Gargantua, œuvre publiée en 1535 publié sous un pseudonyme « Alcofribas abstracteur de Quintessence » porte le titre de « la vie très horrifique de Gargantua père de Pantagruel ». Ecrit par Rabelais, ce roman raconte la vie du géant Gargantua, fils de Grandgousier et de Gargamelle, et père de Pantagruel, géant auquel Rabelais a déjà consacré un roman auparavant. Le personnage de Gargantua, est un héros inspiré à la fois des romans de chevalerie, des récits hagiographique et de la littérature populaire contenant des aspects triviaux et scatologiques.
La question qui se pose est : quelle est la portée du personnage ? Prend-il place comme héros romanesque, matrice en quelque sorte des fictions qui suivront dans la littérature française. ? En quoi Rabelais crée-t-il un personnage original ?
La démesure du personnage
Son corps
Gargantua est issu de l’union de deux géants Gargamelle et Grandgousier et il va de soi que son corps soit, par rapport au corps humain gigantesque. Il se retrouve donc avec des mensurations vertigineuses car ses habits fabriqués sont immenses « Pour sa chemise, on leva neuf cent aunes de toile de Châtellerault […] pour sa braguette on leva seize aunes et un quart de ce même tissu […] Pour ses souliers, on leva quatre cent six aunes de velours bleu vif » (p 99-101)une aune mesure 6322 point-du-roi qui est égal à 9000/27706 mètres)
Avec un corps grand comme le sien il se retrouve face à des monuments humains qui lui paraissent dérisoire comme La Cathédrale notre Dame sur laquelle il s’assoit puis vole les cloches pour en faire des clochettes à sa jument « Ils furent si fâcheux en le harcelant qu’il fut contraint de se réfugier sur les tours de Notre-Dame […] Cela fait, Gargantua considéra les grosses cloches qui se trouvaient dans la cours en question […] il lui vint à l’idée qu’elle serviraient bien de clochette au cou de sa jument […] De ce fait, il les emporta. » p 155-157.
Ensuite, profitant de ce gigantisme il est tel un être invincible à la guerre car les munitions de fauconneau (sorte de canon) et d’arquebuse (fusil) sont pour lui tel des mouches « Mais un ribaud de canonnier qui était au mâchicoulis lui tira un coup de canon qui l’atteignit à la tempe droite furieusement. Toutefois, il ne lui fit pas plus mal en cela que s’il lui avait jeté un prune. » p271 et les châteaux minuscules à tel point qu’il détruit le château de gué de Vède à coup de bourdon « cogna contre le château, abattit à grand coup les tours et les fortifications et fit tout s’effondrer en ruine » p 271 mais pour avoir un corps et une force aussi énorme il faut recevoir l’alimentation en proportion.
Son alimentation
Gargantua, déjà tout jeune, après être né lors d’une grande beuverie, réclame un régime alimentaire des plus gigantesques avec le lait de dix-sept mille neuf cent treize vaches puis quand il atteint l’âge de mâcher il devient un amateur de viande et de vin « il déjeunait de belles tripes frites, de belles grillades, de beaux jambons, de belles pièce de chevreau et de force tartines matutinales » p 175.
Son nouveau précepteur, soucieux de son alimentation trop grasse, lui fit restreindre son alimentation « […]de l’efficacité et de la nature de tout ce qui leur était servi à table : du pain, du vin, de l’eau, du sel, des viandes, des poissons, des fruits, des herbes, des racines » p 197 mais lors du banquet après la bataille pour mettre fin à la guerre, Gargantua et les autres convives font bonne chère « On prépara pour le souper et en supplément on fit rôtir quinze bœufs, trois génisses, trente-deux veaux, soixante-trois chevreaux de l’été, quatre-vingt-quinze moutons, trois cents cochons de lait au beau jus de raisin, deux cents vingt perdrix, sept-cents bécasses, quatre-cents chapons du Loudunois et de la Cornouaille, six milles poulets et autant de pigeons, six cents gelinottes, quatorze cents chaponneaux. » p 277.
