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Frankenstein ou le Prométhée moderne
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Frankenstein ou le Prométhée moderne
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 Frontispice de l'édition de 1831
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| Auteur
| Mary Shelley
| Genre
| Roman gothique et philosophique
| Version originale
| Titre original
| Frankenstein; or, The Modern Prometheus
| Éditeur original
| Lackington, Allen & Co.
| Langue originale
| Anglais
| Pays d'origine
| Angleterre
| Date de parution originale
| 1818 (réédition : 1831)
| Version française
| Traducteur
| Germain d'Hangest
| Lieu de parution
| Paris
| Éditeur
| La Renaissance du livre
| Date de parution
| 1922
| Chronologie
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| modifier 
| Frankenstein ou le Prométhée moderne (Frankenstein; or, The Modern Prometheus) est un roman publié en 1818 par la jeune Anglaise Mary Shelley, maîtresse et future épouse du poète Shelley.
Son système narratif est fondé sur une série de récits en abyme enchâssés les uns dans les autres. Le cadre général est celui d'une tentative d'exploration polaire par Robert Walton ; à l'intérieur se situe l'histoire de la vie de Victor Frankenstein, recueilli par l'explorateur sur la banquise ; enfin, cette dernière recèle la narration faite à Frankenstein par le « monstre » qu'il a fabriqué et auquel il a donné l'étincelle de vie, et en particulier celle des tourments endurés par cette créature qui nourrit envers son créateur une haine tenace, mais à ses yeux justifiée.
Dès sa parution, Frankenstein est catalogué en roman gothique et, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d'œuvre. La vague gothique, qui a pris naissance avec The Castle of Otranto de Horace Walpole (1764), puis Vathek de l'aristocrate William Beckford (1787)1, ensuite trouvé un sommet avec les ouvrages de Mrs Radcliffe (1791-1797) et quelque sursaut avec Le Moine de Lewis (1796), est alors très nettement sur le déclin. De fait, le gothique est décrié et Mary Shelley, en lui donnant son dernier grand roman, du même coup, marque sa fin2. Après elle, le roman passe à autre chose ; il devient historique avec Walter Scott et plus tard réellement romantique avec les sœurs Brontë. Le gothique persiste cependant au sein du roman victorien, en particulier chez Wilkie Collins et Charles Dickens, mais seulement à l'état de relents2.
Avant 1818, en effet, au moment de la composition de Frankenstein, le genre passe pour de mauvais goût, voire pour franchement risible. En conformité avec les mises en garde d'Edmund Burke3, on a, semble-t-il, franchi la limite entre le fantastique et le ridicule. Ainsi, Coleridge, familier des Godwin, donc de Mary Shelley, écrit dès 1797, à propos du roman de M. G. Lewis, Le Moine, que « l'horrible et le surnaturel […], de puissants stimulants, ne sont jamais requis, à moins que ce ne soit pour la torpeur d'un appétit assoupi ou épuisé ». Il fustige les « ennemis lassants, les personnages sans consistance, les cris, meurtres, donjons souterrains, […] l'imagination et la pensée à bout de souffle, […] un goût vulgaire et bas »4. Dans Northanger Abbey, publié en décembre 1817, Jane Austen fait donner une leçon de bon sens à l'héroïne, Catherine Morland, par Henry Tilney5 : « Souvenez-vous que nous sommes Anglais, que nous sommes chrétiens. Faites appel à votre compréhension, votre appréciation de la vraisemblance, votre sens de l'observation […] votre éducation vous prépare-t-elle à semblables atrocités ? »6. Autrement dit, la critique fait sienne le Incredulus odi du poète Horace7 auquel conduit une surdose de merveilleux, dont la nature même, comme le précise Walter Scott en 1818, est d'être « facilement épuisé » (easily exhausted)8.
Le succès immédiat, et jamais démenti, de Frankenstein repose donc sur des fondations différentes de celles de ses prédécesseurs, sinon dans leur aspect, du moins dans leur essence. Le roman de Mary Shelley substitue en effet l'horreur à la terreur, se déleste de tout merveilleux, privilégie l'intériorisation et s'ancre dans la rationalité, au point que son gothique en devient presque réaliste et, du coup, prend valeur de révélation.
Depuis sa publication, Frankenstein ne cesse de susciter diverses adaptations, tant pour la scène du théâtre ou du music-hall que pour le cinéma et la télévision. La bande dessinée s'est elle aussi emparée du sujet et, quitte à le déformer, de nombreux jeux vidéo, issus du monde entier, l'utilisent également comme support.
