Du même auteur, publiés aux Éditions T. G








télécharger 1.05 Mb.
titreDu même auteur, publiés aux Éditions T. G
page4/46
date de publication27.03.2017
taille1.05 Mb.
typeDocumentos
p.21-bal.com > loi > Documentos
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   46

La plus grande des questions qu'il me faut répondre est la suivante : où devrais-je aller. Hier, en pleine période de crise, Alice m'a ouvert les yeux. Toronto. Il est si facile de voir le tout en action ensuite. Bien sûr, lorsque la moitié du village de Saint-Jean-Vianney est maintenant dans le ravin et dans la rivière, on peut enfin voir tous les signes avant-coureurs que notre aveuglement ignorait tout simplement. Bref, je n'ai pas fait toutes ces démarches à Toronto pour rien. En plus, ma tante Charlotte est ici, je vais la voir demain. Le temps où jamais de m'arranger avec elle pour habiter chez elle le temps que je trouve un emploi et une chambre. Faire croire à Sébastien que je ne cherche pas une chambre, car c'est très bien chez ma tante. Toronto éveille en moi des sentiments positifs. Montréal éveille en moi une indifférence, même un sentiment négatif. La peur peut-être. Mais peur de quoi ? Montréal est une ville particulière dans mes idées. Plusieurs Anglais et Américains l'adorent, cela est étrange. L'idée que je me fais de cette ville, probablement remplie de préjugés, me fait fuir. Cette impression que je n'y serai pas heureux. Enfin, bref, c'est peut-être juste une sensation momentanée, si rien ne fonctionne à Toronto, je suppose que ce sera là ma destination. Alors je confronterai mes préjugés et je m'y plairai. Aujourd'hui, cette impression n'existe pas sans raison. Elle me pousse vers Toronto. Voilà une question de répondue. Maintenant, comme Alice me dit, il me faut prendre les moyens pour accomplir mon idée. Demain, ma conversation avec Charlotte m'éclairera. Elle aura toutes les solutions à mes questions, j'en suis convaincu.

Deuxième question qui me ronge : que veux-je faire de ma vie ? Un emploi stable, une sécurité, continuer mes études. Je le dis très vite, ces besoins sont trop nouveaux en mon esprit. J'ai même peur qu'ils m'aient été inculqués par Alice. De toute manière, ai-je un autre choix au point où j'en suis ? À moi de prendre les moyens pour arriver à ces fins.

