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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() De l’autodidaxie ouvrière à l’autoformation dans tous les milieux sociaux ![]() Joffre DUMAZEDIER (1915-2002) Aurore DEVUNDARA et Catherine AFONSO Master II IPFA 2012/2013 Ingénierie pédagogique 1. Sous la direction de Philippe CARRÉ SOMMAIRE INTRODUCTION 3 I. Biographie de Joffre Dumazedier 4 II. De l’autodidaxie à l’autoformation 7 1.Principes de la Méthode de l’entrainement mental 7 2.Deux notions : évolution d’un phénomène social 8 10 III. L’autoformation : paradoxe d’un nouveau fait social 11 1. Le développement de l’autoformation 11 2. Limites de l’éducation scolaire et de la formation professionnelle continue 12 3. Le bouleversement de la dynamique de travail : un temps libre à investir 12 V. Une nouvelle exigence éducative de la société 15 1.L’apprentissage du travail autonome 15 2. Pour une autoformation volontaire efficace 17 CONCLUSION 18 Ainsi, le recentrage de la sociologie de l’éducation sur l’ « apprenant », initié au début des années 2000, est la marque d’une influence certaine des travaux de ce pionnier de l’éducation culturelle et populaire. Aussi, nous pouvons dire que cette société éducative dont rêvait Joffre Dumazedier est dès à présent en marche, le système scolaire ayant commencé à répondre à ces nouvelles exigences de notre société, tout au moins dans les objectifs pédagogiques inscrits dans les textes et circulaires de l’éducation nationale. La mise en pratique effective et généralisée sera sans doute plus longue. Quant aux autres institutions éducatives elles ont également adoptées depuis quelques années une démarche davantage centrée sur le sujet apprenant dans la perspective de rendre l’individu auteur et acteur de sa formation. 18 BIBLIOGRAPHIE 19 SITOGRAPHIE 19 INTRODUCTIONJoffre Dumazedier est l’un des pionniers en France de la sociologie du loisir et l’auteur le plus éminent en la matière depuis la publication de son ouvrage paru en 1962 « Vers une civilisation du loisir ? ». Mais cet homme à multiples facettes et de renommée internationale, est également une grande figure historique de l’éducation populaire, reconnu pour ses méthodes éducatives innovantes telle que sa méthode de simplification du travail intellectuel, qu’il a nommé « l’entrainement mental », ainsi que celle découlant de sa théorie de l’Autoformation. Ces trois principaux sujets d’étude caractérisent la vie toute entière de ce grand socio-pédagogue et ne sont pas sans lien. Compte tenu de la richesse de sa vie et de son œuvre, il est difficile de ne pas consacrer une partie entière à la biographie de Joffre Dumazedier. En effet, la présentation de son itinéraire de vie permettra de mieux comprendre dans quel contexte se sont inscrites ses réflexions et son approche pédagogique, puisque, comme l’a rappelé son épouse Paule Savane1, ses actions militantes, ses réflexions sociologiques et son rôle actif dans ses fonctions universitaires n’ont cessé d’être en interaction, constituant ainsi le socle à partir duquel il a construit sa pensée humaniste et ses actions engagées. Dans un deuxième temps, nous aborderons les principes de la méthode de l’entrainement mental élaborée au fil de ses expériences et de ses interrogations, ce qui nous conduira dans cette même partie à définir les deux principales notions qui sont le fondement de ses recherches : l’autodidaxie et l’autoformation. En troisième lieu, nous verrons que ses diverses études sur le développement de l’autoformation font ressortir un véritable paradoxe dont nous évoquerons les raisons mises en avant par Dumazedier. Enfin, nous exposerons ses propositions pour promouvoir une autoformation permanente et populaire, présentée par le chercheur comme la réponse aux exigences d’une société complexe et en pleine mutation. I. Biographie de Joffre