1. Résumé
La zone 30 est le principal instrument dont dispose le gestionnaire de voirie pour réduire le nombre et la gravité des accidents qui surviennent dans les voiries locales, étant donné que l’éparpillement de ces accidents rend inopérante l’approche consistant à améliorer l’infrastructure des « points noirs » (zones de concentration d’accidents).
La généralisation du 30 km/h à l’échelle de l’agglomération connaît actuellement un regain d’intérêt, lié notamment aux objectifs chiffrés volontaristes des politiques de sécurité routière impulsées par l’Union européenne. Dans une optique de réduction drastique des tués et blessés graves, le 30 km/h, qui garantit un risque de décès très faible du piéton en cas de collision, s’impose en effet comme seule vitesse compatible avec la sécurité des usagers vulnérables. Sur base d’études avant-après, on constate que la création de zones 30 permet en moyenne de réduire le nombre d’accidents corporels d’environ 25%. Cette réduction peut atteindre plus de 40% pour les accidents graves et mortels.
L’adéquation de l’image de la voirie avec la vitesse souhaitée reste un élément central de la réalisation des zones 30. Toutefois, les zones moins aménagées ont également un impact positif sur la sécurité routière, dans la mesure où une baisse de vitesse y est malgré tout enregistrée. En conséquence, et dans le but d’accélérer la généralisation du 30 km/h dans les voiries locales, l’IBSR recommande une approche par phases, permettant de créer rapidement des zones relativement étendues (et donc plus lisibles), dont l’aménagement sera ensuite, si nécessaire, adapté au fur et à mesure des disponibilités budgétaires. Dans l’intervalle, la crédibilité de ces zones devra être assurée par des dispositifs provisoires, des mesures de sensibilisation et des contrôles judicieusement dosés.
2. Contexte et enjeu
Les premières expérimentations portant sur la modération du trafic dans les zones urbaines remontent aux années 70. Elles se voulaient d’abord une réponse à l’impact négatif de l’expansion du trafic automobile sur l’habitabilité de nombreux quartiers, mais les préoccupations de sécurité faisaient également partie intégrante de la démarche. En effet, la réduction des vitesses à un niveau compatible avec la présence de nombreux usagers vulnérables²
1 constitue le principal – sinon le seul – moyen de prévenir les accidents dispersés dans les voiries de quartier. Or, ces derniers représentent environ 20 à 40% de l’ensemble des accidents survenant dans les villes européennes (OECD, 1998).
De manière plus générale, la baisse des vitesses constitue l’un des principaux leviers des politiques de sécurité routière. Depuis les années 80, bon nombre d’études empiriques ont été consacrées à la question de la relation entre vitesse et risque d’accident. Les plus importantes d’entre elles concluent toutes à l’existence d’une relation indéniable entre augmentation de la vitesse et augmentation du nombre et de la gravité des accidents. Les résultats de ces études ont donné lieu à diverses tentatives de mise en équation. Le modèle qui est actuellement considéré comme traduisant le plus correctement la réalité est le « power model » de Nilsson (Aarts & van Schagen, 2006). Dans sa dernière version, ajustée sur base des résultats fournis par les études les plus récentes, ce modèle peut être résumé comme suit : tous types de voiries confondues, une augmentation de la vitesse moyenne de 1% induit une augmentation du nombre de victimes de l’ordre de 2%, du nombre de blessés graves de 3% et du nombre de tués de 4%. En-dessous de 60 km/h, les variations de vitesse ont toutefois un impact de moindre ampleur : en environnement urbain ou sur voiries résidentielles, une augmentation de la vitesse moyenne de 1% se traduit par une augmentation du nombre de blessés graves de l’ordre de 2% et une augmentation du nombre de tués de l’ordre de 3% (Elvik, 2009). Il faut toutefois noter que ces derniers chiffres présentent une marge d’incertitude plus élevée car fondés sur un volume de données relativement restreint.
La sécurité des usagers vulnérables – et notamment des piétons – représente un enjeu spécifique aux agglomérations, qui concentrent l’essentiel de leurs déplacements. Malgré une moindre gravité, les accidents en agglomération représentent encore 29% des tués et 39% des blessés graves en Belgique (données 2009 pondérées). Les piétons y sont impliqués dans 15% des accidents (contre 1% hors agglomération
2) et surreprésentés parmi les victimes d’accidents mortels et graves puisqu’ils représentent 26% des décédés 30 jours et 21% des blessés graves. Les cyclistes sont impliqués dans une proportion encore plus importante d’accidents en agglomération (21%, contre 8% hors agglomération), mais l’issue de ces derniers est proportionnellement moins grave que pour les piétons : les cyclistes représentent 11% des décédés 30 jours et 20% des blessés graves. Au total, la moitié des accidents en agglomération impliquent un piéton, cycliste ou cyclomotoriste et ces 3 catégories d’usagers représentent également la moitié des blessés graves et 44% des décédés 30 jours (Casteels et al., 2011).
Le risque encouru par les piétons et, dans une moindre mesure, par les autres usagers vulnérables est en outre susceptible d’augmenter dans les années à venir du fait, d’une part, de l’usage croissant de dispositifs portables d’
infotainment3 (par l’ensemble des usagers) et, d’autre part, du vieillissement attendu de la population
4 (WBBVBS, 2010). Les personnes âgées présentent en effet une vulnérabilité accrue. A titre d’exemple, à vitesse égale du véhicule lors de l’impact, un piéton de plus de 60 ans court un risque 4 à 5 fois plus élevé de décéder des suites d’une collision avec une voiture qu’un piéton appartenant au groupe d’âge des 15-65 (Davis, 2001 ; Richards, 2010).
Cependant, l’acceptabilité des limites de vitesse basses continuera certainement à représenter un défi important au cours des années à venir. La limitation à 30 km/h est depuis son introduction considérée comme « contre nature » par un grand nombre de conducteurs. Et c’est un fait que les caractéristiques (puissance, vitesse maximale, confort de l’habitacle) d’une part importante du parc automobile en circulation, ne favorise pas la conduite lente. Ceci dit, on constate que là où le 30 km/h a été mis en place à grande échelle, son acceptabilité tend à croître assez rapidement. Ainsi, lorsque la ville de Graz (Autriche) a adopté le 30 km/h en juin 1992, seuls 29% de conducteurs se déclaraient en faveur de la mesure. Ils étaient 50% 4 mois plus tard et 88% après 2 ans.