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Ecrivains et intellectuels se rassemblent pour soutenir Christiane Taubira


17/11/2013 | 21h09

envyer par emailimprimerpartagerhttp://www.lesinrocks.com/wp-content/thumbnails/uploads/2013/11/taubira-tt-width-604-height-403.jpg

Christiane Taubira à l'Assemblée nationale le 13 novembre 2013 (REUTERS/Charles Platiau)

Pour et en présence de Christiane Taubira, des écrivains et intellectuels se sont rassemblés dimanche à Paris. Récit.

Je suis profondément émue car j’ai l’impression d’être malgré moi le vecteur, le motif, d’un grand moment d’interrogation sur nous-mêmes. Ce moment d’interrogation doit effectivement être symbolisé, c’est ce qui se passe cette semaine à travers les mots des tribunes des artistes, des écrivains. Les eaux étaient dormantes, les circonstances qui nous ont tous figés nous ont remis en branle, ce pays se remet à vivre” a déclaré une Christiane Taubira, puissante et émouvante, en présence ce dimanche à 18 heures de nombreux écrivains et intellectuels qui s’étaient rassemblés au cinéma le Saint-Germain à Paris. Il est vrai que depuis quelques jours, de Christine Angot à Yann Moix, de Jeanne Moreau à Benjamin Stora, les intellectuels et les artistes se sont engagés contre le racisme comme rarement ils l’avaient fait depuis longtemps.

Puissant et émouvant, c’est donc aussi ce que fut ce rassemblement d’écrivains et d’intellectuels – Christine Angot, Yann Moix, Bernard Henri-Lévy, Caroline Fourest, Tahar Ben Jelloun, Scholastique Mukasonga, Daniel Lindenberg, Karine Tuil et d’autres – pour et en présence de Christiane Taubira aujourd’hui, à l’initiative de la revue La Règle du jeu – pour protester haut et fort contre les injures racistes qu’a subies la garde des Sceaux et ministre de la Justice.

Entre une petite fille agitant une peau de banane en criant “la guenon a sa banane !” lors d’une manifestation des opposants au mariage pour tous, slogan raciste repris en couverture du journal d’extrême droiteMinute, et la lenteur à réagir du corps politique, de droite comme de gauche, nous aurons assisté sidérés, outrés, nauséeux à la désinhibition violente d’une parole raciste et d’incitation à la haine raciale.

“Nous sommes là, madame, pour dire notre colère, bien sûr, face à cette montée, ce retour, de l’infamie et du racisme, et face à tous ces propos qui sont en train tout doucement de justifier ou d’expliquer ou d’excuser partiellement ce qui vous a été fait.” a commencé Bernard Henri-Lévy dès l’arrivée de Christiane Taubira qui fut longuement applaudie par un public debout. “On entend dire, après tout, qu’il ne s’agit que des propos d’enfant, mais c’est bien précisément le fait que ce fut une délégation d’infamie à un enfant qui nous a paru, à La Règle du jeu, particulièrement tragique. Tragique par parenthèses aussi sans doute pour cette enfant, qui aura à porter pour une part de sa vie ce moment de sa vie, mais tragique de ce que cela dit aussi du corps social, quand il revient à un enfant de dire tout haut ce que la société pense de moins en moins bas, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va vraiment pas dans le corps social. Ce qui nous a stupéfiés, c’est cette très étrange léthargie républicaine, comme si elle était elle-même stupéfiée de voir que les vieux ennemis de la République, qui avançaient jusque-là à couvert, attaquent soudain à découvert, comme si les ressorts de la République s’en étaient trouvés grippés. Quand le racisme s’exprime, c’est le pacte républicain qui est ébréché.”

Christiane Taubira a alors pris la parole, prouvant encore une fois, comme elle l’a déjà fait à maintes reprises, notamment au moment de sa loi pour l’ouverture du mariage aux homosexuels, qu’elle est une intellectuelle, une de nos personnalités politiques les plus fines et passionnantes :

“Je crois que le sujet est profondément politique, au sens noble du terme: comment vivons-nous dans la cité, quels sont les interdits, quelles sont les lignes à ne pas franchir dans la cité. Il s’agit d’une question éthique, de la vie que nous conduisons ensemble dans la cité et donc des règles qui indiquent clairement que nous ne vivons pas sous la loi de la jungle, sous la loi du plus, sous le règne de la domination, sous le sauve-qui-peut individuel, sous le vis-à-vis, sous l’empire de la force. Nous vivons dans l’empire du droit, et le droit énonce un certain nombre de règles, et parmi elles le refus du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie, le rejet de toute discrimination. La République, ce n’est pas l’empire du nombre mais du droit, comme disait le philosophe Alain… et c’est cela qui a été transgressé, et c’est à cette hauteur qu’il fallait l’entendre, le ressentir et le dire. Tout ce qu’on a entendu nous sidère profondément et nous transforme en singes muets. Cette enfant, j’ai envie de la couvrir, de la protéger de mon affection, car à cette âge-là elle n’est pas tout à fait responsable de ses propos. Qu’elle puisse formuler ces mots, cela en dit long sur ce que pense une partie de la société. La République est une incandescence, sa devise est une intimation à la vigilance, une interpellation vigoureuse quand elle dit la liberté, elle dit très clairement que les autoritaristes qui croient pouvoir asseoir leur pouvoir sur les restrictions des libertés individuelles et publiques, elle dit l’égalité, elle intime de se souvenir d’où vient la nation française, que cette nation, civique, a été conçue et construite au-delà de la tribu, de la cité, du royaume, de l’empire, comme une communauté de citoyens, de personnes singulières chacune ayant les mêmes droits.”