Ses activités
Bien que manger soit une des occupations importantes, Gargantua ne badine pas avec le nombre d’activités qu’il pratique, au tout début assez primaires boire, manger, dormir et se comporter comme un animal « Toujours, il se vautrait dans la fange, se mâchurait le nez, se barbouillait la figure, éculait ses souliers, bayait souvent aux mouches, aimait à courir après les papillons sur lesquels régnait son père »p 121, puis avec sa toute première expérimentation dans la recherche du parfait torche cul avec l’essayage de nombreux objets qui s’élèvent à plus de 60 p ou bien dans ses jeux de cartes qu’il énumère à son précepteur à Paris qui s’élèvent à plus de 200.
Lors de ses études il eut un rythme d’étude extrêmement long pour apprendre par cœur des ouvrages « Puis il lui lut la Grammaire de Donat, le Facet, le Théodolet et Alain dans ses Paraboles » p 143 avec son premier précepteur Thunal Holoferne ainsi que des journées qui ne semblaient centrées que sur le sommeil, la nourriture, le vin et l’amusement « Il se levait d’ordinaire entre huit et neuf heures, qu’il fasse jour ou non. […] Puis il buvait un horrifique trait de vin blanc pour se soulager les rognons. Après, il mangeait selon la saison des plats à la mesure de son appétit et cessait de manger quand le ventre lui tirait. »p 173-175.Arrivé à paris ses journée, sous l’ordre de son précepteur furent basées sur l’exercice physique et l’étude, enchainant à la suite multitude d’activités « Ensuite, il se soumit à un rythme de travail tel qu’il ne perdait pas une heure de la journée, mais se consacrait au contraire tout son temps aux lettres et aux études libérales »p 195 laissant penser qu’il ne s’arrête jamais et que ses journées durent plus de 24h
Après le portrait physique du personnage vient la présentation de son comportement.
La personnalité
Son intelligence
La caractéristique principale du caractère du géant Gargantua est sa grande intelligence. Dès son enfance, il manifeste une précocité rare, ne serait ce que par le fait qu’il sait parler dès sa naissance : « A boire ! A boire ! » S’écrie t’il une fois sortie de l’oreille de sa mère (p. 93). Il manifeste par la suite une conduite autoritaire et docte : Il effectue des recherches plus qu’approfondies sur la meilleur manière de se torcher le cul « Une fois, je me suis torché le cul avec le cache nez en velours d’une demoiselle, ce que je trouvais bon, vu que sa douceur me procura une grande volupté au fondement. Une autre fois avec un chaperon et le résultat fut identique […] Puis je fientais derrière un buisson, je trouvai un chat de nars et m’en torchai, mais ses griffes m’ulcérèrent tout le périnée. »(p. 133) : il teste tout ce qui lui tombe sous la main et apporte sur chaque objet testé une appréciation plus ou moins mélioratives avant de conclure sur la présentation du meilleur torche cul trouvé : un jeune oison. Cette démarche est tout à fait conforme à ce que recommande certains savants, preuve que le jeune géant est quelqu’un de sensé.
Lors de cette conversation avec son père Grandgousier, Gargantua ne manifeste pas seulement sa science par la pertinence de son analyse mais il montre également la qualité de son expression : Il parle à son père avec des expressions recherchées, multipliant les métaphores, « c’est l’écarlate au cul/ tout cela me procura plus de plaisir que n’en ont les galeux quand on les étrille » (p135), allant jusqu’à déclamer des poèmes portant sur le sujet de la conversation. Il n’hésite d’ailleurs pas à interrompre son père et à lui prouver qu’il se trompe, lorsque son père prétend que la conversation ne porte pas sur le fait de chier mais sur celui de se torcher. Ce à quoi Gargantua réplique qu’il faut nécessairement chier avant de se torcher car sinon, cela ne sert à rien . On ne peut qu’admirer la logique de l’enfant.
D’autres seigneurs, amis de Grandgousier pourront constater son talent d’orateur et la finesse de sa répartie. « Au moment, dit Gargantua, où l’on a fait à votre nez une canule pour tirer un muid de merde et de votre gosier un entonnoir pour la transvaser car le fond était éventé. »(p 129). Gargantua se moque d’eux, usant de phrases à caractère scatologique et insultant, mais de telle manière qu’ils ne se mettent même pas en colère, tant ils sont impressionnés.
