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SEQUENCE 2 : L’Etranger d’Albert Camus, ou comment l’homme se heurte au monde OE : Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde Perspectives d’étude : - étude des genres et des registres -notions d’histoire littéraire et culturelle -réflexion sur l’intertextualité et la singularité des textes littéraires Problématique : Dans quelle mesure le personnage de Meursault incarne-t-il la vision du monde absurde de Camus ? Séance 1 : Présentation de l’auteur et de l’œuvre ; notion d’absurde Séance 2 : LA n°1 : l’incipit, de « Aujourd’hui… » à « deux heures de route ». Prolongement : comparaison avec un/deux autres incipit Séance 3 : LA n°2 : la scène du meurtre de l’Arabe, de « J’ai pensé que je n’avais qu’un demi-tour à faire… » à « la porte du malheur ». Séance 4 : L’évolution du « héros » de roman, à partir de la comparaison entre la scène de crime dans L’Etranger et celle de Claude Gueux Séance 5 : LA n°3 : le procès de Meursault Séance 6 : LA n°4 : l’excipit qui marque l’évolution de Meursault Séance 7 : bilan de la séquence sur le personnage de Meursault et son parcours ; lecture de l’interview de Camus donnée en janvier 1955 // de Meursault avec Sisyphe et le Christ (homme qui meurt pour la vérité). Corpus bac : sur l’incipit / sur le héros / sur le anti-héros / sur la vision de la société Séquence 2 – Séance 1 : Présentation de Camus et de son roman L’Etranger
L'artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher. […] Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. […] le silence d'un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l'autre bout du monde, suffit à retirer l'écrivain de l'exil chaque fois, du moins, qu'il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence, et à le relayer pour le faire retentir par les moyens de l'art. […] Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l'on sait et la résistance à l'oppression. Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d'écrire, j'aurais remis l'écrivain à sa vraie place, n'ayant d'autres titres que ceux qu'il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, sans cesse partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu'il essaie obstinément d'édifier dans le mouvement destructeur de l'histoire. Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales ? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d'avance de nos défaillances sur un si long chemin.
Ses œuvres les plus connues : ROMANS PIECES DE THEATRE ESSAIS L’Etranger (______) ____________ (1938) Noces (1939) La Peste (1947) Les Justes (1949) Le Mythe de Sisyphe (_____) La Chute (1956)
Dans les années 1930, le climat est difficile du fait de la crise économique, de tensions sociales et politiques liées à la montée des fascismes. Ce climat a des conséquences sur le genre du roman : le genre romanesque subit de profondes mutations. Les romanciers cherchent à explorer la psychologie humaine, le moi, dans leurs romans, et s’interrogent sur le monde ; ils réfléchissent à la condition humaine, en essayant de répondre notamment aux questions : « pourquoi vit-on ? comment doit-on vivre ? quel sens donner à la vie humaine ? » Camus lui-même choisit le genre du roman et le personnage de Meursault pour mener des réflexions philosophiques et pour porter un regard critique sur la société contemporaine : « Si tu veux être philosophe, écris des romans ».
Le Mythe de Sisyphe : l’absurde naît de « cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ». Selon Camus, l’existence est absurde, c’est-à-dire qu’elle est privée de sens, car les événements ne sont pas dus à Dieu (qui n’existe pas) mais au hasard. Or, le monde inspire à l’homme une volonté de le comprendre, une soif d’absolu, qu’il ne peut pas combler, étant donné que rien ne permet de comprendre l’univers, et que l’homme est voué inévitablement à la mort.> Cf ses Carnets (1937) : « Le type qui donnait toutes les promesses et qui travaille maintenant dans un bureau. Il ne fait rien d’autre part, rentrant chez lui, se couchant et attendant l’heure du dîner en fumant, se couchant à nouveau et dormant jusqu’au lendemain. Le dimanche, il se lève très tard et se met à sa fenêtre, regardant la pluie ou le soleil, les passants ou le silence. Ainsi toute l’année. Il attend. Il attend de mourir. A quoi bon les promesses, puisque de toute façon… » L’homme doit-il donc s’abandonner au désespoir ? Selon Camus, non, et c’est ce qui constitue la « leçon » de L’Etranger : à l’image du héros Meursault, l’homme, une fois qu’il a pris conscience que le monde est absurde, ne doit pas se résigner, mais au contraire se révolter : il doit crier son amour pour la vie et affronter courageusement l’épreuve de la mort.
Il a été très critiqué par le gouvernement de Vichy. Cependant, Jean-Paul Sartre, un célèbre philosophe, a reconnu en Camus un grand écrivain. L’œuvre a ensuite connu un grand succès international. Malgré la volonté de Camus de ne pas voir son roman adapté au cinéma, Luchino Visconti a donné naissance au film éponyme en 1967, avec Mastroianni dans le rôle de Meursault ; l’œuvre a aussi inspiré The Barber des frères Coen. Séquence 2 – Séance 2 : LA n°1 : L’incipit
Séquence 2 – Séance 2 : LA n°1 : L’incipit Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier. L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit : « Ce n'est pas de ma faute. » Il n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. J'ai pris l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit : « On n'a qu'une mère. » Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte. J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois. J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a demandé si je venais de loin. J'ai dit « oui » pour n'avoir plus à parler. L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied. J'ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. Comme il était occupé, j'ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite, j'ai vu le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec la Légion d'honneur. Il m'a regardé de ses yeux clairs. Puis il m'a serré la main qu'il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer. Il a consulté un dossier et m'a dit : « Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J'ai cru qu'il me reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a interrompu : « Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J'ai lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici. » J'ai dit : « Oui, monsieur le Directeur. » Il a ajouté : « Vous savez, elle avait des amis, des gens de son âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps. Vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. » C'était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps à me suivre des yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à l'asile, elle pleurait souvent. Mais c'était à cause de l'habitude. Au bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on l'avait retirée de l'asile. Toujours à cause de l'habitude. C'est un peu pour cela que dans la dernière année je n'y suis presque plus allé. Et aussi parce que cela me prenait mon dimanche - sans compter l'effort pour aller à l'autobus, prendre des tickets et faire deux heures de route. Albert CAMUS, L’Etranger, I, 1, 1942 Séquence 2 – Séance 2 : LA n°1 : L’incipit Problématique : dans quelle mesure a-t-on affaire à un incipit original ?
Rappel de la fct de l’incipit : présenter les lieux, l’époque, les personnages, l’action et le mode de narration.
Aucune description physique et morale des personnages, juste des prénoms (Emmanuel, Céleste), des fct (maman, le directeur de l’asile, le patron). On connaît juste le nom du personnage principal, par déduction (« Mme Meursault »), de même que l’on déduit le métier de Céleste (restaurateur) et la fct d’Emmanuel (ami de Meursault).
Le roman débute après un événement important : la mort de la mère du PP. Le lecteur assiste alors aux démarches de Meursault en vue de l’enterrement : les démarches professionnelles et vestimentaires, le repas à Alger, le trajet en bus, l’arrivée à l’asile et la conversation avec le directeur. Mais le récit de ces démarches n’est pas vraiment chronologique, l’ordre des événements est bouleversé : télégramme, projet de trajet, annonce au patron, départ en autobus, repas, trajet en bus et arrivée.
Récit laisse apparaître des indices le concernant :
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