L’une des premières voix à avoir brisé ce silence aura été Christine Angot dans une tribune publiée dans Libération. A la question de l’animateur Alexis Lacroix, qui insistait sur le fait qu’elle n’ait pas hésité à s’engager, Christine Angot répond :

“Bien sûr que j’hésite. J’hésite, toujours. Christiane Taubira a exprimé des réserves, disant quelle aurait préféré laisser les écrivains s’exprimer avec des beaux mots, mais nous aussi on a une réserve par rapport au pouvoir poli, car moi je ne sais pas dire des choses pour changer le monde, car je suis écrivain. En revanche il peut m’arriver de trouver des mots pour dire ce que j’entends et ce que je vois. Là, j’ai entendu parler de guenon, j’ai entendu parler de banane. Je voudrais revenir sur la question des bananes, pourquoi ce choix. Ça convoque l’outre-mer, les bananeraies, les colons, les bananes que mangent les singes, ça convoque le colonialisme, l’héritage de l’esclavage, ça dit des personnes qui sont héritiers de ça, qui sont nés de ça, de l’autre côté de l’Atlantique. Ce qu’on a moins dit, c’est que la banane c’est une façon de caricaturer le sexe masculin. Donc moi quand j’entends qu’on dit à une femme qu’il faut qu’elle mange sa banane, je ne peux pas ne pas entendre ça aussi.”

Caroline Fourest, de son côté, rappellera le combat de Christiane Taubira contre le racisme et pour l’ouverture du mariage aux homosexuels, mentionnant à quel point déjà, à l’hiver dernier, elle avait compris qu’une partie de la société française voulait exclure l’autre partie de l’humanité, de l’égalité, de la liberté, refusant de lui donner les mêmes droits qu’à tous.

Yann Moix s’est exprimé en vidéo, étant en déplacement à un salon du livre en province, avec une colère et une fermeté salutaires : “En ce moment, ce ne sont pas les racistes qui sont en train de prendre le pouvoir, ce sont les bouffons, c’est par les simagrées, les jeux de mots, le simiesque langage, qu’on devient intelligible, c’est par la grimace qu’on devient intellectuel, c’est par le zoo qu’on devient le penseur, il y a une véritable inversion des valeurs. L’insulte a pignon sur rue, et celui qui représente la force et la légitimité républicaine devient le faible et le vilipendé. Dans ces cas de rupture, d’inversion, de brouhaha, l’écrivain doit dire stop. La France n’est pas un pays raciste, et les signes ne sont pas là où on le pense. La République bananière existe parce que ceux qui lancent des insultes sont ceux qui précisément appartiennent à un zoo que nous ne pouvons plus continuer à entretenir.”

« Au fond, je suis inquiet. Et si j’étais raciste ? »

Zineb Dryef | Journaliste rue89imprimer

LISEZ LE !

Peu connu en France, Terkel est publié par les éditions Amsterdam :

  • « Hard Times : histoires orales de la Grande Dépression » ;

  • « Working : histoires orales du travail aux Etats-Unis »,

  • « La Bonne Guerre : histoires orales de la Seconde Guerre mondiale »,

  • « Division Street : genèse d’une histoire orale des Etats-Unis » ;

  • « Race : What Blacks and Whites Think and Feel About the American Obsession ».

Il est l’un des plus grands journalistes du XXe siècle. Studs Terkel, mort en 2008, a consacré sa vie à écouter les Américains.

Sur la crise, la question raciale, le travail, la guerre... Il les a écoutés des heures, parfois pendant plusieurs années.

D’abord pour son émission de radio sur WFMT (à Chicago), puis il a scrupuleusement retranscrit leurs paroles dans des livres remarquables, une passionnante fresque de l’histoire des Etats-Unis racontée par ses habitants.

Son éditeur André Schiffrin raconte que « jamais il n’ajouta un mot aux entretiens » et que « son immense respect » pour les gens qu’il interrogeait expliquait pourquoi ils acceptaient de s’épancher autant à son micro.

http://www.rue89.com/sites/news/files/styles/asset_img_half/public/assets/image/2013/11/race---histoires-orales-d-une-obsession-americaine-166365_0.jpg


« Race : histoires orales d’une obsession américaine » de Studs Terkel

Sur la question raciale, Studs Terkel a rédigé un ouvrage « Race : histoires orales d’une obsession américaine », publié en 1992 aux Etats-Unis et en 2010 en France.

