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LE TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT MGR GAUME TOME 2 1865, deuxième édition, Gaume et Cie Editeurs. TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT COMPRENANT L’HISTOIRE GÉNÉRALE DES DEUX ESPRITS QUI SE DISPUTENT L’EMPIRE DU MONDE ET DES DEUX CITÉS QU’ILS ONT FORMÉES ; AVEC LES PREUVES DE LA DIVINITÉ DU SAINT-ESPRIT, LA NATURE ET L’ÉTENDUE DE SON ACTION SUR L’HOMME ET SUR LE MONDE PAR MGR GAUME PROTONOTAIRE APOSTOLIQUE, DOCTEUR EN THÉOLOGIE, ETC. Ignoto Deo, Au Dieu inconnu. Act. XVII. 23. CHAPITRE PREMIER DIVINITÉ DU SAINT-ESPRITExistence de Dieu. - Preuves et nécessité de ce dogme. - Dieu, c’est la Trinité. - Prouver le dogme de la Trinité, c’est prouver la divinité du Saint-Esprit. - Développements. - Preuves indirectes de la Trinité : la n otion de l’être, les créatures matérielles et les créatures raisonnables. - Nécessité et influence de ce dogme. Dieu, la Trinité, la divinité du Saint-Esprit ! Dans la langue de la révélation comme dans la foi des peuples, ces trois vérités sont tellement unies, que la certitude de la première implique la certitude des deux autres. Or, Dieu existe avec tous les attributs qu’adore le genre humain. Avant tous les siècles, par delà tous les mondes, il est UN ÊTRE personnel, éternel, infini, immuable, qui est à Lui-même Son principe et Sa félicité. Être toujours fécond, Il est la vie de toutes les vies, le centre de tous les mouvements, le commencement et la fin de tout ce qui est. Comme l’Océan contient la goutte d’eau dans son immensité, Il enveloppe dans son sein l’univers et ses créations multiples. Il est au dedans et au dehors ; Il est loin, Il est près : Il est partout. Dans l’astre qui brille au front des cieux, Il y est. Dans l’air qui me fait vivre, Il y est. Dans la chaleur qui m’anime et dans l’eau qui me désaltère ; dans le souffle de la brise et dans le mugissement des vagues ; dans la fleur qui me réjouit et dans l’animal qui me sert ; dans l’esprit et dans la matière ; dans le berceau et dans la tombe ; dans l’atome et dans l’immensité ; dans le bruit et dans le silence : Il y est. Lui toujours, Lui partout. Il entend tout : et la musique harmonieuse des célestes sphères, et les chants joyeux de l’alouette, et le bourdonnement de l’abeille, et le rugissement du lion, et le pas de la fourmi, et le bruit de la feuille agitée, et la respiration de l’homme, et la prière du juste, et les blasphèmes du méchant. Il voit tout : et le soleil étincelant aux regards de l’univers, et l’insecte caché sous l’herbe, et le vermisseau enseveli sous l’écorce de l’arbre, et l’imperceptible infusoire perdu dans les abîmes de l’Océan. Il voit et le jeu varié de leurs muscles, et la circulation de leur sang, et les pensées de mon esprit, et les battements de mon cœur, et les besoins du petit oiseau qui demande sa pâture, et les vœux solitaires du faible, et les larmes de l’opprimé. Il gouverne tout : et l’innombrable armée des cieux, et les saisons, et les vents, et les tempêtes, et les siècles, et les peuples, et les passions humaines, et les puissances des ténèbres, et les créatures privées de raison, et les êtres doués d’intelligence. Il nourrit, Il réchauffe, Il loge, Il habille, Il protège, Il conserve tout ce qui respire ; car tout ce qui respire ne respire que par Lui et ne doit respirer que pour Lui. Source éternelle du vrai, règle immuable du bien, Il donne à l’homme la lumière pour le connaître, la force pour l’accomplir. Dans Son infaillible balance, Il pèse les actions des rois et des sujets, des particuliers et des peuples. Rémunérateur suprême de la vertu et vengeur incorruptible du vice, Il cite à Son tribunal le faible et le puissant, et le juste qui l’adore et l’impie qui l’outrage. Aux uns des châtiments sans miséricorde et sans espoir, aux autres une félicité sans mélange et sans fin. Être au-dessus de tous les êtres, créateur et modérateur de l’univers, tout proclame Votre existence ; et les magnificences du ciel, et l’éblouissante parure de la terre, et l’obéissance filiale des flots irrités, et les vertus de l’homme de bien, et les châtiments du coupable, et la démence même de l’athée. Ce qui parle Vous loue par ses acclamations ; ce qui est muet, par son silence. Tout révère Votre majesté, et la nature vivante, et la nature morte. A Vous s’adressent toutes les douleurs ; vers Vous s’élèvent toutes les prières. Créateur, conservateur, modérateur, père, juge, rémunérateur et vengeur, tous les noms de puissance, de sagesse, d’amour, d’indépendance et de justice, Vous sont donnés ; tous Vous conviennent, et cependant aucun ne saurait Vous nommer. Être au-dessus de tous les êtres, ce Nom est le seul qui ne soit pas indigne de Vous : EGO SUM QUI SUM. Un être au-dessus de tous les êtres, un Dieu auteur et régulateur suprême du monde et des siècles, tel est le dogme fondamental que proclame l’univers et devant lequel se sont inclinées, le front dans la poussière, toutes les générations qui, depuis six mille ans, ont passé sur la face du globe. Contre ce fait, sur lequel repose, comme l’édifice sur sa base, la foi du genre humain, que prouvent et que peuvent les dénégations de l’athée ? Ce qu’elles prouvent ? Ce que prouve une voix discordante dans un vaste concert. On la fait taire ou elle revient à l’unisson, et, sans elle ou avec elle, le concert continue. Ce qu’elles peuvent ? Ce que peut le faible trait, décoché en passant par l’Arabe fugitif, contre la pyramide