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5. Impact sur la sécurité routière5.1. Le risque de décès piéton30 km/h est généralement considéré comme une vitesse sûre pour les usagers vulnérables. C’est pourquoi, les programmes locaux ou nationaux volontaristes de sécurité routière visent, on l’a vu, à la généralisation du 30 km/h dans les zones où ces usagers doivent cohabiter avec le trafic motorisé. L’efficacité potentielle des zones 30 est fréquemment évoquée par le biais de chiffres particulièrement frappants quant aux chances de survie d’un piéton heurté par une voiture en fonction de la vitesse de cette dernière au moment de l’impact13 : le risque de décès serait de 40% à 90% (selon les sources) dès 50 km/h, alors qu’il plafonnerait à 5-10% seulement pour un impact à 30 km/h. Il faut préciser ici que ce risque doit être compris comme étant le risque d’être tué (décédé 30 jours) parmi une population de piétons heurtés par un véhicule motorisé et blessés, ceci étant dû au fait qu’on ne dispose d’aucunes données relatives aux piétons heurtés et indemnes. Ces chiffres faisaient jusqu’à très récemment l’objet d’un consensus parmi les acteurs de la sécurité routière et ont été repris dans nombre de publications, des rapports d’instances internationales aux dépliants d’informations diffusés dans les communes (par ex. : WHO, 2004). Ces chiffres sont toutefois issus d’un petit nombre d’études relativement anciennes, qui présentent l’inconvénient d’être basées sur des échantillons biaisés en faveur des accidents les plus graves (outcome based sampling), voire sur des estimations peu fiables de la vitesse du véhicule au moment de l’impact (Rosén et al., 2011). Les études les plus récentes (Davis, 2001 ; Rosén & Sander, 2009 ; Richards 2010) évitent ce double écueil en introduisant des coefficients de pondération visant à corriger la surreprésentation des accidents les plus sévères et en exploitant uniquement des données d’accidents issues d’une investigation approfondie sur place, seule manière de pouvoir déterminer de manière fiable la vitesse du véhicule au moment de l’impact. L’étude de Rosén & Sander (2009) se fonde sur un échantillon de 490 piétons, âgés de plus de 15 ans, heurtés par l’avant d’une voiture. Ces cas sont tous issus de la base de données GIDAS 1999-2007 (German In-Depth Accident Study) et ont donc donné lieu à une reconstruction de l’accident permettant de déterminer la vitesse du véhicule au moment de l’impact. La surreprésentation des accidents graves et mortels dans GIDAS est compensée par une pondération basée sur les statistiques nationales d’accidents pour l’Allemagne. L’étude conclut à un risque de décès nettement moins élevé que celui qui est habituellement renseigné: autour de 2% pour un impact à 30 km/h (intervalle de confiance à 95% de 1% à 3% environ); 8% pour un impact à 50 km/h (IC 95% : 5-13%) ; 50% à 75 km/h (IC 95% : 26-68%14). On constatera par ailleurs que ces ordres de grandeur sont bien davantage compatibles avec les chiffres issus des statistiques générales, selon lesquels moins de 2% des piétons accidentés en agglomération décèdent (données 2009 pondérées pour la Belgique, Casteels et al., 2011). Davis (2001) et Richards (2010) ont réanalysé une série de 358 accidents, datant de la période 1966-1969/1973-1979 survenus à Birmingham et dans le Worcestershire et ayant eux-aussi donné lieu à une investigation approfondie. Après correction du biais en faveur des accidents les plus graves, ils ont obtenus de manière indépendante des résultats très similaires avec un risque global de mortalité de 9% à 50 km/h environ15. La segmentation des résultats en fonction de l’âge fait apparaître une beaucoup plus grande vulnérabilité des plus de 60 ans, dont le risque de décès à 50 km/h environ est de pratiquement 50%. L’étude de Rosén & Sander (2009) constatait également une augmentation du risque de mortalité en fonction de l’âge du piéton. Les courbes de risque déterminées sur base des données anciennes pondérées et les courbes de risque basées sur les données plus récentes sont très proches jusqu’à 45 km/h environ. Au-delà, la comparaison indique que le risque de décès des piétons aurait légèrement régressé avec le temps. Cette évolution peut s’expliquer par l’amélioration, d’une part, du design des véhicules et, d’autre part, de la prise en charge médicale urgente. Il faut toutefois garder à l’esprit que les intervalles de confiance sont larges au-delà de 50 km/h et que le constat d’une évolution à la baisse du risque piéton n’est donc pas des plus robustes. Par ailleurs, il faut également souligner le fait que ces études ne prennent en compte que les accidents entre piéton et voiture. Or, d’autres véhicules présentent un profil plus meurtrier. Une étude américaine récente a pris en compte l’ensemble du parc de véhicules légers : voitures mais aussi véhicules de type pick-up (camionnette) et SUV16 (Teft, 2011). Il s’agit d’une étude méthodologiquement comparable aux études européennes citées ci-dessus : elle comprend 422 accidents de piétons survenus entre 1994 et 1998 dans 6 villes différentes et qui ont fait l’objet d’une analyse in-depth dans le cadre de la Pedestrian Crash Data Study réalisée pour l’administration fédérale17; le biais vers les accidents les plus graves est corrigé sur base des statistiques générales. Les résultats nettement plus inquiétants que ceux fournis par les études européennes s’expliquent principalement par l’inclusion des collisions avec light trucks dans l’échantillon : le risque de décès est ici évalué à 7% à 30 km/h et environ 20% à 50 km/h, soit des chiffres 2 à 3 fois plus élevés que ceux fournis par Rosén & Sander (2009), Davis (2001) ou Richards (2011). Un autre apport intéressant de cette étude est l’évaluation du risque de blessures graves (définies ici comme AIS418 ou plus) en fonction de la vitesse d’impact : d’environ 15% à 30 km/h, ce risque passe à environ 45% à 50 km/h. Pour résumer : en cas de collision entre un piéton et une voiture, le risque de décès du piéton croît avec la vitesse du véhicule au moment de l’impact. Le niveau de risque est toutefois moins élevé qu’affirmé le plus souvent jusqu’ici, avec des valeurs tournant autour de 1-3% à 30 km/h et 7-9% à 50 km/h, la courbe de risque ne s’envolant qu’au-delà de 50 km/h. F ![]() Il importe de souligner ici que cette correction apportée à l’estimation du risque de décès piéton ne rend en aucune façon moins pertinentes les politiques de limitation des vitesses à 30 km/h en agglomération et ce pour plusieurs raisons : d’abord parce que le risque relatif reste environ 5 fois plus élevé en cas d’impact à 50 km/h plutôt qu’à 30 km/h et que l’immense majorité des piétons sont accidentés en agglomération. Ensuite parce que le risque d’être grièvement blessé, de loin supérieur au risque d’être tué, doit également être pris en considération. Enfin parce que, comme mentionné au point 2 ci-dessus, les politiques de sécurité routière à mener dans les années à venir devront aussi compter avec le vieillissement de la population et le développement fulgurant de l’utilisation des dispositifs d’infotainment. Par ailleurs, le 30 km/h présente évidemment d’autres avantages qu’un impact positif sur la sécurité routière (amélioration du cadre de vie, réduction du bruit, etc.). |