Plus de 70 témoignages, des Noirs des quartiers populaires de Chicago, des couples mixtes, une mère dont le fils a été lynché, des avocats, un prêtre blanc, des journalistes, une comptable fatiguée de se lisser les cheveux, un neveu du fondateur de l’Apartheid... Autant de récits précieux pour comprendre l’histoire de la ségrégation raciale aux Etats-Unis et celle du rapport des Américains à la différence.

Pourquoi vous parler de Studs Terkel cinq ans après sa mort et deux ans après la publication de « Race » en France ? En assistant, consternée, aux « dérapages » racistes des dernières semaines visant Christaine Taubira, j’ai repensé à ce livre. Je l’ai relu. La force de ces textes vient de leur grande sincérité. J’ai été frappée par la violence de la discrimination quotidienne, invisible, frappée par les sentiments tranchés des Blancs et des Noirs sur la question de la race, frappée aussi par l’actualité de ces récits datant parfois des années 60.

Dans ce témoignage que les éditions Amsterdam nous ont autorisé à publier, Gilbert Gordon, avocat blanc, raconte l’obsession américaine pour la race, la sienne aussi alors qu’il se croyait « éclairé » et sans « préjugé ». [Les intertitres sont de la rédaction.]

Gilbert Gordon

C’est un avocat de 80 ans. « Tout au long de ma carrière, j’ai été associé à la question noire. C’est moi qui ai rédigé le texte d’abolition des lois raciales aux Etats-Unis. Je me définis comme un libéral, probablement radical. J’ai toujours considéré que je portais un regard éclairé sur la race. Je croyais n’avoir aucun préjugé. C’est faux. »

C’est le trait le plus obsessionnel de la vie américaine. Tout Américain, qu’il soit blanc ou noir, est hanté par l’idée de race, toujours. Où qu’il aille, même là où il n’y a pas de Noirs.

Quand les émeutes noires ont éclaté à Chicago [pendant l’été 1968, qui suivit l’assassinat de Martin Luther King] jusque dans des banlieues aussi éloignées que Lincolnwood et Glencoe, les Blancs ont acheté des armes, même s’ils n’avaient jamais été en contact avec des Noirs.

Tout le monde est obsédé, même ceux qui croient ne pas l’être. Un jour, ma femme passait en voiture dans un quartier noir. Les gens sur le trottoir lui faisaient tous de grands gestes. Elle a pris peur, elle s’est dépêchée de relever sa vitre et a appuyé sur l’accélérateur. Plusieurs pâtés de maisons plus loin, elle s’est rendu compte qu’elle s’était engagée dans une rue à sens unique, et que ces gens essayaient simplement de l’aider. Son raisonnement avait été qu’ils étaient noirs et qu’ils voulaient lui faire la peau. Et attention, c’est une femme très ouverte d’esprit, on ne l’associerait jamais au racisme. Mais son premier réflexe, ça a été de penser qu’ils étaient dangereux.

Dans le train, il y avait un jeune homme très noir de peau qui lisait un bouquin. En jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, je suis tombé sur cette phrase : « Mon père avait onze femmes et il les aimait toutes tendrement. » Nous avons engagé la conversation et, de fil en aiguille, j’ai appris qu’il était originaire du Nigeria. Nous avons sympathisé. Je me suis aperçu que, même s’il était aussi noir que n’importe quel Africain-Américain que j’avais pu rencontrer, je lui parlais, et il me parlait, sur un ton que je n’aurais jamais eu avec mes confrères noirs.

Je n’ai jamais pensé que les Noirs américains n’étaient pas mes égaux. En matière de génétique, de race et de sociologie, j’en connais un rayon. J’ai fait trop d’études pour croire à toutes ces absurdités. Mais j’ai toujours eu le sentiment qu’ils croyaient que je m’adressais à eux comme à des inférieurs. Je ne crois pas que ce soit réellement le cas, mais je suis persuadé qu’ils le pensent.

Je me suis senti discriminé

Au cours d’une conversation, une de mes amies très proches, une enseignante noire, a fait une faute de langue. C’était une de ces erreurs que font souvent les Noirs américains, l’emploi de certains mots. Elle s’est aussitôt corrigée et nous a regardés comme si on venait de voir son soutien-gorge. Je ne crois pas qu’elle aurait réagi de cette façon si nous avions tous été noirs.

Ma première prise de conscience concernant la race, je la dois à une famille noire qui habitait de l’autre côté de la rue. Ils étaient les seuls Noirs de tout le quartier. Un voisin m’a dit que, si je jouais avec « ce Nègre », je deviendrais tout noir. J’avais 6 ou 7 ans. J’y ai cru. Pendant des mois, j’ai vérifié tous les jours que je n’étais pas en train de noircir. Quand j’ai vu que ce n’était pas le cas, j’ai été très soulagé.

Depuis les années 1960, avec le début de la prise de conscience noire, il y a eu un changement radical. Je me suis senti discriminé par des employées de bureau noires. Dans une file d’attente, elles font toujours passer les Noirs avant les Blancs. J’ai ressenti une animosité de la part des Noirs que je n’imaginais pas. Une hostilité croissante, ça ne fait pas de doute. Je m’en rends compte en prenant le bus. Dans la foule, il y a plus de chances que je sois bousculé par une Noire que par une Blanche.

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