du désert. L’Arabe disparaît, et la pyramide demeure. A son tour, que nous veut la philosophie rationaliste avec son dieu de fabrique humaine, son dieu soliveau, son dieu néant ? Être de raison ou plutôt de déraison, dieu impersonnel, sourd, muet, indifférent aux œuvres et aux besoins de ses créatures ; produit variable de la pensée individuelle : non, tel n’est pas, tel ne fut à aucune époque et sous aucun climat, le Dieu du genre humain. Son histoire en témoigne». «Jamais, dit un homme qui la connut à fond, jamais les nations ne tombèrent si bas dans le culte des idoles, qu’elles aient perdu la connaissance, plus ou moins explicite, d’un seul vrai Dieu, Créateur de toutes choses » (Saint Augustin, contra Faust., lib. XX, n. 19 ; Id., Lactance, De errore.). Le dogme de l’unité de Dieu n’est pas vrai seulement parce qu’il a autant de témoins qu’il y a d’astres dans le firmament et de brins d’herbe sur la terre ; il est encore vrai parce qu’il est nécessaire. Ce qu’est le soleil dans le monde physique, Dieu l’est à tous égards, et plus encore, dans le monde moral. Qu’au lieu de continuer à verser sur le globe ses torrents de lumière et de chaleur, le soleil vienne tout à coup à s’éteindre : imaginez ce que devient la nature. A l’instant, la végétation s’arrête ; les fleuves et les mers deviennent des plaines de glace ; la terre se durcit comme le rocher ; tous les animaux malfaisants, que la lumière enchaîne dans leurs antres ténébreux, sortent de leurs repaires et s’appellent au carnage ; le trouble et l’épouvante s’emparent de l’homme, partout règne la confusion, le désespoir, la mort : quelques jours suffisent pour ramener le monde au chaos. Que Dieu, soleil nécessaire des intelligences, vienne à disparaître. Aussitôt la vie morale s’éteint. Toutes les notions du bien et du mal s’effacent ; l’erreur et la vérité, le juste et l’injuste, se confondent dan s le droit du plus fort . Au milieu de ces ténèbres, toutes les hideuses cupidités, assoupies dans le cœur de l’homme, se réveillent, et, sans crainte comme sans remords, se disputent les lambeaux mutilés des fortunes, des cités et des empires ; la guerre est partout, la guerre de tous contre tous, et le monde n’est plus qu’une caverne de voleurs et d’assassins. Ce spectacle, l’œil de l’homme ne l’a jamais vu, pas plus qu’il n’a vu l’univers sans l’astre qui le vivifie. Mais ce qu’il a vu, c’est un monde où, semblable au soleil voilé par d’épais nuages, l’idée de Dieu ne jetait plus qu’une lueur incertaine. Au travers des ténèbres dans lesquelles ils s’étaient volontairement ensevelis, les peuples païens n’apercevaient qu’indistinctement l’unité incommunicable de la divine essence. Parce que le flambeau qui devait la diriger vacillait au vent des passions, des intérêts et des opinions, leur marche intellectuelle et morale fut tour à tour chancelante, absurde, rétrograde : les dieux égaraient l’homme. Des tâtonnements éternels sur les questions les plus importantes et les plus simples, des superstitions grossières et cruelles, des systèmes creux ou immoraux, condamnèrent le genre humain au bagne, vingt fois séculaire, de l’idolâtrie. Là, gisent encore enchaînées les nations modernes, éloignées des zones bénies sur lesquelles rayonne de tout son éclat le dogme tutélaire de l’unité divine. Il n’en peut être autrement : entre l’homme et le mal, il n’y a qu’une barrière, Dieu ; Dieu connu, Dieu respecté. Otez Dieu, l’homme, sans frein et sans règle, devient une bête féroce, qui descend avec délices jusqu’aux combats de gladiateurs et au x festins de chair humaine Par la raison contraire, veut-on empêcher l’homme de tomber dans l’abîme de la dégradation et du malheur ? S’il y est enseveli, veut-on l’en retirer et le conduire au plus haut degré de lumière, de vertu et de félicité ? Trêve de discours, trêve de combinaisons et de systèmes un mot suffit. Dites au grand malade : Il y a un Dieu ; lève-toi et marche en Sa présence. Que le genre humain prenne ce mot au sérieux, en sorte que le dogme souverain de l’unité divine pèse de tout son poids sur les esprits et sur les volontés, et le malade est guéri. Dieu règne, et l’homme est éclairé de la seule lumière qui ne soit pas trompeuse ; il est vertueux de la seule vertu qui ne soit pas un masque ; il est heureux du seul bonheur qui ne soit pas une déception ; il est libre de la seule liberté qui ne soit ni une honte, ni un crime, ni un mensonge (1). (1) Ambula coram me et esto perfectus. Gen., XVII, 1. Nous le répétons, avec ce seul mot : Il y a un Dieu, le monde sera guéri ; sinon, non. Un jour ce mot fut dit sur le genre humain, gangrené de paganisme, dit partout, dit avec une autorité souveraine, et le grand Lazare se leva de sa couche douloureuse, et il couvrit de ses baisers brûlants la main qui l’avait sauvé. Philosophes, politiques, sénat, aréopage, vous tous qui vous donniez, qui vous donnez encore pour les guérisseurs des nations, cette main ne fut pas la vôtre ; elle ne la sera jamais. Chaque jour encore, ce mot souverain est prononcé, en Europe, sur quelque âme malade ; dans les îles lointaines de l’Océanie, sur quelque peuplade anthropophage ; et, de près comme au loin, il produit sous nos yeux le miraculeux effet qu’il produisit il y a dix-huit cents ans. Telle est, constatée par la raison et par l’histoire, la puissance salutaire, par conséquent la vérité du dogme de l’unité de Dieu Mais qu’est-ce que Dieu ? Dieu, c’est le Père, et l e Fils, et le Saint-Esprit, trois personnes distinctes