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cela suppose une maîtrise assurée de repères chronologiques, une connaissance des continuités, bref, un savoir énorme pour un lycéen. Du reste, naïvement, le programme signalait : « ll ne s'agit pas au lycée de reprendre à l'identique le parcours chronologique et spatial du collège en l'étoffant, mais de mettre en œuvre une approche synthétique, conceptuelle et problématisée ». Passons sur «le parcours chronologique et spatial » qu’il s’agit d’ « étoffer » - « étoffer un parcours », c’est beau comme du Chateaubriand des mauvais jours ou du Pujadas quotidien. Enjambons le jargon (pour rester dans le métaphorique délirant), tenons-nous en au fond : supposer qu’un élève ordinaire de seconde possède ce bagage, c’est n’avoir jamais eu une conversation sur le sujet avec ses enfants ou ses neveux… « Façon puzzle » Certes, la chronologie n’est pas une science. C’est néanmoins un savoir. On ne peut la jeter hors du programme que lorsqu’on en maîtrise l’essentiel. Faire des têtes bien faites, on en rêve tous ; mais une tête bien faite vide, c’est rare. Il faut d’abord faire le plein de carburant. Les mêmes gars qui dénoncent les « savoirs livresques » et le « par cœur » des sciences humaines au lycée font apprendre par cœur cent formules mathématiques et physiques et trouvent cela normal (j’en sais encore aujourd’hui, en ayant oublié à quoi elles servaient – par exemple : B i l sinus alpha, qui me hante, c’est quoi déjà? ). Certes, l’Histoire « à l’ancienne », moulée à la louche, a consisté, dans le primaire, à une succession de saynètes plus ou moins édifiantes comme autant d’images pieuses : la défaite orgueilleuse de Vercingétorix, Charlemagne visitant une école, Saint-Louis surveillant une cage, Colbert se frottant les mains en arrivant au bureau, les serment du Jus de pommes, le pont d’Arcole, le siège de 1870 où on boulotte l’éléphant, le retour du Poilu, l’appel du 18 juin, etc. Et en hommage à Clovis, on dessinait une francisque. Mais on descendait le cours du temps. Au moins, il y avait un ordre des évènements, donc, un ordre des choses, des causes et des effets. Le Gaulois avant Charlemagne, François Ier avant Louis XIV, Bonaparte avant Napoléon, tout cela a du sens, non ? Je ne dis pas que les bacheliers actuels en ignorent tout : je certifie qu’ils connaissent « par bouts », comme hier, mais sans tenir le fil conducteur. Lire: Bac (Marronnier) Pour simplistes qu’ils étaient, et ils l’étaient jusqu’à la caricature, ces échantillons de l’ « histoire d’une nation » jouaient sur l’affectif, et donc suscitaient une écoute, puis de la mémoire. La dramatisation, le récit, la « petite » histoire » au secours de la grande, c’est si efficace que, de nos jours, tout un lectorat se précipite pour visiter l’histoire de Paris en suivant les stations de métro, et vérifie, livre en mains, où se trouve la maison de Nicolas Flamel ou la chapelle de saint Denis. Certes, on m’a fait dessiner le Pont du Gard sans m’expliquer que l’aqueduc n’est que la rigole où coule l’eau au sommet, mais je savais le situer dans la période gallo-romaine, alors qu’aucun de mes trois enfants (tous bacs plus 5, merci Bourdieu !) ne se trompe de moins de trois siècles pour le dater… Le temps est-il venu où nous devrons compter sur Stéphane Bern pour savoir tout du règne de Charles Quint ou de Louis XIV, comme déjà la découverte des régions et départements de France et de leurs préfectures doit beaucoup à Des racines et des ailes, voire à des émissions culinaires ? Car l’avantage de ces émissions (certaines sont très bien faites, à l’imitation des documentaires anglo-saxons, mais en moins réducteur), c’est qu’elles font la part belle au récit : en cela, elles rejoignent la tendance (très critiquable au demeurant) de la réduction de l’actualité au