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inventaire. On remuait tous les ballots et l’on vérifiait l’aunage des pièces pour s’assurer de la valeur exacte du coupon restant. On examinait soigneusement la carte appendue au paquet pour reconnaître en quel temps les draps avaient été achetés. On fixait le prix actuel. Toujours debout, son aune à la main, la plume derrière l’oreille, monsieur Guillaume ressemblait à un capitaine commandant la manœuvre. Sa voix aiguë, passant par un judas pour interroger la profondeur des écoutilles du magasin d’en bas, faisait entendre ces barbares locutions du commerce qui ne s’exprime que par énigmes : – Combien d’H-N-Z ? – Enlevé. – Que reste-t-il de Q-X ? – Deux aunes. – Quel prix ? – Cinq-cinq-trois. – Portez à trois A tout J-J, tout M-P, et le reste de V-D-O. Mille autres phrases tout aussi intelligibles ronflaient à travers les comptoirs comme des vers de la poésie moderne que des romantiques se seraient cités afin d’entretenir leur enthousiasme pour un de leurs poètes. Le soir, Guillaume, enfermé avec son commis et sa femme, soldait les comptes, portait à nouveau, écrivait aux retardataires, et dressait des factures. Tous trois préparaient ce travail immense dont le résultat tenait sur un carré de papier tellière, et prouvait à la maison Guillaume qu’il existait tant en argent, tant en marchandises, tant en traites et billets ; qu’elle ne devait pas un sou, qu’il lui était dû cent ou deux cent mille francs ; que le capital avait augmenté ; que les fermes, les maisons, les rentes allaient être ou arrondies, ou réparées, ou doublées. De là résultait la nécessité de recommencer avec plus d’ardeur que jamais à ramasser de nouveaux écus, sans qu’il vînt en tête à ces courageuses fourmis de se demander : À quoi bon ? À la faveur de ce tumulte annuel, l’heureuse Augustine échappait à l’investigation de ses Argus. Enfin, un samedi soir, la clôture de l’inventaire eut lieu. Les chiffres du total actif offrirent assez de zéros pour qu’en cette circonstance Guillaume levât la consigne sévère qui régnait toute l’année au dessert. Le sournois drapier se frotta les mains, et permit à ses commis de rester à sa table. À peine chacun des hommes de l’équipage achevait-il son petit verre d’une liqueur de ménage, on entendit le roulement d’une voiture. La famille alla voir Cendrillon aux Variétés, tandis que les deux derniers commis reçurent chacun un écu de six francs et la permission d’aller où bon leur semblerait, pourvu qu’ils fussent rentrés à minuit. Malgré cette débauche, le dimanche matin, le vieux marchand drapier fit sa barbe dès six heures, endossa son habit marron dont les superbes reflets lui causaient toujours le même contentement, il attacha les boucles d’or aux oreilles de son ample culotte de soie ; puis, vers sept heures, au moment où tout dormait encore dans la maison, il se dirigea vers le petit cabinet attenant à son magasin du premier étage. Le jour y venait d’une croisée armée de gros barreaux de fer, et qui donnait sur une petite cour carrée formée de murs si noirs qu’elle ressemblait assez à un puits. Le vieux négociant ouvrit lui-même ces volets garnis de tôle qu’il connaissait si bien, et releva une moitié du vitrage en le faisant glisser dans sa coulisse. L’air glacé de la cour vint rafraîchir la chaude atmosphère de ce cabinet, qui exhalait l’odeur particulière aux bureaux. Le marchand resta debout, la main posée sur le bras crasseux d’un fauteuil de canne doublé de maroquin dont la couleur primitive était effacée, il semblait hésiter à s’y asseoir. Il regarda d’un air attendri le bureau à double pupitre, où la place de sa femme se trouvait ménagée, dans le côté opposé à la sienne, par une petite arcade pratiquée dans le mur. Il contempla les cartons numérotés, les ficelles, les ustensiles, les fers à marquer le drap, la caisse, objets d’une origine immémoriale, et crut se revoir devant l’ombre évoquée du sieur Chevrel. Il avança le même tabouret sur lequel il