dans une seule et même divinité . En d’autres termes, Dieu c’est la Trinité ; Il ne peut être autre chose. Interrogé sur ce qu’Il est, Dieu Lui-même a répondu : Je suis Celui qui suis ; Je suis l’Être, l’Être absolu, l’Être sans qualification (Ego sum qui sum. Exod., III, 14.) Or, l’être absolu possède nécessairement tout ce qui constitue l’être, et il le possède dans toute sa perfection. Trois choses constituent l’être : la mesure, le nombre, le poids (Sap. XI, 21). Dans les êtres matériels, la mesure, c’est le fond ou la substance ; le nombre, c’est la figure qui modifie la substance ; le poids, c’est le lien qui nuit la substance à la figure, et entre elles toutes les parties de l’être. Cherchez dans toute la nature, du cèdre au brin d’herbe, de l’éléphant à la mite, de la montagne au grain de sable, vous ne trouverez pas un seul être qui ne réunisse ces trois choses. Elles sont tellement essentielles, qu’une de moins, l’être ne peut exister, ni même se concevoir. Ainsi, ôtez la substance, qu’avez-vous ? le néant ; la figure ? le néant ; le lien ? le néant (De Gen. ad Litt., lib. IV, c. III). La mesure, le nombre et le poids ne sont dans les créatures, que parce que Dieu les y a mis. Dieu ne les y a mis, que parce qu’Il les possède, c’est-à-dire parce qu’Il est Lui-même mesure, nombre et poids (S. Aug., Lib. de natur. boni, c. III). Comme nous l’avons vu du dogme de l’unité de Dieu, la Trinité a donc autant de témoins qu’il y a dans l’univers de créatures inanimées, d’astres au firmament, d’atomes dans l’air et de brins d’herbe sur la terre c’est la pensée des plus grands génies. « Dans toutes les créatures, dit saint Augustin, apparaît le vestige de la Trinité . Chaque ouvrage du divin artisan présente trois choses : l’unité, la beauté, l’ordre . Tout être est un, comme la nature des corps et l’essence des âmes. Cette unité revêt une forme quelconque, comme les figures ou les qualités des corps, les doctrines ou les talents des âmes. Cette unité et cette forme ont entre elles des rapports et sont dans un ordre quelconque. Ainsi, dans les corps, la pesanteur et la position ; dans les âmes, l’amour et le plaisir. Dès lors, puisqu’il est impossible de ne pas entrevoir le Créateur dans le miroir des créatures, nous sommes conduits à connaître la Trinité, dont chaque créature présente un vestige plus ou moins éclatant. En effet, dans cette sublime Trinité est l’origine de tous les êtres, la parfaite beauté, le suprême amour (Id., De Trinit., lib. VI, n. 12. T. VIII, p. 1300, édit. Paris.) Trinité ! voilà, suivant Lactance, saint Athanase, saint Denys d’Alexandrie, Tertullien-Tertullien (Voir Vitass., De Trinit. qaest. I, art. 1.), le dogme que proclame incessamment, à ceux qui ont des yeux pour entendre, l’universalité des êtres. Les plus nobles le répètent d’une voix plus sonore. Serait-il juste qu’il en fût autrement ? Ne doivent-ils pas un hommage particulier à l’auguste mystère dont le vestige plus éclatant, marqué sur leur front, est la raison même et la mesure de leur noblesse ? Ainsi, le soleil, l’arbre, la source sont des prédicateurs éloquents de la Trinité. Dans l’unité de la même essence, ils nous montrent, l’un : le foyer, le rayon et la chaleur ; l’autre : la racine, le tronc et les branches ; le troisième : le réservoir, l’écoulement et le fleuve (Id.) Expliquant la doctrine des Pères : « Dans chaque créature, ajoute l’Ange de l’école, se trouvent des choses qui se rapportent nécessairement aux personnes divines, comme à leur cause. En effet, chaque créature a son être propre, sa forme, son ordre ou son poids. Or, en tant que substance créée, elle représente la cause et le principe, et démontre la personne du Père, qui est le principe sans principe. En tant qu’elle a une forme, elle représente le Verbe, comme forme de l’ouvrage conçue par l’ouvrier. En tant qu’elle a l’ordre ou le poids elle représente le Saint-Esprit, comme amour, unissant les êtres entre eux et procédant de la volonté créatrice. A cela se rapportent la mesure, le nombre et le poids : la mesure à la substance de l’être ; le nombre, à la forme ; le poids, à l’ordre». Si les créatures inanimées, qui sont les dernières dans l’échelle des êtres, présentent le vestige de la Trinité, il est évident que ce vestige doit briller avec plus d’éclat dans les créatures d’un ordre supérieur. Que dis-je ? ce n’est pas seulement le vestige que nous trouverons, c’est l’image . « Tout effet, continue saint Thomas, représente sa cause en partie, mais de manières différentes. Certain effet représente seulement la causalité de la cause, sans indication de la forme. C’est ainsi que la fumée représente le feu. Une telle représentation s’appelle représentation par vestige. C’est avec raison, car le vestige prouve qu’un être a passé par là ; mais il ne dit pas quel il est. Certain effet représente la cause quant à la ressemblance. Ainsi le feu engendré représente le feu générateur, la statue de Mercure, Mercure. Cette représentation s’appelle représentation par image. « Or, les processions des personnes divines se considèrent suivant les actes de l’intellect et de la volonté. En effet, le Fils procède comme la parole de l’intellect ; le Saint-Esprit, comme l’amour de la volonté. Il en résulte que, dans les créatures raisonnables, douée d’intellect et de volonté, se trouve la représentation de la Trinité par forme d’image, puisqu’on trouve en elles le Verbe conçu et l’amour procédant». Il en résulte encore que le dogme de la Trinité a autant