DumazedierHomme d’action et de réflexion, Joffre Dumazedier était tout d’abord un humaniste passionné. Né en 1915 dans le Val d’Oise, il est issu d’un milieu modeste. Orphelin de père, mort à Verdun, il bénéficie d’une bourse pour poursuivre ses études au collège puis au lycée et enfin à la Sorbonne où il fera ses études de Lettres. Dès lors, il n’aura de cesse que de communiquer aux autres la curiosité et le goût pour la connaissance qui le caractérisent depuis son plus jeune âge. Il militera également toute sa vie contre l’injustice sociale, notamment celle face à l’éducation et à la culture. Rappelons ici qu’il appartenait à la génération du Front Populaire, ce qui ne pouvait pas être sans influence. Bien que marxiste, c’était un esprit indépendant qui refusait d’intégrer un quelconque parti politique ou syndical et s’opposait à toute forme de reproduction. Roger Sue 2 le décrit comme étant toujours à l’écoute et attentif aux idées les moins orthodoxes, tolérant et d’une grande objectivité. Enfin, inspiré par Condorcet qui, dans son rapport et projet de décret sur l’instruction publique, préconisait déjà en 1792 « l’art de l’instruction par soi-même » à tous les âges et au-delà de l’école (et avait donc inventé ce qui allait devenir l’éducation permanente), Dumazedier avait lui aussi foi dans les possibilités de « l’évolution de l’esprit humain » et prônait le droit à l’éducation et à la culture commune à tout un peuple. Mais cet humaniste était aussi un homme engagé, qui s’est consacré tout entier à la cause de ses idées. A travers son itinéraire, il est aisé de constater combien il a été un homme d’action toute sa vie et ce dès son plus jeune âge, puisqu’à vingt ans, alors qu’il était étudiant en Lettres à la Sorbonne, il animait des cours du soir dans un collège du travail de sa banlieue d’origine pour ses anciens copains de l’école primaire. Cinq ans plus tard, il devint instructeur à l’Ecole des cadres d’Uriage qui avait pour but de former la nouvelle élite de l’Etat. Il y conçoit une méthode d’aide à l’accès aux savoirs. En 1942, à la dissolution de l’école qui était devenue un vivier intellectuel de la résistance, il rejoint les équipes volantes du Maquis du Vercors pour former les jeunes résistants et continue à expérimenter sa socio-pédagogie. A la libération il fonde le mouvement national et indépendant Peuple et Culture avec une vingtaine de résistants dont son grand ami Bénigno Cacérès. Ce réseau d’associations d’éducation populaire réparti sur toute la France, qui existe toujours et dont il sera le président jusqu’en 1967, a pour but de diffuser le plus largement possible la méthode pédagogique d’ « entrainement mental » qu’il élabore depuis toutes ces années. Véritable creuset de la réflexion à venir sur l’éducation permanente, nous développerons dans la partie suivante les principes de cette méthode largement éprouvée. A partir de 1954, il devient chercheur au CNRS et fonde le Groupe d’études des loisirs et de la culture populaire et deux ans plus tard à Amsterdam, avec vingtaine de sociologues de tous pays, le Comité international de recherche sur le loisir. En 1968 il vient enseigner à la Sorbonne au département des Sciences de l’éducation à la demande du Président de l’université. Après avoir passé sa thèse d’Etat (publiée sous le titre Sociologie empirique du Loisir puis traduite en anglais), il crée en 1974 la première chaire de socio-pédagogie des adultes. Vingt ans plus tard, en 1994, il expose son approche et sa théorie lors du premier colloque européen sur l’Autoformation coordonné par Georges Le Meur. Enfin, en juillet 2002, il publiera Penser l’autoformation3, avant de décéder brusquement le 25 septembre alors que son dernier livre, Sociologie et XXIe siècle, reste en cours. Nous avons donc vu que son engagement était aussi scientifique. Toutes ses recherches sont parties de ses réflexions qui ont découlées de ses propres expériences de vie, depuis les collèges du travail jusqu’au maquis du Vercors puis à Peuple et Culture. Ce qui explique son questionnement initial, à savoir :