s’était jadis assis en présence de son défunt patron. Ce tabouret garni de cuir noir, et dont le crin s’échappait depuis longtemps par les coins, mais sans se perdre, il le plaça d’une main tremblante au même endroit où son prédécesseur l’avait mis ; puis, dans une agitation difficile à décrire, il tira la sonnette qui correspondait au chevet du lit de Joseph Lebas. Quand ce coup décisif eut été frappé, le vieillard, pour qui ces souvenirs furent sans doute trop lourds, prit trois ou quatre lettres de change qui lui avaient été présentées, et les regarda sans les voir, quand Joseph Lebas se montra soudain. – Asseyez-vous là, lui dit Guillaume en lui désignant le tabouret. Comme jamais le vieux maître-drapier n’avait fait asseoir son commis devant lui, Joseph Lebas tressaillit. – Que pensez-vous de ces traites ? demanda Guillaume. – Elles ne seront pas payées. – Comment ? – Mais j’ai su qu’avant-hier Étienne et compagnie ont fait leurs paiements en or. – Oh ! oh ! s’écria le drapier, il faut être bien malade pour laisser voir sa bile. Parlons d’autre chose, Joseph, l’inventaire est fini. – Oui, monsieur, et le dividende est un des plus beaux que vous ayez eus. – Ne vous servez donc pas de ces nouveaux mots. Dites le produit, Joseph. Savez-vous, mon garçon, que c’est un peu à vous que nous devons ces résultats ? aussi, ne veux-je plus que vous ayez d’appointements. Madame Guillaume m’a donné l’idée de vous offrir un intérêt. Hein, Joseph ! Guillaume et Lebas, ces mots ne feraient-ils pas une belle raison sociale ? On pourrait mettre et compagnie pour arrondir la signature. Les larmes vinrent aux yeux de Joseph Lebas qui s’efforça de les cacher. – Ah, monsieur Guillaume ! comment ai-je pu mériter tant de bontés ? Je ne fais que mon devoir. C’était déjà tant que de vous intéresser à un pauvre orph.... Il brossait le parement de sa manche gauche avec la manche droite, et n’osait regarder le vieillard qui souriait en pensant que ce modeste jeune homme avait sans doute besoin, comme lui autrefois, d’être encouragé pour rendre l’explication complète. – Cependant, reprit le père de Virginie, vous ne méritez pas beaucoup cette faveur, Joseph ! Vous ne mettez pas en moi autant de confiance que j’en mets en vous. (Le commis releva brusquement la tête.) – Vous avez le secret de la caisse. Depuis deux ans je vous ai dit presque toutes mes affaires. Je vous ai fait voyager en fabrique. Enfin, pour vous, je n’ai rien sur le cœur. Mais vous ?... vous avez une inclination, et ne m’en avez pas touché un seul mot. (Joseph Lebas rougit.) – Ah ! ah ! s’écria Guillaume, vous pensiez donc tromper un vieux renard comme moi ? Moi ! à qui vous avez vu deviner la faillite Lecocq. – Comment, monsieur ? répondit Joseph Lebas en examinant son patron avec autant d’attention que son patron l’examinait, comment, vous sauriez qui j’aime ? – Je sais tout, vaurien, lui dit le respectable et rusé marchand en lui tordant le bout de l’oreille. Et je te pardonne, j’ai fait de même. – Et vous me l’accorderiez ? – Oui, avec cinquante mille écus, et je t’en laisserai autant, et nous marcherons sur nouveaux frais avec une nouvelle raison sociale. Nous brasserons encore des affaires, garçon, s’écria le vieux marchand en se levant et agitant ses bras. Vois-tu, mon gendre, il n’y a que le commerce ! Ceux qui se demandent quels plaisirs on y trouve sont des imbéciles. Être à la piste des affaires, savoir gouverner sur la place, attendre avec anxiété, comme au jeu, si les Étienne et compagnie font faillite, voir passer un régiment de la garde impériale habillé de notre drap, donner un croc-en-jambe au voisin, loyalement s’entend ! fabriquer à meilleur marché que les autres ; suivre une affaire qu’on ébauche, qui commence, grandit, chancelle et réussit, connaître comme un ministre de la police tous les ressorts des maisons de commerce pour ne pas faire fausse route ; se tenir debout devant les naufrages ; avoir des amis, par correspondance, dans toutes les villes