La vie avec la blonde de mon père est devenue infernale. Elle dit prendre fin. Elle est au bord de la crise, bien que je n'aie aucunement l'impression d'être responsable de tant de misère. J'ai tout le monde de mon côté, même mon père qui souffre de la voir ainsi me rejeter alors que je prends si peu de place et que je sois si aimable. C'est dans les détails qu'elle craque, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi elle réagit ainsi. Deux crises aujourd'hui. La première, c'est que je désirais aller à Val-Jalbert avec Charlotte, ma tante de Toronto en visite. C'est surtout elle qui voulait absolument me montrer Val-Jalbert et le revoir, ainsi qu'Hébertville, la vieille maison de sa mère. Elle souhaitait emmener grand-maman voir sa sœur, cela doit faire une éternité qu'elles ne se sont pas vues (grand-maman ne sortant plus de la maison depuis quelques années). Alors, pour que j'apprenne l'histoire des Ouellet et des Poitras, mes ancêtres, nous avions prévu une journée visite. Or, aujourd'hui ma mère voulait voir Charlotte, ainsi je devais partir avec ma mère le soir, notre visite tombait à l'eau. Par contre, lorsque nous parlions de notre projet, hier, l'autre Charlotte de la famille (celle qui habite à Chicoutimi) trouvait l'idée bonne. Aujourd'hui ils se sont arrangés pour aller à Val-Jalbert. Alors ce matin je me disais que j'allais embarquer avec eux puis ma mère viendrait me retrouver en soirée. Mais voilà qu'Alice, sous prétexte d'être seule avec mon père, décide que je vais demeurer à la maison. Moi, l'initiateur du projet doit rester ici à me ronger les sangs. Adieu pour l'histoire de la famille, la vie des ancêtres, la famille Ouellet, Poitras et Tremblay. Ça n'a pas été drôle, je vous jure. Il fallait voir Charlotte ce soir, surprise qu'elle était de ne pas m'y voir aujourd'hui, nous organisions cela pour moi. Je crois en plus qu'Alice le savait, je lui ai bien fait comprendre. Ainsi ce soir Charlotte insiste pour que je retourne demain et que nous allions au moins visiter Hébertville et la maison de ma grand-mère (ils n'ont visité que Val-Jalbert aujourd'hui). Voilà que ce soir je demande la voiture à mon père, Alice explose et claque la porte de sa chambre. Toute communication est maintenant rompue, il n'y a plus de retour possible. Elle ne pourra jamais après cela venir s'asseoir à côté de moi pour expliquer son point de vue. On ne peut pas éternellement justifier son égoïsme, sa non-reconnaissance du fils de son conjoint et sa volonté qu'il décrisse au plus vite sans demander d'argent. Sa seule bonne raison, acceptable je suppose : sa ménopause. Remarquons que je ne doute pas qu'elle m'aime à sa manière à quelque part, je sais également que nous sommes dans le mois de mars et qu'en tant que professeur, c'est un des pire mois de l'année avec le mois de juin où l'école n'en finit plus et que les enfants sont incontrôlables. Mais je ne perdrai pas trop de temps à justifier son comportement et je ne me culpabiliserai pas sous prétexte que André, le copain de ma mère, ait fait une crise similaire lorsqu'il est entré dans la maison et qu'ils m'ont mis à la porte. Je vais partir d'ici dans moins d'une semaine et je vais tenter de croire que seuls eux sont la cause de tant de rejets. Mais c'est bien difficile, je me sens responsable. Mais pourquoi ? Est-ce que je profite vraiment de mon père ? Je ne lui demande pas d'argent en ce moment, rien depuis mon retour d'Europe. Je n'emprunte pas sa voiture souvent, je ne sors même pas une fois par semaine en ce moment. Il me semble qu'ailleurs il s'en passe bien plus. Les parents paient les études de leurs enfants (moi j'ai 20,000 $ de dettes et j'ai travaillé tout au long de mes études). Même que souvent les parents achètent des voitures à leurs enfants. Si elle veut jouer salope avec moi, elle pourrait le regretter. Je pourrais poursuivre mon père en justice et exiger de lui cinq fois 8500 $, moins les quelques milliers de dollars qu'il m'a donné pour m'aider au cours de mes années d'études. Car moi j'ai été coupé sur les prêts et je n'ai jamais eu de bourses à cause de son salaire. Un chiffre qui pour moi n'avait aucune signification et qui ne changeait rien à ma vie, ou plutôt à ma survie. JE reviens chez moi pour moins de deux semaines, au plus un mois, Alice trouve cela déjà trop. Il faudrait qu'en une journée j'aie pris une décision sur mon avenir et que je parte accomplir ma destinée. Pour l'instant je travaille sur des projets et je me renseigne sur la vie de mes ancêtres. Mais toute cette passion, elle ne la comprend pas. Mes études en littérature, c'est une perte de temps du début jusqu'à la fin. Additionnons le fait que je sois homosexuel, voilà, vous avez le fils indésirable qui ne devrait même pas avoir le culot de se présenter ici le jour de Noël. Pourtant elle accepte ça, bien sûr, en société, en théorie, on est immoral si on n'accepte pas cela. Mais dans ma cour c'est plus problématique, en pratique on les tolère, mais pas longtemps. Également, il faut bien avouer qu'ils ont raison, il me faut un emploi et survivre seul, indépendant d'eux. Mais je suis encore aux études que diable, la vie n'est pas aussi simple. Sans compter que de partir à Montréal chez les étrangers, François, ou Toronto, chez ma tante, c'est encore moins évident. Imaginez, votre famille ne vous accepte même pas chez vous pendant deux semaines, le temps que les étrangers au loin se retournent et peuvent vous recevoir. Qu'avez-vous donc à attendre des étrangers ? Je demande un peu de bonne volonté, pour l'amour du ciel. Laissez-moi un peu de temps pour que les choses se mettent en place, et oui, j'agirai. Et s'il vous plaît, laissez-moi respirer un peu jusqu'à que je sois prêt et que les autres soient prêts à mon départ. Je suis un être humain, et même si je puis occuper très peu de place, bien sûr, j'existe tout de même, je respire, je mange et je rencontre des tantes à Desbiens pour visiter Val-Jalbert et la maison de ma grand-mère à Hébertville. Les temps sont durs, parce qu'il n'y a plus d'emplois, plus de sécurité sociale facilement accessible, plus d'argent qui tombe du ciel. Mais pendant ce temps, les mentalités sociales n'ont guère changées, les enfants devraient être partis de la maison à 18 ans et avoir commencé leur vie indépendante de celle des parents. Bien sûr, lorsque cette stupide génération qui vient de banlieues aussi reculées que Desbiens commençait les grandes études, un simple bac de trois années d'université t'ouvrait toutes les portes et tu quittais la maison très tôt parce que pour étudier il fallait partir. Et puis, jamais les enfants n'avaient besoin de revenir à la maison, car ils se trouvaient tous un très bon emploi avant même de terminer leurs études. Ils disent qu'ils comprennent cela, mais en pratique, ils ne comprennent rien. Croyez-vous que cela me rempli de joie de revenir ici après justement être parti à cause de cette humeur massacrante que l'on me sert ? Peut-être ne digère-t-elle pas mes voyages. Moi je vie, alors qu'elle, elle sèche et ankylose à travailler dans une misérable polyvalente. Jalouse. Car si elle croit que cela se fait à ses dépens, c'est le temps qu'elle se réveille. Sa fille lui a certainement coûtée plus cher à vivre sous son toit toutes ces années. Et un enfant en général, ça coûte certainement plus cher que l'argent que mon père, et non elle, m'a donné. Car veut ou veut pas, avec un salaire qui est le triple de ce que les gens gagnent en moyenne, mon père a certainement pu me donner ce peu d'argent sans le prendre dans la bourse de sa blonde. Je ne suis pas heureux, mais je ne me laisserai pas abattre. Je vais partir, je vais m'organiser, et ma vie, je ne la raterai pas. Je vivrai et je serai heureux. Mais cela est si compliqué à accomplir lorsque tous les malheureux te freinent dans ton élan.