Tous ses travaux historico-empiriques et la masse considérables de ses écrits en sciences sociales en rapport avec ses recherches (dont quatorze livres, la majorité traduits en plusieurs langues) lui ont valu un renom international et de nombreuses invitations pour enseigner dans des universités de toute l’Europe et sur les deux continents américains. Les parties suivantes vont permettre d’exposer le fruit de ses réflexions et de ses recherches. II. De l’autodidaxie à l’autoformation1.Principes de la Méthode de l’entrainement mental Ainsi que nous venons de le préciser, Joffre Dumazedier n’a eu de cesse de s’interroger sur l’inégalité de l’accès aux savoirs, la réussite de certaines minorités et le rôle des institutions. Aussi de 1936 à 1945, lors des stages qu’il organisait à l’école d’Uriage puis auprès des jeunes résistants dans le Vercors, il élabora une méthode socio-pédagogique d’aide à l’accès aux savoirs. En 1942, il lui donna le nom d’Entrainement Mental. Par le biais de cette méthode, Joffre Dumazedier souhaitait lutter contre la misère culturelle, en démocratisant l’accès aux savoirs. Il s’agissait d’une lutte contre l’aliénation et l’infantilisation des adultes, une autonomisation des individus face aux savoirs. Il rejoignait sur ce point le pédagogue brésilien Paulo Freire, convaincu que l’alphabétisation des adultes était l’un des moyens pour lutter contre l’oppression. Le désir de Joffre Dumazedier était de « rendre la culture au peuple et le peuple à la culture »4, le peuple représentant pour lui la société entière, toutes classes sociales confondues : les ouvriers, les ingénieurs, les officiers… C’est l’entrainement sportif qui va l’inspirer dans la mise en place cette méthode. Etant lui-même un féru de la pratique sportive, il fait un parallèle entre l’esprit sportif et l’esprit intellectuel. Il part du principe que l’esprit humain, tout comme un muscle, doit être préparé, avec la mise en place de réflexe pour une appropriation efficace des connaissances. Il ne s’agit pas d’une méthode académique, elle provient du mouvement social : avant de « faire de l’histoire », il faut créer dans l’esprit le réflexe historique5. Dans la pratique, cette méthode prend comme point d’encrage les événements de la vie quotidienne. Ce processus est un outil permettant de faciliter la prise de décision. L’entrainement mental comporte 7 phases qui se succèdent de façon logique. Il n’existe pas d’exercices types puisque l’animateur part d’une situation concrète au sein du groupe. Nous pouvons relever dans l’ouvrage de JF. Chosson, Pratiques de l’entrainement mental6, les phases comme suit : 1er phase : présentation du problème et des hypothèses d’action 2ème phase : imaginer la situation 3ème phase : procéder au classement par ordre de priorité des problèmes 4ème phase : expliquer les causes en passant par les théories 5ème phase : se projeter en imaginant des solutions 6ème phase : imaginer les moyens à mettre en œuvre pour résoudre le problème 7ème phase : extrapoler sur les résultats qui pourront être obtenus. La méthode peut être exercée en utilisant l’intégralité des phases ou en approfondissant la maitrise de l’une d’entre elles. « L’entrainement mental est avant tout une méthode de questionnement pour passer du simple au complexe, de la « connaissance ordinaire » à la pensée scientifique, du concret à l’abstrait »7. Cette démarche permet de développer le questionnement théorique des savoirs ordinaires. En partant de l’expérience des hommes, en réfléchissant ensemble, en parlant, débâtant, en mutualisant les connaissances, elle permet de rapprocher les savoirs ordinaires des