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J'ai téléphoné en Angleterre aujourd'hui. L'avenir ne m'appartient plus, je n'ai plus de décision à prendre. C'est simple. Ce vendredi je rappelle en Angleterre, et si mon ancien manager me veut, je pars. Sinon, je reste. J'ai téléphoné Stephen, l'ami de Ed que j'ai rencontré à New York, il sera content de me recevoir les quelques jours que ça prendra pour que je me trouve une chambre à louer avec l'aide du Switchboard Gay and Lesbian. Ainsi, vendredi je serai fixé sur mon sort, à savoir si ma vie se passera à Toronto ou à Londres. L'un ou l'autre, j'avoue que cela ne me fait plus grand différence. Londres me semble logique, encore que j'ignore tout de ce que Toronto est susceptible de m'offrir. Raymond m'a aidé à voir clair, Toronto semble être pour Sébastien et non pour moi. Moi je suis venu vérifier que c'était bien mort entre lui et moi, ce qui m'évitera bien des soucis et de la souffrance dans l'avenir. M'éviter des regrets aussi. Ensuite j'ai connu Raymond et je me suis rapproché de ma tante Charlotte, ce qui est certainement une bonne chose pour l'avenir. Voilà, me faut-il explorer davantage ces personnalités, de même pour Julian, mon nouveau copain ? Ou alors est-ce que j'ai un tas d'autres aventures qui m'attendent au Royaume-Uni ? La décision ne m'appartient pas, je le répète, elle appartient à M. Hervey. Peu importe quelle sera sa décision, je la respecterai comme un signe du destin. Je suis ma destinée. J'ouvre la radio, 102.1 FM, The Edge. You get me closer to God, Nine Inch Nails. Je suis dans le beat, en ce vendredi soir où je ne sors pas. J'ai vu Julian, cela me suffit. Une heure trente ensemble avant qu'il n'aille travailler. Je crois que malgré ses simagrées que l'on ne peut tomber en amour très rapidement, il s'est attaché bien plus qu'il ne le pense. Moi pas. Malgré que j'aime bien être avec lui et que certainement nous aurions développé une relation officielle si j'étais demeuré ici. Encore un qui me rappellera vers Toronto. Peut-être serait-il bien de m'assurer, comme avec tous les autres, que justement il ne devrait pas m'attirer à lui une fois que je serai parti. À Jonquière je pense à Sébastien, à New York je pense à Gabriel, à Toronto je pense à Ed, à Rouyn-Noranda je pense à Thomas bien qu'avec celui-là presque rien n'est survenu, à Londres je penserai à Julian. Ça fait beaucoup en peu de temps. Peut-être était-ce une étape nécessaire dans ma vie. À l'heure actuelle je suis contenté comme ce n'est pas possible. Je ne regarde même plus les beaux gars dans la rue, n'espère plus aucune rencontre fortuite. Car je n'ai qu'à sortir si vraiment j'en veux. Je puis même sans trop insister revoir la personne plusieurs fois alors que le plus souvent les gens doivent se contenter de one night stands en ce qui concerne les beaux mecs. Au moins ça de gagné, je m'en retourne à Londres sans être désespéré, sans vouloir un Sébastien indépendant. En fait, je crois que j'ai exactement vécu ce que Sébastien souhaitait qu'il lui arrive après m'avoir laissé. À l'entendre, il n'aurait couché qu'avec ce Marc qui serait laid. Ma version est qu'il a couché avec davantage de monde et qu'il couche encore avec son Marc. Que le diable l'emporte, il est déjà historique, préhistorique après quatre ans et demi, car ma vie, je la commence. Je tente d'imaginer où je vais arriver à Londres. Les possibilités sont infinies. Juste Marc, l'ami d’Ed où je m'en vais rester, m'ouvrira tout un univers à Londres. J'ignore encore si je coucherai avec, pour l'instant je ne puis me souvenir s'il est beau. Je sais qu’Ed a couché avec. Mon Dieu, j'achève de coucher avec la planète. J'espère pouvoir me stabiliser bientôt, comme je l'étais avec Julian. Je ne suis pas ressorti une seule fois depuis notre première rencontre. J'ai la volonté d'être fidèle et d'avoir une vie tranquille, ou du moins wild autrement que par les bars gais et le sexe avec la multitude. Julian est très près de moi, un peu plus il me suivrait à Londres. Son éternel sourire me fera mal bientôt. Tant de sacrifices pour un sentiment de liberté qui n'est possible que lorsque l'on marche dans les rues d'une de ces trois villes : Paris, Londres ou New York. Mais je dois avouer que j'aime Toronto. Je m'y suis incrusté de