story-telling, mais surtoutl’imprégnation des futurs adultes, dès leur prime enfance de téléspectateurs, à l’omniprésence narrative des fictions qu’ils ingurgitent pendant des heures. Tant et si bien que le « ce qui se raconte » offre une digestibilité supérieure au « ce qui s’apprend abstraitement », chose vieille comme le monde, mais encore plus accusée de nos jours. De plus, la succession chronologique configure la notion de causalité historique : l’avant cause l’après, et la causalité historique se perçoit mieux par un récit (c’est la leçon de Thucydide, c’est la méthode de Tite-Live !) que par des graphiques et des statistiques (tant pis pour Bourdieu). D’où l’imbécillité, relevée par de nombreux observateurs, d’étudier les totalitarismes de façon disjointe de la seconde guerre mondiale, par exemple, comme le voulait l’ex-programme… « … ça ose n’importe quoi ! » Reste l’enjeu idéologique, et là, certainement, en Histoire, le terrain est miné. Miné par les soupçons, surtout, et parce que ce passé historique de moins en moins connu est devenu la toile d’écran sur laquelle se projette une mauvaise conscience historique qui sert à emballer tout et n’importe quoi. Le passé, et notamment le passé national, est volontiers présenté comme une longue suite de drames, de traitrises et de crimes dont les crises de nos économies, de nos institutions et de nos moeurs ne sont que le châtiment. L’histoire de France ? des tyrans, des bourreaux, des injustices, diront les uns ; de bons rois, de l’autorité, des valeurs nobles, diront les autres. Même bêtise. Comme, en plus, la vérole du millénarisme et l’arsenic d’un fin-du-mondisme rampant se laissent consommer sans modération dans le bouillon idéologique du « retour au religieux », du « post-modernisme triste » et de l’ « écologie culpabilisante », il n’y a plus beaucoup de place intellectuelle pour une réflexion véritable sur les « leçons » de l’Histoire. Allez donc comprendre pourquoi et comment l’idée de progrès a été construite sur un réel et pragmatique progrès depuis le XIXe siècle, quand on vous ressasse que croire au progrès, c’est bousiller la planète ! ![]() La bien-pensance globale de la political correctness de gauche a posé en principe que l’histoire de France était l’apprentissage du nationalisme, l’éloge du colonialisme et la célébration de l’inégalité. A droite, on a pesé de tout son poids pour démolir l’idée que la Révolution française était un acte fondateur des libertés, à l’échelle du monde. Résultat, pour faire un peu plaisir à tout le monde et bâtir une médiocrité « tolérante », dans les trente dernières années, on a parlé de moins en moins de la Révolution et de plus en plus de la Terreur (avec une emphase pénible dès qu’il s’agit de la Vendée…), on a cloué Napoléon au pilori (alors que Goethe, Hegel et Hugo l’admiraient sans être de gros nazes et qu’on lui doit, tout de même, le Code civil…), on a réhabilité Napoléon III et sa bourgeoisie de vampires (Sarkozy et ses potes l’adorent), on a émis des doutes sur l’honnêteté morale de la loi de 1905, et le vent a soufflé très fort sur un Front populaire qui aurait fait de la France des congés payés une proie facile pour l’Allemagne où, comme chez Merkel, on sait ce que bosser veut dire. C’est aussi ridicule que de faire de Clovis autres chose qu’un mercenaire de Rome converti aux avantages politiques d’une conversion au christianisme, d’inventer un Vercingétorix (en Allemagne, c’est Hermann-Arminius) défenseur des libertés gauloises (ou germaines), ou d’héroïser Bara, pauvre chair à canon. Il est grand temps de mettre un frein à ces divers réformismes : par exemple, le colonialisme fut un moment historique de dimension internationale, les Français ne sont pas des monstres isolés et sanguinaires qui ont fait suer le burnous et le boubou pendant que les autres grandes puissances