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Problèmes associés à l’état médullaire 23a) Problèmes physiques et médicaux 23 b) Problèmes psychologiques 24 c) Problèmes d’ordre social 25 d) Problèmes d’ordre environnemental 29
a) Sources des données 31 b) L’échantillon 32 c) Le déroulement des entrevues 35 II- LA REVUE DE LA LITTÉRATURE 38 A) Les blessés médullaires dans la littérature romanesque 38 B) La perception du corps chez les blessés médullaires 41 C) Les difficultés de vivre en société 45a) Refus de la société et divorce 45 b) La dépendance 47 c) Les femmes 49 d) Le travail 50 D) La définition d’acceptation du handicap 54a) Un aspect jamais acceptable 54b) Les phases du deuil et la phase (5e) d’acceptation de Kübler-Ross 62 c) Les besoins fondamentaux d’Abraham Maslow 68 d) Certains postulats fondamentaux 72 E) Les théories de sociologie médicale 74a) La réhabilitation et l’acceptation 74 b) La renaissance 77 c) Christopher Reeve et la guérison à tout prix 80 d) Le handicap comme construction sociale 82 e) L’acceptation : un processus évolutif 91 III- DONNÉES STATISTIQUES 96 IV- L’ANALYSE DES DONNÉES SUR L’ACCEPTATION 103 A) Les Méthodes 103 B) Les blessés médullaires 105 a) Les hommes 105 b) Les femmes 115 C) Les membres du personnel 125 D- Conclusions partielles 130 V- L’ANALYSE D’UNE SÉLECTION DE FACTEURS 133 Nos hypothèses 133 VI- DERNIÈRES REMARQUES 140 A) Le prototype du médullolésé 140 B) Suggestions d’ordre général 146 C) Suggestion pour des recherches futures 150 VII- CONCLUSION 153 ANNEXES 158A) QUESTIONNAIRE DES BLESSÉS MÉDULLAIRES 158B) QUESTIONNAIRE DU PERSONNEL 170RÉFÉRENCES 174CHAPITRE 1 INTRODUCTION A) Le but du mémoireCe mémoire se veut une étude exploratoire de l’acceptation de leur handicap par les blessés médullaires et des facteurs sociaux qui la sous-tendent. Au moyen de méthodes subjectives et objectives, nous tenterons de délimiter les contours du concept d’acceptation, et plus particulièrement de vérifier l’hypothèse suivante : plus un blessé médullaire comble un nombre important des cinq (5) besoins fondamentaux décrits par Abraham Maslow (1954), plus ses chances sont grandes que celui-ci accepte son handicap. En d’autres termes, il s’agit de voir jusqu’à quel point son acceptation ou son refus sera relié aux besoins de base que celui-ci verra ou non satisfaits dans sa propre vie.Les personnes confrontées à la perte d’un ou de plusieurs de leurs membres ou qui voient leurs capacités physiques réduites considérablement, graduellement ou du jour au lendemain, font inévitablement face au dilemme de l’acceptation ou du refus de leur nouvelle condition. On a toujours pensé que de la résolution de celui-ci dépendrait, pour une large part, leur rapide réinsertion sociale ou leur embourbement dans une douleur qui les empêcherait d’évoluer véritablement. Parmi ces gens, les blessés médullaires constituent une population particulièrement vulnérable. En effet, parce que leur épreuve, par définition, les foudroie instantanément, parce que celle-ci peut les frapper à n’importe quel âge de leur vie, et parce qu’elle est la plupart du temps causée par un événement extérieur, objectif, fortuit et soudain, l’acceptation de leur situation semble n’en être que plus problématique. Mais, qu’en est-il véritablement? C’est ce que nous tenterons de déterminer dans le présent mémoire. Les deux Grandes Guerres mondiales ont produit, jusqu’à la première moitié du XXe siècle, leur lot de paraplégiques et de quadriplégiques. Aujourd’hui, ce sont les accidents de la route qui augmentent considérablement les rangs de ces handicapés en fauteuil roulant. Pourtant, si les atteintes à la moelle épinière semblent connaître le triste sort de croître en fonction des progrès technologiques, les patients, eux, se retrouvent toujours seuls face au désarroi engendré par la perte ou la diminution radicale de plusieurs de leurs fonctions corporelles essentielles. Une personne n’accepte-t-elle jamais de se voir précipiter, en quelques instants, au fond d’un fauteuil roulant pour le reste de sa vie? Au-delà d’une réticence, que l’on pourrait qualifier de spontanée et naturelle et propre aux premiers moments post-traumatiques, est-il possible d’accepter fondamentalement un tel handicap? Et quel serait le prix à payer pour une révolte dont les motifs apparaissent toujours aussi douteux que ceux d’une acceptation trop hâtive? Maslow (1954) ayant établi les besoins fondamentaux nécessaires à toute personne pour atteindre un certain équilibre sinon un certain bonheur, jusqu’à quel point leur satisfaction aiderait-elle les blessés médullaires à s’accepter