Développement rural et sécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne; l'agriculture adéquate et la recherche inhérente ou Jeter un pont entre les approches agro-écologiques et des technologies conventionnelles pour une agriculture africaine productive, compétitive et durable Contribution à la Conférence "Agriculture and the challenges of supply and nutrition requirements in Africa: how can research contribute in cotton areas?" Yamoussoukro, juin 2013
Résumé Une collaboration entre les promoteurs et les chercheurs de l’agro-écologie et de l’agriculture industrielle conventionnelle mène à une agriculture africaine productive, compétitive et durable, la base pour la sécurité alimentaire et le développement rural et économique. L’utilisation optimale d’engrais chimique, au lieu de l’utilisation minimale cherchée dans l’agro-écologie, grâce aux technologies diverses de la gestion intégrée de la fertilité du sol, devrait devenir le domaine de collaboration. Dans ce cadre, l’agroforesterie intensive est un système de production utile ; elle utilise l’arbre pour optimaliser l’engrais, au lieu d’essayer d’éviter l’utilisation du dernier, comme fait l’agroforesterie extensive. Son intérêt pour l’Afrique sous-saharienne est élevé, car la dégradation de l’environnement par la surexploitation du bétail peut être arrêtée et le besoin en bois énergétique peut être servi. De la recherche est nécessaire pour son introduction efficace. Des questions à répondre concerne les qualités d’un bon amendement organique pour optimaliser l’utilisation des engrais chimiques, l’identification des régions dont l’agro-écologie et la socio-économie sont favorable pour une utilisation efficace de l’agroforesterie intensive et des espèces d’arbres utiles pour cette agroforesterie dans ces régions. Pour une application dans les régions cotonnières, il faut de la recherche des particularités de l’agroforesterie intensive en cas de la culture cotonnière.
1. Introduction À peu près une tiers de la population d’Afrique sub-saharienne (ASS) est sous-alimentée, et dans une bonne partie d’ASS, la croissance démographique dépasse encore la croissance agricole (e.g. Zuberi & Thomas, 2012). L’urbanisation rapide fait que les agriculteurs doivent nourrir une fraction croissante de la population. La dégradation de terre et la désertification causent une perte sérieuse des terres agricoles, et les modèles du changement climatique préconisent une perte progressive. Pour une autosuffisance alimentaire, il suffirait peut-être de doubler les rendements ; pour bien vivre de l’agriculture et pour faire de l’agriculture un moteur du développement économique, il faut des rendements encore bien supérieurs. Un problème additionnel à résoudre est celle de la dépendance de matière végétale comme source énergétique dominante (AFREA, 2011). Il existe une compétition sérieuse pour la terre entre la production agricole et la production énergétique, et de la matière organique brulée ne peut plus servir l’amélioration de cette terre (Breman & Kessler, 1995). Pour résoudre ces problèmes, il faut combiner les meilleurs éléments de l’agriculture dite conventionnelle ou industrielle et ceux de l’agriculture biologique ou agro-écologique. C’est de cette façon que les rendements agricoles peuvent être augmentés suffisamment, tandis qu’au même temps la production énergétique est renforcée. L’utilisation à grande échelle des engrais chimique semble inévitable, à cause de la pauvreté des sols de la région et leur épuisement à cause de la surexploitation des ressources naturelles. Cette surexploitation est au premier lieu causé par un surpeuplement, ce qui fait que l’espace manque pour une agriculture biologique efficace ; trop d’espace serait nécessaire pour produire du fumier (Breman, 1990a ; Breman, 2002). C’est le manque de collaboration entre les promoteurs de différentes formes d’agriculture, qui fait que la recherche nécessaire pour affourcher l’agro-écologie et l’agriculture conventionnelle est quasi absente. La présentation traite quelques questions scientifiques qui devraient être répondues sans délais par la recherche et ses chercheurs. Avant de le faire, l’analyse ci-dessus sera élaborée, et l’agriculture apte à faire résoudre les problèmes signalés sera présentée.
2. Nourrir l’Afrique au Sud du Sahara Il y a 3 questions cruciales par rapport à la future de l’agriculture d’Afrique sub-saharienne, dont une est assez spécifique pour l’Afrique :
Comment produire sans délais bien plus de nourriture ; comment atteindre une croissance agricole dépassant la croissance démographique, tout en faire de l’agriculture également un moteur pour le développement socio-économique ?
Comment produire au même temps, au moins temporairement, de l’énergie à travers la production végétale ?
Comment de réaliser 1 et 2 d’une façon durable, écologiquement et économiquement ?