Mon dieu la chambre dépressive ! Jamais dans ma vie j'ai eu l'impression de me ramasser plus bas. Il est venu un temps où ce genre de situation m'aurait bien fait plaisir, lors de mon trip sur les romantiques, là où il faut mourir au bout de son œuvre. Ou encore, Edmond Rostand et sa préface où il est dit qu'il écrivait son premier chef d'œuvre dans une petite chambre d'étudiant, le ventre creux. Mais moi je ne m'attendais pas à cela, je ne le désirais pas maintenant. C'est bien beau de courir après la misère, mais un jour il faut s'en sortir. D'autant plus que Sébastien m'a répété son discours aujourd'hui, je pourrais maintenant lui répéter par cœur. Pourtant ça ne rentre pas dans mon crâne, je ne puis concevoir qu'il me balaie ainsi de sa vie sans aucun regret. Il a parlé avec sa sœur, je croyais qu'elle allait lui ouvrir les yeux : c'est un bon jeune homme, il ne te fera jamais rien de mal, il est ta stabilité, ça fait déjà quatre ans. Au lieu de ça, elle lui a dit ce qu'il voulait entendre : il doit se brancher sur l'endroit où il veut vivre en enlevant le nom de Sébastien dans l'équation, il doit trouver une stabilité et une indépendance, il doit savoir où il s'en va. Pauvre conne, sais-tu où tu l'envoies ton frère ? Dans la jungle gaie infernale pleine de parasites et de maladies. La corruption, la drogue, l'infidélité généralisée, les psychopathes, etc. Peut-être rêve-t-elle en couleur ? Elle croit peut-être que ça existe le copain parfait à Toronto, beau, gentil, fidèle, riche, amoureux, affectueux, romantique, honnête ? Si ça existe, c'est déjà casé, et on ne les rencontre jamais.

