Littérature russe








titreLittérature russe
page4/29
date de publication19.05.2017
taille1.2 Mb.
typeLittérature
p.21-bal.com > loi > Littérature
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   29
15, mais les paysans ne s’offensent pas pour si peu. On fait bien l’aumône aux mendiants, est-il possible de refuser à son propre barine ?

— Attendez un peu, âmes charitables ! Vous allez voir ça… Je vais reléguer le Nigaud dans ton village et j’entends que tu le fasses entretenir aux dépens des paysans.

— Tout à votre volonté, soudarynia.

— Hein ! qu’as-tu dit ?

— Tout à votre volonté, ai-je dit, soudarynia. — Vous ordonnez, nous obéirons.

— C’est bien ! Qu’ils obéissent ! Sinon, gare à toi !

Il y eut un moment de silence. Mais ce n’était pas en vain qu’Anton Vassilieff avait été surnommé « girouette ». Ne pouvant tenir en place il recommença à piétiner, brûlant du désir de raconter quelque chose.

— Ah ! quel farceur que ce Stépane Vladimiritch ! dit-il enfin. Il est revenu de la campagne avec cent roubles d’argent. Pas grand’chose, mais avec ça on aurait pu toujours vivre quelque temps…

— Eh bien ?

— À ce qu’il paraît, il a voulu se rattraper.

— Allons, parle !

— Il porta son argent au club allemand, il y croyait trouver une oie à plumer. Au lieu de cela, il tomba sur un malin, voulut tourner les talons, mais à ce qu’il paraît, on l’arrêta dans l’antichambre et on lui vida ses poches.

— Et ses côtes ont souffert aussi.

— Tout juste. C’est lui-même qui est venu raconter l’affaire à Ivan Mikhaïlovitch. Et chose étonnante, il riait et était gai comme un pinson.

— Il l’a bien mérité. Qu’il ne se montre pas devant mes yeux, le Nigaud.

— Cependant cela se pourrait !

— Que me dis-tu ? Mais je ne lui laisserai pas passer le seuil de ma porte.

— Eh oui ! mais il est probable néanmoins qu’il reviendra. Il a laissé échapper devant Ivan Mikhaïlovitch ces paroles : « Halte-là, je vais aller chez la vieille manger mon pain sec. » Mais, à vrai dire, madame, il ne peut toujours aller d’un paysan chez l’autre. Cela ne peut pas durer, il faut bien cependant qu’il s’habille, qu’il se loge.

Et c’était justement ce que craignait Arina Pétrovna ; voilà cette idée vague qui la tourmentait sans qu’elle s’en rendît bien compte : Oui, il reviendra, cela était inévitable, quand il ne saura plus où aller. Il sera ici, constamment devant les yeux, ce maudit, ce malpropre, cet oublié ! Pourquoi lui avait-elle jeté un morceau ? Elle croyait bien qu’en recevant « ce qu’il fallait lui donner », il disparaîtrait pour toujours… et il allait revenir ! Oui, il reviendrait, ferait l’exigeant ; sa tenue misérable serait connue de tous. Et il faudrait passer par sa volonté, car c’était un homme débauché, effronté. On ne pouvait pas l’enfermer au verrou et il était capable de se présenter devant les étrangers vêtu de guenilles, de faire une esclandre, d’aller raconter chez les voisins tous les secrets de la famille Golovleff !

Peut-être pourrait-on l’enfermer au monastère de Souzdale ? Mais malheureusement ce monastère n’était pas créé dans le but de délivrer les parents de leurs enfants indignes. Il y avait bien les maisons de correction, mais comment y enfermer cet étalon quadragénaire ! !… En un mot, Arina Pétrovna avait complètement perdu la tête, à l’idée des malheurs qui, à l’arrivée de Stepka le Nigaud, menaçaient de troubler sa paisible existence.

— Je l’enverrai chez toi, déclara-t-elle au bailli, qu’il vive à tes dépens, et non à ceux du domaine.

— Qu’ai-je fait pour cela, soudarynia ?

— Qu’as-tu fait ? Et qui croasse : « il reviendra, il reviendra » ? Va-t’en de devant mes yeux.

Anton Vassilieff voulut s’en aller, mais Arina Pétrovna le retint encore une fois.

— Attends ! est-ce bien vrai qu’il parte pour Golovlevo ?

