Intervention de Monsieur Marc durand professeur des Universités iufm montpellier
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ConclusionCet aperçu de quelques traits des pratiques d’enseignement en EPS permet de documenter une réflexion plus approfondie sur cette question de la pédagogie différenciée. En premier lieu, ces extraits montrent qu’il faut se garder d’appréhender l’enseignement de façon trop simplificatrice ou élémentaire. Les pratiques sont complexes, indéterminées, pluridimensionnelles et penser la différenciation de l’action des enseignants sur un mode simplificateur serait une erreur importante. C’est ainsi qu’il nous apparaît indispensable de ne pas adopter en la matière une posture prescriptive, en ce sens que toute prescription est par définition, inapte à prendre en compte toute cette complexité. Il nous semble que c’est par un effort conjugué d’analyse des pratiques réelles, et de réflexion à partir de ces données, que l’on peut avancer en ce domaine, beaucoup plus que par des prises de positions péremptoires découplées des possibilités réelles d’action en situation. C’est ainsi que, selon nous, il faut se situer entre le possible (ce qui est réalisable sur le terrain des pratiques pédagogiques) et le nécessaire. Cette position à la fois raisonnable et pragmatique est de nature à prévenir toute forme de dogmatisme d’une part, et tout risque de culpabilisation des enseignants d’autre part. Elle ne peut non plus se limiter à entériner ce qui se fait et prendre comme expertes des pratiques qui peuvent être routinières. En second lieu, il nous semble que ces quelques extraits d’épisodes d’enseignement illustre la difficulté qu’il y a à se focaliser sur un élément de différenciation dès lors qu’on s’intéresse à la diversité d’une classe. En effet, sur quoi fonder son intervention lorsqu’on est enseignant : sur les capacités motrices des élèves ? leurs rapports aux autres, aux règles ? Comment isoler des variables en nombre suffisamment restreint pour être efficace, mais pas trop réduit pour conserver de la pertinence dans l’action ? Ce choix peut être anticipé, planifié, préparé, mais in fine, il se développe toujours de façon partiellement improvisée, au gré des circonstances et des événements. Et il est difficile de proposer une hiérarchie des variables en question faute de connaître avec suffisamment de précision le lien qui les unit. Ces exemples montrent aussi que les actions des enseignants présentent parfois des traits contradictoires : apparence d’injustice, de non discernement, de favoritisme… Il est certes possible que de telles actions aient cours en EPS. Néanmoins, une étude suffisamment serrée révèle que le plus souvent, elles obéissent à des dynamiques subtiles. Tel enseignant qui paraît ignorer la transgression dont se rend coupable un élève est en fait parfaitement conscient de ce non respect des règles, mais considère (à tort ou à raison) qu’il n’est pas pertinent ou utile d’intervenir à ce moment-là ; tel autre qui se montre soucieux de « coller » au plus près des conduites des élèves dans les tâches qu’il leur propose, se montre quelque peu rigide et crispé sur ses consignes initiales, négligeant (en apparence) de prendre en compte les réactions de ses élèves à ce qu’il leur demande de faire… A l’inverse tel enseignant soucieux de ses élèves et de leurs réactions peut au bout de compte encourir le risque d’une dispersion et d’une inconsistance élevées, etc. Tout ceci peut paraître des exceptions aux principes d’une école républicaine. En réalité il faut y regarder de près et se demander si le fait de s’adosser de façon mécanique et volontariste à des valeurs d’égalité, d’identité et/ou de diversité de traitement n’est pas contre-productif et n’aboutit pas à l’inverse du résultat escompté. Au bout du compte, des descriptions et analyses de ce type sont davantage de nature à stimuler la réflexion qu’à apporter des solutions pré-établies. Elles montrent que dans tous les cas, l’action des enseignants constitue une éthique en actes, beaucoup plus que la simple application de principes et de valeurs inhérents à la conception de l’école républicaine. Cette action se déploie au regard de deux dilemmes : privilégier « le respect » des élèves ou de la matière, et les composantes motrices ou non motrices de leur action. RéférencesAmalberti, R., De Montmollin, M., Theureau, J. (1991) (Eds.), Modèles et méthodes en analyse du travail. Bruxelles : Mardaga. Brown, A.L., Ash, D., Rutherford, M., Nakagawa, K., Gordon, A., Campione, J.C. (1993). Distributed expertise in the classroom. In G. Salomon, (Ed.). Distributed cognition (pp. 188-227). Cambridge : Cambridge University Press. Dreyfus, H.L. (1989). L’intelligence artificielle : mythes et limites. Paris : Seuil. Dubois, D., Fleury, D., Mazet, C. (1993). Représentations catégorielles: perception et / ou action? In A. Weill-Fassina, P. Rabardel & D. Dubois (Eds.), Représentations pour l'action. Toulouse: Octarès. Durand, M. (1996). L'enseignement en milieu scolaire. Paris: PUF. Durand, M. (1998). L’enseignement comme action située. Eléments pour un cadre d’analyse. Actes de la Biennale de l’Education et de la Formation. Paris. Cédérom Durand, M. (sous presse). Action socialement située et apprentissage. Actes de la Biennale de l’Education et de la Formation. Paris, mai 2000. Cédérom. Durand, M. (2000). Chronomètre et survêtement. Reflets de l’expérience quotidienne des enseignants d’Education Physique. Paris : Editions Revue EPS. Gal-Petitfaux, N. (2000). Typicalité dans la signification et l’organisation de l’intervention des professeurs d’Education Physique et sportive en situation d’enseignement de la Natation. Thèse non publiée de doctorat en STAPS, Université Montpellier I. Hutchins, E. (1995). Cognition in the wild. Cambridge: MIT Press. Lave, J. (1988). Cognition in practice. Cambridge: Cambridge University Press. Leplat, J. (1997). Regards sur l’activité en situation de travail. Paris : PUF. Méard, J., Bertone, S. (1998). Autonomie des élèves et attitudes à l’égard des règles en EPS. Paris : PUF. Norman, D.A. (1993). Things that make us smart. New York: Addison Wesley. 1 Dans cette approche, la situation est distinguée de la tâche. La situation ne peut être comprise sans prendre en compte la subjectivité des acteurs, leur expérience, alors que la tâche relève du travail prescrit. Elle est par conséquent susceptible d’une définition objective. Par contre, on ne peut parler que de situations singulières dans la mesure où cette réalité « objective » peut, selon les acteurs et les circonstances, être ressentie comme menaçante, accueillante, complexe, problématique… Par conséquent, à un contexte objectif peuvent correspondre des situations variées. Assises Académiques EPS – Poitiers - - - Marc DURAND |
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