manufacturières, n’est-ce pas un jeu perpétuel, Joseph ? Mais c’est vivre, ça ! Je mourrai dans ce tracas-là, comme le vieux Chevrel, n’en prenant cependant plus qu’à mon aise. Dans la chaleur de sa plus forte improvisation, le père Guillaume n’avait presque pas regardé son commis qui pleurait à chaudes larmes. – Eh bien ! Joseph, mon pauvre garçon, qu’as-tu donc ? – Ah ! je l’aime tant, tant, monsieur Guillaume, que le cœur me manque, je crois... – Eh bien ! garçon, dit le marchand attendri, tu es plus heureux que tu ne crois, sarpejeu, car elle t’aime. Je le sais, moi ! Et il cligna ses deux petits yeux verts en regardant son commis. – Mademoiselle Augustine, mademoiselle Augustine ! s’écria Joseph Lebas dans son enthousiasme. Il allait s’élancer hors du cabinet, quand il se sentit arrêté par un bras de fer, et son patron stupéfait le ramena vigoureusement devant lui. – Qu’est-ce que fait donc Augustine dans cette affaire-là ? demanda Guillaume dont la voix glaça sur-le-champ le malheureux Joseph Lebas. – N’est-ce pas elle... que... j’aime ? dit le commis en balbutiant. Déconcerté de son défaut de perspicacité, Guillaume se rassit et mit sa tête pointue dans ses deux mains pour réfléchir à la bizarre position dans laquelle il se trouvait. Joseph Lebas honteux et au désespoir resta debout. – Joseph, reprit le négociant avec une dignité froide, je vous parlais de Virginie. L’amour ne se commande pas, je le sais. Je connais votre discrétion, nous oublierons cela. Je ne marierai jamais Augustine avant Virginie. Votre intérêt sera de dix pour cent. Le commis, auquel l’amour donna je ne sais quel degré de courage et d’éloquence, joignit les mains, prit la parole, parla pendant un quart d’heure à Guillaume avec tant de chaleur et de sensibilité, que la situation changea. S’il s’était agi d’une affaire commerciale, le vieux négociant aurait eu des règles fixes pour prendre une résolution ; mais, jeté à mille lieues du commerce, sur la mer des sentiments, et sans boussole, il flotta irrésolu devant un événement si original, se disait-il. Entraîné par sa bonté naturelle, il battit un peu la campagne. – Et, diantre, Joseph, tu n’es pas sans savoir que j’ai eu mes deux enfants à dix ans de distance ! Mademoiselle Chevrel n’était pas belle, elle n’a cependant pas à se plaindre de moi. Fais donc comme moi. Enfin, ne pleure pas, es-tu bête ? Que veux-tu ? cela s’arrangera peut-être, nous verrons. Il y a toujours moyen de se tirer d’affaire. Nous autres hommes nous ne sommes pas toujours comme des Céladons pour nos femmes. Tu m’entends ? Madame Guillaume est dévote, et... Allons, sarpejeu, mon enfant, donne ce matin le bras à Augustine pour aller à la messe. Telles furent les phrases jetées à l’aventure par Guillaume. La conclusion qui les terminait ravit l’amoureux commis : il songeait déjà pour mademoiselle Virginie à l’un de ses amis, quand il sortit du cabinet enfumé en serrant la main de son futur beau-père, après lui avoir dit, d’un petit air entendu, que tout s’arrangerait au mieux. – Que va penser madame Guillaume ? Cette idée tourmenta prodigieusement le brave négociant quand il fut seul. Au déjeuner, madame Guillaume et Virginie, auxquelles le marchand-drapier avait laissé provisoirement ignorer son désappointement, regardèrent assez malicieusement Joseph Lebas qui resta grandement embarrassé. La pudeur du commis lui concilia l’amitié de sa belle-mère. La matrone redevint si gaie qu’elle regarda monsieur Guillaume en souriant, et se permit quelques petites plaisanteries d’un usage immémorial dans ces innocentes familles. Elle mit en question la conformité de la taille de Virginie et de celle de Joseph, pour leur demander de se mesurer. Ces niaiseries préparatoires attirèrent quelques nuages sur le front du chef de famille, et il afficha même un tel amour pour le décorum, qu’il ordonna à Augustine de prendre le bras du premier commis en allant à Saint-Leu. Madame Guillaume, étonnée de cette délicatesse masculine, honora son mari