façon assez radicale durant le dernier mois. Je regrette de partir. Il faut dire que lorsque tu demeures dans un hôtel en plein centre-ville, en plein centre du village gai, tu ne peux pas faire autrement que de vivre à plein. C'est inconscient, mais tu te réveilles un matin et tu deviens dépendant de ta petite routine quotidienne. Mais je n'ai pas la prétention de dire que je connais la vie de Toronto. Tant de choses il me reste à découvrir, mais on ne peut pas vivre partout à la fois et connaître tout à la fois. Est-ce que je pourrais changer de cerveau ? Oui, si le vieux Robert Jonhston de son agence d'emploi m'offre quelque chose en haut de 25,000 $ par année, j'annule tout et je reste à Toronto (il veut me rencontrer ce lundi). Si le destin veut encore changer mes idées, c'est encore le temps. Le pire c'est que Londres c'est l'instabilité totale pour encore tout le temps où j'y habiterai. Sachant qu'après un an ils me mettront à la porte du pays, tout n'est que temporaire. Ça change toute une vie. Tu n’accumules rien, tu fais tout sauf t'installer. Dans un an je serai encore aussi perdu qu'aujourd'hui, à courir entre Montréal et Toronto pour trouver un emploi, les deux seules grandes villes au monde où j'ai vraiment le droit de travailler. Stupides lois anti-immigrants, ce que je donnerais en argent pour avoir le droit d'habiter où je veux. S'il existe une seule cause à défendre sur cette planète, c'est bien l'abolition des frontières. Bien avant l'environnement, en ce qui me concerne. J'aimerais bien sacrer le camp pour la Chine ou le Japon, ça n'arrivera pas de sitôt, à moins qu'un miracle ne survienne, comme d'habitude. Si je le veux très fort, je suppose que ça arrivera. Je ne dois pas le vouloir tant que cela alors, pas encore du moins. Sinon je ferais peut-être des démarches. Ce serait facile de devenir un professeur d'anglais, ils en mangent là-bas. Mais je n'ai aucune qualification, mon anglais fait trop pitié. Ainsi, que ferai-je à Londres la semaine prochaine ? Tout dépend de Marc. Je sais cependant que je serai à l'aéroport d'Heathrow, à travailler sur une caisse enregistreuse. Prenant l'Underground tous les matins pendant plus d'une heure, à regarder les stations dévaler. On dirait une régression. Je chercherai de l'emploi, ça urgera. Peut-être le marché sera meilleur, mais j'en doute. La mad cow disease, la maladie de la vache folle, vient de faire perdre vingt milliards de dollars à l'Angleterre, des millions de mises à pied. Probablement que ce sera un enfer là-bas. Ce n'est pas tous les jours que le monde entier se lève pour crier au bannissement de toutes exportations d'une de nos plus grandes industries. Eh bien, de toute manière je suis végétarien. Alors même si pour la première fois de toute leur existence McDonald's, Burger King et Cie ne servent aucun hamburger, Big Mac ou Whopper, ça n'affectera pas trop ma vie. Au contraire, je serai le seul à sauter chez Burger King pour avaler un de ces succulents Bean Burger que l'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde. Peut-être pourrais-je me frayer un chemin dans le grand monde londonien, qui sait ? Je suis libre de me retrouver n'importe où n'importe quand. Et ce n'est plus un secret pour personne, je suis amorale jusqu'à l'os, la prostitution ne m'effraie pas. Sans Gabriel qui me rappelait à Jonquière, j'aurais peut-être mon sugar daddy à New York. On ne me ramène pas à Londres pour rien, il existe une raison à cela et je l'ignore encore. Je suis comme Jésus Christ qui sait qu'il va se faire crucifier, mais qui n'a pas le choix et qui continue à avancer. Je ne sais plus où j'en suis. J'ignore si c'est une bonne idée de partir. Ça implique tellement de choses, et à la fois je ne suis pas certain des gains que j'en retirerai. Il y a autre chose, mon terrible sentiment de culpabilité. Je me lève le matin tout paniqué, cherchant où je suis, réalisant ma terrible situation et ne voyant aucune porte de sortie. Cet impossible sentiment qui me tort le cœur, je l'ai eu à Paris durant tous les derniers mois. J'ai réussi à l'oublier quelque peu à Londres, mais les derniers mois m'ont achevé. Je ne vois pas très bien pourquoi je retournerais là où mon cœur risque de flancher. Mais j'ai comme l'impression que même si j'habite à Toronto, ce