intégralement? Voilà ce dont nous débattrons dans les pages à venir. a) Un sujet ignoré La blessure médullaire est une affliction assez peu connue du public et n’est certes pas celle où il existe le plus de recherches médicales ou paramédicales en cours. Quant aux études sur l’acceptation de la condition de blessé médullaire, elles sont pour ainsi dire à peu près inexistantes, comme sont très éparses d’ailleurs celles sur l’acceptation des maladies et des différents handicaps en général. C’est sans doute parce que, comme le souligne Douglas Caims : « The coping process following spinal cord injury is not well understood despite nearly fifty years of study » (Cains et Baker, 1993 : 30). Les efforts des récentes années ont porté, en fait, davantage sur la rééducation physique que sur l’aspect moral des patients, laissant pour ainsi dire de côté les déterminants psychiques de la situation du médullolésé. Seuls certains psychologues, et parfois des psychanalystes, s’y sont aventurés. À cause justement de cet état de fait, nous ne pourrons que pointer du doigt une certaine direction à suivre, après avoir posé quelques questions inédites et tenté de prouver nos hypothèses à l’aide de données limitées. Ainsi, dans le meilleur des cas, mettrons-nous à jour des éléments qui serviront à créer une base pouvant contribuer à une future recherche plus déductive, voire même également plus quantitative, ce qui en accentuerait l’objectivité. Nos données deviendraient alors davantage utilisables par les sciences sociales en général. b) Organisation du mémoire Les blessés médullaires, qu’ils soient quadriplégiques dont la paralysie atteint jusqu’au système respiratoire ou paraplégiques parfaitement autonomes et capables d’un travail convenant à leur déficience, présentent toujours de multiples problèmes particuliers et spécifiques, tant au niveau physique que psychologique. Il y a quand même chez eux plusieurs problèmes qui se recoupent. Après donc avoir défini précisément ce qu’est la blessure médullaire et en avoir expliqué les conséquences médicales, nous exposerons une à une les diverses hypothèses de notre recherche. Nous passerons ensuite en revue la littérature sur chacun de ces sujets et décrirons les théories d’Élisabeth Kübler-Ross et d’Abraham Maslow sur lesquelles reposent nos prétentions. Puis, après avoir examiné la place que les écrivains ont consenti dans la littérature générale aux handicapés et aux blessés médullaires en particulier, à l’aide des réponses recueillies lors de nos entrevues et des statistiques pertinentes, nous évaluerons le bien-fondé des hypothèses que nous aurons posées. Ensuite, lorsque nous aurons étalé les conclusions de notre étude et examiné l’ensemble qui s’en dégagera, nous discuterons des implications du choix de nos méthodes ainsi que de la valeur des résultats que nous aurons obtenus grâce à elles. Finalement, à la lumière de ceux-ci, de l’ensemble de la littérature étudiée et de toute notre recherche, nous tenterons de formuler quelques propositions qui pourraient servir à des recherches futures. Mais, tentons d’abord de décrire, dans les premiers chapitres, les inévitables problèmes médicaux, comme psychologiques et sociaux, que doivent subir les blessés médullaires, et qui contribuent pour beaucoup à augmenter leur difficulté à accepter leur handicap. Ils sont souvent plus pénibles et difficiles à endurer que la blessure elle-même. B ) Les problèmes médicaux a) Les médullolésés: paraplégiques et quadriplégiques Dans une des ses brochures, l’Office des Personnes Handicapées du Québec décrit ainsi un problème qui est maintenant devenu plus qu’une simple question de sémantique (OPHQ, 1983) : On a peu à peu rejeté les termes, infirme, malade, débile, aliéné, fou, anormal, invalide, qui ne correspondaient plus à la nouvelle perception qu’on avait de ces personnes. Alors que, par le passé, ces mots s’imposaient d’eux-mêmes selon la réalité de chaque époque, on assiste depuis une dizaine d’années à une remise en question systématique du vocabulaire utilisé. Handicapé, s’est ainsi imposé car il contient l’idée d’un désavantage et de l’importance des barrières sociales. L’introduction du mot personne accolé à handicapé marque une nouvelle étape : on reconnaît ainsi qu’être handicapé n’est qu’une caractéristique d’une personne. L’importance du handicap varie beaucoup et cette caractéristique ne dit pas grand-chose sur la personnalité réelle. Peut-être serait-il plus juste de dire une personne qui fait face à un handicap. Tout un débat est donc engagé à savoir quel terme précis on se doit d’utiliser, débat où chacun se