Ma crise d'hier m'en a fait faire en grand. Les back rooms du Bijou, je les ai bien observées. En rentrant au Woody's, un beau jeune homme pas mal fucké m'a lancé : « Hi, cute little guy ! » Ou quelque chose du genre. J'étais vraiment désinvolte. Je lui ai mis ma main sur la hanche, lui demandant une cigarette. Il m'a demandé si je partais, j'ai répondu par la positive. Alors il m'a donné rendez-vous pour samedi ou dimanche au même endroit. Ce à quoi j'ai lancé : je serai là demain. Et puis je marche sur la rue. Une Saab passe, la fenêtre s'ouvre, un des deux gars m'a crié quelque chose comme quoi j'étais beau. Je lui ai fait un signe de la main. Ils ont arrêté, il a lancé son gant dehors, pour faire comme la femme qui jette son mouchoir. Mais un couple en avant de moi l'a ramassé avant moi. Peu importe, je suis arrivé à leur hauteur, il me dit de monter, ils vont me reconduire. Juste avant d'embarquer, il s'écrie que je suis French. Oups, me souvenant soudainement de la situation politique mouvementée, j'hésite à monter : « do you have anything against French ? » Il m'est venu à l'esprit que l'on pourrait bien me retrouver quelque part dans un ravin. Je ne désirais pas finir mes jours en première page de tous les journaux canadiens comme étant un Québécois mort crucifié à Toronto par des anglo-saxons endurcis (car ils sont bien anglo-saxons américanisés, j'aime bien). Mais après m'avoir dit que j'étais aussi canadien que lui, j'ai embarqué. Il m'a offert d'aller coucher chez lui. Non merci, je serai au Woody's ce soir. J'ai donc deux personnes à rencontrer ce soir. James le premier, le deuxième, j'ai oublié son nom. James pourrait peut-être m'intéresser, mais je vais apprendre à le connaître avant. J'ai mal au ventre, je suis pourtant motivé à sortir. Mourir ici seul ce soir serait trop déprimant. Je devrais aller m'acheter de la bière, mais c'est trop compliqué dans l'état fasciste de l'Ontario. Premièrement il faudrait que je trouve un Beer Store, or, où sont-ils ? Ensuite, il est 20h08, ils seront déjà fermé je crois. Puis comble de tout, ils refuseraient de m'en vendre même avec un passeport pour prouver mon âge. Il leur faut la carte d'identification délivrée par le gouvernement ontarien lui-même. Cette chambre me tue. Ma tante Charlotte en entrant ici, son sourire est disparu et son commentaire fut : Cette couleur grise sur les murs, cet aspect triste, c'est vraiment déprimant.

Voilà, j'ai ma bière froide, qui restera froide (il fait bien zéro degré Celsius dans cette chambre, c'est plus froid que dans un réfrigérateur). Pour trouver le Beer Store, il suffisait de suivre les gens qui tenaient une caisse de bière à la main. Je suis arrivé cinq minutes avant la fermeture. Bien entendu, on m'a demandé mon passeport, cette fois ça a marché. Un gars dans la rue, qui m'a parlé dans un français cassé, m'a demandé si je désirais qu'il achète la bière à ma place, sous prétexte que je n'avais pas l'âge et que je ne réussirais pas à les tromper. Ça commence drôlement à m'insulter, ça ne m'inspire pas à trouver du travail, je vais souffrir de discrimination.

Il est encore trop tôt pour aller rencontrer James, encore qu'en Ontario ça ferme tôt, les gens sortent tôt. Lorsque l'on m'a dit d'être revenu à l'hôtel pour deux heures car ça fermait jusqu'au lendemain huit heures, je me suis mis à paniquer. Cendrillon doit rentrer au bercail vers les 1h15, pour être certaine de ne pas passer la nuit dehors. J'avais oublié que ça fermait à une heure du matin. Dans ces conditions il n'y a aucun problème à jouer à la méchante marâtre et exiger toutes sortes de règlements. De toute manière je compte bien ne pas dormir ici ce soir, car après avoir voulu rendre jaloux Sébastien en lui disant que je ramasserais quelqu'un, je suis convaincu qu'il se ramassera quelqu'un juste par jalousie. Je lui souhaite de ne point être capable, ça fait du bien d'être méchant. Il refuse de me voir et de coucher avec moi (alors qu'il coucherait bien avec n'importe qui) car je suis trop émotif envers lui. Hier, paraît-il, je l'ai traumatisé. Une erreur, il craint les crises, il ne me présentera jamais à ses amis. Surtout que s'il les embrasse devant moi, il redoute l'enfer. Va donc chier vieux christ, lorsque j'aurai rencontré quelqu'un d'autres, tu verras combien rapidement je t'oublierai. En effet, quel avantage j'aurais de revenir avec un bout de bois qui est impossible à exciter tant il souffre avec moi ? Je crois que les chances de revenir avec lui sont nulles. Il a tellement, mais tellement souffert avec moi ces quatre dernières années, que maintenant il va savourer sa liberté : coucher avec tout ce qui passe et attraper des crabes ou autres maladies vénériennes au passage. Me forçant par la même occasion à faire la même chose. Ce soir, Toronto m'appartient.