de miroirs qu’il y a d’anges dans le ciel, de démons dans l’enfer, et d’hommes venus ou à venir sur la terre, depuis le commencement du monde jusqu’à la fin. En résumé, ce qui, dans les créatures inanimées, est mesure, nombre et poids, s’appelle dans les créatures raisonnables puissance, sagesse, amour ; et en Dieu, Père ou puissance, Fils ou sagesse, Saint-Esprit ou amour mutuel du Père et du Fils. Ces trois choses : puissance, sagesse, amour, sont tellement essentielles en Dieu, qu’une de moins, Dieu n’est pas et ne peut pas même se concevoir. Si vous lui ôtez la puissance, qu’avez-vous ? le néant. La sagesse ? le néant. L’amour ? (1) le néant ? Nous avons ajouté que Dieu possède les trois conditions essentielles de l’être dans toute leur perfection. Or, dans l’être proprement dit, la perfection de ces conditions, c’est d’être réelles, substantielles, subsistantes par elles-mêmes ; en un mot, de vraies hypostases ou personnes distinctes. (1) De là, le mot de saint Jérôme : Sans le Saint-Esprit, le mystère de la Trinité est i ncomplet : Absque enim Spirite sancto, imperfectum est mysterium Trinitatis. Ad Hedibian,, opp. t. IV, p. 189. En attendant les preuves directes du dogme de la Trinité, cela soit dit, non pour démontrer ce qui est indémontrable, mais pour montrer que l’auguste mystère n’a rien de contraire à la raison, et que même la vraie philosophie en soupçonne l’existence, avant d’en avoir la certitude (S. Th., ibid., ad 1.) Ainsi Dieu l’a voulu. Et pourquoi ? D’une part, afin de ne jamais se laisser sans témoignage, en imprimant Ses vestiges ou Son image dans toutes les créatures ; d’autre part, afin de donner aux hommes, et spécialement aux nations chrétiennes, le moyen d’atteindre leur perfection, en prenant pour modèle la Puissance infinie, la Sagesse infinie, l’Amour infini. En effet, si le dogme de l’unité de Dieu fut le soleil du mon de judaïque, le dogme de la Trinité est le soleil du monde évangélique. Or, ce qu’est la rose en bouton à la rose épanouie, le dogme de l’unité de Dieu l’est au dogme de la Trinité . Marcher en la présence d’un Dieu en trois personnes, clairement connu, est donc pour les peuples chrétiens la loi de leur être et la condition de leur supériorité. C’est la loi de leur être. Viennent-ils à l’oublier ou à la méconnaître ? Sur-le-champ ils tombent des hauteurs lumineuses du Calvaire, et, rétrogradant de quarante siècles, ils se replongent dans les ténèbres du Sinaï. Là ne s’arrête pas leur chute. Un peuple chrétien ne peut cesser de l’être, sans descendre au-dessous du juif, au-dessous du mahométan, sans devenir une race dégradée qui n’a pas de nom dans la langue humaine. C’est la condition de leur supériorité. La perfection intellectuelle et morale d’une société est toujours en raison directe de la notion qu’elle a de Dieu. Autant la connaissance claire de l’unité divine éleva les enfants d’Israël au-dessus des nations païennes, autant la révélation de la Trinité élève les peuples chrétiens au-dessus du peuple juif. Que les sociétés baptisées le sachent ou qu’elles l’ignorent, qu’elles le croient ou qu’elles le nient, c’est dans les profondeurs de ce dogme éternellement fécond, que se trouve la source cachée de leur supériorité, sous tous les rapports. La Trinité est le pivot du christianisme , par conséquent la première assise des sociétés, nées du christianisme. Otez ce dogme, et l’Incarnation du Verbe n’est plus qu’une chimère ; la Rédemption du monde, une chimère ; l’Effusion du Saint-Esprit, une chimère ; la communication de la grâce, une chimère ; les sacrements, une chimère ; le christianisme tout entier, une chimère ; et la société, une ruine. CHAPITRE II (SUITE DU PRECEDENT.) Preuves directes de la Trinité : la Bible. - Le mon de, l’homme, le chrétien : trois créations qui révèlent le mystère de la Trinité. - Dans le principe, Dieu créa le ciel et la terre, et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux : formule de la création du monde physique. - Explication de saint Augustin. - Faisons l’homme à Notre image : formule de la création de l’homme. - Explication de saint Thomas, de saint Chrysostome, de saint Augustin, de Bossuet. - Manifestations multiples de la Trinité. - Passage de M. Drach. - Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit : formule de la création du chrétien. - Explication. - Autant de preuves de la Trinité, autant de preuves de la divinité du Saint-Esprit. Voir l’auguste Trinité dans le miroir des créatures n’est pas plus une illusion que de reconnaître l’arbre à ses fruits ou l’ouvrier dans son ouvrage. Aussi, les aperçus et les raisonnements des grands génies que nous venons de citer sont confirmés authentiquement par le Créateur Lui-même. Trois chefs-d’œuvre résument, à nos yeux, Son œuvre extérieure : le monde matériel, l’homme, le chrétien. Or, comme le fabricant marque de son empreinte chaque produit de son industrie et donne ainsi son adresse au public ; Dieu lui-même nous dit qu’Il S’est gravé en caractères ineffaçables sur chacun de Ses chefs-d’œuvre, de manière à Se déclarer l’auteur de tous les êtres et Se manifester à quiconque possède des yeux pour voir et un esprit pour comprendre. « Je ne rougis point de l’Évangile, dit saint Paul, parce qu’il est la vertu de Dieu, pour sauver ceux qui croient. C’est là aussi que nous est révélée la colère de Dieu, qui éclatera du ciel contre toute l’impiété et l’injustice de ces hommes, qui retiennent injustement la vérité de Dieu ; car ce qu’on peut