— Oserais-je vous mentir, soudarynia ? Oui, il a dit : « Je m’en vais chez la vieille manger du pain sec ! »

— Eh bien, il verra le pain que la vieille lui a préparé !

— Oui, mais allez, il ne vous sera pas longtemps à charge !

— Eh quoi ?

— Il tousse beaucoup et porte sans cesse sa main à son côté gauche. Il ne vivra pas longtemps…

— Ce sont ceux-là, mon cher, qui résistent le mieux. Il nous enterrera tous ! La toux n’est rien pour cet étalon-là ! Mais nous verrons ! Tu peux partir maintenant, j’ai des dispositions à prendre.

Arina Pétrovna médita toute la soirée et finit par se décider à convoquer le conseil de famille afin de se prononcer sur le sort du Nigaud. Cette manière d’agir n’était pas dans ses mœurs, mais pour cette fois elle se décida à déroger à ses traditions autoritaires pour couvrir sa responsabilité par une décision prise en famille. Elle n’avait aucun doute sur l’issue du conseil et se mit à écrire dans une tranquille disposition d’esprit à Porfiry et à Pavel Golovleff, les priant de se rendre immédiatement à Golovlevo.
Pendant ce temps, l’auteur du « gâchis » était en route vers Golovlevo.

Il avait pris à Moscou une de ces voitures connues sous le nom de diligences. La carriole se dirigeait vers Vladimir et le compatissant Ivan Mikhaïlovitch accompagnait Stépane Vladimiritch et payait les frais de nourriture et de voyage.

— Donc, c’est convenu. Vous descendrez au détour et tel que vous êtes, dans cet accoutrement, vous irez à pied vous présenter chez la mamenka, lui disait Ivan Mikhaïlovitch.

— Oui, c’est bien ça, répondait Stépane Vladimiritch, du détour il y a à peine une quinzaine de verstes. Je ferai cela d’une traite ! Et je me présenterai tout poussiéreux.

— Et lorsque la mamenka vous verra en ce costume, peut-être aura-t-elle pitié de vous.

— Oui, elle aura de la pitié. En peut-il être autrement ? Mère est une bonne vieille !…

Stépane Vladimiritch n’a pas encore quarante ans, mais en paraît largement cinquante. La vie qu’il a menée l’a tellement usé qu’à le voir personne ne se douterait qu’il est d’origine noble et qu’il a fait ses études à l’université. C’est un garçon démesurément long, aux cheveux non peignés, au visage mal débarbouillé, maigre à cause du défaut de nourriture, la poitrine enfoncée, les mains longues et osseuses. Sa face est bouffie, les cheveux ébouriffés et les poils de la barbe sont à demi blancs, sa voix est haute, mais enrouée, ses yeux sont à fleur de tête et enflammés par l’abus continuel de l’eau-de-vie. Il est vêtu d’un vieil uniforme de milicien, complètement râpé et dont les galons absents ont été décousus et vendus, chaussé de bottes éculées, déformées, roussies et rapiécées. À travers la tunique déboutonnée, on aperçoit la chemise noire de graisse, chemise que, du reste, il nomme lui-même dans son cynique langage de soldat, niche à puces. Il regarde du coin de l’œil, d’un air morose, qui exprime on ne sait quelle inquiétude vague qui, peut-être, pourrait se traduire ainsi : « encore une minute d’attente, une seule, et je meurs de faim. » Il parle sans cesse, sans aucune suite, sautant d’un sujet à l’autre ; il parle quand Ivan Mikhaïlovitch l’écoute et quand il s’endort au son de son bavardage. Il se trouve très mal assis, car la diligence contient quatre personnes et au bout de quatre ou cinq verstes de parcours, il se sent déjà les genoux endoloris. Néanmoins, malgré la douleur, il ne discontinue pas de parler. Des nuages de poussière entrent par les ouvertures latérales du véhicule ; de temps en temps y pénètrent les rayons obliques du soleil, répandant leur chaleur dans l’intérieur de la diligence — et il parle toujours.

— Oui, frère, vois-tu, j’ai eu pas mal de malheurs dans ma vie, racontait-il, — il est temps que je me repose. Je pense qu’il se trouvera bien chez elle, un morceau de pain pour moi. Qu’en penses-tu, Ivan Mikhaïlovitch ?

