télécharger 0.97 Mb.
|
Partager facebook twitter google + linkedin pinterest L'exposition à des doses très faibles de certains pesticides – dits néonicotinoïdes – peut conduire les colonies d'insectes sociaux au déclin. Lestravaux conduits par John Bryden (Royal Holloway University of London, Royaume-Uni) et publiés dans l'édition de décembre de la revue Ecology Letters s'ajoutent à d'autres, menés ces dernières années, qui montrent que les effets de pesticides systémiques (utilisés en enrobage de semences ou en traitement des sols) peuvent se manifester de manière "sub-létale" : ils peuvent provoquer l'effondrement de colonies sans avoir d'effet mortel aigu sur chacun des insectes du groupe. ![]() La publication des chercheurs britanniques intervient alors que la Fédération française des apiculteurs professionnels (FFAP) a dressé, mercredi 6 novembre, au cours de son assemblée générale annuelle, un état des lieux dramatique de la filière apicole. Selon la FFAP, la surmortalité des abeilles domestiques (Apis mellifera) continue d'augmenter, avec l'utilisation des pesticides comme cause majeure de ce déclin. L'originalité des travaux de M. Bryden et ses coauteurs tient à la construction d'un modèle mathématique capable de simuler la réaction d'une colonie à un stress subtil mais chronique. La littérature scientifique permet de lister plusieurs effets dits sub-létaux sur les abeilles ou les bourdons : déficit du succès reproductif, déficit des capacités cognitives, déficit de l'immunité... Les auteurs ont intégré ces paramètres à un modèle de dynamique des colonies. "Les colonies d'abeilles sociales dépendent de l'efficacité de la coopération entre une multitude d'ouvrières et les tâches comme le butinage, la régulation thermique du nid et le soin au couvain sont essentielles pour maintenir et améliorer la fonction de la colonie", écrivent les chercheurs. Lire l'éditorial Pesticides : pitié pour les abeilles ! "POINT DE BASCULE" Ces derniers ont cherché à contrôler expérimentalement la capacité de leur modèle mathématique à décrire l'évolution de colonies de bourdons communs (Bombus terrestris) soumises ou non à de faibles doses quotidiennes d'imidaclopride – l'un des insecticides néonicotinoïdes les plus utilisés dans le monde et auparavant commercialisé en France par Bayer sous le nom de Gaucho. Les colonies de bourdons traitées l'ont été par le biais d'un sirop sucré agrémenté d'une concentration d'imidaclopride de 10 parties par milliard (ppb). Les chercheurs précisent que cette concentration "correspond à la fourchette haute de la concentration rapportée dans le nectar et le pollen"des cultures traitées. En outre, les chercheurs précisent avoir utilisé des colonies de bourdons et non d'abeilles domestiques (Apis mellifera) car celles-ci sont plus petites et permettent un suivi plus précis de la population totale d'une colonie et de son évolution. L'expérience a été conduite pendant quarante-deux jours. Résultats ? Le modèle développé par les chercheurs britanniques reproduit fidèlement la réalité observée. Celle-ci montre qu'au cours des vingt premiers jours d'expérience, les colonies traitées et les colonies témoins ont une dynamique semblable : leur taille grandit régulièrement et continûment. La divergence intervient après ces trois premières semaines. Les colonies traitées déclinent, tandis que les colonies témoins continuent de croître. Selon le modèle mathématique construit par les chercheurs, un stress chimique limité mais constant peut être supporté par la colonie jusqu'à un"point de bascule". Arrivé à ce seuil, des changements minimes – non nécessairement liés au pesticides – peuvent entraîner la colonie dans une spirale de déclin aboutissant à sa disparition. "Si le stress demeure sous ce seuil, la colonie peut continuer à croître", écrivent les auteurs. "Notre modèle peut expliquer les aspects énigmatiques des défaillances des colonies d'abeilles et met en lumière le rôle important du stress sub-létal dans leur déclin", concluent-ils. Lire aussi Abeilles : la faillite de l'évaluation des pesticides "Ces travaux ne constituent pas une preuve biologique mais sont plutôt un outil qui permet éventuellement de comprendre comment les choses peuvent se passer, résume pour sa part un apidologue français. Une dizaine de modèles analogues ont déjà été construits." Cependant, l'étude britannique montre de manière indéniable, comme d'autres avant elles, que les protocoles