savoirs savants. Initialement élaboré auprès de militants issus de la résistance française, la méthode est également utilisée pour permettre aux décideurs de penser et d’agir la complexité. Ainsi, l’entrainement mental a été conçu au départ pour les autodidactes puis adapté pour que toutes les personnes soient désireuses de s’autoformer de façon permanente. Ce procédé peut être mise en pratique lors de jeux de rôles, lors de confrontation d’avis et d’opinions (conférence, diners débat…). En 1988, l’entrainement mental est reconnu comme une des bases de la formation pour adultes. Ce processus est encore aujourd’hui largement utilisé dans les séminaires de formation et est fréquemment comparé à l’analyse de pratiques. 2.Deux notions : évolution d’un phénomène social L’autodidaxie et l’autoformation sont deux notions qui s’entremêlent. On remarque une confusion lors de l’utilisation des deux termes. J. Dumazedier, dans son ouvrage « Penser l’autoformation » présente le glissement entre autodidaxie et autoformation. Dans un premier temps l’autodidaxie a été observée dans le milieu ouvrier. En effet, à la fin de XIXème siècle, on retrouve des autodidactes dont la soif de savoir les portait à s’instruire seuls. Leur environnement ne se prêtait pas toujours à l’apprentissage mais ils adoptaient des stratégies pour alimenter cette curiosité sans limite, enrichir leurs connaissances et approfondir leurs thématiques. Ainsi, l’autodidacte utilise de multiples ressources pour atteindre son propre objectif. En revanche, il s’agit d’un processus d’apprentissage excluant les institutions. En effet, l’autodidacte apprend par lui-même indépendamment de la scolarisation, ce processus d’apprentissage exclu donc toutes prises en charges par les institutions. Les autodidactes ont la possibilité de s’ouvrir à d’autres milieux comme celui des arts et/ou intellectuel. Benigno Cacérés, auteur de nombreux ouvrages sur l’autodidaxie et lui-même autodidacte, associe l’autodidaxie et la dignité. « La culture est le contraire de l’humiliation »8 aimait-il à dire. Il est vrai que la crainte de l’humiliation peut faire partie des éléments motivationnels de l’autodidacte mais il y a également le désir d’apprendre, de progression dans la société, de développer ses compétences…Pour d’autres encore, comme Micheline, autodidacte qui « retourne à l’école par ses enfants », il s’agit pour elle de se sentir vivante : « j’apprends, donc je suis »9. L’autoformation, quant à elle, permet de prolonger cette soif de savoir en dépassant plus largement l’autodidaxie. En effet, l’autoformation englobe et dépasse l’autodidaxie. Il s’agit pour l’individu de devenir acteur et responsable de sa formation. L’autoformation peut prendre place dans différents lieux et à différents moments. Chez soi, mais aussi dans un système éducatif contrairement à l’autodidaxie ou dans un groupe social. Selon Philippe Carré, la formation par soi-même peut être comparée à une galaxie dans laquelle gravitent 5 conceptions de l’autoformation, répertoriées selon les approches disciplinaires :
apprentissages, des stratégies métacognitives. Figure 1. La galaxie de l’autoformation, P.Carré, 1992 III. L’autoformation : paradoxe d’un nouveau fait social1. Le développement de l’autoformation Ainsi que nous venons de le voir, le phénomène de l’autodidaxie compensait un manque de formation individuelle et une soif de savoir. Mais Joffre Dumazedier constate que depuis plusieurs décennies on assiste à la montée en puissance d’une libre autoformation permanente. Autoformation Or il relève qu’il s’agit là d’un véritable paradoxe puisque la formation initiale obligatoire s’est allongée jusqu’à l’âge de 16 ans et que la formation continue professionnelle permet à chacun, depuis la loi de 1971, de pouvoir être formé ou se perfectionner. En fait, ainsi qu’il le souligne dans son