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Lecture analytique n°3 : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». VOLTAIRE. Introduction : Voltaire, philosophe des Lumières, s’est trouvé sur tous les fronts de la contestation (intolérance, torture, guerre, esclavage). Dans l’extrait de « Femmes, soyez soumises à vos maris » que nous allons étudier, il aborde la question de l’inégalité des femmes vis à vis des hommes et de la dépendance des femmes à l’égard de leurs maris. L’extrait proposé rapporte le dialogue entre un abbé et une femme de l’aristocratie, la Maréchale de Grancey, en colère contre une phrase qu’elle a lue dans les Epîtres de Saint- Paul : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». Elle expose sa propre vision de la femme et blâme les hommes. Dans un premier temps, nous verrons qu’elle adopte un langage vif et libéré ; puis nous analyserons la manière dont elle cherche à convaincre son interlocuteur ; enfin, nous expliquerons comment elle utilise toutes les ressources du langage pour persuader. I/ Une femme de caractère, au langage vif et libéré
1/ Dans la description des hommes : elle évoque un « menton couvert d’un vilain poil rude », qu’il faut « tondre de fort près » : elle focalise sur un détail physique, qu’elle caricature (voir les deux adjectifs négatifs « vilain » et « rude »). Elle a l’art de croquer les gens. 2/ Dans la description de la princesse allemande : la multiplication des verbes d’actions et l’emploi des pluriels laisse imaginer un mouvement incessant, une activité fébrile.
La Maréchale dit tout ce qu’elle pense, sans se soucier des convenances et du savoir- vivre. Elle apparaît comme une femme de caractère.
II/ Une femme des Lumières qui cherche à convaincre : La Maréchale apparaît comme une sorte de Voltaire en jupons !
Dans tout le texte, elle adopte un mouvement pendulaire qui va alternativement du JE à des termes qui désignent l’ensemble des femmes. Exemple pour les lignes 25 à 39. Elle part d’un exemple précis : la femme de saint Paul (« Etait-il marié ? ». Puis elle se met en situation et formule une hypothèse, comme le montre le conditionnel : « Si j’avais été la femme d’un pareil homme » (ligne 28). Puis elle raisonne par comparaison avec sa propre expérience : « quand j’épousai M. de Grancey » (+ relever les marques de la première personne). Enfin, elle généralise ce premier mouvement par le biais d’expressions globalisantes/ génériques : « nous », « la nature » (ligne 38), « pour une femme de qualité » (ligne 35). Elle utilise ce même mouvement pendulaire entre le « je » et la généralisation dans toute la suite de l’extrait. Cela lui permet d’être plus convaincante, car elle s’appuie sur son expérience, qui lui sert à analyser la condition féminine dans son ensemble.
Premier argument qu’elle conteste : les femmes doivent dépendre de leurs maris (voir le champ lexical de la servitude).
Deuxième argument qu’elle conteste : les hommes sont supérieurs aux femmes.
Troisième argument qu’elle conteste : les hommes sont plus intelligents que les femmes, donc davantage capables de gouverner. La maréchale détruit cet argument en citant un exemple concret et récent, celui d’une princesse allemande. La multiplication des activités citées, dans des domaines variés (mécénat, éducation, charité…) montre que cette femme exerce un pouvoir politique sensé et ferme. III/ Une habile oratrice qui recourt à la force persuasive du langage :
La maréchale est très impliquée dans ce qu’elle dit, très passionnée : Emploi de nombreux modalisateurs qui manifestent son implication dans la conversation.
Elle cherche à impliquer son interlocuteur, à faire qu’il se sente concerné par cette question :
REGISTRE SATIRIQUE : à propos des hommes (lignes 42 à 45). Elle les réduit à deux attributs physiques (les poils et les muscles) ce qui les fait apparaît comme des brutes qui n’ont de supériorité que dans leur force physique. Elle les ridiculise en ne citant aucune de leur qualité et en insistant sur l’idée qu’ils ne parlent que par « coups de poing bien appliqués » (ligne 45) : son ton est ici ironique (puisque la seule qualité qu’elle leur reconnaît est de savoir « bien » donner des coups de poing). Toutefois, elle se laisse aller à un argument un peu bas (on pourrait aller jusqu’à parler d’argument ad hominem) car elle semble leur reprocher un physique peu gracieux, à travers l’emploi de « vilain » et « rude ». REGISTRE POLEMIQUE : à propos des couvents et de l’instruction qui y est dispensé aux femmes (lignes 50 à 52). Elle emploie des termes violents et insultants : « des imbéciles » (pour parle des professeurs). Elle utilise une antithèse très nette (« nous apprennent ce qu’il faut ignorer et nous laissent ignorer ce qu’il faut apprendre ») qui met en valeur l’absurdité et l’inutilité de cet enseignement. Elle condamne donc l’instruction qui est donnée aux femmes et appelle à un nouveau type d’éducation. REGISTRE LAUDATIF : à propos de la princesse allemande (lignes 46 à 50). Elle apparaît comme une reine idéale.
La maréchale fait donc le tableau idyllique d’une reine idéale, en n’employant que des termes mélioratifs et en insistant sur la polyvalence de cette reine capable d’agir parfaitement dans tous les domaines. Bilan : Ce texte est à la fois un faux dialogue (puisque seule la maréchale parle vraiment) et un conte philosophique : l’histoire de la maréchale et sa personnalité servent à réfléchir sur les fondements de l’inégalité entre les femmes et les hommes et les réflexions de la maréchales remettent en cause cette inégalité. Choderlos de Laclos et Olympe de Gouges, dans deux essais, à leur tour, défendront les droits des femmes. |