fait le propagandiste de sa propre cause en la matière, mais surtout où chacun décèle dans le terme qu’il abhorre une teinte de mépris à l’égard de l’autre. Si le terme handicapé semble rallier la plupart des gens, impairment est considéré aussi « as an abnormality or loss of psychological, physiological or anatomical structure or function. » (Hammell, 1995 : 2), ce qui se traduit en français par limitation fonctionnelle, et qui nous semble très proche de déficience ou même d’incapacité. L’Organisation Mondiale de la Santé, elle, définit disability comme étant « any restriction or lack of ability resulting from impairment to perform an activity in the manner, or within the range, considered normal » (Nessner, 1990 : 3). Quant à la « Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées » du Québec, voici sa définition du terme handicapé : « toute personne limitée dans l’accomplissement d’activités normales et qui, de façon significative et persistante, est atteinte d’une déficience physique ou mentale ou qui utilise régulièrement une orthèse, une prothèse ou tout autre moyen pour pallier son handicap » (LRQ. 1g : chap. E 20,1). Pour sa part, « The constitution of Disabled People’s International defines handicap as the loss or limitation of opportunities to take part in the normal life of the community on an equal level with others due to physical and social barriers » (DIP,1985) (Hammell, 1995:2), ce que l’Office des Personnes Handicapées du Québec rend d’une façon plus politique par : « un désavantage social pour une personne résultant d’une déficience ou d’une incapacité et qui limite ou interdit l’accomplissement de ses rôles sociaux (liés à l’âge, au sexe, aux facteurs socioculturels) » (OPHQ, 1983). Retenons de ce débat l’incidence sociale accollée au terme handicapé : le handicap c’est, en premier lieu, une restriction dans l’exécution du rôle social, et, par conséquent, une exclusion. Le débat lui-même sur les termes démontre clairement que le véritable combat du handicapé a lieu dans l’arène de la société. Et s’il y a quelques différences dans l’emploi des termes entre les milieux anglophones Nord-américains et les milieux francophones, il faut dire que la guerre des mots a lieu également dans les deux communautés. Quant à la blessure médullaire, sa définition est relativement circonscrite : « Spinal cord injury is defined as an injury to the spinal cord as a result of trauma or disease. It includes injuries with some degree of neurological impairment, such as muscular weakness, paralysis, loss of sensation, or loss of bladder control (…) » (Dell Orto et Marinelli, 1995 : 689). De plus : « Injury to any of the cervical segments results in tetraplegia (also termed quadriplegia), meaning paralysis involving, to some degree, all four extremities. Injury to the thoracic, lumbar, or sacral segments is termed paraplegia, meaning paralysis involving the legs. The lowest intact segment of the spinal cord, as determined by examination of sensory and motor function, is defined as the neurologic level » (Dell Orto et Marinelli, 1995 : 689). La plupart des études rapportent qu’il y aurait légèrement plus de quadriplégiques (lésion haute) que de paraplégiques (lésion basse) (CPA, 1996 : 4) et que plus le niveau de la blessure est bas, moins on utilise de fauteuil roulant électrique, pour le remplacer par la chaise manuelle (CPA, 1996 : 6). « D’autre part, une lésion est considérée comme complète, lorsque toutes les fibres ont été sectionnées et qu’aucun influx nerveux ne peut circuler; si certaines fibres nerveuses peuvent encore transmettre les messages, il s’agit alors d’une section incomplète ou partielle. La paralysie est l’effet le plus apparent d’une section complète de la moelle » (Paradis et Lafond, 1990 : 263). La blessure médullaire est le résultat, la plupart du temps, d’un accident. Elle n’est donc pas une maladie et ses victimes ne sont pas des malades. Il peut arriver cependant que d’autres causes que l’accident la provoquent. En effet, « En dehors des traumatismes rachidiens, la moelle épinière peut être lésée par des processus tumoraux, vasculaires, inflammatoires, carentiels et dégénératifs, familiaux ou non. De plus, située comme elle est dans une gaine osseuse inextensible (protectrice) -le canal rachidien -, la moelle peut être comprimée par une lésion osseuse ou une lésion développée entre elle et la paroi osseuse » (Saighi, 1997: 99). b) L’insensibilité Ce qui frappe le plus l’observateur non averti, chez les paraplégiques et les quadriplégiques, c’est sans aucun doute la paralysie des membres. Pour le blessé médullaire