— Votre mamenka possède beaucoup de morceaux.

— Et je ne suis pas seul. Voilà ce que tu as voulu dire ! Oui, ami, elle a de l’argent, un joli magot, va, et à moi, elle me jette un piatak de cuivre16 qu’elle regrette ensuite. Elle m’a toujours détesté, la sorcière. Pourquoi ? Mais aussi, comme maintenant je n’ai rien à perdre, je lui serrerai la gorge. Si elle veut me chasser, je reste ; si elle me refuse à manger, je me sers moi-même ! Oui, frère, j’ai servi ma patrie et chacun doit m’aider… Mais ce que je crains, c’est que la vieille me refuse du tabac… voilà ce qui serait dur.

— Oui, il est probable qu’il faudra dire adieu au tabac.

— Alors, je serrerai les côtes au bailli et ce diable chauve m’en donnera.

— Oui, il ne vous en refusera pas… Et si votre maman le lui défend aussi ?

— Alors je serai fichu. Tout ce qui me reste de mon ancien bien-être, c’est le tabac ! Lorsque j’avais de l’argent, sais-tu combien j’en fumais ? Un quart de joukoff par jour !

— Il faudra aussi dire adieu à l’eau-de-vie.

— Cela encore est dur. L’eau-de-vie est excellente pour ma santé : elle délaie la salive. Lorsque nous marchions sur Sébastopol, sais-tu combien nous en avons bu avant d’être seulement arrivés à Serponkhoff ? Un védro17 chacun ! !

— Et cela vous a joliment étourdi, je pense.

— Je ne m’en souviens plus, mais je crois que oui. Eh bien ! mon ami, j’ai marché jusqu’à Kharkoff, et qu’on me tue si je me rappelle quelque chose. Tout ce que je sais, c’est que nous avons traversé des villages, des villes, et qu’à Toula, un fermier nous fit un discours, et se mit à pleurer ; canaille ! Était-elle assez malheureuse en ce temps-là notre sainte mère, la Russie !… Des fermiers, et des entrepreneurs ! et des receveurs ! — comment Dieu nous a-t-il sauvés !…

— Et même dans ce temps-là, votre mamenka trouvait son bénéfice… Plus de la moitié des soldats ne revinrent pas de la campagne et l’on dit que le gouvernement donne pour chacun d’eux une quittance de recrues18. Et cette quittance, si on l’achète, coûte plus de quatre cents roubles.

— Oui, ami, notre mère est un bel esprit ! Elle devrait être ministre et non rester à Golovlevo à écumer les confitures ! Sais-tu ? Elle a été injuste à mon égard, elle m’a offensé, et cependant je l’estime ! Elle est intelligente comme le diable, — voilà le principal ! Sans elle, que serions-nous maintenant ? Nous serions restés avec notre unique Golovlevo — cent une âmes et demie ! Et regarde combien elle a amassé !

— Vos frères auront un beau capital.

— Oui, sûrement. En tous cas, je n’aurai rien. Oui, ami, je suis flambé. Et mes frères seront riches, surtout Sangsue, est-il assez obséquieux, celui-là ? Du reste, il finira par venir à bout de la vieille sorcière et lui soutirera tout son bien, tout son avoir. Ah ! je vois clair pour ces choses-là ! Quant à Pavel, c’est un noble cœur. Tu verras qu’il m’enverra du tabac en cachette. Dès que je serai arrivé à Golovlevo, je lui écrirai une lettre : Mon cher frère, et par ci et par là, je te prie, viens à mon aide, etc. ! — Eh, eh, eh, si j’étais riche !

— Que feriez-vous donc ?

— D’abord, je t’enrichirais, toi.

— Oh ! pourquoi faire ? Pensez à vous. Quant à moi, grâce à votre mamenka, je suis satisfait de ce que j’ai.

— Oh ! pour ça non, frère, — je te ferais intendant principal de tous mes biens ! Oui, ami, tu as réchauffé, rassasié le pauvre soldat — merci, — sans toi, je me dirigerais en ce moment à pied vers la maison de mes ancêtres. Aussi je te donnerai une lettre d’affranchissement et t’ouvrirai tous mes trésors en te disant : Mange, bois et amuse-toi !