sentiment n'arrêtera pas. Dois-je poursuivre mes études pour qu'il arrête ? Où en suis-je venu à un degré si monstrueux de culpabilité parce que j'ai tout raté que ce sentiment terrible me poursuivra jusqu'à la fin de mes jours, écourtés par ce nœud dans le cœur ? J'ai définitivement un problème psychologique profond. Ce qui est drôle c'est que je suis d'un naturel très fort psychologiquement, ainsi je ne suis pas invulnérable. Si je pouvais identifier exactement pourquoi je me tracasse autant, alors je pourrais travailler dessus et régler ce problème. Mais en ce moment, même si je crois l'avoir identifié, je suis incapable de changer quoi que ce soit. Tu peux comprendre que ta dépression vient de ce que tu as subi l'inceste étant jeune, n'empêche que ça ne va rien changer à tes problèmes, il n'y a rien que tu puisses changer ou régler. Seulement ta façon de voir les choses, te placer sous un autre angle. Te dire en fin de compte que ce n'est pas si important, la vie continue, il faut s'en foutre. Mais tout cela relève du miracle. Dieu merci je n'ai jamais subi d'inceste, je suis déjà si instable, ç'aurait été le coup de grâce. Voilà, je me retrouve à la case départ, je me demande si je devrais partir. Si Sébastien m'offre d'habiter chez lui, je ne dirai pas non, je ne partirai pas. Mais je ne peux pas le forcer d'aucune façon, et lui hésite trop à le proposer, en fait il ne veut pas de moi, même pour un temps. Je crois qu'il ne veut vraiment pas revenir avec moi, moi non plus de toute manière. Le contraste entre lui et tous les autres que j'ai rencontrés dernièrement est trop grand. Je peux bien croire que la magie peut disparaître après quatre ans, mais je n'accepterai pas que tout le positif soit disparu et qu'en plus le négatif prenne le dessus. Il n'y a plus d'espoir dans une telle relation. Mais que ferais-je de Julian si je déménageais chez Sébastien ? Il faudrait qu'il vienne lorsque Sébastien n'y serait pas, ce qui serait facile. Ne serait-ce pas terrible d'habiter chez Sébastien et de devoir subir lui en train de faire l'amour avec un autre ? Je ne survivrais pas à une telle épreuve. Je ne sais plus quoi faire, mais de toute manière, Toronto ne semble pas avoir d'emploi à m'offrir. Pourquoi ma vie doit-elle sans cesse être aussi compliquée ? Je ne suis pas sorti finalement, j'ai plutôt eu ma première vraie bonne conversation avec Andrew. Je crois qu'il a énormément de problèmes en ce moment, et je crois que je suis la seule personne de son entourage prêt à être objectif et à lui montrer qu'il a raison (même s'il a peut-être tort). Pour l'instant, il s'agit de lui remonter le moral, ensuite il verra mieux et pourra régler ses problèmes plus aisément, même qu'ils disparaîtront peut-être. Il n'était donc pas question de faire de morale. D'ailleurs, je n'aurais pas pu. Cette discussion fut un véritable tour de force. Car il ne voulait rien me dire, il ne faisait que m'expliquer des sentiments, des impacts de conversations qu'il a eues qui lui ont fait comprendre certaines choses, une influence tellement négative que quelqu'un a eu sur sa vie. Bref, rien de concret sur quoi travailler. C'est la première fois que je tentais d'aider quelqu'un sans savoir rien de ce qui existait vraiment. Alors à chaque fois que c'était son tour à parler, il tentait d'identifier plus clairement ses sentiments et émotions, et pourquoi ils les ressentaient. Quelqu'un qui nous aurait écouté aurait été tellement perdu, justement parce que l'on ne parlait de rien de concret, il n'y avait pas de sujet de discussion, juste une vague mise en situation. J'ai tout de même l'impression que je l'ai aidé, j'ai du moins l'impression de m'être surpassé. Il semble vivre la même chose que moi par rapport à mon père. Comment des gens sur cette planète peuvent avoir tant d'influence sur chacune de nos décisions alors qu’on ne leur parle à peine, sinon même pas ? On dirait que je suis encore tombé mal. Ou bien ça va toujours mal partout, ou bien c'est vraiment une mauvaise période que l'on traverse. Est-ce juste le mois de mars qui déborde dans le mois d'avril, ou alors c'est l'époque, la fin du millénaire. Tout le monde se chicane, d'un bord à l'autre de l'Atlantique, j'arrive pour freiner cet enfer, mais souvent ils sont incapables de se contrôler et j'ai