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Exposé sur frère Jean (Gargantua) Frère Jean des Entommeures est un personnage important puisqu’il apparait comme un héros. Plus qu’un moine, c’est un homme d’action. Il dit d’ailleurs « cognons, diables, cognons ! ». En effet, "Entamures" signifie: qui fait du hachis de ses ennemis. Rabelais lui-même était moine chez les franciscains, puis chez les bénédictins. Il a donc une expérience authentique de la vie monastique et on peut se demande quelle image il donne de cette vie à travers frère Jean. Quelle rôle ce personnage joue-t-il dans le déroulement de l’intrique et quelle importance le lecteur doit accorder à ce moine haut en couleur. I Portrait de frère Jean Frère Jean fait sa première apparition à la page 223. Il est défini par 3 catégories : 1 Son rang social : C'est un moine « Moi, je suis un moine accompli » (p 307) dans l’Abbaye de Seuilly. De plus, il y a une particule dans son prénom « des Entommeures » ce qui montre que sa famille a accompli des exploits par le passé (sa puissance peut être héréditaire) 2 Son portrait physique : C’est l’exact contraire du portrait d’un moine puisque le stéréotype du moine entendrait qu’il est vieux, gras tel le moine rubicon (le bon vivant)… Mais Frère Jean est "jeune","pimpant","maigre" : il a un air de fraicheur et d’élégance. Grandgousier dit à la page 293, "ce n'est point une face de carême", il a donc un visage heureux. Il porte un « froc » qui est la robe du moine. Et « un bâton de croix » (p225). Ce bâton de croix lui sert d’arme redoutable « qui étaient en cœur de cormier, long comme une lance, remplissant bien la main et quelque peu semé de fleur de lys, presque toutes effacées ». Ces fleurs de lys représentant l’emblème de la royauté française. Elles n'apparaissent presque plus sur le bâton car il s'en est beaucoup servi. Ce qui signifie qu'il se bat sans hésiter. 3 Son portrait moral : C’est le portrait le plus détaillé. Déjà son nom apporte quelques caractéristiques importantes. En effet, Entameures est en français ancien"Entamures" signifie: qui fait du hachis de ses ennemis. Ceci montre alors que Frère Jean est très puissant et que ses ennemis ne peuvent rien contre lui. De plus c’est une personne confiante, sûr d’elle. En effet lors des guerres picrocholine, il sait qu’il ne mourra pas « pourtant je n’y mourrai pas, ce sont les autres que je vais expédier » (p225). En accord avec sa violence, c’est aussi un homme sans pitié à l’égard de ses ennemis et belliqueux « tu rendras du même coup ton âme à tous les diables ». Il a une grande connaissance du combat puisqu’il connait les parties sensibles pouvant être mortel « en le frappant à la suture occipitopariétale », et l'utilisation de termes d’anatomie précis montrent et accentuent la violence du moine "écrabouillait la cervelle", "démettait les vertèbres", "disloquait les reins"...etc. A la page 223, on apprend qu’il est « joyeux », « pas manchot » donc il est habile et adroit, « hardi » : il ose sans se laisser intimider, « courageux » : il agit malgré les difficultés, « décidé ». Il est aussi « bien fendu de gueule, bien servi en nez », ces expressions sont des sous-entendus grivois puisqu'elles passaient pour le signe d’une grande activité sexuelle au XVe siècle, ce qui est assez paradoxal pour un moine censé être chaste. De plus, on sait aussi qu’il est « beau débiteur d’heures, beau débrideur de messes, beau décrotteur de vigiles et pour tout dire en un mot, un vrai moine s’il en fut jamais depuis que le monde moinant moina de moinerie ; Au reste, clerc jusqu’aux dents en matière de bréviaire » L'usage du polyptote sur moine montre qu' il ne semble pas préoccupé par les formalités religieuses, il "n'est point bigot"(p293) c'est-à-dire qu'il n'est pas obsédé par la prière mais il connait aussi très bien son bréviaire, donc ces formules de prières. Puis au fil du roman, on apprend qu’il a une connaissance assez limitée : « Pour ma part, je n’étudie pas. Dans notre abbaye, nous n’étudions jamais, de peur des oreillons » (p 289). Il est de nature très active et ne se sent bien qu’en agissant « si je ne cours pas, si