réglementaires de test qui permettent la mise sur le marché des insecticides ne sont pas adéquats : ces derniers ne déterminent en effet que les doses létales et n'évaluent pas les effets subtils produits par une exposition chronique à des doses non mortelles. Ces faiblesses des tests réglementaires sont d'ailleurs connues de longue date : un rapport d'experts de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) les pointait déjà, en mai 2012... Des experts scientifiques sous influence LE MONDE | 25.10.2013 à 18h44 • Mis à jour le 26.10.2013 à 16h46 |Par Stéphane Foucart Réagir Classer Partager facebook twitter google + linkedin pinterest Une superbe enquête de l'organisation non gouvernementale (ONG) bruxelloise Corporate Europe Observatory (CEO), publiée le 23 octobre, le montre de la manière la plus convaincante possible : près de 60 % des experts externes de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sont en situation de conflit d'intérêts (lire notre article paru dans Le Mondedu 24 octobre). C'est-à-dire qu'ils ont un ou plusieurs liens contractuels, directs ou indirects, avec des entreprises dont ils évaluent les produits (pesticides, additifs alimentaires, etc.). Ce genre de révélation provoque deux types de réactions, également simples et également trompeuses. La première est la défiance. Elle consiste à imaginer que les experts en question sont des "vendus". La seconde est l'incrédulité. Elle revient à suspecter les ONG d'agiter le spectre du conflit d'intérêts pour discréditer les conclusions ou les opinions émises par des experts. L'argument du conflit d'intérêts serait ainsi, en quelque sorte, une arme sournoise utilisée contre la science et les scientifiques lorsque ceux-ci n'ont pas l'heur de plaire. "VENDUS" En réalité, les "vendus", s'il en existe, sont rares. Les faits sont plus subtils, comme le formule avec acuité le rapport du CEO : "L'influence de l'industrie tend à s'exercer à travers des processus structurels de long terme consistant à construire des relations au sein même de la communauté scientifique, d'y promouvoir une culture, des dynamiques collectives, l'acceptation de certains paradigmes, etc." Et tout cela passe par des liens d'intérêts. L'influence est-elle réelle ? Elle travaille en tout cas de plus en plus la communauté scientifique elle-même. Pour s'en convaincre, il suffit (en ne sélectionnant que les éditoriaux, correspondances et synthèses, pour éviter les effets de masse dus à l'augmentation de l'activité scientifique) de relever le nombre d'articles publiés dans la littérature savante mentionnant le terme "conflit d'intérêts" et de suivre leur évolution. ![]() Le résultat est éloquent. Il suggère que cette question est une préoccupation de plus en plus marquée dans le monde de la recherche, exprimée par les scientifiques eux-mêmes dans les revues où se construit la connaissance. On voit que la traque des conflits d'intérêts n'est pas nécessairement un argument des militants contre les scientifiques, mais un instrument que les scientifiques utilisent de plus en plus pour apprécier le travail de leurs pairs. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant. Bien utilisée, l'étude des conflits d'intérêts n'est pas une arme de disqualification a priori : c'est un instrument qui permet de comprendre et d'expliquer, a posteriori, des divergences de résultats ou de jugements. Comprendre et expliquer : n'est-ce pas la raison d'être de la science ? Pesticides, bisphénol A, aspartame : les expertises en question LE MONDE | 23.10.2013 à 11h53 • Mis à jour le 24.10.2013 à 09h17 |Par Stéphane Foucart Réagir Classer Partager facebook twitter google + linkedin pinterest ![]() Le logo de l'EFSA (European Food Safety Authority), l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA). | D.R. L'image de la science neutre et souveraine en prend un coup : sur les mêmes sujets et à partir des mêmes données, l'expertise parvient parfois à des conclusions radicalement différentes, selon l'organisme qui l'organise. Lire : Sécurité alimentaire européenne : 59 % des experts en conflit d’intérêts Dernier exemple en date ? L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié, le 18 octobre, une étude commandée à l'université d'Ioannina (Grèce) sur les effets des produits phytosanitaires sur la santé humaine. L'étude, chargée de synthétiser les travaux publiés dans la littérature scientifique, conclut de manière rassurante à un lien