dernier ouvrage10, différentes enquêtes internationales ont rapporté que plus l’éducation tout au long de la vie se généralise et plus les pratiques de l’autoformation se développent. Obligation scolaire Formation continue professionnelle Figure 2. L’autoformation : paradoxe d’un nouveau fait social J. Dumazedier s’est donc interrogé sur les raisons de ce nouveau fait social. Pourquoi le développement constant des formations institutionnelles s’accompagne d’un mouvement de plus en plus important d’autoformation individuelle et collective ? Alors, qu’il considérait l’influence croissante de la mondialisation médiatique et l’accès sans limite au savoir comme certaines des explications à ce phénomène, il y voyait plus particulièrement une réaction claire des nouveaux apprenants qui s’intéressent de moins en moins à l’enseignement imposé traditionnel, qui ne correspond plus aux besoins de la société. En effet, partant d’une enquête menée par un groupe de chercheurs entre 1993-1995 auprès de la majorité des adolescents collégiens et dont les résultats révèlent que 75% d’entre eux expriment leur manque d’intérêt pour la plupart des programmes qui leur sont imposés11, ses observations découlant de sa recherche ont validé le manque de pertinence d’un programme de lourdes connaissances impossibles à réaliser. 2. Limites de l’éducation scolaire et de la formation professionnelle continue Il va ainsi faire une analyse critique de la sociologie de l’éducation à partir des années 74 en dénonçant la non prise en compte de ce nouveau fait social. Selon J. Dumazedier, le système scolaire (collège et lycée) est devenu anachronique et inadapté aux métamorphoses de l’éducation dans la société d’aujourd’hui. Il jugeait les programmes scolaires démentiels (faisant référence aux travaux de Ph. Mérieu) et dénonçait l’inutilité pour la vie quotidienne des élèves de la plupart des savoirs qui sont enseignés. Ainsi, il soulignait le décalage des connaissances apprises avec le monde professionnel, relevant de fait leur manque d’effet durable. Alors que l’école est centrée généralement sur la performance individuelle, il fait remarquer que le travail collectif est un élément souvent incontournable dans la sphère professionnelle. Il regrettait, par ailleurs, l’absence, au sein de l’école d’apprentissage de techniques pour manier ces connaissances, le caractère exclusif de la pensée symbolique cultivée par l’école alors que le monde du travail s’inscrit dans une dimension pragmatique et réprouvait en outre un enseignement de capacités et de connaissances trop générales. Enfin, il s’appuiera également sur les études de P. Bourdieu et J. Cl Passeron pour dénoncer le poids persistant de « la reproduction sociale » que représente le système scolaire. J. Dumazedier va étendre ces critiques aux institutions de la formation professionnelle puisque des enquêtes nationales réalisées en 2000 ont démontré que les formations sont généralement proposées ou imposées par les employeurs. Par ailleurs, il ressort que pour les trois quarts de la population ayant quitté l’école, cette formation n’est pas régulière et concerne essentiellement les cadres, reproduisant à l’instar de l’école les inégalités sociales. Enfin, le socio-pédagogue relève, là encore, le manque d’effet durable des acquisitions en formation car celles-ci ne sont généralement pas réinvesties en situations professionnelles. 