d’un signe de tête d’approbation. Le cortège partit donc de la maison dans un ordre qui ne pouvait suggérer aucune interprétation malicieuse aux voisins. – Ne trouvez-vous pas, mademoiselle Augustine, disait le commis en tremblant, que la femme d’un négociant qui a un bon crédit, comme monsieur Guillaume, par exemple, pourrait s’amuser un peu plus que ne s’amuse madame votre mère, pourrait porter des diamants, aller en voiture ? Oh ! moi, d’abord, si je me mariais, je voudrais avoir toute la peine, et voir ma femme heureuse. Je ne la mettrais pas dans mon comptoir. Voyez-vous, dans la draperie, les femmes n’y sont plus aussi nécessaires qu’elles l’étaient autrefois. Monsieur Guillaume a eu raison d’agir comme il a fait, et d’ailleurs c’était le goût de son épouse. Mais qu’une femme sache donner un coup de main à la comptabilité, à la correspondance, au détail, aux commandes, à son ménage, afin de ne pas rester oisive, c’est tout. À sept heures, quand la boutique serait fermée, moi je m’amuserais, j’irais au spectacle et dans le monde. Mais vous ne m’écoutez pas. – Si fait, monsieur Joseph. Que dites-vous de la peinture ? C’est là un bel état. – Oui, je connais un maître peintre en bâtiment, monsieur Lourdois, qui a des écus. En devisant ainsi, la famille atteignit l’église de Saint-Leu. Là, madame Guillaume retrouva ses droits, et fit mettre, pour la première fois, Augustine à côté d’elle. Virginie prit place sur la quatrième chaise à côté de Lebas. Pendant le prône, tout alla bien entre Augustine et Théodore qui, debout derrière un pilier, priait sa madone avec ferveur ; mais au lever-Dieu, madame Guillaume s’aperçut, un peu tard, que sa fille Augustine tenait son livre de messe au rebours. Elle se disposait à la gourmander vigoureusement, quand, rabaissant son voile, elle interrompit sa lecture et se mit à regarder dans la direction qu’affectionnaient les yeux de sa fille. À l’aide de ses bésicles, elle vit le jeune artiste dont l’élégance mondaine annonçait plutôt quelque capitaine de cavalerie en congé qu’un négociant du quartier. Il est difficile d’imaginer l’état violent dans lequel se trouva madame Guillaume, qui se flattait d’avoir parfaitement élevé ses filles, en reconnaissant dans le cœur d’Augustine un amour clandestin dont le danger lui fut exagéré par sa pruderie et par son ignorance. Elle crut sa fille gangrenée jusqu’au cœur. – Tenez d’abord votre livre à l’endroit, mademoiselle, dit-elle à voix basse mais en tremblant de colère. Elle arracha vivement le paroissien accusateur, et le remit de manière à ce que les lettres fussent dans leur sens naturel. – N’ayez pas le malheur de lever les yeux autre part que sur vos prières, ajouta-t-elle, autrement, vous auriez affaire à moi. Après la messe, votre père et moi nous aurons à vous parler. Ces paroles furent comme un coup de foudre pour la pauvre Augustine. Elle se sentit défaillir ; mais combattue entre la douleur qu’elle éprouvait et la crainte de faire un esclandre dans l’église, elle eut le courage de cacher ses angoisses. Cependant, il était facile de deviner l’état violent de son âme en voyant son paroissien trembler et des larmes tomber sur chacune des pages qu’elle tournait. Au regard enflammé que lui lança madame Guillaume, l’artiste vit le péril où tombaient ses amours, et sortit, la rage dans le cœur, décidé à tout oser. – Allez dans votre chambre, mademoiselle ! dit madame Guillaume à sa fille en rentrant au logis ; nous vous ferons appeler ; et surtout, ne vous avisez pas d’en sortir. La conférence que les deux époux eurent ensemble fut si secrète, que rien n’en transpira d’abord. Cependant, Virginie, qui avait encouragé sa sœur par mille douces représentations, poussa la complaisance jusqu’à se glisser auprès de la porte de la chambre à coucher de sa mère, chez laquelle la discussion avait lieu, pour y recueillir quelques phrases. Au premier voyage qu’elle fit du troisième au second étage, elle entendit son père qui s’écriait : – Madame, vous