je ne m’affaire pas, je ne suis pas à mon aise » (p 289) contrairement aux autres moines passifs lors de l’épisode de l’abbaye de Seuilly. Il a un langage grossier et peut parler de manière ironique : à la question de Ponocrates « vous jurez , Frère Jean ? », Frère Jean lui réplique « ce n’est, dit le moine, que pour orner mon langage":c'est un moine qui jure et blasphème même avec p 289 "à la santé de ces diables...vertu Dieu!...Cordieu!". Il est très habile de ses mains c’est un bon bricoleur « je polis des carreaux et des flèches, je confectionne des filets et des bourses à prendre les lapins » (p293). Frère « Jean est une personne agréable et assez bavarde, il est donc de bonne compagnie tel qu’en fait la description de Gargantua à son sujet « bon compagnon » (p293) et « voici pourquoi chacun recherche sa compagnie ». C’est aussi un homme au grand cœur « si ma force égalait mon cœur morbleu, je vous les plumerais comme un canard » (p 301) .Il est aussi bon buveur comme le montre ses paroles lors du pillage de l'abbaye "jamais un homme noble ne hait le bon vin: c'est un précepte monacal" et au moment de la scène de beuverie avec Gargantua et Grandgousier. Frère Jean n'est donc pas l'archétype du modèle du bon moine car il est paillard et buveur mais il a des vertus morales incontestables. Il représente donc un paradoxe. II La parodie d'un récit épique 1 Un héros chevaleresque Frère Jean a une fonction épique dans l’œuvre. En effet, il a une taille normal et n’est pas un géant contrairement à Gargantua et Grandgousier, mais son héroïsme est à la hauteur de certains personnages de l’Iliade. Il a une force surhumaine puisqu’il inflige toujours des dégâts hyperboliques à l’ennemi « grâce à son exploit, tous ceux de l’armée qui étaient entrés dans le clos furent déconfits, et leur nombre se montait à treize mille six cents vingt-deux, sans compter les femmes et les petits enfants, comme de bien entendu » (p231). On comprend surtout l’étendue de sa force lorsqu’on compare ces dégâts à l’arme utilisée puisque ce n'est qu'un bâton de croix. Il peut être comparé à Achille car cet incroyable massacre est perpétré par un seul homme. De plus lors des combats il est très vif et fonce sans hésiter. C’est aussi un héros car il aide les autres et ne combat pas que pour lui-même comme Gargantua le souligne «il défend les opprimés ; il console les affligés ; il secourt ceux qui souffrent ; il garde les clos de l’abbaye » (p293) cette citation rappelle les Béatitudes (évangiles de Matthieu et de Luc). C’est donc une figure indispensable lors des batailles, puisqu’il aide et mène à la victoire. Mais surtout ce qui fait de lui un héros ce sont ses opinions : En effet, il dénonce la lâcheté « N’est-il pas meilleur et plus honorable de mourir en combattant que de vivre en s’enfuyant bassement ? » (p289) 2 Un combat extraordinaire/démesuré Ainsi, on retrouve aussi le registre épique à travers le combat violent de frère Jean contre les voleurs de vignes à l'abbaye de Seuilly. Tout d'abord, avec l'intervention du narrateur :"croyez bien que c'est le plus horrible spectacle qu'on ait jamais vu" p227. De plus, on remarque une exagération avec l'image de guerrier seul face à tous, il tue tous les voleurs seulement grâce à un "bâton de la croix".L'exagération est aussi soulignée par le nombre hyperbolique de morts: "treize mille six cents vingt-deux" p 231,et par l'extrême violence du combat "il en tua tant, en jeta tant à terre, que son braquemart se brisa en deux", "il frappait au défaut des côtes, il retournait l'estomac et ils en mourraient sur le champs. A d'autres, il crevait si violemment le nombril qu'il leur en faisait sortir les tripes. A d'autres, il perçait le boyau du cul entre les couilles". Ces citations et la comparaison de ce combat à celui de Maugis l'Hermite contre les Sarrasins dans la chanson de geste(du XIIIe siècle) ,les Quatre fils Aymon soulignent sa force démesurée. Rabelais amplifie l'horreur de ce combat jusqu'à en dégouter le lecteur, cela rappelle le titre initial du roman: La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel et fils de Grangousier. Donc ce combat relève