Nom : _________________________
L’âge de toutes les révolutions
Se vit diffé-remment
signal chimique Adolescence 1er change-ments On se réveille un matin et on tombe sur son premier poil pubien. Puis, bang : sans avoir appuyé sur le moindre bouton, on se trouve happé par un tourbillon de changements. Le corps s’étire et se transforme; la façon de voir le monde, ses proches, soi-même, bascule. Jamais, dans la vie, nous ne connaitrons autant de bouleversements aussi rapidement. À 16 ans, au volant d’une voiture, le monde de l’enfance semble déjà loin dans le rétroviseur. L’adolescence est une période où tout bouillonne. Une révolution à la fois biologique, sociale et psychologique à laquelle nul n’échappe.![c:\users\coolg\appdata\local\microsoft\windows\temporary internet files\content.ie5\56l4ne6y\clipart-illustration-orange-man-holding-question-mark[1].jpg](2806_html_m3df338d6.jpg)
Explication physiologi-que Pour certains, les remous de l’adolescence sont tellement grisants qu’ils ne veulent plus en sortir. D’autres s’en souviendront comme d’une période tumultueuse. Mais peu importe comme elle se vit, cette tranche de vie commence invariablement de la même façon. Par un signal chimique qui vient dire : prêt, pas prêt, l’enfance est terminée.
L’étincelle se produit au cœur du cerveau, dans une région appelée l’hypothalamus. En libérant une hormone appelée la gonadolibérine, l’hypothalamus enclenche une cascade d’évènements qui feront triper les ados, déraper certains parents et vendre beaucoup de livres de psychologie.
Cause= hypothalamus + conséquences Les signaux de l’hypothalamus réveillent l’hypophyse, le chef d’orchestre de la révolution biologique. Cette glande libère à son tour un flot d’hormones qui viennent stimuler les ovaires des filles et les testicules des garçons. Les glandes surrénales se joignent aussi au concert. Résultat : un joyeux cocktail chimique, différent pour les filles et les garçons, se déverse dans le système de nos ados. Sa mission : étirer et remodeler leurs corps d’enfants jusqu’à ce qu’ils deviennent des corps d’adultes.![c:\users\coolg\appdata\local\microsoft\windows\temporary internet files\content.ie5\c4ap9390\cerveau28[1].gif](2806_html_43bc661f.gif)
Concrète-ment fille/gars Les filles voient leur poitrine se développer. Les gars, qui suivent ces progrès de près, recommencent à mouiller leur pyjama la nuit. La révolution biologique est en marche. Elle n’a qu’un but en tête : assurer la survie de l’espèce Homo sapiens en poussant nos ados à se reproduire.
puberté […] Une étude menée aux États-Unis montre qu’entre 1850 et 1950 l’âge moyen de la puberté – la transformation physique du corps – est passé de 17 ans à 13 ans. Des changements qu’on explique par la meilleure alimentation et l’amélioration de l’hygiène.
La révolution psychologique Après maturité sociale L’expression no man’s land est une expression anglaise qu’on a gardée telle quelle, en français, durant la Première Guerre mondiale. Elle désignait l’espace qui était située entre les deux lignes ennemies et qui n’était contrôlé par personne. Aujourd’hui, l’expression renvoie à une zone abandonnée ou à une zone tampon. « La maturité physique est devancée. Mais la maturité sociale, elle, arrive beaucoup plus tard. Avec les études qui se prolongent, les adolescents restent dépendants de leurs parents beaucoup plus longtemps », souligne Ellen Moss, professeur de psychologie à l’Université du Québec à Montréal. Voilà, selon la chercheuse, pourquoi on entend tellement parler de nos ados aujourd’hui. « Avant, l’adolescence, ça n’existait pas. À 15 ou 16 ans, on était un adulte », dit-elle.
Plus enfant, pas adulte L’ado se retrouve ainsi plongé dans un no man’s land prolongé entre l’enfance et l’âge adulte, au sein duquel il devra construire son identité psychologique. Là encore, c’est la révolution.
Recherche identitaire L’ado doit d’abord redéfinir qui il est. « Il va expérimenter des choses, se tester lui-même. C’est extrêmement important pour le développement », explique Mme Moss. Ceux qui se fixent trop tôt risquent de passer à côté de leur adolescence… et le regretter. « Les expériences vont se faire à 50 ans. Et là, les conséquences sont plus graves, car on a des responsabilités », dit Mme Moss. À l’opposé, soit parce qu’ils sont perdus dans les remous du changement, soit parce qu’ils y prennent gout, certains ados repoussent les engagements de la vie adulte de plus en plus tard.
Inversion des perceptions Les parents, ces héros de l’enfance, en prennent aussi pour leur rhume. « L’ado va déconstruire l’image idéalisée qu’il avait de ses parents. Il y a un renversement. Alors qu’avant, il ne voyait que du positif, il se met à ne voir que le négatif », explique Mme Moss. Une étape nécessaire, selon la psychologue, et qui aboutira éventuellement à une image équilibrée. Pendant ce temps, l’ado délaisse papa et maman pour se retrouver entre amis. « Ça fait partie de la transition vers l’indépendance », dit Mme Moss.![c:\users\coolg\appdata\local\microsoft\windows\temporary internet files\content.ie5\rp519ewl\parents-child[1].jpg](2806_html_m3dc5e900.jpg)
Générale-ment ok L’ado devra aussi apprendre à gérer sa sexualité, accepter qui il est, songer à un choix de carrière réaliste. « Il y a beaucoup de mythes à propos de l’adolescence. Mais pour la plupart des adolescents, c’est une période qui se déroule bien », dit Mme Moss. Une révolution… tranquille.
Philippe MERCURE, « L’âge de toutes les révolutions », La Presse, cahier « Actuel », 11 mars 2006, p.2. |