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On n’est plus chez soi ! De François FLORENTIN Aimé - paysan, désormais à la retraite, n’aspire qu’à sa tranquillité. Vieux garçon, il vient de se marier sur le tard. Par raison ? Ou par commodité ? Plus qu’une passion dévorante, on sent dans le couple une grande tendresse. Fernande - sa femme, précédemment veuve, pleine d’initiative et voulant transformer la ferme en gîte rural. Malgré quelques désaccords et petites disputes de bon aloi, il existe dans le couple une grande complicité. Muguette - fille du premier lit de Fernande, écologiste convaincue, et convaincante. Eudoxie - la mère d’Aimé. Un peu perdue dans sa tête, hors du temps, mais néanmoins très possessive, elle a bien du mal à accepter la présence de sa bru, qui le lui rend bien, et encore moins celle de « l’urne ». Elle est capable de rester de longs moments immobile, contemplative, les yeux dans le vague. Garcin Lazare - Retraité SNCF. Voisin envahissant, totalement sous l’emprise de sa femme, mais ne pouvant se passer d‘elle. Vit dans la nostalgie de son métier passé. Micheline - sa femme, un peu houri, un peu hypocondriaque et « un peu » fidèle. Armand - garde champêtre, homme à tout faire, « pas tout fini ». Le plombier - homme sans prénom, sans réelle compétence en plomberie pas plus qu’en menuiserie, mais aurait-il des talents cachés dans d’autres domaines ? Charles-Gonzague - industriel en vacances ? Que vient-il faire là ? Très imbu de sa personne, et méprisant envers sa femme. C’est un homme de pouvoir. A moins que… Edwige - sa femme. C’est une parvenue, qui essaie d’exister entre son brillant mari et son fils qui fait son admiration. Bryan - leur fils, surdoué. Ce peut-être une fille, en adaptant deux ou trois répliques Bardé de diplômes malgré son jeune âge, mais ignorant tout des choses concrètes qui font notre quotidien, et assez éloigné de la réalité. L’urne – Objet inanimé (quoi que…), mais c’est un personnage à part entière. Si cela vous intrigue, je peux vous expliquer comment la faire bouger… Intérieur d’un gite rural. Mobilier de circonstance, qui peut être régional. Portes sur les côtés : cuisine, salle de bains, chambre. Porte-fenêtre, ou porte vitrée, en fond, par laquelle on peut apercevoir un paysage d’hiver au premier acte et d’été au second. Si possible, mais non indispensable, également en fond, escalier donnant à l’étage (ce peut être une amorce d’escalier, deux marches, ou une sortie extérieure). Meuble ou cheminée sur laquelle est posée une urne funéraire. Cette urne est en carton. Eudoxie, assise dans un fauteuil, est assoupie et semble dormir. Aimé - assis à la table, faisant ses comptes à l’aide d’une machine à calculer Soixante quatorze plus vingt et un, les intérêts de l’emprunt, la facture d’électricité, ah oui, quand même - EDF- espèce de fainéants, « nous vous devons plus que la lumière » qu’ils disaient… cinq pour cent d’un coup… leur tarif augmente plus vite que la valeur de leurs actions, à ceux-là… Et c’est pas demain la veille que ma retraite augmentera aussi vite que leur facture… Allez ! Un p’tit café, ça m’aidera à y voir plus clair… s’adressant à Eudoxie Maman ! Tu veux un café ? Eudoxie - sursaute Hein ? Aimé - Tu veux un café ? Eudoxie - Ben pourquoi ? Aimé - Eh ben parce que j’en prends un… Eudoxie - Ben pourquoi ? Aimé - Eh ben parce que j’ai mes comptes à étudier, pour m’aider à réfléchir… Eudoxie - Ben pourquoi ? Aimé - patient Parce que c’est compliqué, et que j’arrive pas à joindre les deux bouts, surtout avec ce nouvel emprunt qu’il a fallu faire… Eudoxie - Pourquoi ? Aimé - Mais pour réaménager la ferme en gite rural ! Eudoxie - Ben