comme l’Angleterre ou les Etats-Unis se contentaient de vivre sur la lancée de l’esclavage. Et on devrait pouvoir remarquer que le colonialisme, ce fut aussi la quinine, la pénicilline et l’école sans devoir être traité d’esclavagiste cynique par des obsédés de contrition anachronique. Aussi bien, si la commémoration de la « grande guerre » offre un intérêt, c’est de montrer l’exceptionnelle gravité de cette première guerre « moderne », où la chimie des bombes et des gaz a tué autant que l’acier des baïonnettes, et où l’incompétence des « professionnels » de l’époque a transformé l’Europe en charnier. Peut-être aussi, au delà des « valeurs » sur lesquelles misent les nationalismes, ce souvenir d’un massacre ravive l’idée basiquement républicaine que le citoyen n’est ni un simple ayant-droit peu soucieux de ses devoirs, ni une victime docile qu’on balance au casse-pipe impunément. Une leçon d’éducation civique utile dans une Union européenne qui a rayé les nations de la carte pour garantir l’internationalisme des profits, et qui prétend avoir garanti la paix sur le continent par ses institutions, alors que, plus simplement, les démocraties européennes ont acquis, hélas, dans et par la guerre, une maturité qui a enfin rendu le « plus jamais ça ! » des Poilus crédible – cinquante ans et deux bombes atomiques plus tard. Lire: Pour mémoire... Non, le « devoir de mémoire » ne peut se limiter à la Shoah. Il faut parler au pluriel, évoquer des devoirs de mémoire, et ne pas se souvenir que des drames. L’Histoire reste le seul référent dont nous disposons pour éclairer notre conscience du Temps collectif, et de cesser de raisonner à court terme, aux quatre vents de l’actualité, dans le courant d’air des sondages, dans le vide toxique des slogans, sous les oukases variables des économistes. Elle permet aussi de comprendre, et on en a bien besoin, la primauté de l’intérêt collectif sur les sentiments particuliers : d’où tirer, sans elle, la notion d’Etat ? celle de société ? celle de République ? Il faut lui rendre une place éminente dans les savoirs fondamentaux, et oser la raconter, pour ne pas l’oublier. Commémorer un jour, c’est bien ; mais lire le poids du passé dans le présent, c’est cent fois mieux, c’est le privilège des adultes bien aboutis – car, comme le disait mon vieux pote Cicéron (ne ricanez pas), « celui qui ne sait pas ce qui s’est passé avant sa naissance reste un enfant toute sa vie ». Les Bretons, enfin, certains, en ont gros sur le biniou : c’est la filière agro-alimentaire qui flambe. Pas vraiment une surprise ! Que cela soit bien clair : dans cette affaire, ni le gouvernement, ni l’ancienne ni la nouvelle majorité, qui ont ensemble voté l’écotaxe en 2009, n’y sont pour grand chose (c’est Borloo qui a fait le texte !). Si les abattoirs ferment les uns après les autres en Bretagne, c’est parce que cette filière ne fonctionnait que par les aides de l’Europe. Qui ne sont pas les seuls avantages dont bénéficie la région… Cochonneries lucratives Pendant des années, les chambres d’agriculture des départements bretons ont défendu l’indéfendable. Tous les rapports avaient démontré que les choix directeurs de l’agro-alimentaire en Bretagne étaient voués à un suicide final. Il faut dire que des industriels de la bouffe comme le groupe Doux ont largement rempli leurs poches avant de mettre la clé sous la porte : cette entreprise familiale (80% des capitaux à la famille Doux) ont racheté quasiment tous ses concurrents (dont l’illustre Père Dodu) et gagné depuis 1955 de qui figurer désormais au classement de Challenges au rang de 146e fortune de France. Mais cette fortune, dans laquelle, évidemment, toutes les volailles ont laissé leur plumes, s’est faite non seulement grâce à la sueur des Bretons, mais surtout par la générosité des aides nationales et européennes. Une