En effet, la majorité des réponses peut être en gros classée sous deux titres :
L’agriculture industrielle, caractérisée par l’utilisation des intrants chimiques1 et appelée auparavant HEIA (« high external input agriculture »), et
L’agro-écologie, une dérivée de ce qui était avant l’agriculture biologique (Schutter, 2010).
Les réponses de l’agriculture industrielle par rapport aux premières questions se résument respectivement comme : utilisation optimale des intrants externes et production de biocarburant. Celle de l’agrobiologie : optimalisation des intrants internes et agroforesterie. Par rapport à la troisième question, celle de la durabilité, n’est répondue dans le premier cas au premier lieu par rapport à l’économie, dans le deuxième cas par rapport à l’écologie. La question principale à traiter ci-dessous concerne la possibilité de jeter un pont entre les approches agro-écologiques et celles de l’agriculture industrielles, des technologies dites conventionnelles, pour une agriculture africaine productive compétitive et durable.
3. Jeter un pont ; principes 3.1 Exploiter la complémentarité de l’agro-écologie et de l’agriculture industrielle La possibilité de jeter un pont entre les approches agro-écologiques et celles de l’agriculture industrielle dépendra de la volonté des acteurs des deux groupes, ce qui dépendra à son tour du degré auquel une synthèse des grands principes des deux approches fait réaliser les idéaux des deux. Les idéaux de l’agriculture industrielle se résume comme nourrir le monde entier toute en bien faire gagner les acteurs impliqués, avec une attention spéciale pour les investisseurs. Aussi l’agro-écologie vise l’alimentation mondiale, mais l’accent sur la qualité de la nutrition est plus grand. Elle considère l’agriculture familiale comme meilleur système, et cherche à bien gérer l’environnement et à protéger la nature. C’est avant tout la bonne gestion de l’environnement qu’il faut utiliser pour intéresser les acteurs de l’agriculture industrielle. Sans une attention plus grande pour la durabilité écologique de la production agricole, leurs bénéfices vont diminuer progressivement. Les signes d’une durabilité écologique restreinte de l’agriculture industrielle sont multiples : l’érosion et la dégradation du sol, la perte de la fertilité physique et biologique du sol, sa salination, son dessèchement ou submersion. Il se peut que les acteurs de l’approche agro-écologique peuvent être intéressées pour l’utilisation des intrants externes grâce aux rendements et à la compétitivité supérieurs, et vu le besoin moindre pour des terres agricoles. L’agro-écologie n’arrive pas à atteindre les rendements élevés de l’agriculture industrielle, ses frais de production par unité produite sont supérieurs et la superficie nécessaire pour la production du fumier organique est grande (Breman et al., 2007 ; Breman, sous presse).
3.2 L’utilisation d’engrais dans un cadre de GIFS L’utilisation des engrais2 chimiques dans un cadre de la gestion intégrée de la fertilité du sol (la GIFS) est à présent le meilleur effort de combiner des éléments essentiels de l’agro-écologie et de l’agriculture industrielle. Vanlauwe et al. (2010) présentent une définition détaillée de la GIFS. Ils formulent comme objectifs l’amélioration de la productivité agricole et la maximisation de l’efficacité d’utilisation des engrais inorganiques et des fumiers. En ajoutant que tous les intrants doivent être gérés suivants les principes agronomiques saints, la durabilité écologique et - économique sont couvertes. Personnellement, depuis mes premières publications sur la matière (e.g. Breman, 1990), je souligne que pour la réalisation de ces objectifs il faut que i) des intrants externes s’ajoutent aux intrants internes et renforcent les processus naturels, au lieu de les remplacer, et que ii) la nutrition des cultures et le soin du sol vont de pair. J’ajoute un point iii) : l’utilisation des engrais chimiques ne doit pas être minimalisée mais optimalisée ; des doses considérables sont nécessaires pour les raisons suivantes (Breman, 1990; Breman & Sissoko, 1995):
Même en Afrique, la densité démographique est déjà telle que l’espace manque pour produire suffisamment de fumier organique.
En utilisant des doses restreintes d’engrais chimiques, les rapports C/N, C/P et C/K de la matière organique (MO) du sol restent élevés et défavorables, et ainsi l’efficacité d’utilisation d’engrais est et reste restreinte3, et
en conséquence l’utilisation d’engrais et donc la production agricole n’est pas compétitive4.
