveaux modes d’organisation, de travail, de production, de commercialisation et d’aménagement des collectivités.
Au total, les processus de globalisation culturelle opèrent à la manière d’un bulldozer ravageant tout sur leur passage. De fait, dans un monde où les marchandises, notamment culturelles, circulent librement et sont susceptibles d'une diffusion rapide, les chances de se protéger des importations et des impositions culturelles sont faibles, particulièrement des ondes émises par toutes les radios et télévisions du monde. On ne voit d'ailleurs pas par quels tarifs, parapluies, écrans ou boucliers, on pourrait se mettre à l’abri. Même les Républiques soviétiques avec leur rideau de fer furent dans l'impossibilité de se préserver.

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