vraie pompe à subvention, le poulet de chez Doux, premier bénéficiaire de l’aide à l’exportation de l’Europe en 2012. A coup de 200 à 300 euros par tonne de volaille, la boîte à encaissé pas moins de 63 millions d’aides publiques entre octobre 2997 et octobre 2008… On imagine que les pourfendeurs de l’assistanat sous toutes ses formes auraient dû hier et devraient encore aujourd’hui s’en indigner. Eh bien non, l’agriculture assistée bretonne leur va bien. L’UMP adore, le PS ne déteste pas, même le FN y voit un poujadisme agraire bien compris. Symbole éclatant de l’ « agriculture intensive assistée », la filière agro-alimentaire bretonne n’a cessé de faire l’objet de louanges immodérées de la part des politiques de tout bord (sauf les écolos, qui ne ont pas vraiment des politiques, on le sait), rivalisant avec l’autre gouffre à subventions que constitue le club des céréaliers (70% de l’alimentation des volailles vient de céréales subventionnées à 300 euros l’hectare !) . Il faut du grain pour la volaille, la porcherie et même l’étable des vaches, puisqu’une vache « moderne » ne sait pas ce que c’est qu’un brin d’herbe.L’espace de production, ce n’est plus la basse-cour ou le pré, c’est le hangar. Dans lequel les bêtes n’ont pas besoin d’un paysan, mais d’un mécanicien-électricien-informaticienaidé par quelques manœuvres pour curer la merde et charger le camion. Et encore, pour le camion, c’est l’industriel-transformateur qui fournit… En fait, tout cela ne produit pas énormément d’emplois directs – pas plus que la culture intensive des céréales, qui bouffe des millions d’hectare de territoire et engloutit des milliards de mètres cubes d’eau, mais anime à peine 2,5 emplois aux mille hectares… S’il y a de l’emploi derrière, c’est dans la machinerie, l’énergie, les services – bref, l’agriculture ainsi conçue présente tous les paramètres économiques d’une industrie. C’est sans doute pour cela que son impact réel sur les territoires a toujours été traité de façon fumeuse, avec des abus sémantiques scandaleux : l’élevage hors-sol des volailles ou des cochons n’a rien à voir avec l’activité paysanne, ce n’est pas une activité agricole, c’est une « industrie du vivant » dans laquelle on usine des objets comestibles baptisés « poulets » ou « porcs » et qui nécessite, en amont, une production céréalière spécifique (par exemple, le « maïs ensilage ») impropre à l’alimentation humaine – autant dire : un carburant. Bas de bas de bas de gamme Au bout de ce type de production, ce qui domine de très loin, c’est le bas de gamme absolu. Les poulets de ce type sont tués au bout d’une quarantaine de jours. La pire saloperie, baptisée « poulet export », se contente de 35 à 38 jours, avec une densité de 22 à 30 poulets au mètre carré. Cela permet, par cycles, d’installer une « bande » de poulets par mois, le temps de curer la litière, de désinfecter le hangar et de le ventiler un chouïa. Arrivent alors des caisses de poussins et des sacs de granulés fournis par le transformateur, et c’est reparti. Résultat, le « producteur » (je refuse de parler d’agriculteur, ni même d’aviculteur, parce qu’il n’y a pas la moindre culture dans tout cela) est totalement dépendant du volailler avec qui il est sous contrat : ses rémunérations sont fixées au départ, à charge pour lui d’investir dans un hangar et un matos qu’on lui prescrit, et si le volailler coule, il se retrouve avec ses poulets sur les bras, au chômage, avec ses dettes. C’est ce qui se passe aujourd’hui depuis la chute de Doux et la fermeture des divers abattoirs qui font l’actualité. ![]() Parce que le bas de gamme, ça eût payé, comme disait Fernand Raynaud dans un sketch qui date d’un temps où il y avait encore des paysans. Et ça ne paie plus, pour une raison bien simple : quand on se concentre sur un produit à faible valeur ajoutée, d’autres