pourquoi ? Aimé - un peu agacé Mais parce que c’était l’idée de Fernande ! Eudoxie - Qui ça ? Aimé - Fernande. Tu vois qui c’est ? Tu te souviens que je me suis marié ? Eudoxie - Pourquoi ? Aimé - exaspéré Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi quoi ? Eudoxie - Pourquoi tu t’es marié ? Aimé - Mais parce que… parce que je n’ai pas envie de finir mes jours tout seul… déjà que je ne sais pas me servir de la machine à laver et que je ne suis pas foutu de me faire cuire des pâtes… La dernière fois, j’avais oublié de mettre de l’eau… Eudoxie - Et c’est pour ça que tu as pris la première venue; Il a suffit qu’elle te dise « je vous trouve très beau », et toi, comme un bêta, t’es tombé dans le panneau !… « Je vous trouve très beau » Non mais tu t’es regardé ? Aimé - Ben quoi ? Je suis peut-être plus de la première fraicheur, mais il y a pire, non ? Et pis de toute façon, si je suis pas très beau, la faute à qui ? C’est peut-être un peu à cause de toi ! T’avais qu’à t’appliquer ! Eudoxie - Oui, ben on ne peut pas réussir tout ce qu’on entreprend… Et en plus, j’aurais mieux fait de ne pas te faire, si c’était pour faire entrer une étrangère dans ma maison. Aimé - Mais je te l’ai dit, j’avais pas envie de me retrouver tout seul, et mine de rien, tu prends de l’âge… Eudoxie - Eh ben c’est ça ! Enterre-moi tout de suite si tu veux ! Aimé - Mais non… C’est pas à la minute quand même … surtout que tu n’as pas encore signé ta convention-obsèques, alors… Eudoxie - Et tu as peur que mon cercueil ne te coûte trop cher, c’est ça ? Aimé - A moins que je ne te fasse incinérer, montrant l’urne sur la cheminée. Ça lui ferait de la compagnie. Eudoxie - s’insurgeant, elle se lève et s’approche de l’urne Moi à côté de lui ? Aimé - Et alors ? Il est calme, il ne fait pas de bruit… Eudoxie - catégorique Plutôt mourir ! Aimé - Oui, ben ça reviendrait au même ! Mais pas avant d’avoir signé ! Eudoxie - en sortant, furieuse Bon. Autant en finir tout de suite : Je vais te le signer, ton papier. Aimé - se rassoit et reprend sa machine à calculer Bien, revenons à nos comptes et à nos moutons… Alors, quatorze et deux douze et cinq : vingt et un… Fernande - arrive, elle peut avoir un livre d’anglais en mains Drôle de méthode de calcul ! Aimé - Peu importe la méthode, ce qui compte c’est le résultat. Fernande - Et qu’est-ce qu’il dit, le résultat ? Aimé - Il dit… Il dit que c’est pas simple. Tous ces travaux qu’on a entrepris pour faire tes chambres d’hôtes, ça nous coûte un maximum. Fernande - Pour l’instant, oui, mais un peu de patience, nous aurons bientôt un retour sur investissement. Toi, un homme de la terre, tu sais bien qu’il faut semer avant de récolter. Aimé - Peut-être, mais quand je cultive mes pommes de terre, je les vois germer, pousser, se développer, fleurir, avant de donner une récolte. Là, je ne vois rien venir. Fernande - Attends un peu ! La saison va seulement commencer. Le printemps est tout proche. Aimé - C’est pas trop tôt ! Que je puisse planter mes patates ! J’espère que la terre va bien aller cette fois, avec l’hiver qu’on a eu…Enfin un bel hiver, comme dans le temps !