En améliorant l’état de la MO du sol d’une façon quantitative et qualitative, la GIFS double l’efficacité agronomique de l’engrais et améliore ses bénéfices financiers significativement. En plus, le risque de pertes d’engrais vers l’environnement diminue (IFDC, 2005). L’objectif de la GIFS de maximiser l’efficacité agronomique des nutriments, exige le choix pour des doses de la partie droite de la courbe dose : effet, où la maximisation des bénéfices économiques peut exiger des doses supérieures, menaçant la durabilité écologique. C’est pour cela que des doses de la fin supérieure de la partie droite de la courbe dose : effet sont à conseiller. Pour maximiser ainsi les rendements de cultures, il faut une combinaison avec des formules d’engrais spécifiées par culture et par site et avec les autres composants adéquates de la GIFS (van Keulen, 1982 ; Breman et al., 2012). Ainsi on évite des courbes dose : effet dont la partie droite se limite aux doses restreintes ; en augmentant la dose, il faut des formules plus complexes pour maintenir une efficacité agronomique élevée (Breman et al., 2012). Utiliser de l’engrais dans un cadre de la GIFS implique que ce sont les engrais inorganiques qui nourrissent surtout la culture, et que ce sont les amendements de sol qui améliorent et maintiennent la qualité du sol. Ces amendements concernent presque toujours des sources de MO, et parfois de la chaux et/ou de phosphate naturel. Trop facilement, des gens « traduisent » la GIFS comme étant l’utilisation combinée de l’engrais organique et - inorganique. En effet, il s’agit d’une option de la GIFS et des exemples existent où cette combinaison est plus intéressante que l’utilisation d’un des deux composants à part. Mais un producteur qui peut se permettre d’acheter des engrais, peut souvent utiliser ses sources organiques d’une façon plus intelligente : réaliser une synergie prévale la réalisation de complémentarité !
3.3 Amendements organiques Vanlauwe et al. (2002) classifient des sources de MO en utilisant les taux d’azote (N), des phénols et de lignine. Un bon fumier organique contient un taux élevé de N et des taux bas de phénols et de lignine. Ainsi, la minéralisation est rapide et le N et les autres éléments nutritifs deviennent rapidement disponibles pour la culture. Le désavantage est cependant que ce bon fumier contribue peu à l’amélioration du taux de MO du sol ; un bon fumier n’est pas nécessairement un bon amendement ! La combinaison de l’engrais avec du fumier de qualité supérieure ne mène qu’à un effet complémentaire ; les nutriments du fumier s’ajoutent aux nutriments de l’engrais. Pour obtenir une bonne synergie, il faut combiner de l’engrais avec des amendements de qualité moindre en ce qui concerne leur contribution à la nutrition des cultures. La pratique montre cependant que des sources organiques qui connaissent une minéralisation trop lente5 ne sont pas efficaces. Il semble qu’elles sont trop inertes par rapport aux interactions chimiques et physiques au sol, les interactions qui déterminent l’importance de la MO du sol. Il faut penser à la contribution de la MO
à la rétention des éléments nutritifs, la C.E.C. ;
à la rétention d’eau ;
à l’occupation des sites de fixation de phosphore (P) ;
et à la capacité tampon contre les changements du pH.
Le tableau 1 illustre les différences entre des sources de MO par rapport au taux d’éléments nutritifs, représenté par le taux de N, et la vitesse de minéralisation (Breman et al., 2012). La quantité de MO qu’il faut pour maintenir le taux de N du sol augmente rapidement en descendant dans le tableau, tandis que la quantité qu’il faut pour maintenir le taux de MO diminue fortement. Utile de se réaliser que le taux de N, même pour les bonnes sources organique en haut du tableau, est très bas par rapport aux engrais azotés. Les derniers contiennent entre 26 % (CAN) et 46 % (urée) de N ; pour apporter 100 kg/ha de N, il faut 0,4 à 0,2 t/ha seulement. En utilisant des sources de MO, il faut déjà 25 à 50 fois plus pour les meilleures sources, en haut du tableau. Tableau 1. Besoins annuels en sources de MO par rapport à leurs qualités moyennes diverses, pour apporter 100 kg/ha de N ou pour maintenir le taux de MO du sol dans les premiers 20 cm des sols tropicaux ayant une perte annuelle de carbone (C) de la MO du sol de 1 t/ha/an Source de MO
| Taux de C
| Reste de C
après humidification
| Taux de
N
| Besoin en MO
t/ha/an de MS
|
| g/kg de matière sèche
| apport de N1)
| maintenir le taux de MO
| Engrais vert
| 250
| 50
| 15
| 8,3
| 20.0
| Composte
| 300
| 60
| 12
| 10,4
| 16.6
| Fumier de bétail
| 350
| 105
| 10
| 14,3
| 9.6
| Paille de sorgho2)
| 450
| 225
| 5
| 40,0
| 4.4
| Litière ligneuse :
|
|
|
|
|
| - sans bois grossier
| 350-400
| 70-160
| 5
| 29,0
| 6.3
| - avec bois grossier
| 350-500
| 70-400
| 2,5
| 88,9
| 2.5
| |