s’avèrent un jour capables de le produire encore moins cher que vous. Le poulet à destination de l’Orient, moyen ou extrême, c’était bon entre les années 70 et les années 2000, pendant que les pays émergents n’émergeaient pas encore. Du reste, le bon p’tit père Doux avait compris que la Bretagne, c’était foutu dans l’avenir : il a investi un max au Brésil, pour faire des poulets encore moins cher et s’auto-concurrencer, en quelque sorte, mais en préparant cet avenir peu breton. A l’heure de la fermeture de sa base bretonne, il avait 6000 employés Doux au pays de la lambada, contre 3800 au pays du biniou. Manque de pot, la grippe aviaire et d’autres conneries comme la hausse des céréales l’ont grillé grave. Mais l’idée était assassine : le poulet breton bas de gamme, même certifié halal, n’avait aucun avenir. Les surproduits de la ferme Depuis que je suis né, et je ne suis pas un poulet de l’année, j’entends parler des dégâts causés par les surproductions bretonnes déversées dans les rues, de préférence devant les préfectures et sous-préfectures. Patates, choux-fleurs, artichauts, œufs, poulets, cochons, la Bretagne a le génie de surproduire toutes les choses dont le prix chute désespérément quand le marché est saturé, ce qui est, somme toute, bien normal, ou du moins rationnel. Sauf pour les obstinés qui alimentent cette surproduction et voudraient que le contribuable soutienne les cours offerts en pâture à la grande distribution, qui les tient tous par la peau des couilles grâce à ce jeu de cons. Pour ce cochon, c’est à peu près le même tableau que pour la volaille : la filière est « intégrée », i.e. le producteur est esclave de son industriel, et on joue le bas de gamme avec des races qui stockent l’eau et le gras en temps record, pas grave, c’est pour l’export, et il reste même une clientèle de pauvres en France pour acheter cette merdouille. Sinon, les Allemands en font des trucs réputés consommables, sans se faire chier à les « élever ». Au pire, on les refilera aux Corses, qui en feront de la « charcuterie corse » réputée. Lire: Vacheries (1/2) et Vacheries (2/2) Là encore, des aides européennes ont soutenu l’escroquerie, qui ne date pas ni d’hier, ni d’avant-hier : je me souviens d’avoir écrit en novembre 2000 un papier dans Le Monde où je me permettais de stigmatiser une stupéfiante (mais véridique) prime au « non-élevage » de porc pour les éleveurs qui renonçaient à remplir leur porcherie du nombre maximum de bêtes autorisé… On s’y interrogeait sur la meilleure non-race de non-porcs à non-élever (Landrace ou Large White ?), et j’y suggérais ceci : Déjà, on subventionne discrètement les jachères: pourquoi ne pas aller jusqu'à y mettre des animaux vivants? Allons plus loin: avant de décourager, ne pourrait-on pas mieux encourager autre chose, afin de sortir d'une compétition de surproductivité insipide gérée par un emboîtement de lobbies qui, demain, se feront payer la non-utilisation des O.G.M. et le non-clonage des dindons pour amortir leurs investissements en non-hangars? Les mystères de l’Ouest Pardonnez-moi de me citer, c’est simplement pour dire aux Bretons que leurs conneries ne datent de 2012, de l’écotaxe et que la bêtise de Paris n’est qu’une lâche réponse à leur obstination quelque peu servile à défendre un modèle agricole désastreux pour eux et pour le pays. Les dégâts collatéraux en sont énormes : l’environnement, d’abord, avec la pollution des sols, des eaux et des plages par les algues vertes, qui nous vaut des condamnations méritées de Bruxelles et une belle image de salopards ; le social ensuite, car la fin annoncée de ce modèle économique laisse effectivement une situation catastrophique pour plusieurs milliers de gars, sans compter les emplois induits ; l’avenir, ensuite, parce que la reconversion de l’agriculture prendra du temps, alors même