3. Le bouleversement de la dynamique de travail : un temps libre à investir Le chercheur explique ce paradoxe également par le développement d’un autre phénomène qui est la réduction régulière du temps de travail. En effet, il rappelle qu’en 150 ans nous sommes passés de 3500 h de travail par an à 1560 h grâce au développement de la science et des nouvelles technologies appliquées au travail. Ainsi qu’il le met en lumière12, ce mouvement enclenché au début du XIXe siècle, nous a conduits à partir des années quatre-vingts à une inversion historique : le temps de travail est devenu inférieur au temps libre. Temps social libéré + 2000 h /an 1560 h / an Temps de travail Figure 3. Inversion historique : un temps libre à investir Or, J. Dumazedier remarque que ce double processus (baisse du temps de travail et hausse du temps libre) n’a pas non plus été pris en compte, notamment par la formation initiale qui n’a pas été conçue pour préparer efficacement le plus grand nombre d’élèves à ce temps de liberté (2000h de +/an en 150 ans), générant ainsi des déséquilibres dans la répartition de ce temps social libéré qui lui paraissent dangereux. En premier lieu, il observe que la part de l’engagement social volontaire (engagements socioculturels, socioreligieux ou sociopolitiques) est très faible par rapport au temps consacré aux loisirs alors que ce temps est fondamental pour la vie d’une démocratie. Loisir Engagement volontaire Figure 4. Temps libre : autres déséquilibres En outre, il constate que le temps dédié aux divertissements n’est pas maîtrisé et qu’il envahit le temps de loisir. Or, il souligne que bien souvent le loisir ne libère pas vraiment de l’ennui (drogue, alcool, délinquance) et bloque le « développement de soi » pour lequel il serait pourtant nécessaire d’y consacrer du temps, notamment dédié à l’auto-éducation et à l’autoformation. Loisir Expression du temps social à soi Autoformation Divertissement Figure 5. Déséquilibre entre le divertissement et l’autodéveloppement de soi C’est donc par cette double analyse critique, celle de la sociologie de l’éducation et celle du loisir, qu’est née la sociologie de l’autoformation volontaire, individuelle et collective, devenue la spécialité de Joffre Dumazedier. V. Une nouvelle exigence éducative de la sociétéAinsi, selon le socio-pédagogue, l’autoformation est une dynamique sociale qui répond à une société de plus en plus complexe et mouvante. Seconde source d’apprentissage, Joffre Dumazedier indique que l’autoformation apparait comme une des solutions pour pallier aux savoirs rapidement obsolètes, à l’influence médiatique omniprésente qui prend le pas sur les idées et les raisonnements mais aussi, comme que nous l’avons évoqué précédemment, pour remédier à une institution scolaire inadaptée. Aussi, convaincu que les véritables enjeux des institutions de la formation reposaient sur une préparation à l’éducation tout au long de la vie par un apprentissage permanent et populaire, il préconisait un apprentissage du travail autonome dès le collège : - En rendant désirables les savoirs nécessaires par la stimulation à la recherche d’informations à partir des sujets qui passionnent les élèves, à l’autodocumentation en CDI. Cet enseignement plus personnel et plus séduisant lui paraissait de fait plus efficace. - En initiant les élèves à un art du questionnement de la vie quotidienne. Là encore une réflexion sur des problèmes de la vie courante aurait plus de sens et d’intérêt pour les sujets apprenants. De plus, cet apprentissage à la comparaison et à la prise de recul éveillera et exercera une conscience critique sur le monde, condition fondamentale pour préserver un esprit autonome. Il rejoint ici Paulo Freire. - En réduisant l’écart entre la pensée abstraite du travail intellectuel et le penser concret du travail manuel. - En favorisant les travaux de groupe ce qui génère l’entraide et servira toute la vie pour une formation permanente. Tout comme Paulo Freire, Joffre Dumazedier pensait que les hommes s’éduquent ensemble. Au-delà de tous les diplômes formels qui ne sont que des tickets d’entrée dans le monde du travail, l’éducation commune devait, selon le chercheur, créer d’autres programmes de formation permettant de stimuler des pratiques éducatives, individuelles et collectives, en toute situation. Il