Plus tard, l’intelligence de Gargantua est mise à mal par des précepteurs incompétents, avant de pouvoir pleinement se développer sous l’influence de Ponocrates. Elle lui permet d’étudier plus de sujets savants qu’on ne croirait possible, parmi lesquels les sciences naturelles, la musique et les mathématiques, sans oublier la théologie. Gargantua est docile à tous les ordres que lui donne son précepteur.
Lors de la guerre contre Picrochole, Gargantua fait preuve d’un grand sens militaire, allant jusqu’à laisser à ses ennemis une échappatoire afin que ceux-ci s’enfuient « en bonne règle militaire, il ne faut jamais acculer son ennemi défaillant ; il n’y a pas de meilleure chance de salut pour des gens ébranlés et à bout de fatigue que de n’espérer aucun salut » (p 309). Il est à noter que cette méthode sera utilisée par Napoléon, notamment lors de la bataille d’Austerlitz où il laissa les Russes s’enfuir pour mieux pouvoir les canonner. Nous remarquons ainsi, que notre géant fait preuve d’un véritable sens tactique.
Enfin, Gargantua laisse éclater tout son humanisme à la fin du roman lorsqu’il se fait mécène en faisant construire l’abbaye de Thélème, lieu de religion, libéré de tous complexes et fausses dévotions « Ci n’entrez pas, hypocrites, bigots, vieux matagots, souffreteux bien enflés, Torcols, idiots plus que n’étaient les Goths ou les ostrogoths, précurseurs des magots. »(p 359). Cette abbaye est le symbole d’une religion nouvelle, basé sur la vraie foi et la vraie connaissance, ayant rejeté les erreurs obscurantistes du moyen-âge que Rabelais méprise tant ‘comme l’indique la comparaison avec les goths). Rabelais règle là ses comptes avec tous les savants de la Sorbonne qui condamnèrent ses livres au nom de la religion chrétienne.
Gargantua est donc un personnage intelligent qui a reçu une éducation savante, faisant de lieu une véritable personnification de l’humanisme.
Un personnage bon vivant.
L’image que retienne malgré tout, la plupart des gens, de Gargantua, ce n’est pas celle d’un humaniste pétri de science. C’est celle d’un bon géant amateur de bonne chère et de bon vin, s’adonnant sans cesse à de mémorables agapes.
En un sens, ils n’ont pas tord : Gargantua est effectivement un bon vivant, goinfre, rigolard, aimant s’amuser avec ses amis. D’ailleurs, les images qui le représentent ne sont généralement pas celle de quelqu’un de studieux et austère.
Il ne pouvait pas en être autrement pour quelqu’un qui est née un soir où ses parents se livraient à des libations impressionnantes et mangeaient des tripes. C’est dans cette atmosphère joyeuse que Gargantua arrive en s’écriant « à boire ! À boire ! ». C’est d’ailleurs ces cris de poivrots qui lui donneront son patronyme : Gargantua étant une déformation de « quelle grand tu as » (sous entendu : quelle grand gosier tu as).
Par la suite, il continuera toute sa vie d’apprécier la nourriture, apparemment plus pour la quantité que pour la qualité.
Non content d’aimer les plaisirs de la chair, il s’initie très tôt aux plaisirs intimes. Alcofribas / Rabelais indique qu’il commença très jeune à lutiner avec les servantes. « Ce petit paillard pelotait toujours ses gouvernantes, sens dessus dessous, sens devant derrière, hardi bourricot ! »(p 125).
Curieusement, ce n’est pas ce trait de caractère qu’Alcofribas / Rabelais développera le plus par la suite, préférant de loin parler des excès de gourmandise et de paresse de son personnage que de ceux de luxure.
En effet, la paresse et la gourmandise du bon géant atteignent leur paroxysme lors de ses études à Paris où, avant d’être confié aux bons soins de Ponocrate, il se laisse totalement aller à ses instants oisifs. L’auteur indique qu’il se levait chaque jours entre huit et neuf heures, qu’il fasse jours ou non (sauf cas d’éclipse majeure, il fait toujours jour entre huit et neuf heures, quelque soit la saison. Apprécions au passage le grand sens de l’humour de l’auteur).