… Ah ! On savait profiter en ce temps-là ! La nature se reposait, et les gens aussi… Fernande - Et ça devait bien t’arranger, parce que c’est pas de courir après le travail qui t’aura beaucoup éreinté… A part le minimum pour nourrir les bêtes, depuis deux mois ton exercice le plus violent consiste à tourner les pages de ton journal. Aimé - Mais c’est parce que je vis en parfaite harmonie avec la nature, moi : La nature se repose ? Eh ben moi aussi. Et encore, je force un peu : Les feuilles de mon journal bougent, elles. Regarde par la fenêtre, tu en vois beaucoup des feuilles qui bougent ? Fernande - C’est sûr qu’avec dix centimètres de neige, on ne les voit pas beaucoup, les feuilles. Pas plus que les touristes, avec les routes qui ne sont pas dégagées… Aimé - Et elles ne risquent pas d’être dégagées avant le dégel, avec un maire comme on en a un… Fernande - Oh écoute, il fait ce qu’il peut, avec le peu de moyens dont il dispose. C’est même lui qui est obligé de passer la saleuse… Aimé - C’est ça, défends-le, tant que tu y es ! La vérité, c’est que si j’acceptais de lui céder ma terre des grands champs, il viendrait peut-être jusqu’ici au lieu de s’arrêter à cent mètres. Mais il peut toujours courir. Il est peut-être têtu, mais je ne calerai pas. Fernande - Ah ça, pour être têtus !… Les deux font la paire. Aimé - De toute façon, c’est son dernier mandat : Dans deux mois, c’est fini, et je ne voterai pas pour lui ! Fernande - Et pour qui ? On sait qui on quitte, on ne sait pas qui on reprend ! Aimé - Peu importe ! Un âne fera aussi bien l’affaire. Fernande - N’empêche que ce temps-là n’incite pas les vacanciers à venir jusqu’ici à cette saison. D’habitude, ils ne viennent pas ici pour faire du ski… à trois cents mètres d’altitude… Heureusement que la saison dernière a été bonne, avec des clients qui venaient des huit coins de l’hexagone. Aimé - De mon temps à l’école, il n’y avait que six coins à l’hexagone. Fernande - énervée De ton temps peut-être… Mais tout augmente. Aimé - Tu veux que je te dise ? Je suis bien content qu’on ait eu un peu de répit cet hiver. Je ne sais pas si c’est l’âge, mais arrivé à la retraite, j’apprécie de pouvoir prendre mon temps et d’être un peu au calme. Il va s’installer dans un fauteuil. Elle est pas belle, la vie ? S’étirant, il fredonne Quand je pense à Fernande, je glande, je glande… Fernande - faussement outrée Si ta mère t’entendait… Aimé - Quand je pense à Eudoxie, je glande aussi… Fernande - Oui, ben c’est pas le moment : J’ai reçu une réservation, j’ai préparé la chambre qui donne sur le potager, et je vais m‘assurer que la salle de bains est en ordre. Au fait, tu as prévenu le plombier qu’on a des soucis d’évacuation ? Aimé - Il a dit qu’il essaierait de passer ce matin, mais il déborde de travail. Fernande - Oui, ben y a pas que lui qui déborde… et ça fait vraiment mauvais genre d’accueillir les gens sans avoir de commodités. Aimé - Mais ils n’ont qu’à faire comme nous, tes touristes ! Ils veulent du dépaysement, eh bien ils n’ont qu’à aller au fond du jardin. A la campagne comme à la campagne. Fernande - Tu ne peux quand même pas imposer ça aux clients ! Ça les ferait fuir dès le deuxième jour. Et là, j’en tiens un pour au moins un mois ! Aimé - Un mois ! Ce doit être un passionné de nature, à moins qu‘un ermite voulant oublier un chagrin d‘amour. Venir s’enterrer un mois dans un patelin de cent trente habitants, perdu au milieu de nulle part… Fernande - Ah ça, je ne sais pas. Il m’a dit qu’il venait étudier le sol ou quelque chose comme ça, mais tu penses bien que je n’ai pas posé trop de questions : Un client pour un mois ! Et en plus, il n’est pas seul, il vient avec sa femme et son fils. Aimé - Moi, pourvu qu’on me foute la paix et qu’on ne vienne pas m’embêter dans mon jardin… Fernande - Faudrait savoir ce que tu veux ! Si on n’a pas de touristes, on ne pourra pas rembourser l’emprunt. Déjà que la banque a eu du mal à nous prêter, elle ne nous ferait pas de cadeau. Aimé - Tous les mêmes, ces banquiers : Ils sont d’accord pour te prêter de l’argent si tu peux leur prouver que t’en as pas besoin ! Lazare - descendant de l’étage, légèrement plié en deux Bonjour, bonjour, je ne fais que