— Non, soudar19, ne vous inquiétez pas de moi. Mais que feriez-vous encore si vous étiez riche ?

— Deuxièmement, je me procurerais une petite. À Koursk, je me suis rendu à l’église pour faire chanter un Te Deum à la Vierge et là, j’en ai vu une… Oh ! comme elle était jolie ! Veux-tu croire qu’elle ne restait pas une seule minute tranquille à sa place.

— Mais peut-être que cette petite n’aurait pas voulu de vous !

— Et l’argent ! à quoi sert-il ? le vil métal ! Si cent roubles sont peu, prends-en deux cents. Vois tu, frère, quand j’ai de l’argent, je ne regarde à rien si mon plaisir en dépend. S’il faut tout dire, je lui promis, par l’intermédiaire d’un caporal, trois roubles, mais elle en voulait cinq, la canaille !

— Et à ce qu’il paraît, vous n’aviez pas cette somme ?

— Je ne sais comment le dire, mon cher, je te le répète, tout dans ce temps-là m’apparaissait comme dans un rêve. Des deux mois entiers qu’a duré le trajet, je ne me souviens plus de rien. Il est possible qu’elle soit venue chez moi, mais j’ai oublié cette circonstance. Et cela t’est-il jamais arrivé, à toi ?

Ivan Mikhaïlovitch se tait. Stépane Vladimiritch regarde et constate que la tête de son compagnon bat la mesure de haut en bas, et par moment, lorsqu’elle touche presque le genou, Ivan frissonne singulièrement et recommence son mouvement cadencé.

— Eh, eh ! dit Stépane, tu te berces déjà, tu as donc sommeil. Tu t’es engraissé dans ton traktir, je le vois. Mais moi, je ne dors plus maintenant. Que vais-je faire ? Tiens ! Si je goûtais du jus de la treille !

Golovleff regarde autour de lui et constate que tous les autres voyageurs dorment. La tête du marchand qui est son voisin, se heurte à chaque instant contre la solive, mais cela ne le réveille pas : sa physionomie est brillante, comme si elle était recouverte de vernis et les mouches s’amassent autour de sa bouche.

— Ah ! si on lui enfournait toutes ces mouches dans le bec, il tirerait une langue longue d’un pied, se dit tout à coup Golovleff et il allonge tout doucement sa main pour mettre son projet à exécution, mais tout à coup, il s’arrête.

— Bah ! c’est assez de farces comme ça ! Dormez, mes amis, dormez ! Et moi en attendant, je vais chercher la bouteille. Ah ! ah ! te voilà, ma chérie ! Viens, viens un peu ! Dieu sauve les bons ! chantonne-t-il à demi-voix en retirant la bouteille d’un sac de toile. — C’est ça ! maintenant, tout va bien ! se dit-il en portant la fiole à sa bouche. — Suffit !… d’ici à la station, il y a au moins une vingtaine de verstes, j’ai le temps de me gaver. Ah ! que le diable emporte cette eau-de-vie ! Dès qu’on l’aperçoit, on ne peut y résister ! Eh ! eh ! j’avais de l’argent et je n’en ai plus. Là où il y avait un homme, il n’y a plus rien ! Et tout est ainsi dans le monde ! Aujourd’hui tu es rassasié et ivre, tu vis à ton aise, tu fumes ta pipe… Et demain — où seras-tu, homme ? Mais ce n’est pas tout. Après boire, il est bon d’avaler un morceau. Je ne sais que boire comme un tonneau et quant à manger… Et les médecins disent cependant que la boisson ne fait du bien qu’autant qu’elle est suivie d’un copieux repas, comme disait son Éminence Smaragd lorsque nous traversions Oboïane. Était-ce bien à Oboïane ? Le diable seul le sait, peut-être était-ce à Kromy ! Du reste, il ne s’agit pas de cela, mais de pouvoir manger. Je crois me rappeler qu’il a mis dans le sac du boudin et trois pains français. Et il n’a pas même acheté de caviar20, l’animal, et comme il dort, quelles jolies chansons sortent de son nez ! Aurait-il mis par hasard les provisions au dessous de lui ?

Stépane Vladimiritch cherche et ne trouve rien.

— Ivan Mikhaïlovitch ! hé ! Ivan Mikhaïlovitch ! crie-t-il.

L’autre se réveille, et, pendant une minute, il semble étonné de se trouver vis-à-vis de son barine.

