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«D'ailleurs les désirs de l'homme sont insatiables : il est dans sa nature de vouloir et de pouvoir tout désirer, il n'est pas à sa portée de tout acquérir.» Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, II. Texte de MOLIERE, Don Juan, Acte I, scène 2. DOM JUAN: « Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses. » [en gras, les citations utiles à savoir]
Définition de désir : Le désir est une tendance consciente d’elle-même, dirigée vers une fin (un but) conçue ou imaginée. ». Une tendance désigne une force orientée vers un but. Le désir désigne ainsi tout mouvement qui nous porte à rechercher la jouissance ou la possession d’un objet. Etymologie : Désir vient du latin desidare, « regretter l’absence de quelqu’un ou de quelque chose ». Le désir est donc lié à une absence. Nous retrouvons le terme sidus, « étoile », « astre ». Ce que nous désirons est lointain, inatteignable. La multiplicité du désir : Le désir paraît avoir des formes diverses comme l’amour, la soif, la volupté, la cupidité, la curiosité, le souhait, l‘envie: le désir est une « bête multiforme et polycéphale » disait Platon, dans la République, une hydre aux mille têtes qu‘aucune définition ne paraît pouvoir épuiser. Distinctions conceptuelles: Le désir s’oppose ainsi aux notions suivantes: Du besoin: tendance de l’organisme, purement physiologique. Le désir, contrairement au besoin, est spirituel. De l’instinct: tendance innée. Contrairement à l‘instinct animal qui se caractérise par un comportement spécifique, irréfléchi et immuable, le désir humain possède un caractère historique, c’est à dire qu’il évolue sans cesse. Comme le souligne Rousseau, l’homme est cet animal sans instinct qui peut se métamorphoser en vertu de sa perfectibilité. Du fantasme : mise en scène imaginaire, consciente ou inconsciente, par laquelle le sujet exprime et satisfait un désir plus ou moins refoulé. De la pulsion: chez Freud, processus dynamique, issu de l’inconscient, et consistant en une poussée, une force, faisant tendre l’organisme vers un but, de manière à supprimer un état de tension organique. Le désir, par opposition à la pulsion, est conscient. De l’acte volontaire, lequel suppose réflexion, délibération, décision. Le désir semble constituer le premier niveau de l’activité volontaire, sans atteindre le degré de rationalité de celle-ci. De la passion: du latin « patior », « souffrir », « pâtir », « subir »; au 17ème siècle (cf. Descartes), les passions désignent tous les phénomènes passifs de l’âme. À partir du 18ème siècle, la passion est comprise comme une tendance d’une certaine durée, accompagnée d’états affectifs et intellectuels assez puissante pour dominer la vie de l’esprit. La passion est ainsi devenue une inclination non maîtrisable, conduisant à une rupture de l’état psychologique. Chez Hegel, plus particulièrement, la passion devient la force qui nous pousse à agir: « Rien de grand n’a jamais été accompli ni ne saurait s’accomplir sans les passions » (Hegel, Philosophie de l‘esprit). Contrairement au désir, la passion marquerait le moment où un désir ponctuel et passager est devenu capable d’influencer l’ensemble de la vie psychique. De l’amour : l’amour est désir d’un autre homme. Définition de bonheur : Etat de complète satisfaction (de « bon » et « heur », qui vient du latin augurium, présage, chance, le bonheur est donc lié à l’idée de chance). Cet état est durable. Distinctions conceptuelles : Le bonheur se distingue : De la joie, état de satisfaction intense, et du plaisir, sensation agréable, qui sont toutes deux des émotions éphémères, toujours liées à un objet particulier De la béatitude : état de plénitude et de bonheur parfait (dans la théologie chrétienne, état de bonheur absolu et éternel auquel accéderont les justes dans l’autre monde). Problématique : Par définition, le désir est un manque, tandis que le bonheur désigne un état de plénitude, où rien ne manque. Il semble donc que le bonheur exige que tous nos désirs soient comblés. Mais, être heureux, est-ce assouvir tous ses désirs ?
I. DESIRER : UNE SOURCE DE SOUFFRANCE OU DE BONHEUR ? Dans cette première partie du cours, nous étudierons la nature du désir. Quelle est la spécificité du désir par rapport à toute autre forme de tendance ? D’un côté, le désir serait la manifestation de notre insertion dans la nature, dont témoigne notre corps, ses tendances et ses besoins, pulsions ou instincts ; mais il est aussi le signe de notre singularité d’humain : le désir fait intervenir l’imagination, l’intellect, et nous emporte plus loin que notre corps. En quoi le désir est-il spécifiquement humain ? Nous verrons que c’est parce que l’homme est un sujet qu’il a des désirs. 1/ Le besoin est naturel quand le désir est culturel: Le désir est souvent défini par différence avec le besoin : le besoin serait naturel, nécessaire, limité, tandis que le désir serait artificiel, superflu, illimité.
Le désir est spirituel : On dit encore que le corps a des besoins tandis que l’âme a des désirs. Le désir est ainsi une notion qui implique la subjectivité. Le besoin, au contraire, est une réalité naturelle, qui enracine l’homme dans son corps et dans une nature animale. Il est la traduction psychique d’un déséquilibre physique. Le désir, lui, s’il prend souvent sa source dans le besoin, relève d’une construction intellectuelle.
Désir et conscience du temps : Besoin et désir sont irréductibles car le désir suppose la conscience du temps, quand le besoin s’enracine dans l’instinct et dans l’immédiateté. Or l’homme possède ce que Hegel appelle une « double existence ». Grâce à sa conscience, l’homme est capable d’accéder au temps alors que les animaux vivent dans un instant éternel. La conscience humaine est mémoire nous disait Locke. C’est parce qu’il possède une mémoire, il peut entretenir le souvenir d’un objet, le désirer dans l’avenir. DESCARTES dans Les Passions de l’âme, article 86, définit ainsi le désir : « La passion du désir est une agitation de l’âme causée par les esprits qui la dispose à vouloir pour l’avenir les choses qu’elle se représente être convenables. Ainsi on ne désire pas seulement la présence du bien absent, mais aussi la conservation du présent, et de plus l’absence du mal, tant de celui qu’on a déjà que de celui qu’on croit pouvoir recevoir au temps à venir. »
Prolongement [LE BONHEUR] : PASCAL, Les Pensées : « Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l'arrêter comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent, d'ordinaire, nous, blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige et s'il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver. Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »
[Pour approfondir : objection : même un besoin est culturel : tout besoin n’est-il pas aussi une construction artificielle ? MARX, Travail salarié et capital « Qu’une maison soit grande ou petite, tant que les maisons d’alentour ont la même taille, elle satisfait à tout ce que, socialement, on demande à un lieu d’habitation. Mais qu’un palais vienne s’élever à côté d’elle, et voilà que la petite maison se recroqueville pour n’être plus qu’une hutte. C’est une preuve que le propriétaire de la petite maison ne peut désormais prétendre à rien, ou à si peu que rien ; elle aura beau se dresser vers le ciel tandis que la civilisation progresse, ses habitants se sentiront toujours plus mal à l’aise, plus insatisfaits, plus à l’étroit entre leur quatre murs, car elle restera toujours petite, si le palais voisin grandit dans les mêmes proportions ou dans des proportions plus grandes … Nos besoins et nos jouissances ont leur source dans la société ; la mesure s’en trouve donc dans la société, et non dans les objets de leur satisfaction. Etant d’origine sociale, nos besoins sont relatifs par nature. »
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