soulignait par là même, la place centrale de l’initiation au travail autonome dans le temps scolaire pour préparer les élèves à être capables de s’autoformer tout au long de leur vie. ![]() Figure 6. Exemple : Structure du travail autonome Dans la formation continue : Mais il n’est plus possible aujourd’hui d’apprendre à l’école tout ce que qu’il faut pour travailler et vivre. Aussi, de plus en plus la formation professionnelle complète ou compense les lacunes de base de l’institution scolaire. Par ailleurs, les connaissances professionnelles étant de plus en plus rapidement obsolètes et exigeant des mises à jour régulières dans le cours de la vie adulte à tous les âges, la formation permanente est devenue une injonction de notre société. Qu’il s’agisse de la formation professionnelle ou des autres institutions politiques, religieuses ou associatives, J. Dumazedier défendait l’idée que cette société éducative en pleine émergence devait tout comme les institutions scolaires, non pas se limiter à un rôle de transmission de connaissances ou d’une méthode générale de pensée de plus en plus difficile à faire valoir, mais développer le désir de compétences et la capacité de formation permanente dans les situations imposées par l’institution ou choisies par les sujets tout au long du cycle de vie au travail et hors travail (bibliothèques, médiathèques, assemblées d’associations,…). 2. Pour une autoformation volontaire efficace Selon J. Dumazedier, la formation instituée devait être harmonisée par l’apport de l’autoformation volontaire. L’apprentissage au travail autonome devait se situer également dans le temps de loisir. En effet, il considérait que « le temps de loisir bien préparé pouvait être un temps de formation volontaire égal à celui de l’enseignement »13. Ainsi, pour favoriser le travail autonome, il faut apprendre également à maîtriser son temps de loisir. Selon le sociologue, l’individu devait apprendre à équilibrer son temps social et sa vie personnelle entre la détente (loisirs sportifs et de plein air « …pour libérer les fatigues physiques et morales du monde moderne »14), le divertissement (loisirs sociaux « …pour libérer d’un ennui qui vient plus vite que par le passé »15) et celle du développement de soi (loisirs culturels « …pour libérer en permanence selon les occasions ressenties de l’incapacité et de l’ignorance dans une société de plus en plus complexe »16). Ces trois fonctions du loisir, appelées les 3 D, constituaient ainsi pour J. Dumazedier, un champ immense à explorer pour l’éducation permanente et extrascolaire et l’accès à un véritable « art de l’existence ». CONCLUSIONAinsi comme nous l’avons évoqué à travers cette présentation, Joffre Dumazedier a mis en avant et défendu la nécessité d’une autoformation permanente et populaire comme la réponse aux mutations de notre société, à la fois centrée sur le savoir et les compétences et laissant une place grandissante du temps libre. Le pédagogue français a plaidé pour qu’ « apprendre à apprendre » par un apprentissage à l’autonomie, devienne l’enjeu de la formation instituée afin de permettre aux individus, de mieux comprendre le monde qui se complexifie, de disposer des moyens intellectuels pour résister aux idées manipulatrices d’un monde surmédiatisé et pouvoir penser par soi-même, d’avoir une attitude plus créative, d’être plus tolérants et d’avoir une vie citoyenne. Il a de surcroit alerté sur l’urgence d’apprendre à mieux investir le temps de loisir, qui ne cesse de croître, pour une formation volontaire égale à l’enseignement. Enfin, il était profondément convaincu d’une l’obligation pour la formation institutionnelle de susciter le désir d’apprendre afin d’encourager l’autoformation individuelle et collective des sujets sociaux tout au long de leur vie. Ainsi, le recentrage de la sociologie de l’éducation sur l’ « apprenant », initié au début des années 2000, est la marque d’une influence certaine des travaux de ce pionnier de l’éducation culturelle et populaire. Aussi, nous pouvons dire que cette société éducative dont rêvait Joffre Dumazedier est dès à présent en marche, le système scolaire ayant commencé à répondre à ces nouvelles exigences de notre société, tout au moins dans les objectifs pédagogiques inscrits dans les textes et circulaires de l’éducation nationale. La mise en pratique effective et généralisée sera sans doute plus longue. Quant aux autres institutions éducatives elles ont également adoptées depuis quelques années une démarche davantage centrée sur le sujet apprenant dans la perspective de rendre l’individu auteur et acteur de sa formation.BIBLIOGRAPHIECARRÉ P., MOISAN A., POISSON D. (Dir.). (2010). L’autoformation.Perspectives de recherche ». Paris : PUF. Coll. Formation et Pratiques professionnelles. 359 p. CHOSSON JF (1991) Pratiques de l’entrainement mental. Armand Colin. Clamecy. DUMAZEDIERJ. avec DONFU E (1994) La leçon de Condorcet.(Une conception oubliée de l’instruction pour tous nécessaire à une république), Paris : L’Harmattan. DUMAZEDIERJ. (2002) Penser l’autoformation.Société d’aujourd’hui et pratiques d’autoformation, Chronique Sociale, Lyon. Collection Pédagogies-Formation. pp 172 LE MEUR G 5(1998). Les nouveaux autodidactes, néoautodidaxie et formation, Chronique Sociale. Lyon. Collection Pédagogies-Formation. BONNAMI A. et DUMAZEDIER J. (2003) « Penser l’autoformation ». Revue Savoirs. Dossier : Comment les adultes apprennent? Les styles d’apprentissage. 2003-2. Notes de lecture. p. 111-114. GONDONNEAU J., SAVANE P. (2002), « Hommage à Joffre Dumazedier. Itinéraire d’un humaniste ». La lettre de Peuple et Culture, N° 27, décembre 2002 LE MEURG. (1993). « Quelle autoformation par l’autodidaxie ? ».Revue française de pédagogie. Vol. 102, p. 35-43 MOISANA. (1993) « Pratique d’autoformation en entreprise ». Revue française de pédagogie, 1993, Vol. 102, p. 23-33 RICHARD E. (2003) « Penser l’autoformation. Société d’aujourd’hui et pratiques d’autoformation ». Revue française de pédagogie. Vol. 145, N° 1. p. 122-123 SUER. (2002) « Hommage à Joffre Dumazedier. ».Revue AGORA N°29 « Débats-Jeunesses », p. 124-129. SITOGRAPHIEhttp://www.canal-u.tv/video/profession_formateur/3_autoformation.571 http://www.canal-u.tv/video/profession_formateur/l_education_permanente.418 http://www.peuple-et-culture.org http://www.pearltrees.com/#/N-play=1&N-s=1_6009739&N-u=1_598953&N-p=56819652&N-fa=4813199&N-f=1_6009739 (définition de l’autoformation par Philippe Carré. Canal U. Vidéothèque numérique de l’enseignement supérieur). 1 Savane Paule (2002) Hommage à Joffre Dumazedier. Itinéraire d’un humaniste. La lettre de Peuple et Culture. N° 27, décembre 2002 2SUE R. (2002) Hommage à Joffre Dumazedier. Revue AGORA N°29 « Débats-Jeunesses », p. 124-129. 3 Dumazedier J. (2002) Penser l’autoformation. Société d’aujourd’hui et pratiques d’autoformation. Lyon : Chroniques sociales. 172 p. 4http://www.peuple-et-culture.org/ consulté le 01/12/2012 5 http://www.peuple-et-culture.org/ consulté le 01/12/2012 6 Chosson JF. 1991. Pratiques de l’entrainement mental, Armand Colin. p 19-20 7 Chosson, JF. 1991. Pratiques de l’entrainement mental, Armand colin. p 21 8 Dumazedier. J. 2002. Penser l’autoformation, Pédagogie /Formation, 2002, p 77 9 Ibid p 80 10 Dumazedier J. (2002). Penser l’autoformation. Société d’aujourd’hui et pratiques d’autoformation. Lyon : Chronique Sociale. Coll. Pédagogie/Formation. p16. 11 Ibid. p167. 12 Dumazedier J. op.cit., p.20. 13 DUMAZEDIER J. 2002. Penser l’autoformation. Société d’aujourd ‘hui et pratiques d’autoformation. Lyon : Chroniques sociales. Coll. Pédagogie/Formation. p 35. 14 Ibid. p 26. 15 Ibid. p. 26. 16 Ibid. p.26. |
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