— « Tiens ! je venais de m’endormir, » dit-il enfin.

— Ça ne fait rien ! ami, dors. Je t’ai réveillé afin que tu me donnes le panier aux provisions.

— Ah ! vous avez faim ! Mais ne prenez-vous pas un verre auparavant ?

— Bonne idée ! Où est la bouteille ?

Après avoir bu, Stépane Vladimiritch se mit à manger le boudin qui était dur comme une pierre, salé comme du sel et entouré d’une peau si résistante qu’il fallait la percer avec un couteau.

— Le saumon serait fameux en ce moment !

— Je vous demande bien pardon, soudar, mais je l’ai totalement oublié. Toute la matinée j’y ai pensé et même j’ai dit à ma femme : « Fais attention au saumon. » Ah ! quel malheur !

— Cela ne fait rien ! le boudin nous suffira. En campagne, l’on ne mange pas toujours comme ça. Père racontait qu’un Anglais avait parié de manger un chat crevé — et il l’a mangé.

— Oh !…… il l’a mangé ?

— Parfaitement. Il s’est ensuite trouvé mal ! mais il s’est guéri avec du rhum. Il avala deux bouteilles d’un trait et de suite, il fut bien portant : son mal fut enlevé comme avec la main… Un autre Anglais paria de se nourrir de sucre seulement toute une année.

— Et il gagna ?

— Non, il mourut deux jours avant la fin de l’an… Et toi, pourquoi ne prends-tu pas un verre ?

— Je n’ai bu de ma vie.

— Tu te rinces la bouche avec du thé, fi ! Ce n’est pas fameux, frère, et c’est pour cela que ton ventre pousse. Il faut être prudent avec le thé : faut prendre d’abord une tasse, puis un petit verre. Le thé amasse le crachat et l’eau-de-vie le dissout. N’est-ce pas ?

— Je n’en sais rien. Vous êtes instruit, vous devez le savoir mieux que moi.

— En marche, nous ne prenions ni thé ni café. Quant à l’eau-de-vie, c’était une autre affaire : on débouchait le bidon, on emplissait le verre, on le buvait et tout était dit…… On nous a tant fait marcher dans ce temps-là que je suis resté dix jours sans me lever.

— Vous avez eu pas mal de peines à supporter, soudar ?

— Beaucoup ou peu… mais essaie donc de faire comme nous des marches forcées… En allant, nous n’étions pas trop mal, on nous fêtait sur notre passage… des dîners, des cadeaux, du vin…… tout ce que nous voulions. Mais à notre retour, autre chanson !

Golovleff s’efforce de ronger le boudin et parvient enfin à en détacher un morceau.

— Il est salé, le boudin, frère ; — du reste, je ne suis pas exigeant. Je ne m’attends pas à ce que maman me bourre de friandises.

— Dieu est miséricordieux ! Vous aurez du pâté peut-être.

— Ni thé, ni tabac, ni eau-de-vie — tu as dit vrai… mais, m’a-t-on dit, maintenant elle joue aux cartes ; peut-être m’invitera-t-elle à être son partenaire et elle me donnera du thé… Mais quant au reste, adieu, frère !

Arrivé au relais de poste, la diligence s’arrête pour laisser reposer les chevaux. Golovleff a fini sa bouteille et est affamé. Les voyageurs se retirent dans l’izba et s’attablent pour dîner. Après avoir flâné dans la cour, jeté un coup d’œil dans l’arrière-cour, sur les mangeoires des chevaux et sur les pigeons, Stépane Vladimiritch tente de dormir. Mais il se convainc qu’il est préférable de suivre ses compagnons de route à l’izba.

Là, sur la table, fument déjà la soupe aux choux et dans un plat un gros morceau de bœuf qu’Ivan Mikhaïlovitch est en train de découper. Golovleff s’assoit près de la table, allume sa pipe et reste pendant quelque temps indécis.

— Pain et sel ! Messieurs, dit-il enfin, mais, ma foi, votre chtchi
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   29

similaire:

Littérature russe iconLittérature russe
«la vie musicale» de l’auteur, mais sur toute la «nouvelle école» dont IL fut le plus actif représentant et que la «saison russe»...

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe

Littérature russe iconLittérature russe








Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
p.21-bal.com