du merveilleux. III Frère Jean, un porte parole de Rabelais pour dénoncer les clercs. En effet, à travers frère Jean, Rabelais critique d'abord les moines qualifiés de "moinillons" (péjoratif). Pour cela, il oppose clairement d'un côté frère Jean et de l'autre les autres moines qui sont décris comme des buveurs et imbéciles: ils chantent un rituel de prières qui n'ont pas de sens "ini-nim-pe-ne-ne-ne-ne-ne-ne-tum-ne-num-num-ini-i-mi-i-mi-co-o-ne-no-o-o..."p223, ils sont passifs face au danger et le seul ordre du prieur claustral est de faire enfermer le seul moine qui défend l'abbaye, ses paroles sont donc idiotes "Que peut bien faire cet ivrogne ici? Qu'on le mène au cachot" (p225). "Feu notre abbé disait que c'est une chose monstrueuse que de voir un moine savant" p289, les abbés revendiquent donc l'ignorance au nom de l'autorité monacale. Grâce à frère Jean, Rabelais exprime son désaccord à propos de certains usages de l'église en faisant une satire. En effet, il utilise le comique pour s'en moquer avec les calembours "le service divin" et le "service du vin" p225, ou lors de la guerre picrocholine avec "Ah! Monsieur le prieur, je me rends! monsieur le prieur, mon bon ami, monsieur le prieur!" et la phrase comique de frère Jean agacé "monsieur le postérieur, mon ami, monsieur le postérieur, il va vous en cuire sur votre postérieur!"p313. Il se moque aussi de la foi naïve des soldats qui l'utilisent pour avoir la vie sauve: "les uns criaient: Sainte Barbe! les autres: Saint Georges! les autres: Sainte Nitouche! les autres Notre Dame de Cunault!..."p229 mais frère Jean n'est pas dupe, il est déterminé (il ne fait pas que les confesser comme les autres moines), il ya une certaine ironie avec l'hyperbole: "et mille autres bons petits saints". Les moines sont aussi très bons buveurs puisqu'on remarque que leur vie s'organise autour des vendanges (p225), elles prennent le pas sur la prière: "pourquoi nos heures sont elles courtes en période de moisson et de vendanges, et longues pendant l'avant et tout l'hiver ... c'était afin quand cette saison nous fassions bien rentrer la vendange pour faire le vin et puissions le humer en hiver", "écoutez messieurs vous autres qui aimez le vin", la boisson rythme leur année. Il est une sorte de voix de la raison, de voix de Rabelais. Il montre donc que Rabelais n'est pas d'accord avec les pratiques ecclésiastiques. Effectivement, frère Jean a d'autres idées de l'église (moins austères). Lorsque Gargantua lui offre l'abbaye de Thélème comme récompense de ses actes il précise "permettez-moi de fonder une abbaye à mon idée "p 351. Il cherche à changer la vie des moines et leur image stéréotypée de bons vivants , de cloîtrés , de buveurs: il veut n'y installer que des jolies jeunes femmes et de beaux jeunes hommes, il souhaite aussi leur offrir une vie plus libérale où les vœux contraignants habituels (chasteté, pauvreté, obéissance) seraient remplacés par une liberté totale avec tous les droits (se marier , être riche, être libre...).Il remet en cause un principe important de l'église existant depuis le XIIIème siècle: la chasteté, le célibat. De plus la simplicité traditionnelle des abbayes laisserait place au faste. A travers Frère Jean, Rabelais reconsidère, critique l'obscurantisme mais est loin d'être contre l'église (il a été moine). Conclusion: Dans son œuvre, Rabelais utilise le personnage haut en couleurs de frère Jean comme porte parole pour porter un regard critique sur l'église(le manque d'éducation, la passion pour la boisson, la lâcheté,...des moines) mais frère Jean est loin d'être son idéal, il a aussi des défauts. Il parvient à cette critique par l'utilisation de la satire et de l'amplification. Frère Jean est donc un personnage clé du roman. C'est lui qui en prononce les derniers mots "et grand' chère". On peut d'ailleurs remarquer la filiation entre Rabelais dont la première abbaye était celle de Seuilly chez les franciscains et frère Jean qui lui, vient aussi de cette abbaye. Rabelais avait été révolté de l'ignorance qui y régnait et en avait changé pour les Bénédictins. |
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