voulez donc tuer votre fille ? – Ma pauvre enfant, dit Virginie à sa sœur éplorée, papa prend ta défense ! – Et que veulent-ils faire à Théodore ? demanda l’innocente créature. La curieuse Virginie redescendit alors ; mais cette fois elle resta plus longtemps : elle apprit que Lebas aimait Augustine. Il était écrit que, dans cette mémorable journée, une maison ordinairement si calme serait un enfer. Monsieur Guillaume désespéra Joseph Lebas en lui confiant l’amour d’Augustine pour un étranger. Lebas, qui avait averti son ami de demander mademoiselle Virginie en mariage, vit ses espérances renversées. Mademoiselle Virginie, accablée de savoir que Joseph l’avait en quelque sorte refusée, fut prise d’une migraine. La zizanie, semée entre les deux époux par l’explication que monsieur et madame Guillaume avaient eue ensemble, et où, pour la troisième fois de leur vie, ils se trouvèrent d’opinions différentes, se manifesta d’une manière terrible. Enfin, à quatre heures après midi, Augustine, pâle, tremblante et les yeux rouges, comparut devant son père et sa mère. La pauvre enfant raconta naïvement la trop courte histoire de ses amours. Rassurée par l’allocution de son père, qui lui avait promis de l’écouter en silence, elle prit un certain courage en prononçant devant ses parents le nom de son cher Théodore de Sommervieux, et en fit malicieusement sonner la particule aristocratique. En se livrant au charme inconnu de parler de ses sentiments, elle trouva assez de hardiesse pour déclarer avec une innocente fermeté qu’elle aimait monsieur de Sommervieux, qu’elle le lui avait écrit, et ajouta, les larmes aux yeux : – Ce serait faire mon malheur que de me sacrifier à un autre. – Mais, Augustine, vous ne savez donc pas ce que c’est qu’un peintre ? s’écria sa mère avec horreur. – Madame Guillaume ! dit le vieux père en imposant silence à sa femme. – Augustine, dit-il, les artistes sont en général des meure-de-faim. Ils sont trop dépensiers pour ne pas être toujours de mauvais sujets. J’ai fourni feu monsieur Joseph Vernet, feu monsieur Lekain et feu monsieur Noverre. Ah ! si tu savais combien ce monsieur Noverre, monsieur le chevalier de Saint-Georges, et surtout monsieur Philidor, ont joué de tours à ce pauvre père Chevrel ! Ce sont de drôles de corps, je le sais bien. Ça vous a tous un babil, des manières... Ah ! jamais ton monsieur Summer.. Somm... – De Sommervieux, mon père ! – Eh bien ! de Sommervieux, soit ! jamais il n’aura été aussi agréable avec toi que monsieur le chevalier de Saint-Georges le fut avec moi, le jour où j’obtins une sentence des consuls contre lui. Aussi était-ce des gens de qualité d’autrefois. – Mais, mon père, monsieur Théodore est noble, et m’a écrit qu’il était riche. Son père s’appelait le chevalier de Sommervieux avant la Révolution. À ces paroles, monsieur Guillaume regarda sa terrible moitié, qui, en femme contrariée, frappait le plancher du bout du pied et gardait un morne silence. Elle évitait même de jeter ses yeux courroucés sur Augustine, et semblait laisser à monsieur Guillaume toute la responsabilité d’une affaire si grave, puisque ses avis n’étaient pas écoutés ; néanmoins, malgré son flegme apparent, quand elle vit son mari prenant si doucement son parti sur une catastrophe qui n’avait rien de commercial, elle s’écria : – En vérité, monsieur, vous êtes d’une faiblesse avec vos filles... mais... Le bruit d’une voiture qui s’arrêtait à la porte interrompit tout à coup la mercuriale que le vieux négociant redoutait déjà. En un moment, madame Roguin se trouva au milieu de la chambre, et, regardant les trois acteurs de cette scène domestique : – Je sais tout, ma cousine, dit-elle d’un air de protection. Madame Roguin avait un défaut, celui de croire que la femme d’un notaire de Paris pouvait jouer le rôle d’une petite maîtresse. – Je sais tout, répéta-t-elle, et je viens dans l’arche de Noé, comme la colombe, avec la branche d’olivier. 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