lui-même, cela correspond à une absence de sensation aux conséquences multiples. D’abord, cette insensibilité est dangereuse puisqu’elle l’empêche de ressentir le chaud comme le froid et, par conséquent, les brûlures, les engourdissements, les gelures ou les plaies de lit. Ensuite, cette privation de sens « génère un sentiment d’absence physique, de vide indiscernable, de manque d’informations sur soi. » (Bon, 1992 : 104). Le fait que le blessé doive se servir de sa mémoire pour penser à observer ses jambes, ce qu’une autre personne n’aurait pas besoin de se souvenir, crée une organisation sensorielle particulière et déboussolante pour le non-initié. c) Les spasmes De plus, pour environ 10%, les médullolésés ressentent des spasmes (De Corwin, 1995:19) qui peuvent aller de simples petites secousses à peine perceptibles à d’autres si importantes qu’elles peuvent même les précipiter hors de leur fauteuil roulant. d) Les infections urinaires Parce qu’ils ont toujours au moins le bas du corps paralysé, les blessés médullaires utilisent presque immanquablement des moyens mécaniques comme le toucher rectal afin de vider leur ampoule intestinale et la plupart possèdent une sonde à demeure pour leur vessie. Les infections urinaires se font donc très nombreuses. Aussi leur faut-il constamment veiller à ce qu’une petite infection ne dégénère en problème majeur. Les quadriplégiques, pour leur part, font le plus souvent appel à une autre personne pour vider le contenu de leurs intestins et habituellement nécessitent de l’aide pour les faire manger, les lever ou les coucher. Leur dépendance physique est donc très grande envers les autres. e) L’ostéoporose Dès l’accident, les os des membres paralysés, à cause de l’inactivité, commencent à perdre des minéraux, dont le calcium particulièrement. Ils faiblissent, deviennent poreux et fragiles. Cette perte de densité osseuse fait que les os se fracturent très facilement (Buchanan,1998 : 13). Après 16 mois seulement, ils atteignent un plateau à 63% de la normale (Whiteneck, 1992 : 67). f) La dysréflexie autonome La dysréflexie autonome est un état caractérisé par une pression artérielle trop élevée, des migraines et de la transpiration. Elle est causée par une irritation sous le niveau de la lésion, par une vessie distendue ou par de simples plaies de pression. La pression sanguine augmente alors jusqu’à entraîner ultimement des évanouissements ou même un accident cérébro-vasculaire mortel (De Corwin, 1993:21). Certains blessés médullaires peuvent provoquer eux-mêmes cet état qui accélère leur rythme cardiaque et leurs performances lors de certaines compétitions sportives. g) Les plaies de pression Comme les médullolésés passent de longues heures assis dans un fauteuil roulant et qu’ils ne ressentent pas le bas de leur corps, les plaies de pression deviennent une préoccupation importante. La moindre négligence, lorsqu’ils sont couchés durant de longues heures aussi, peut être fatale. Les plaies de lit et leurs conséquences font également partie de la condition de blessé médullaire. h) Les douleurs neurogènes et la douleur chronique Les blessés médullaires sont souvent victimes de douleurs, de sensations déplaisantes, de malaises, d’engourdissements, de sensations de brûlures. Ce sont des maux qui reviennent périodiquement et sous des formes différentes. On rencontre cet état aussi dans la sclérose en plaques (Russel, 1989 : 283). C’est comme si les médullolésés ne savaient pas à quoi s’attendre d’un jour à l’autre. Comme ces douleurs ne sont aucunement provoquées par des influences sociales, comme d’autre part elles ont toujours des incidences à la fois physiques et psychologiques, nous proposons de les regrouper sous le terme d’état variable. Il peut arriver, dans certains cas, que ces douleurs en viennent qu’à constituer, par leur intensité et leur fréquence, ce qu’il est convenu d’appeler de la douleur chronique. Cette douleur, qui est de type neurogène, prend souvent la forme de choc électrique ou de sensation de brûlure (De Corwin, 1996 :19). Dans l’état actuel de nos connaissances, plusieurs personnes doivent tout simplement endurer ces souffrances. i) La sexualité Il semblerait que la femme puisse plus facilement que l’homme s’accommoder d’une diminution de ses sensations génitales, possiblement parce que sa sexualité est plus diffuse et qu’elle se répartit davantage que celle de l’homme sur tout son corps. Et, comme la blessure médullaire n’empêche pas la femme de procréer, celle ci serait moins affectée dans sa sexualité que l’homme. En effet, si plusieurs hommes gardent une certaine capacité érectile