droit à des scènes assez intenses. Parfois je me demande s'ils ne préfèreraient pas que je ne sois pas là pour pouvoir se disputer en toute intimité. Parfois je me dis que ma présence les empêche de se détruire mutuellement. Enfin, hier on a discuté les problèmes de Andrew, sans même que l'on aborde un des sujets. Tellement que lorsqu'il parlait de quelqu'un qu'il ne connaissait qu'à peine puisse venir ainsi en quelques phrases détruire sa vie et repartir, je me demandais s'il parlait de moi tellement je pouvais interpréter de toutes les manières. Patrick m'a demandé ce matin si nous avions couché ensemble. Je lui ai dis que non, mais il m'a répondu que ce n'était pas un problème, que je pouvais coucher avec lui quand je voulais. Par contre, le ton sur lequel il a posé la question était assez négatif. Il dit que son Andrew est fort intéressé à coucher avec moi, il le voit dans ses yeux. Mais qu'il est trop timide pour faire quoi que ce soit. Je devrai donc faire les premiers pas. Mais seulement lorsque ce sera le bon moment, ce qui risque de ne jamais arriver. Andrew est beau, un vrai British, mais c'est plus pour une relation à long terme qu'il m'intéresserait que pour une soirée de cul. Car il est beau et impressionnant, mais il ne m'attire pas d'emblée, tellement que je ne pourrais plus me contrôler et je lui sauterais dessus. Tim, peut-être. Il m'a fait deux grands sourires hier, je cherche encore à interpréter ces sourires. La vie est compliquée si les gens ne disent rien de ce qu'ils veulent, et moi je ne veux pas me faire rejeter sans cesse, c'est dur pour le morale. Encore que je n'ai pas à trop m'inquiéter, ordinairement je peux avoir qui je veux. Même le Tim, si mon orgueil ne m'arrêtait pas dans mon élan. Il suffirait d'insister, il cèderait. Il est d'ailleurs intéressé. Mais nous n'aurons plus jamais la chance à moins qu'il me le fasse savoir explicitement. Je déménage mercredi soir et je doute que je ressortirai un jour au L.A., à moins d'être avec eux pour un souper et qu'ils sortent, mais même là, j'éviterais cette place. Elle me rend malade. Jeff et Tim, les deux détestent Los Angeles. N'est-ce pas ironique ? Moi qui me pose la question depuis un bout de temps, en quoi Los Angeles diffère de ce que je connais et si c'est impressionnant, voilà que les commentaires que j'en reçois sont d'un négatif significatif. La superficialité semble venir en tête, le rejet systématique de toute personne qui n'est pas très belle, riche et connue. Alors vous comprenez que personne n'a d'avenir là-bas. Car personne n'est très beau, riche et connu. Ils ne sont qu'une petite minorité que tout le monde cherche à atteindre. Or, moi je me fous bien de tout cela, il est probable que je n'aimerais pas Los Angeles. Mais maintenant j'ai la piqûre. Je crois que je vais ramasser de l'argent et que j'irai avant de retourner à Toronto. Enfin, au moins je suis heureux de ne pas avoir à me battre avec Sébastien et de ne pas avoir à m'inquiéter avec lui. Tout le monde m'apprécie et sont excessivement gentils avec moi. C'est un très grand poids d'enlever sur mes épaules. Hier je travaillais à l'aéroport et pendant une pause, je me suis levé carré, pensant qu'il était temps que j'appelle Sébastien, question d'habitude. En temps normal j'aurai téléphoné sur Elgin Avenue, Marble House, pour découvrir qu'il était sorti, sorti pour toute la journée. Alors ma journée devenait noire, je me demandais avec qui il était, ce qu'il faisait, s'il n'était pas dans les bras d'un autre. Ce qui en fait était tout à fait vrai, c'était le cas. Je suis malheureux avec Sébastien, mais je suis malheureux sans Sébastien. Je suis heureux à Londres, mais je souffre tout à la fois d'y être. Je suis heureux de ne pas être aux études, mais je me meurs de culpabilité car je ne cherche pas à faire carrière, à réussir dans la vie. Je suis heureux d'exister, mais en même temps ma vie est infernale. Je voudrais mourir, mais je ne suis pas si désespéré pour passer à l'acte. Ils parlent de réincarnation, ce qui signifierait que tous nos problèmes sont infinis, nous aurons à les confronter indéfiniment, jusqu'à ce que nous surmontions toutes ces épreuves insurmontables. N'est-ce pas horrible ? There is no way out. |
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