avec seulement deux pathologies : maladie de Parkinson et leucémie infantile. Or, en juin, une expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), répondant à la même question, avait rendu des conclusions beaucoup plus fortes. Celles-ci pointaient – outre les deux pathologies mentionnées par l'étude commandée par l'EFSA – un lien entre pesticides et cancers de la prostate, myélomes multiples, lymphomes non hodgkiniens, fertilité, fausses couches et malformations congénitales en cas d'exposition de la mère, etc. FAIBLESSE DE L'ÉVALUATION DES RISQUES "Il eut été très surprenant de voir l'EFSA reconnaître facilement que les pesticides qu'elle autorise depuis des années constituent un risque pour la santé, commente François Veillerette, porte-parole de l'association de défense de l'environnement Générations futures. Sauf à reconnaître la faiblesse de l'évaluation des risques mise en œuvre à l'EFSA !" Le rapport commandé par l'agence n'a cependant, stricto sensu, pas valeur d'opinion de l'agence et n'est qu'une contribution extérieure. Sur d'autres sujets, la divergence entre l'EFSA et d'autres agences sanitaires est plus manifeste. En avril, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a ainsi rendu un rapport sur le bisphénol A (BPA) en désaccord radical avec son homologue européenne. De fait, l'expertise de l'agence française conduirait à réduire d'un facteur 10 000 environ le seuil admissible de BPA établi par l'EFSA. Autre pomme de discorde : l'aspartame. En janvier, l'EFSA a présenté une version préliminaire de son opinion sur l'édulcorant et s'est heurtée à une bronca. "Au cours de la réunion publique que nous avons organisée, des experts indépendants ont montré que des études avaient été simplement passées sous silence et que des passages entiers du texte étaient simplement recopiés d'études industrielles, tempête l'eurodéputée Corinne Lepage (ADLE). L'EFSA n'a eu d'autres choix que d'accepter de reprendre sa copie. Son avis final est d'ailleurs attendu dans les prochaines semaines. Pour aller plus loin À LIRE « L'ÉVÉNEMENT ANTHROPOCÈNE » de Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz (Seuil, coll. « Anthropocène », 320 p., 18 €). « UNE AUTRE HISTOIRE DES «TRENTE GLORIEUSES». MODERNISATION, CONTESTATIONS ET POLLUTIONS DANS LA FRANCE D'APRÈS-GUERRE » sous la direction de Céline Pessis, Sezin Topçu et Christophe Bonneuil (La Découverte, coll. « Cahiers libres », 309 p., 24 €). « L'APOCALYPSE JOYEUSE. UNE HISTOIRE DU RISQUE TECHNOLOGIQUE » de Jean-Baptiste Fressoz (Seuil, coll. « L'univers historique », 2012). ssage du typhon, le 10 novembre 2013 TED ALJIBE AFP ![]() MONDE - C'est l'un des typhons les plus violents répertoriés... Le bilan d'un des plus violents typhons à avoir touché terre s'est brusquement aggravé dimanche, les autorités philippines évoquant désormais plus de 10.000 morts et 2.000 disparus, faisant de Haiyan la catastrophe naturelle la plus meurtrière de l'histoire récente du pays. Deux îles du centre de l'archipel, qui se trouvaient pile dans la trajectoire de Haiyan quand il a frappé vendredi à l'aube, sont particulièrement affectées: les autorités craignent 10.000 morts sur Leyte et ont confirmé 300 décès sur Samar, un bilan qui pourrait s'alourdir puisque 2.000 habitants sont portés disparus. Après avoir semé la désolation aux Philippines, Haiyan volait vers le Vietnam, qu'il devrait atteindre lundi matin. Mais le typhon s'est affaibli au-dessus de la mer de Chine du Sud et pourrait être rétrogradé en niveau 1 avant son arrivée sur la côte nord du pays. Hanoi n'en a pas moins conduit une des opérations d'évacuation les plus importantes de son histoire, selon la presse officielle. Quelque 600.000 habitants des zones les plus vulnérables ont été déplacés vers des abris situés en hauteur. 200.000 ont finalement été autorisés à rentrer chez eux en raison du changement de la trajectoire de Haiyan. Aux Philippines, un haut responsable de la police à Tacloban, une des villes les plus touchées, a évoqué le chiffre de 10.000 morts sur Leyte. «Nous avons eu une réunion avec le gouverneur la nuit dernière, et en nous basant sur les estimations du gouvernement, il y a 10.000 victimes (décès)», a déclaré à la presse Elmer Soria. Sur Samar, 300 personnes sont confirmées mortes à Basey, une petite ville, et 2.000 sont portées disparues dans toute l'île, a indiqué Leo Dacaynos, membre du conseil de gestion des catastrophes, à la radio DZBB. |