Pour ce qui est de ses manières de vivre, il est tout simplement l’image du laisser aller « Puis il fientait, pissait, se raclait la gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait ; se mouchait en archidiacre. » (p 175) Gargantua se régale à chaque petit déjeuner de charcuteries bien grasses, ne tient compte d’aucunes règles d’hygiène, se lavant les dents à coup de vin blanc et de pied de porc, ni même les plus élémentaires règles de politesse, ce qui le pousse à péter et à roter, bien plus souvent que nécessaire. A se laisser aller de la sorte, il finit par dégoutter le lecteur. Il reste cependant un excellent compagnon et passe son temps à s’amuser avec ses camarades débauchés à de 217 jeux différents, ce qui le rend tout de même sympathique.
Si son sage précepteur réussi, à force de remèdes pour le corps et l’esprit, à faire faire des études studieuses à Gargantua, le transformant en un être doux, pieux et travailleur, il ne parviendra cependant pas à le transformer totalement. L’aspect bon vivant de Gargantua réapparaîtra lors du banquet avant la bataille contre Picrochole où il donnera de nouveau de lui une image de goinfre et d’amateur d’alcool (p 277, déjà cité précédemment). Il sera aider en cela par un nouveau compagnon de boisson : frère Jean, le moine pieux et jovial, du moment qu’on ne touche pas à son vin, l’alter ego parfait de Gargantua.
Gargantua est donc avant tout un sympathique ripailleur.
Un personnage noble et sympathique
Par sa naissance, Gargantua est un grand seigneur. Il est le fils de Grandgousier roi dans la région de Chinon et de Gargamelle, fille du roi des Parpaillons. Ses parents sont donc deux êtres de sang royaux, ce qui rejaillit fatalement sur le géant.
Ainsi, lors de son enfance, Gargantua fait grand cas de ses « chevaux de batailles » en bois (p 129) qu’il considère comme véritables et importants « Voici les écuries que vous cherchez : voilà mon genet, mon guilledin, mon gascon, mon hongre. ». Déjà, il manifeste un comportement fier et impétueux passant par sa grande connaissance des arts équestres et par son grand respect pour « la plus belle conquête de l’homme ».
Lorsqu’il grandira, Gargantua acquerra, en plus de sa noblesse de sang, une grande noblesse d’âme. Fièrement monté sur sa jument, véritable monture de légende qui parvient à faire d’une région fortement boisée, la Beauce, une région de plaines rases, dans son bel habit blanc et bleu, il faut bien avouer qu’il a tout du preux chevalier.
Lors de son séjour à Paris, il illustrera sa noblesse et sa bonté d’âme, non seulement en acceptant de rendre les cloches de Notre Dame, avant même la grotesque harangue que lui tient Maître Janotus Bragmardo, mais également en récompensant ce dernier en lui offrant des saucisses, des nouvelles chaussures et un nouveau lit « […] Gargantua doutant que l’on pût trouver sur l’heure des chausses seyant à sa jambe, s’interrogeant aussi sur le modèle qui conviendrait le mieux à l’orateur en question : avec une martingale (c’est un pont-levis au cul pour fienter plus à l’aise), à la marinière pour mieux soulager les reins, à la suisse pour tenir la bedonnière au chaud ou à la queue de morue pour ne pas échauffer les reins […] »(p169). Il est vrai que Gargantua a été extrêmement diverti par le coté absurde et pompeux de cette harangue, mais le fait qu’il accepte de se rendre aux arguments de ce discours et qu’il en récompense en plus l’auteur, dénote néanmoins un grand sens du tact.
Il convient d’ailleurs de noter que Gargantua ne récompense pas Janotus comme un seigneur récompense son bouffon en lui jetant sa récompense avec mépris : au contraire, il s’interroge sur la qualité des cadeaux qu’il va offrir, montrant par la un coté attentionné et aimable. On retrouve ici, non plus l’aspect chevaleresque du personnage mais une forme d’idéalisation qui ressortit celui à l’hagiographie.