connaître de Dieu leur est connu : Dieu Lui-même le leur a manifesté. En effet, les choses qui sont invisibles en Lui, ainsi que Son éternelle puissance et Sa divinité, sont devenues visibles dans le miroir de la création, de telle sorte qu’ils sont inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne L’ont point glorifié comme Dieu. » (Ad Rom., I 16-21.) Voulons-nous voir combien est légitime cette colère inspirée contre les négateurs ou les contempteurs de la Trinité ? Étudions la conduite de Dieu Lui-même. Il veut que Son premier organe, Moïse, commence l’histoire du monde par la révélation de la Trinité créatrice. « Dans le principe, Dieu créa le ciel et la terre ; et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux. » (Gen., s, 1, 2.) Sur quoi le plus autorisé, comme le plus profond des interprètes, saint Augustin, s’exprime ainsi : « Au moment même où la création en bloc fut appelée du néant, sous le nom de ciel et de terre, pour indiquer ce qui devait être fait, la Trinité du Créateur est insinuée. L’Écriture dit : Dans le principe Dieu créa le ciel et la terre. Or, sous le nom de Dieu, nous comprenons le Père ; sous le nom de Principe, le Fils, qui n’est pas principe pour le Père, mais pour toutes les créatures. Lorsque l’Écriture ajoute : Et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux, nous avons la révélation complète de la Trinité ; car ce mot indique la puissance souveraine du Saint-Esprit ». (De Gen., ad Litt., lib. 1, n. 12 et 13.). Non contente de s’être révélée dans la création de la masse matérielle, la Trinité se révèle à chaque ouvrage particulier qu’elle en tire. C’est encore la pensée du grand évêque d’Hippone : «Dans la manipulation et le perfectionnement de la matière, pour en former des créatures distinctes, la même Trinité s’insinue. Dans ces mots : Dieu dit , nous avons le Verbe ou la parole, et le Générateur du Verbe ; et dans ceux-ci : Dieu vit que cela était bon , nous avons la Bonté infinie, le Saint-Esprit, par qui seul plaît à Dieu tout ce qui Lui plaît». Or, les mêmes paroles reviennent sept fois dans l’œuvre de la création ; c’est donc sept fois la proclamation du dogme de la trinité ; sept fois l’affirmation divine que le monde matériel, dans son ensemble et dans chacune de s es parties, porte le cachet de son auteur. Écoutons un autre commentateur, également remarquable par la pureté de son cœur et par la solidité de sa science : «Le livre qui contient l’origine des choses, dit l’abbé Rupert, commence par ces mots : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Puisque la création elle-même est le commencement du monde ; pourquoi est-il dit : Au commencement Dieu créa ? C’est la même chose que s’il était dit : Au commencement Il commença. Si on le prend ici dans le sens vulgaire, le mot commencement forme une tautologie ridicule. On est donc bien fondé à le prendre pour un nom propre du Fils. Lui-même le veut ainsi, puisque, interrogé par les Juifs qui Lui disaient : Qui êtes-vous ? Il répondit : Je suis le Commencement ou le Principe, Moi qui vous parle. En effet, c’est vraiment dans le Principe que Dieu créa le ciel et la terre ; puisque toutes choses ont été faites par Lui. L’Écriture elle-même confirme cette interprétation, lorsqu’elle dit ailleurs : Vous avez fait toutes choses par la Sagesse. Or, cette sagesse n’est autre que le Verbe-Dieu qui, comme nous venons de le voir s’appelle Lui-même le Principe. Et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux. La matière existe, mais elle est informe ; il faut donner la vie et la beauté, L’Esprit de Dieu fait pour elle ce que l’oiseau, par sa chaleur, fait sur le petit renfermé dans l’œuf ; il l’échauffe, il l’anime, il le vivifie, il en fait un être doué de toutes ses perfections. Que pensez-vous qu’est cet Esprit de Dieu, sinon l’Amour même de Dieu, Amour, non d’affection, mais Amour substantiel , vie et vertu vivante, demeurant dans le Père et dans le Fils, procédant de l’un et de l’autre et consubstantiel à l’un et à l’autre ? (Corn. a Lapid. in hunc loc.) Or, il se portait sur les eaux, par conséquent sur la terre renfermée dans leur sein, parce que le Créateur était attiré par un immense amour vers Sa créature ; et, ne pouvant être Lui-même ce qu’Il avait créé, Il voulait en tirer des êtres capables de s’unir à Lui. Cette Bonté, cet Amour du Créateur, c’est le Saint-Esprit lui-même. «En tête du Livre des livres, est donc splendidement inscrit le dogme de la Trinité créatrice. Dans le nom de Dieu nous voyons le Père ; dans le nom du Principe, le Fils ; dans celui qui est porté sur les eaux, le Saint-Esprit». (De Trinit. et operib. ejus, lib. XLII ; in Gen., lib. I, c. III et IX.) Comme preuve de cette interprétation si nette et si autorisée, les interprètes les plus habiles dans la langue hébraïque font valoir l’anomalie grammaticale du texte hébreu. Littéralement il doit se traduire : dans le principe les Dieux créa. Pourquoi cette forme étrange ? Parce que la pensée doit l’emporter sur les mots, et que devant la volonté souveraine de Celui qui, dans la première parole inspirée de Son premier organe, veut révéler Sa divine essence, doivent fléchir toutes les lois de la grammaire. Elohim, les dieux, au pluriel, indique en Dieu la pluralité (les personnes ; comme l’unité d’essence est indiquée par le verbe singulier Bara, créa. Corn. a Lapid. In Gen., I, 1.) L’histoire de la création du monde matériel commence donc par la révélation du dogme de la Trinité. De la même manière