que la région aurait les moyens, voire le devoir, de privilégier d’autres axes de développement pour les quels elle a d’excellentes données – mais avec l’agriculture, c’est le monde rural qui est en jeu, ses paysages, son patrimoine, sa spécificité. Une reconversion industrielle, cela suppose déjà une sérieuse remise en cause des attitudes (on le voit en Lorraine, où l’on s’accroche à des hauts-fourneaux indéfendables). Mais une reconversion agricole, c’est un chemin de croix. Et pourtant, on voit bien que, tant bien que mal, la viticulture languedocienne, qui connaissait des crises monstrueuses à la fin du siècle dernier, tout aussi prévisibles que celles de l’aviculture aujourd’hui, a finalement retrouvé des couleurs et de la santé en misant sur une nette montée en gamme, autrement dit, en faisant du vin, en non de la vinasse, et en reconquérant un marché procurant des marges valables, sans recours abusifs à des aides publiques. A quel prix ? Rappelons que la Région Languedoc-Roussillon pointe avec 14,5% de chômeurs, contre 9,5% à la « malheureuse » Bretagne. Rhône-Alpes a complètement revu, en cinquante ans, sa géographie industrielle. Le Sud-Ouest, depuis le plan Giscard, s’est métamorphosé. Et la Bretagne non-agricole aussi, sans s’arrêter à de vieilles complaintes, en misant notamment sur l’innovation technologique.La « révolte » actuelle est un aveu d’échec régional masqué par des mauvais prétextes. Car il resterait à prouver que la péninsule bretonne est plus « excentrée » que les vallées alpines, par exemple, ou les régions du Massif central désertées par leurs habitants, et qui survivent tans bien que mal sur les ruines des industries locales et une agriculture de pâtures. Les espaces agricoles bretons bénéficient de bien meilleures conditions que la montagne du Centre ou la caillasse du Languedoc. Encore faut-il opter pour la qualité, faire ce qui se vend, accepter de redevenir non pas « paysans », au sens désormais poétique du terme, mais agriculteurs. Car la qualité, pour l’heure, se vend bien, et les poulets labellisés dégagent plus de marge que les défunts poulets de Doux… Au même titre que le cidre et les crêpes, la violence des manifs agricoles bretonnes fait partie de l’image de marque de la région. Rappelons qu’en 1994, sous Balladur, les marins-pêcheurs (qui, on ne sait trop pourquoi, sont encore dans le coup cette fois, malgré le prix de leur fuel détaxé, plus bas en 2013 qu’il y a quinze ans…) étaient en colère : à Rennes, ils ont foutu le feu au palais du Parlement de Bretagne en lançant des fusées de détresse. La réparation (plusieurs millions d’euros) a été à la charge de tous les contribuables de France. Qui avaient, auparavant, régulièrement remis en état les préfectures et les sous-préfectures rituellement salopées par les producteurs évoqués plus haut. La note, on l’a toujours payée, à Paris, sous Mitterrand comme sous Chirac, sous Sarkozy comme sous Hollande. Pour l’eau des rivières polluées, pour les autoroutes gratuites offertes par De Gaulle, pour le TGV sur-subventionné mais non rentable. Cela vaut bien une écotaxe, seule mesure d’envergure adoptée à l’unanimité par le parlement dans ces vingt dernières années. Et avec la voix des députés bretons de tout bord, dont certains, aujourd’hui, feraient mieux de se remettre au biniou avant de souffler sur les braises avec une impudeur scandaleuse (monsieur Le Fur, c’est à l’ENA que vous avez appris à dénoncer les « technocrates parisiens » ? ). Seule une reconversion agricole mérite l’aide de l’Etat : cela, le gouvernement a non seulement la possibilité, mais encore le devoir de le négocier. Et personne n’a le droit de se pincer le nez. Sinon, comme disait Albert Dupontel dans son inoubliable Bernie (1996) : Kenavo, les ploucs ! Haut du formulaire Bas du formulaire