passer… Aimé - T’es bien matinal, ce matin ! Lazare - Un besoin urgent : Il faut que j’aille aux latrines… Aimé - Tu connais le chemin ? Lazare - Oui, oui… l’air pressé et s’excusant Je ne m’attarde pas… Il sort. Fernande - Heureusement qu’on a pu louer l’appartement de l’étage à monsieur Garcin… Aimé - Lazare est un enfant du pays. Il a toujours travaillé aux chemins de fer, et la retraite venue, il a voulu faire un retour aux sources, mais comme la maison familiale était en ruines… Fernande - Une chance pour nous, mais ça ne suffira pas, il faut qu’on remplisse davantage. Et si les gens ne viennent pas des six coins de l’hexagone, puisque tu prétends qu’il n’y en a que six, eh bien nous ferons tout pour en faire venir d’ailleurs. C’est pourquoi je me prépare à les accueillir en apprenant l’anglais, même si ce n‘est pas très facile. Aimé - Ah ! C’est donc pour ça la méthode « à Mimile » que tu lis chaque soir avant de t‘endormir. Fernande - A-ssi-myl… Aimé – à Six mille ? Eh ben dis donc, c’est pas donné ! Fernande - accent Franglais No, but it is very efficace… Aimé - Tu m’en diras tant… Alors c’est pour ça que tu te bourres le crâne tous les jours ? Fernande - Yes, but it is not because I do… Aimé - Tu sais quoi ? « You are the one for me, for me, formidable… You are my love very, very, veritable… Et je voudrais pouvoir enfin te le dire, te l’écrire, dans la langue de Shakespeare… », le problème, c’est que je ne parle pas anglais, alors… « Je sais pas comment te dire Ce que je peux pas écrire, Faudrait que j’invente des mots Qui sont pas dans le dico… C’est toi que je t’aime, vachement beaucoup… » Fernande - Yes, sir, but it is not because it is pas facile que… que… Aimé - Je me disais bien aussi : Il devait bien y avoir une raison pour que t’aies la migraine tous les soirs… Fernande - But it is not the question ! Aimé - It is not the question, it is not the question… but it is the problème… Fernande - Ecoute, on en a déjà parlé cent fois, on ne va pas encore se disputer ! Aimé - Oui, t’as raison. S’approchant tendrement Allez, viens me faire un gros câlin ! Fernande - se dégageant gentiment Non ! Arrête ! Montrant l’urne sur la cheminée Pas devant lui, tu sais bien que ça me gêne. Aimé - Pas devant lui, pas devant lui… T’as peur qu’il soit jaloux ? Insistant Allez… Juste un gros poutou… Lazare - de retour, sourire aux lèvres Ah ! Ça va mieux ! Je ne vous dérange pas au moins ? Fernande - Non, non, pas du tout. Sonnerie téléphone portable (jingle SNCF) Lazare - Oui, ma bibiche… Oui… Oui je sais… Tu ne peux plus attendre ? Ecoute, je vais voir ce que je peux faire… C’est ça… Oui je m’en occupe tout de suite ma bibiche. À Aimé et Fernande C’était ma femme. Aimé - faussement étonné Ah oui ? Lazare - Elle est souffrante, je ne sais pas ce qu’on a mangé hier soir, mais on est tout barbouillés ce matin… Fernande - condescendante Ah oui… Lazare - un peu gêné Vous pensez que… que les toilettes seront bientôt en service ? Vous avez appelé le plombier au moins ? Aimé - rassurant Ah oui. Lazare - de plus en plus gêné Le problème, c’est qu’elle se refuse à aller au fonds du jardin, elle est très pudique vous savez… et en plus par ce froid… Fernande - compréhensive Ah oui… Lazare - suggérant En attendant le plombier, vous auriez peut-être un… un récipient qui…? Aimé -soudain inspiré Ah oui !!! Fernande - réalisant elle aussi, et s’adressant à Aimé Mais oui ! Va donc chercher le seau hygiénique dans le débarras. Aimé - s’exécutant Ah oui. Il sort. Fernande - pour faire patienter Lazare. Il n’en a pas pour longtemps, c’est juste à côté… Sonnerie-jingle SNCF |
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