commence l’histoire de la création de l’homme. Faisons l’homme à Notre image et ressemblance, dit le Créateur (Gen., I, 26.) ; et le divin ouvrier se burine Lui-même en caractères indélébiles, jusque dans l’essence de cette nouvelle créature. Remarquons d’abord la profondeur du langage biblique : ces deux mots image et ressemblance ne sont pas une répétition inutile. L’un est le préambule de l’autre. Tous deux réunis révèlent à l’homme et ses rapports avec Dieu et le but de sa vie. Au Père de la race humaine et à chacun de ses descendants, ils disent : «Doué de la triple faculté de te souvenir, de connaître et d’aimer, tu es fait à l’image du Dieu Trinité. Cette image est empreinte jusque dans les profondeurs de ton être. Juif, païen, catholique, hérétique, juste ou pécheur, qui que tu sois et quoi que tu fasses, tant qu’il sera vrai que tu es homme, il sera vrai que tu es l’image de Dieu. Damné, tu la porteras dans l’enfer, et les flammes éternelles la brûleront sans la détruire. » (S. Bern., serI de Annuntiat.) « La conserver n’est pas le but de ta vie ; c’est de la perfectionner, jusqu’à former en toi la ressemblance avec Dieu . Telle est la loi de ton être et la condition de ton bonheur. Pêcheur, tu perds cette ressemblance ; juste sur la terre, tu l’as, mais imparfaite ; saint dans le ciel, tu la posséderas dans sa perfection. Alors, et alors seulement, tu pourras dire : J’ai atteint le but de ma création ; je suis semblable à Dieu». (S. Th., I p., q. XCIII, art. 8, ad 3.) Si nulle doctrine n’est plus lumineuse, nulle n’est plus certaine. «A l’image de Dieu imprimée dans mon âme, dit saint Basile, je dois l’usage de la raison ; à la grâce d’être chrétien, la ressemblance avec Dieu». Et saint Jérôme (S Basil. homil. x in hexæm): «Il faut remarquer que l’image seulement est faite en nous : par la création ; la ressemblance, par le baptême» (S. Hier., in illud Ezech., c. XXVII, In signaculum...). Et saint Chrysostome : «Dieu dit image , à cause de l’empire de l’homme sur toutes les créatures ; ressemblance, afin que dans la mesure de nos forces nous nous rendions semblables à Dieu par la mansuétude par la douceur, par la vertu suivant le précepte de Jésus-Christ Lui-même : Soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux» (St. Chrysost. in cap. I Gen., homil. IX, n. 3). Magnifique labeur, dont saint Jean fait briller à nos yeux : le complément éternel, quand il écrit. Bien-aimés, maintenant nous sommes les enfants de Dieu ; mais on ne sait encore : ce que nous serons : Nous savons seulement que lorsqu’il apparaîtra, nous Lui serons semblables. Jean, III,2. Mais en quoi, consiste cette image de la Trinité que nous portons en nous-mêmes ? Au nom, de tous, laissons parler deux grands maîtres de la doctrine : saint Augustin et Bossuet. «En nous occupant de la création, dit le premier, nous avons, autant qu’il dépendait de nous, averti ceux qui cherchent la raison des choses, d’appliquer toute la force de leur esprit à considérer les perfections invisibles de Dieu, dans ses œuvres extérieures, et principalement dans la créature raisonnable, qui a été faite à l’image de Dieu. Là, comme dans un miroir ils verront, s’ils sont capables de voir, la Trinité divine dans nos trois facultés : la mémoire, l’intelligence et la volonté. « Quiconque distingue clairement ces trois choses, gravées dans son âme par la main du Créateur, et qui remarque combien il est grand de voir dans cette âme créée, la nature immuable de Dieu rappelée, vue, aimée ; car on se souvient par la mémoire, on voit par l’intelligence, on aime par la charité : celui-là, sans contredit, trouve en lui-même l’image de la Trinité. Trinité souveraine, objet éternel de la mémoire, de l’intelligence et de l’amour, que la vie tout entière, doit avoir pour but de rappeler, de contempler et d’aimer» (De Trinit., lib. XV, n. 33). Après l’évêque d’Hippone, écoutons l’évêque de Meaux. Retraçant à l’homme l’image auguste qu’il porte en lui-même et le conjurant d’en faire l’objet continuel de son imitation : «Cette Trinité, dit Bossuet, incréée, souveraine, toute puissante, incompréhensible, afin de nous donner quelque idée de Sa perfection infinie, a fait une Trinité créée sur la terre... Si vous voulez savoir quelle est cette Trinité créée dont je parle, rentrez en vous-mêmes, et vous la verrez ; c’est votre âme. « En effet, comme la Trinité très auguste a une source et une fontaine de divinité, ainsi que parlent les Pères grecs, un trésor de vie et d’intelligence, que nous appelons le Père, où le Fils et le Saint-Esprit ne cessent jamais de puiser ; de même l’âme humaine a son trésor qui la rend féconde. Tout ce que les sens lui apportent du dehors, elle le ramasse au dedans ; elle en fait comme un réservoir que nous appelons la mémoire . Et de même que ce trésor infini, c’est-à-dire le Père éternel, contemplant ses propres richesses, produit son Verbe qui est Son image ; ainsi l’âme raisonnable, pleine et enrichie de belles idées, produit cette parole intérieure que nous appelons la pensée, ou la conception, ou le discours qui est la vive image des choses. « Car ne sentons-nous pas, Chrétiens, que lorsque nous concevons quelque objet, nous nous en faisons nous-mêmes une peinture animée, que l’incomparable saint Augustin appelle le fils de notre cœur : Filius tordis nostri. Enfin, comme, en produisant en nous cette image qui nous donne l’intelligence , nous nous plaisons à entendre, nous aimons par conséquent cette intelligence ; et ainsi