Un sous-entendu malentendu ? Sur un malentendu, tout peut arriver. Cette semaine, contre toute attente, Jean-Luc Mélenchon a généré un Gloomy Monday reggae. Pas sûr que ce soit une bonne nouvelle. ![]() On connaît le verbe haut, le langage riche et les termes qu’il prend un soin extrême à choisir de Jean-Luc Mélenchon. Une facilité qui lui permet de pratiquer ses talents d’orateur du haut des tribunes et devant les meilleurs micros des meilleures émissions radio-télévisées. Mais à être trop docte, à ne pas toujours savoir se mettre au niveau de l’interlocuteur, l’amuseur peut facilement se transformer en arrosé. Ne serait-ce pas ce qui est arrivé dimanche soir à Jean-Luc Mélenchon sur le plateau de l’émission politique de France 5 ? Mais qu’est-ce qui l’a traversé ? En traitant François Hollande et son équipe de « rastaquouères », Jean-Luc Mélenchon a fait naître un silence dubitatif parmi les téléspectateurs et un mini-déchaînement dénonciateur sur Twitter. A-t-il parlé trop vite ? A-t-il réfléchi avant de parler ? A-t-il conscience que le mot « rastaquouère » employé aujourd’hui a un sens extrêmement péjoratif, qu’il est généralement injurieux et utilisé à des fins xénophobes ? A l’heure d’aujourd’hui, nous ne le savons pas. Toujours est-il que si Jean-Luc Mélenchon voulait faire un rapprochement entre François Hollande et son équipe et de jeunes gens dispendieux de la Belle Epoque que l’on pourrait assimiler à des gigolos, il n’en demeurait pas moins délicat d’utiliser un terme à connotation raciste, de plus totalement éculé et surtout dans l’exceptionnel élan de tartufferie que nous vivons actuellement concernant la dénonciation du racisme. Néanmoins, bonne semaine. Encore une clope ? 1506 VISITES | 6 COMMENTAIRES ![]() « Le nouvel homme moderne » (Photo Pipistrelle1974 / FlickR / cc) Comment lutter contre le tabagisme de ses patients quand on est médecin ? Culpabiliser, tenter de dégoûter les gens est contre-productif. Je préfère procéder par étapes, et avec l’apparition de la cigarette électronique, je dispose d’une transition supplémentaire pour ceux qui veulent décrocher. ![]() Je lui propose de réfléchir à un sevrage tabagique. Je sais que ce ne sera pas tout de suite. Mais elle va y penser, cela va mûrir dans sa tête , et peut-être prendra-t-elle rendez-vous un jour… Sylvain a 30 ans , il fume un demi paquet par jour depuis qu’il a 20 ans. Il a arrêté plusieurs fois le tabac, et repris. Il fumait aussi « autre chose » comme il dit, mais ça il a arrêté l’an dernier. Il est content d’avoir pu le faire tout seul. Il vient pour que je l’aide à arrêter le tabac maintenant. Il me dit que c’est plus dur que les joints. Il a repris le sport, la course à pied et aimerait « virer la clope », comme il dit. Il ne lui reste qu’un poumon, mais c’est « à cause de la pollution » Joël a 56 ans, lui fume toujours, beaucoup, il me dit qu’il ne faut plus « l’emmerder avec la clope » aujourd’hui. Joël à pourtant un cancer du poumon, un méchant. Il a déjà été opéré l’an passé, il lui manque le poumon gauche. Il m’explique que c’est pas vraiment la clope qui l’a rendu malade, mais « cette foutue pollution atmosphérique ». Julie a 19 ans , elle vient pour que je lui prescrive une contraception, elle fume déjà près d’un paquet par jour. Elle veut « la pilule » comme elle dit. Elle n’a jamais pensé à un autre moyen de contraception. Je lui propose d’envisager autre chose que des œstro-progestatifs, un DIU (stérilet) ou un implant. Elle est surprise d’apprendre que pilule et tabac ne font pas bon ménage… Toutes ses copines fument et prennent la pilule. Il y a aussi Martine qui après un cancer du sein faisait bronchites sur bronchites et qui a quitté mon cabinet pendant deux ans parce que je la « bassinais » pour qu’elle arrête de fumer . Elle est revenue l’an passé en consultation pour me dire qu’elle voulait me