Sommaire
1 Préambule
2 Genèse
2.1 Une idée de Byron
2.2 Un cauchemar fondateur et un environnement propice
2.3 Préface de Shelley et publication
2.4 Des variantes significatives entre les deux éditions
3 Accueil
3.1 Premières critiques
3.2 La critique moderne
4 Intrigue
4.1 Introduction : récit-cadre de Robert Walton
4.2 Récit enchâssé de Victor Frankenstein
4.3 Histoire dans l'histoire : récit du monstre
4.4 Reprise du récit enchâssé de Victor Frankenstein
4.5 Conclusion : récit-cadre de Robert Walton
5 Personnages
6 Structure narrative
6.1 Une série de récits en miroir
6.2 La lettre comme vecteur du récit
6.3 Métaphore ou parodie ?
6.4 La « figure en forme de huit » (Muriel Spark)
7 Sources du récit
7.1 Les sources subjectives
7.2 Les sources objectives
8 Thématique
8.1 Frankenstein et le mythe de Prométhée
8.2 Frankenstein, le gothique
8.3 Le motif du double
9 Adaptations
9.1 Adaptations cinématographiques et télévisuelles
9.2 Adaptations au théâtre et au ballet
9.3 Bande dessinée
10 Annexes
10.1 Bibliographie
10.2 Articles connexes
10.3 Liens externes
10.4 Notes
10.5 Références
11 Autre source
Préambule
Mary Shelley, par Reginald Easton.
Selon Francis Lacassin, Frankenstein se lit aujourd'hui « par malentendu »9. Ce malentendu risque de faire découvrir au lecteur « au lieu d'un monstre dont la laideur déclenche des réactions apeurées et hurlantes, un être mystérieux qui se manifeste peu »10. Il est vrai, ajoute Max Duperray, que le texte peut paraître primaire, les personnages diserts, l'intrigue échevelée, le monstre larmoyant11. En fait, sous cette apparente primarité, Frankenstein est un nœud complexe de connotations et de références : c'est au pays de Rousseau que Mary Shelley en rédige la version initiale, « à la fois produit du hasard […] et celui d'une nécessité historique »12. Passent en effet à travers ce récit, d'abord pastiche des histoires à faire peur, un souffle de révolte et une inquiétude devant ses conséquences. Avec son roman, Mary Shelley met en scène une mise au monde, un texte, un sujet qui s'implique dans une écriture, une interrogation sur la création : à tout cela répond après coup sa préface du 15 octobre 183113 :
« Everything must have a beginning […] and that beginning must be linked to something that went before […] Invention, it must be humbly admitted, does not consist in creating out of the void, but out of chaos; the materials must, in the first place, be afforded; it can give form to dark, shapeless substances, but cannot bring into being the substance itself. »
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| « Chaque chose doit avoir un commencement […] et ce commencement doit être lié à quelque chose l'ayant précédé […] L'invention, admettons-le dans l'humilité, ne consiste pas à créer à partir du vide, mais du chaos ; le matériau doit d'abord être apporté, il peut donner forme à des substances obscures et informes, mais ne saurait mettre au monde cette substance. »
| Ainsi se souligne le poids de l'histoire et affleure, quoique discrètement, l'angoisse de la création où se conjuguent écriture et naissance12. Le parallélisme entre la fabrication du monstre vivant et la composition du roman s'impose d'abord, mais l'interrogation sur la substance, soit l'essence des choses, indique d'emblée le fil conducteur à ceux qui l'accompagne, en particulier William Godwin son père, l'auteur de Caleb Williams et St Leon, tous les deux préoccupés par le secret de la vie14. Ces romans ouvrent déjà une perspective psychologique et y pointe la question ontologique sur l'origine des choses, doublée d'une question épistémologique : les choses sont-elles conformes à leur apparence14 ?
D'autre part, la fréquentation intime de l'auteur avec les grands poètes romantiques incite à penser qu'elle a partagé leur désir d'émancipation par rapport à la tyrannie sociale de la convention et aussi au déterminisme biologique. L'éducation occupe le cœur du roman et cette nourriture spirituelle par laquelle la créature accède à la civilisation peut inciter à faire de Frankenstein un roman à thèse célébrant la promotion sociale par la lecture. De plus, Max Duperray écrit que « la folle ambition romantique vis-à-vis du monde projette Mary Shelley dans une fiction du solipsismeN 1,15 : solitude partagée du créateur et de sa créature ; […] espoir démesuré de s'affranchir […] du réel et de dévoiler le secret de la vie, […] avec quoi flirtaient les recherches scientifiques de l'époque »16. Chacun des narrateurs est habité d'un mystère qui l'isole et l'enferme dans une claustrophobie monstrueusement paradoxale puisqu'ils n'ont de cesse de voyager jusqu'aux extrêmes. Il y a là cohabitation d'un discours scientifique et d'un autre, poétique, conjuguant leur prétention à repousser les frontières du savoir17.
Ainsi, ce n'est ni dans le sensationnel, ni dans le dramatique, voire le mélodramatique (le roman est porté à la scène dès 1823) que se situe l'intérêt de Frankenstein, mais dans le concept de monstruosité, l'animation de l'inanimé, la transgression morale, « l'aventure faustienne laïcisée », la modernité d'un mythe ancien17. Frankenstein doit donc être lu comme un texte pluriel, dans ce que Muriel Spark appelle « la variété des niveaux d'interprétation »18.
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