Un vieux miroir au teint grisâtre, qui ne reflète que le mur gris. Le reflet d'une chambre sans vie, le reflet de la mort, ou du néant. Raymond est venu dans cette chambre, en tant que poète-philosophe, il a trouvé que j'étais bien, malgré les odeurs bizarres. Il m'a encore payé un repas dans un restaurant végétarien, ce fut excellent. Ça fait juste six mois qu'il ne mange plus de viande, mais il est radical extrémiste. Aucun produit laitier ni d'œuf. À ce rythme, je me demande s'il pourra tenir très longtemps. Il s'agit toujours d'un processus graduel, pas d'un arrêt extrême soudain. Je me demande si c'est la chambre qui me rend dépressif ou Sébastien qui ne donne plus signe de vie et qui n'est jamais chez lui. Ce soir il refusera de me voir, il ne me dira rien de sa soirée d'hier. Il voudra cependant savoir sur ma nuit d'hier, il sait déjà qu'à cinq heures du matin je traînais encore dans les rues de Toronto. Il n'en saura pas davantage, à moins qu'il me raconte sa soirée. Lui, il a au moins la chance de m'en inventer, comme toujours. Raymond prend une place importante dans ma vie, malgré moi. Il est vrai qu'il en sait des choses, âge oblige. Il me dit qu'il est encore en train de traverser une phase importante dans sa vie, sans compter qu'il a arrêté le café voilà deux mois (mais il passe son temps à bailler, à mon avis il devrait se remettre à la caféine). Son problème d'alcoolisme, ça ne me semble pas si terminé que cela. Il considère cela comme une maladie héréditaire. Que l'on arrête jamais d'en prendre. C'est très inquiétant. Mais pourquoi aurait-il négligé les AA s'il avait recommencé ou jamais arrêté ? Alors j'ignore totalement quelle peut être la phase qu'il traverse. J'ose à peine lui poser des questions à ce sujet, il m'en dit un peu plus chaque jour. D'où vient cette confiance ? Pourquoi m'avouer des secrets aussi lourds que celui d'un de ses amis qui se serait suicidé dans son alcool en se tirant en bas d'un pont voilà quatre ans juste après avoir voulu faire l'amour avec Raymond sans succès ? Ce secret, je serai bien le seul de toute la famille à l'apprendre. Il m'a raconté sa vie de drogué et d'alcoolique, qu'il sortait tous les soirs. Ce qu'il n'avoue pas facilement, c'est qu'il a dû en passer énormément, d'autant plus qu'il a fait les saunas. Il m'a raconté l'enfer qui régnait avant le sida. L'orgie perpétuelle qui planait sur une partie du monde gai dans les saunas. Entre autres, un gars couché sur son ventre avec un plat de graisse Crisco à côté de lui, tous à tour de rôle éjaculaient dans lui, sans même qu'il ne regarde qui entrait en lui. Je vois qu'il insiste pour me revoir, mais moi, peut-être parce que j'étais fatigué, je n'avais plus rien à lui dire aujourd'hui. On trouve toujours, mais là on parle de superficialité, on a fait le tour de l'essentiel. Peut-être croit-il que cela me soulage de lui parler de Sébastien, vu mon état de désespoir. Mais j'avoue que non, ne pas lui en parler ne changerait rien, ça ne me soulage en rien, du moins que je sache. C'est plutôt lui qui a besoin de moi. Il m'a répété plusieurs fois comment j'étais un être profond et sensible, qui, en quelque sorte, l'illuminait. Je lui ai téléphoné vers 18h hier soir, il a attendu mon téléphone jusqu'à 17h, m'avouant qu'à 13h il s'ennuyait carrément de moi. Mais il m'a lancé cela avec précautions, il a bien réfléchi au pourquoi. Il en déduit que je lui amène son propre souvenir, lorsqu'il est arrivé à Toronto à 24 ans, avec presque le même bagage que moi. Également je suis de la famille, je lui apporte quelque chose de son village natal, Desbiens. Puis que je suis sympathique, nos conversations enflammées, même que son œuvre philosophique de toute une vie (ça fait quinze ans qu'il y travaille) se clarifie bien mieux depuis que l'on discuter. Je lui ai apporté motivation et inspiration, à peu près comme avec Thomas de Chicoutimi avec sa poésie. Il n'y a pas à dire, sans pouvoir affirmer en quoi, je suis un être d'exception. À mon contact, les gens s'illuminent. Je n'arrive pas à comprendre en quoi, mais c'est drôlement positif dans ma vie. Certainement une conséquence d'un développement personnel, une philosophie du bien que je développe depuis longtemps. Peut-être aussi qu'avec mes 23 années, je dégage une sagesse hors du commun, sinon, comment pourrais-je aider tant de gens en souffrance, des gens qui ont plus que deux fois mon âge et pas mal plus de vécu que moi ? Écrire semble avoir raffiné ma pensée, m'avoir procuré le don de discernement et la vision de sans cesse voir les choses sous un autre angle. Mais comme je ne tiens pas en place, lorsque la magie se rompt, les gens se fâchent. Ils commencent par les reproches avant le départ, puis le rejet. Revenir dans leur vie ensuite est bien difficile. N'est-il pas ironique que Charlotte et Raymond aient tous deux ressenti un grand bien à mon contact - comme tous les autres que j'ai rencontrés ces derniers mois - alors que Sébastien lui c'est tout le contraire ? Quand je pense que c'est lui qui est ma seule source de culture. Par lui j'ai tout appris, je lui dois beaucoup. Ça ne m'a pas empêché toutefois de subir le rejet de bien des personnes ces derniers temps. Je ne le prends pas personnellement, il s'agit sans doute de propres problèmes qu'ils ont dans leur vie. Tout le monde est bourré de problèmes à plus finir, il semble même qu'il n'y ait aucune porte de sortie à tout cela. Apprennent-ils à travers leur calvaire, voient-ils une évolution ? Sinon, ça pourrait bien expliquer pourquoi l'enfer est infini.
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   46