reprendre comme médecin traitant, mais qu’il ne fallait plus lui parler d’arrêter de fumer : « Docteur, je sais pour le tabac, mais ne m’en parlez plus. » La difficulté : ne pas éloigner les patients des soins Les raisons pour lesquelles les patients fument sont multiples, les raisons pour lesquelles ils veulent arrêter aussi. J’ai appris beaucoup avec Martine par exemple. Respecter le désir de fumer du patient pour ne pas l’éloigner des soins est aussi important que stimuler ceux qui ont besoin d’un coup de pouce. De plus un discours moralisateur va taper à côté de la cible, le patient a plus besoin d’un discours clair et d’infos que d’autre chose. Inciter lourdement comme j’ai pu le faire avec Martine a été totalement contre-productif. Les motivations positives sont aussi beaucoup plus efficaces que la peur de la maladie. Avoir envie d’un teint de rose (oui oui) ou d’un souffle retrouvé est souvent plus stimulant que la peur de l’infarctus ou du cancer. La e-cigarette, une clope de transition Sylvie est revenue pour une nouvelle bronchite. Elle n’est pas encore tout à fait décidée à franchir le pas (un précipice pour elle), mais la e-cigarette la tente entre deux clopes. Je l’encourage à débuter avec ce nouveau système à la mode. Elle me pose la question du danger de la e-cigarette, je lui réponds qu’en tout état de cause, elle sera sûrement moins dangereuse que sa cigarette puisque sans goudron. Sylvain va choisir de mettre des patchs de nicotine pendant 3 mois. Il trouve cela long. Je lui explique que la dépendance physique à la nicotine est estimée à 12 semaines. Il commencera par un dosage moyen de 14 mg et continuera avec 7 mg. Il est très motivé , je ne lui propose pas de revenir me voir pour le suivi. Il le fera s’il a du mal. Julie aura choisi un implant, et me dit qu’elle va essayer de fumer moins. L’heure du sevrage n’est pas arrivée pour elle. Je vais respecter le souhait de Martine. Et je ne lui parlerai plus d’arrêter. Martine sait, elle ne veut pas. C’est son choix. Mais je ne désespère pas du jour où peut-être… Il y a plusieurs moyens de sevrage tabagique : la volonté pure, les gommes et les bonbons et autres sprays nicotiniques, les patchs, et maintenant la e-cigarette qui n’a pas encore vraiment prouvé son efficacité dans le sevrage, mais qui me semble une alternative intéressante pour diminuer la consommation de cigarettes. Il existe aussi deux médicaments plutôt intéressants : la varénicline (comme le Champix), et le bupropion (comme le Zyban). Ils sont déconseillés en cas d’antécédents de maladies psychiatriques, comme la dépression. Je prescris assez rarement ces médicaments, seulement si toutes les autres méthodes ont échoué, en raison de la survenue d’effets secondaires non négligeables. Le sevrage, une idée qui doit faire son chemin Des méthodes non médicamenteuses sont également utilisées, comme l’acupuncture et l’hypnose mais aucune de ces deux méthodes n’a démontré scientifiquement son efficacité . Mais l’acupuncture est beaucoup pratiquée. Avec le temps, j’ai appris que l’idée du sevrage tabagique doit faire son chemin et mûrir dans l’esprit du fumeur, qu’en parler sans culpabiliser est essentiel, et que chaque fumeur va trouver une motivation basée sur son expérience et ses besoins : l’amélioration de sa santé, de son souffle, de son teint, de son cadre de vie… Faire peur avec les méfaits du tabac me semble tout à fait inefficace, j’ai vu dees patients très malades du tabac continuer à fumer sans mollir. Pour se faire aider, il y a également en dehors de votre médecin traitant, des consultations spécialisées de tabacologues, à Strasbourg au CHU en pneumologie notamment. On peut appeler un numéro dédié, comme tabac info service (39 89). Sinon je viens de voir une pub anti-tabac de l’INPES pas trop ringarde pour une fois et ciblée jeunes. |