de ce trésor qui est la mémoire, et de l’intelligence qu’elle produit, naît une troisième chose qu’on appelle amour , en laquelle sont terminées toutes les opérations de notre âme. « Ainsi du Père qui est le trésor, et du Fils qui est la raison et l’intelligence, procède cet Esprit infini, qui est le terme de l’opération de l’un et de l’autre. Et comme le Père, ce trésor éternel, se communique sans s’épuiser ; ainsi ce trésor invisible et intérieur que notre âme renferme en son propre sein, ne perd rien en se répandant : car notre mémoire ne s’épuise pas par les conceptions qu’elle enfante ; mais elle demeure toujours féconde, comme Dieu le Père est toujours fécond». Et ailleurs : « Nous l’avons dit, la Trinité reluit magnifiquement dans la créature raisonnable. Semblable au Père, elle a l’être ; semblable au Fils, elle a l’intelligence ; semblable au Saint-Esprit, elle a l’amour. Semblable au Père et au Fils et au Saint-Esprit, elle a dans son être, dans son intelligence, dans son amour une même félicité et une même vie. Vous ne sauriez lui en rien ôter sans lui ôter tout. Pleureuse créature et parfaitement semblable, si elle s’occupe uniquement de lui. Alors, parfaite dans son être, dans son intelligence, dans son amour, elle entend tout ce qu’elle est, Elle aime tout ce qu’elle entend. Son être et ses opérations sont inséparables. Dieu devient la perfection de son être, la nourriture immortelle de son intelligence et la vie de son amour. Elle ne dit, comme Dieu, qu’une parole qui comprend toute sa sagesse. Comme Dieu, elle ne produit qu’un seul amour, qui embrasse tout son bien. Et tout cela ne meurt point en elle. «La grâce survient sur ce fond et relève la nature ; la gloire li est montrée et ajoute son complément à la grâce. Heureuse créature, encore un coup, si elle sait conserver son bonheur ! Homme, tu l’as perdu ! où s’égare ton intelligence ? où se va noyer ton amour ? Hélas ! hélas ! et sans fin hélas ! reviens à ton origine». Reviens ; et, si tu veux connaître ta dignité et le but de ton existence, ne regarde ni le ciel, ni la terre, ni les astres, ni les éléments, ni tout cet univers qui t’environne : regarde-toi, ô homme ! Écoute, non plus la voix qui sort des créatures mais la voix qui vient de toi. Tu es toi-même le prédicateur de la Trinité. Partout où tu te portes, tu en portes l’image. Respecte-la, aime-la, copie-la, fais-toi à Sa ressemblance : ton bonheur est à ce prix. Dans les grands événements qui anarquent la vie de l’homme primitif, la Trinité reparaît. Adam est tombé. « Voilà, disent les divines personnes, Adam devenu semblable à l’un de nous : Ecce Adam factus est quasi unus ex nobis». Autant ces paroles sont .claires, interprétées dans le sens catholique, autant elles sont absurdes, si elles n’indiquent pas la pluralité des personnes divines. Dans ce cas, elles présentent .la signification suivante : voilà Adam devenu semblable à l’un de moi. Satan veut jeter les fondements de la Cité du mal. Pour la bâtir, il réunit les hommes dans les plaines de Sennaar. La ville et la tour qui doit s’élever jusqu’au ciel montent à vue d’œil. Cette entreprise audacieuse provoque une nouvelle manifestation de la Trinité. Comme les trois personnes ont tenu conseil pour créer l’homme, elles se concertent pour le punir. «Venez, se disent-elles ; descendons et confondons leur langage». A son tour, Dieu veut former la Cité du bien. Abraham en sera la pierre angulaire, et la Trinité lui apparaît. Au milieu de la vallée de Mambré s’élevait la tente du Père des croyants. Un jour, vers l’heure de midi, le charitable patriarche était assis sur sa porte, lorsque, levant les yeux, il voit trois personnages debout devant lui. A ce spectacle, il tombe la face contre terre et adore en disant au singulier : «Seigneur, si j’ai trouvé grâce devant Vous, ne passez pas devant Votre serviteur». Abraham voit trois personnes, et il n’adore qu’un seul Seigneur, auquel il donne constamment le nom incommunicable de Jéhova. Que signifie ce langage ? Consultons l’oracle, interprète infaillible de l’Écriture, la tradition . «Voici soudain, dit un Père de l’Église, que la Majesté incorporelle descend sur la terre, sous la figure corporelle de trois personnages. Abraham court à leur rencontre. Il tend vers eux ses mains suppliantes, leur baise les genoux et dit. : Seigneur, si j’ai trouvé grâce devant Toi, ne passe pas devant Ton serviteur sans T’arrêter. Vous le voyez, le Père des croyants se précipite à la rencontre de trois, et n’adore qu’un seul : unité en trois, Trinité en un. Voici que la Majesté céleste prend place à la table d’un mortel, accepte un repas, goûte des plats ; et il s’établit une conversation amicale, familière, entre Dieu et un homme. A la vue de ces trois personnages, Abraham comprend le mystère de la sainte Trinité ; et s’il n’adore en eux qu’un seul Seigneur, c’est qu’il n’ignore pas que dans ces trois personnes il n’y a qu’un seul Dieu». De ces manifestations multiples était résultée, chez les Juifs, la connaissance certaine du dogme fondamental de la foi du genre humain, dans l’ancienne alliance comme dans la nouvelle. «Les hommes éclairés, parmi les Hébreux, dit saint Épiphane si profondément instruit des choses de sa nation, enseignèrent de tout temps, et avec une entière certitude, la Trinité dans une unique essence divine». Un autre enfant d’Israël, non moins versé dans l’histoire religieuse de la synagogue, M. Drach , s’exprime ainsi : «Dans les quatre Évangiles, on ne remarque