réflexe, celle-ci peut s’avérer difficile à conserver pendant un certain laps de temps, elle peut être insuffisante ou se produire à des moments inattendus. Il y a donc souvent une mauvaise qualité de l’érection chez l’homme (Courtois et al., 1995:70) et celui-ci ne la sentira-t-il pas. L’utilisation de prothèses péniennes ou d’injections intracaverneuses n’est pas toujours efficace pour combler ce déficit et plusieurs moyens mécaniques peuvent entraîner un malaise chez les partenaires sexuels féminins. Comme moins de 5% de blessés médullaires masculins seraient capables de procréer (De Corwin, 1994 : 12), souvent à cause d’absence d’éjaculation ou d’éjaculation rétrograde, des moyens artificiels seront aussi nécessaires au couple pour donner naissance à un enfant. C’est donc dire combien, dans la société patriarcale qui est la nôtre, le blessé médullaire masculin a de la difficulté à rencontrer les critères habituels qui définissent la masculinité souvent par des prouesses sexuelles, par la puissance et même par des comportements machistes. j) Le corps qui nous échappe Le corps du blessé médullaire lui échappe donc à plusieurs égards. Celui-ci se retrouve souvent avec l’impression d’assister, impuissant, à un déroulement anarchique à l’intérieur même de son corps. Ses sensations, ses gestes, tout lui échappe. Il se sent dépossédé, comme si quelqu’un d’autre tirait les ficelles à l’intérieur de lui, comme si quelque chose de primitif, d’indomptable, s’emparait soudainement de toute sa personne. On imagine toujours les blessés médullaires avec, simplement, leur colonne vertébrale fracturée. On oublie alors que cette affliction entraîne avec elle une absence de sensation, des spasmes, l’ostéoporose, la dysréflexie autonome et un certain lot de douleurs, que ces symptômes font aussi partie de la condition de médullolésé, rendant d’autant plus difficile son acceptation. C) Les blessés médullaires à travers l’histoire C’est la Deuxième Guerre mondiale qui attira l’attention sur les blessés médullaires. Un nombre important de soldats revenaient du front médullolésés, surtout des paraplégiques semble-t-il, puisqu’encore aujourd’hui l’association canadienne comme l’association québécoise regroupant les blessés médullaires se nomment respectivement L’Association Canadienne des Paraplégiques et L’Association des Paraplégiques du Québec. Avant la création par Sir Ludwig Guttman, en 1944, en Angleterre, de l’Hôpital Stoke Mandeville, un établissement consacré aux blessés médullaires, la plupart de ceux-ci mouraient (Weidmann et Freehafer, 1981 : 63). Environ 89% décédaient en 3 ans et 90% en 10 ans à cause de complications rénales ou cutanées. Or, aujourd’hui, il y a 80% de survie de plus de 20 ans (Dehoux et Mongeau, 1981 : 784). On se mit donc, au milieu du XXe siècle, à s’occuper sérieusement des médullolésés, au début avec de faibles moyens, ensuite, avec une expertise de plus en plus grande. Aujourd’hui, avec les progrès de la médecine moderne, plusieurs institutions se spécialisent, avec des aides mécaniques très sophistiquées, à soigner les blessés médullaires. Pourtant, les lacunes sont encore énormes, tant sur le plan médical qu’au point de vue psychologique. L’étude de l’étiologie de la blessure médullaire nous révèle que deux tiers des cas sont d’origine traumatique (Dehoux et Mongeau, 1981 : 781). De plus, « Traumatic SCI is most commonly due to motor vehicule crashes, followed by falls, acts of interpersonal violence, and recreational sporting activities. (…) Traumatic SCI primarly affects young adults. Although SCI can occur at any age, the majority of injuries occur between the ages of 16 and 30 years. Men are four times more likely to sustain an SCI than are women » (Del Orto et Marinelli,1995 : 689). En plus du plongeon, souvent mentionné, certains donnent même comme cause importante les blessures par balles de revolver (Woodbury et Redd, 1987 : 276), ou la drogue et l’usage de l’alcool (Woodbury et Redd, 1987 : 207). Donc, les médullolésés sont généralement dans l’adolescence ou au début de l’âge adulte (Woodbury et Redd, 1987: 187). Ils forment une partie de la population que les assureurs diraient « à risque », et ils proviennent même, « from a slightly lower-class background » (Tunks et Bahry, 1986 : 402). « It should be noted, however, that there are no data to suggest a tendency toward psychological self-destructiveness in this group. Rather, the base rate of injudicious motor behavior during the teenage years and the early twenties in males is high and a subset of these individuals acquire a spinal cord injury » (Trieschmann, 1986: 303). |