L’aspect chevaleresque de notre géant rejaillit lors de la guerre contre Pichrocole, Gargantua accourt au secours de sa patrie dès que son père lui demande, abandonnant sans hésiter ses études auxquelles il prend tant de plaisir. Il se bat vaillamment : les tirs d’artillerie ne lui font absolument pas peur, il ne s’en rend en fait même pas compte, il se bat. Rabelais qui, déjà dans la lettre de Gargantua à Pantagruel dans le roman concernant le personnage susnommé, dénonçait l’invention de l’artillerie comme une invention du malin, veut sans doute illustrer par cette artillerie inefficace le fait que l’homme véritablement droit et bon, comme l’est Gargantua, se rie des assauts des serviteurs du mal. Par la suite, Gargantua démontre qu’il est quelqu’un de véritablement noble en traitant ses ennemis vaincus de manière plus qu’humaine « Ne voulant donc aucunement dégénérer de la bénignité hérité de mes parents, à présent je vous pardonne et vous délivre, je vous laisse aller libre comme avant. De plus, en franchissant les portes, chacun d’entre vous serapayé pour trois mois, afin que vous puissiez rentrer dans vos foyers, au sein de vos familles. »(p 345).
Un personnage amusant.
Le mélange de tout ces aspects de personnalité font de Gargantua un personnage à part que seul l’adjectif « Rabelaisien » semble à même de définir. Ce terme sous entend non seulement le fait que Gargantua soit quelqu’un de bon vivant mais également le fait qu’il soit quelqu’un d’extraverti, de truculent et qui, par conséquent, fait rire.
Le coté amusant de Rabelais se manifeste par moment quand ce dernier prend les autres au piège :
-Lorsque, les seigneurs amis de son père désirent conduire leurs montures à l’écurie, il les conduit à sa chambre car c’est là que se trouve ses chevaux de bois, tournant ces seigneurs en ridicule.
-Lorsque qu’il amène son père à parler longuement de torche-cul, déclamant même des poèmes à ce sujet « Chieur, Foireux, Péteur, Brenneux, Ton lard fécal, En cavale, S’étale, Sur nous, Répugnant, Emmerdant, Dégouttant, Le feu Saint A ntoine puisse te rôtir, SI tous, Tes trous, Béants, Tu ne torches avant ton départ. » (p 133-139). Tout l’humour rabelaisien est dévoilé dans ce passage : des cotés scatophiles et lubriques inspirés de l’humour des classes paysannes, mais tournés cependant de manière gracieuse, en vers, en rondeaux.
-Lorsque qu’il est assailli par les parisiens, il les disperse en les noyant sous l’urine « Alors en souriant, il détacha sa belle braguette et, tirant en l’air sa mentule, les compissa si roidement qu’il en noya deux cent soixante mille quatre dix-huit, sans compter les femmes et les petits enfants. »(p 155), renouant ainsi avec ses penchants scatologiques.
Cependant, si Gargantua peut provoquer le rire par ses aspects gigantesques et sa verve de grand seigneur, il lui arrive également assez souvent de faire rire de lui, par son coté potache, sympathique mais extraverti à l’extrême. D’ailleurs, l’auteur indique dès le début que son ouvrage s’adresse aux « buveurs très illustres et vérolés très précieux », prouvant que Gargantua est un ouvrage pour ceux qui veulent passer un bon moment et non aux aigris imperméables au rire et à la joie de vivre..
-Lors de ses études, ses appétits gloutons et sa fainéantise crasse et sa mauvaise foi perpétuelle qui lui cache le fait qu’il ne fait pas d’étude amuse fortement le lecteur. « Quoi, n’ai-je pas fait suffisamment d’exercice ? Je me suis vautré six ou sept tours à travers le lit avant de me lever. N’est ce pas assez ? » (p 175)
-Plus tard, ses frasques verbales avec son acolyte distingué : frère Jean, continue à faire rire, (p 291). On peut songer à sa gloutonnerie qui le pousse à avaler tout cru, six pèlerins en salade. « Et tirant le bourdon, il souleva en même temps le pèlerins et il le mangea bel et bien. » (p 279). Par cette aventure en apparence grotesque, Rabelais se moque gentiment de l’église.
En conclusion, on peut dire que Gargantua incarne, par sa force et son intelligence, un idéal d’humanisme et de science voulu par Rabelais, mêlé à un autre idéal rabelaisien de bonté et de joie qui se manifeste par le coté bon vivant de Gargantua. On peut donc dire qu’il est un humaniste humain.
Gargantua est un personnage fondateur de la littérature française dont la personnalité si spéciale inspirera une foule de personnage jusqu’au très célèbre et renommé Obélix. |