LEON DENIS
LA
GRANDE ENIGME DIEU
&
L’UNIVERS
Au lecteur
Aux heures pesantes de la vie, aux jours de tristesse et d’accablement, ouvre ce livre ! Écho des voix d’en haut, il le donnera le courage ; il l’inspirera la patience, la soumission aux lois éternelles !
Où et comment ai-je songé à l’écrire ? C’était un soir d’hiver, un soir de promenade sur la côte azurée de Provence.
Le soleil se couchait sur la mer paisible. Ses rayons d’or, glissant sur la vague endormie, allumaient des teintes ardentes sur le sommet des roches et des promontoires ; tandis que le mince croissant lunaire montait dans le ciel sans nuages. Un grand silence se faisait, enveloppant toutes choses. Seule, une cloche lointaine, lentement, tintait l’angélus.
Pensif, j’écoutais les bruits étouffés, les rumeurs à peine perceptibles des villes d’hiver, en fêle, et les voix qui chantaient en mon âme.
Je songeais à l’insouciance des humains qui se grisent de plaisirs pour mieux oublier le but de la vie, ses impérieux devoirs, ses lourdes responsabilités. La mer berceuse, l’espace qui, peu à peu, se constellait d’étoiles, les senteurs pénétrantes des myrtes et des pins, les harmonies lointaines dans le calme du soir, tout contribuait à répandre en moi et autour de moi un charme subtil, intime et profond.
Et la voix me dit : publie un livre que nous t’inspirerons, un petit livre qui résume tout ce que l’âme humaine doit connaître pour s’orienter dans sa voie ; publie un livre qui démontre à tous que la vie n’est pas une chose vaine, dont on puisse user avec légèreté, mais une lutte pour la conquête du ciel, une œuvre haute et grave d’édification, de perfectionnement, une œuvre que régissent des lois augustes et équitables, au-dessus desquelles plane l’éternelle Justice, tempérée par l’Amour.
La Justice ! S’il est en ce monde un besoin, une nécessité impérieuse pour tous ceux qui souffrent, dont l’âme est déchirée, n’est-ce pas le besoin de croire, de savoir que la justice n’est pas un mot vide, qu’il y a quelque part des compensations pour toutes les douleurs, une sanction à tous les devoirs, une consolation pour tous les maux ?
Or, cette justice absolue, souveraine, quelles que soient nos opinions politiques et nos vues sociales, il faut bien le reconnaître, elle n’est pas de notre monde. Les institutions humaines ne la comportent pas.
Et quand même nous parviendrions à corriger, à améliorer ces institutions et, par la suite, à atténuer bien des maux, à diminuer la somme des inégalités et des misères humaines, il y a des causes d’affliction, des infirmités cruelles et innées contre lesquelles nous serons toujours impuissants : la perte de la santé, de la vue, de la raison, la séparation des êtres aimés et tout l’immense cortège des souffrances morales, d’autant plus vives que l’homme est plus sensible et la civilisation plus affinée.
Malgré toutes les améliorations sociales, nous n’obtiendrons jamais que le bien et le mal trouvent ici-bas leur entière sanction. S’il est une justice absolue, intégrale, elle ne peut être que dans l’au-delà ! Mais qui nous prouvera que cet au-delà n’est pas un mythe, une illusion, une chimère ? Les religions, les philosophies ont passé ; elles ont déployé sur l’âme humaine le riche manteau de leurs conceptions et de leurs espérances. Cependant le doute a subsisté au fond de l’âme. Une critique minutieuse et savante a passé au crible toutes les théories d’antan. Et de cet ensemble majestueux, il n’est resté que des ruines.
Mais alors, sur tous les points du globe, des phénomènes psychiques se produisirent. Variés, continus, innombrables, ils apportaient la preuve de l’existence d’un monde spirituel, invisible, régi par des principes rigoureux, aussi immuables que ceux de la matière, monde qui recèle dans ses profondeurs le secret de nos origines et de nos destins1. Une nouvelle science est née, basée sur les expériences, les enquêtes et les témoignages de savants éminents ; par elle, une communication s’établit avec ce monde invisible qui nous entoure, et une révélation puissante découle sur l’humanité comme une onde pure et régénératrice.
Jamais, peut-être, au cours de son histoire, la France n’a senti plus profondément l’opportunité d’une nouvelle orientation morale. Les religions, disons-nous, ont beaucoup perdu de leur prestige, et les fruits empoisonnés du matérialisme se montrent de toutes parts. A côté de l’égoïsme et de la sensualité des ans s’étalent la brutalité et les convoitises des autres. Les actes de violence, les meurtres, les suicides se multiplient. Les grèves revêtent un caractère de plus en plus tragique. C’est la lutte des classes, le déchaînement des appétits et des fureurs. La voix populaire monte et gronde ; la haine des petits envers ceux qui possèdent et jouissent tend à passer du domaine des théories dans celui des faits. Les pratiques barbares, destructrices de toute civilisation, pénètrent dans les mœurs ouvrières. On saccage les usines ; on brise les machines ; on « sabote » l’outillage industriel. Cet état de choses, en s’aggravant, nous ramènerait tout droit à la guerre civile et à la sauvagerie.
Tels sont les résultats d’une fausse éducation nationale. Depuis des siècles, ni l’école ni l’Église n’ont enseigné au peuple ce qu’il a le plus besoin de connaître : le pourquoi de l’existence, la loi de la destinée avec le vrai sens des devoirs et des responsabilités qui s’y rattachent. De là, de toutes parts, en haut comme en bas, le désarroi des intelligences et des consciences, la confusion de toutes choses, la démoralisation, l’anarchie. Nous sommes menacés de la faillite sociale.
Faudra-t-il . descendre jusqu’au fond du gouffre des misères publiques, pour voir l’erreur commise et comprendre qu’il faut rechercher par-dessus tout le rayon de lumière qui éclaire la grande marche humaine sur la route sinueuse, à travers les fondrières et les rocs éboulés ? Novembre 1910.
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