similaire:

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconDu même auteur, publiés aux Éditions T. G

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconUnderground un Québécois à Paris Roland Michel Tremblay Éditions...

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconDu même auteur

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconEst née à Paris en 1965. Depuis 1999, elle a publié huit récits aux éditions Verticales, dont

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconQuels droits d’auteur pour le traducteur professionnel ?
«arts appliqués». C’est ce qu’on appelle la théorie de l’unité de l’art selon laquelle la même loi doit être appliquée à tous les...

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconPrésentation de l’auteur
«Un ami lui avait donné ses papiers après en avoir déclaré la perte. Ils étaient deux à posséder la même identité. Malgré cela, ils...

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconI structure interne de la pièce
«les problèmes de fond qui se posent à l’auteur dramatique quand IL construit sa pièce avant même de l’écrire» (J. Scherer)

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconP : Nous parlerons justement des réserves de pétrole un peu plus...
«La France après le fossile» édité aux éditions Mirandole. Enfin, Jean Carnesecchi, concepteur du jeu «la course à l’énergie» récemment...

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G icon14-15 "Adaptations aux nouveaux modèles économiques: droit d'auteur, droits voisins, édition"
«jungle» médiatique que représente Internet. Après une brève histoire des mutations du marché du disque, sont abordées les nouvelles...

Du même auteur, publiés aux Éditions T. G iconRésumé Présentation personnelle
«Petit Larousse», Gonthier (Gonthier, 2000) souligne le caractère précaire, instable, qui s’attache à la fragilité. Poursuivant avec...








Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
p.21-bal.com