pas plus la Révélation nouvelle de la sainte Trinité, point fondamental et pivot de toute la religion chrétienne , que celle de toute autre doctrine déjà enseignée dans la synagogue, lors de l’avènement du Christ comme, par exemple, le péché originel, la création du monde sans matière préexistante et l’existence de Dieu. «Quand Notre Seigneur donne à Ses disciples, qu’Il avait tous choisis parmi les Juifs, la mission d’aller prêcher Son saint Évangile aux peuples de la terre, Il leur ordonne de les baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Il est clair que ces paroles, les seules des quatre Évangiles, où les trois divines personnes soient nommées ensemble en termes aussi exprès, ne sont pas dites comme ayant pour objet de révéler la sainte Trinité. Si le Sauveur prononce ici les noms adorables du Père et du Fils, et du Saint-Esprit, c’est pour prescrire la formule sacramentelle du baptême. La mention du grand mystère en cette circonstance, à l’occasion du baptême, produit sur l’esprit de quiconque lit l’Évangile l’effet d’un article de foi déjà connu et pleinement admis parmi les enfants d’Israël «En un mot, les évangélistes prennent pour point de départ le mystère de l’Incarnation. Ils nous le révèlent et nous prescrivent d’y croire. Quant à celui de la Trinité, qui le précède, qui en est la base dans la foi, ils s’en emparent comme d’un point déjà manifeste, admis dans la croyance de la loi ancienne. Voilà pourquoi ils ne disent nulle part : sachez, croyez qu’il y a trois personnes en Dieu. En effet, quiconque est familiarisé avec ce qu’enseignaient l es anciens docteurs de la synagogue, surtout ceux qui ont vécu avant la venue du Sauveur, sait que la Trinité en un Dieu unique était une vérité admise parmi eux depuis les temps les plus reculés ». (Harmonie de l’Église et de la Synagogue , t. Il, p. 277-279.) Cependant, il est une création plus noble que celle de l’univers matériel, plus noble que celle de l’homme lui-même, c’est la création du chrétien . Comme les deux premières, ce troisième chef-d’œuvre commence par la révélation du dogme de la Trinité . La plénitude des temps est accomplie : le Verbe, par qui tout a été fait, est descendu sur la terre pour régénérer Son ouvrage. Un monde nouveau, plus parfait que l’ancien, doit éclore à sa voix. Lui-même va remonter à Son Père ; mais Ses apôtres ont reçu l’ordre et le pouvoir de continuer cette merveilleuse création. Au moment solennel de Son départ, Il laisse tomber de Ses lèvres divines le nom ineffable de Jéhovah, qu’Il n’avait point encore prononcé dans Son entier, et dont l’énoncé complet devait être, suivant la tradition prophétique de la synagogue, le signal de la rédemption, universelle (1). (1) La Trinité des personnes en un Dieu unique ne devait être enseignée publiquement, clairement, de l’ave u même des Rabbins, qu’à l’époque de l’avènement du Messie, notre juste, époque où le nom de Yéhova, qui annonce cet augus te mystère, aussi bien que l’Incarnation du Verbe, devait cesser d’être ineffable... Une de leurs antiquestraditions dit en termes formels : La Rédemption s’opérera par le Nom entier Yéhova ; quand une des trois personnes divines, inséparable des deux autres, se sera faite ce que signifie la dernière lettre du nom ineffable : HOMME-DIEU, Drach, ibid., t. II, p, 455. Il leur dit : «Allez donc, enseignez toutes les nations et baptisez-les au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit» (Math., XVIII, 19). Voilà, ou jamais, la parfaite égalité des Trois personnes, même puissance, même vertu sanctifiante dans un seul Nom, c’est-à-dire dans une seule divinité : quoi de plus clair ! Ainsi, l’homme, qui doit son être naturel à l’adorable Trinité, lui devra son être surnaturel. Vie humaine et vie divine lui viennent de la même source. Cette grande vérité sera écrite dans l’acte même de sa double création. Sous tel climat qu’il naisse, pas un .fils d’Adam ne devient Fils de Dieu sans que l’Église, sa mère, lui grave sur le front le cachet indélébile de l’auguste Trinité. Ce n’est pas assez. Comme, dans l’Ancien Testament, le Dieu en trois personnes multiplia ses apparitions à l’homme primitif ; sous la loi de grâce il les multiplie plus nombreuses et plus claires à l’homme nouveau. Suivez le chrétien depuis le berceau jusqu’à la tombe : il ne saurait faire un pas dans la vie sans rencontrer la Trinité. Baptisé au nom de la Trinité, est-il revêtu de la force et rempli des lumières du Saint-Esprit ? C’est au nom de la Trinité. Reçoit-il la chair vivifiante de son Rédempteur ? C’est au nom de la Trinité. Recouvre-t-il la pureté de l’âme par la rémission de ses fautes ? Est-il fortifié dans les dangers de la dernière lutte ? Devient-il, selon la chair ou selon l’esprit, le père d’une nouvelle famille ? C’est encore au nom de la Trinité. Retourne-t-il à sa dernière demeure terrestre ? Est-il confié à la tombe comme un dépôt inviolable ? C’est toujours au nom de la Trinité. Ainsi, de tel côté qu’il se tourne, qu’il élève ses regards vers le firmament, qu’il les abaisse vers la terre ou qu’il les concentre sur lui-même, partout l’homme voit briller le dogme auguste d’un Dieu en trois personnes. Pour le nier, il faut qu’il nie l’univers, qu’il nie sa raison, qu’il nie les Écritures, qu’il se nie lui-même, comme homme et comme chrétien. Mais autant de fois il l’affirme, autant de fois il affirme la divinité du Saint Esprit : notre tâche était de l’établir. |
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