Contribution à l’histoire d’Unix chez Bull René J. Chevance©








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La recherche d’une solution RISC – Première époque



Les développements de la NCL à peine mis sur les rails et conscients du manque de compétitivité potentiel des microprocesseurs Motorola, nous avons, dès novembre 1987, amorcé la recherche d’une solution RISC. Un groupe d’étude composé de René Chevance, Angelo Ramolini et Serge Sorkine fut chargé de cette investigation.

Les solutions impliquant un accord avec un concurrent de Bull furent exclues du champ d’analyse : on souhaitait avoir une relation avec un fournisseur de technologie (microprocesseurs, compilateurs et Unix) et, éventuellement, une possibilité d’OEM afin de servir de « stop gap » entre la NCL et la future génération à base RISC. Cette précision a son importance : les solutions HP et IBM furent écartées car elles impliquaient une dépendance dans laquelle la société ne souhaitait pas se trouver. Pratiquement toutes solutions a priori ouvertes à des accords avec Bull furent analysées en détails.

Comme toujours, à l ‘émergence d’une nouvelle technologie, il y avait un florilège de solutions potentiellement disponibles, parmi lesquelles il convenait de faire le tri.

Après un inventaire du champ des possibilités (hors HPPA Precision Archirtecture de HP41 et Power d’IBM), notre premier objectif fut d’aboutir à une « short list »  à partir de laquelle on pouvait procéder au choix final. Notre groupe de travail avait élaboré une liste de critères de choix des différentes solutions et la matrice de comparaison correspondante.

Quelques commentaires sur ces différentes architectures et possibilités associées :


  • AMD. A cette époque, AMD était un leader dans le domaine des processeurs en tranches42 et un fournisseur de microprocesseurs compatibles Intel. AMD, qui désirait se diversifier, proposait une nouvelle architecture : le 29000. Le cœur de cible était le support des fonctions de type contrôleur, ce qui correspondait au marché d’AMD avec les microprocesseurs en tranches et aux talents de ses forces commerciales. Souhaitant élargir cette cible, AMD courtisait les constructeurs informatiques. Nous eûmes ainsi droit à une action intensive des forces d’avant-vente d’AMD. La difficulté était qu’AMD n’avait aucune stratégie logicielle (logiciel de base et surtout logiciel d’application) autour du 29000. Le point d’orgue de cette action fut un repas à Palo Alto au restaurant Chantilly. Avec Angelo Ramolini et Serge Sorkine nous étions en mission dans la région et nous avions déjà écarté AMD de nos investigations. AMD avait réussi à nous localiser et nous n’avions pu faire autrement que d’accepter une invitation à un dîner. Durant ce dîner, qui dû coûter une petite fortune à AMD, nous eûmes d’âpres discussions avec les représentants d’AMD au cours desquelles nous tentâmes de les convaincre de restreindre le 29000 à son cœur de cible et de poursuivre parallèlement le développement de ses microprocesseurs compatibles Intel43 ;

  • Intel 860. Le 860 avait été développé initialement par un centre de recherches Intel en Israël. La cible initiale un coprocesseur pour le calcul numérique intensif. L’engouement pour le RISC poussa Intel à transformer ce projet en processeur à part entière44. Avant qu’Intel ne se lance dans cette opération, le marketing Intel utilisait le terme YARP (Yet Another RISC Processor) pour désigner, péjorativement, les processeurs RISC. Le 860 souffrait d’un certain nombre de déficiences : plan logiciel peu développé, difficulté de prise en compte des exceptions (vidage de l’état interne du processeur sur la pile, charge au système de déterminer ce qui est arrivé !),… Le 860 n’attira pratiquement aucun constructeur : un constructeur de stations de travail et Stratus qui développa un système à continuité de service (principe de fonctionnement fondé sur le matériel avec doublement) ;

  • MIPS. Cette startup avait développé 3 générations de processeurs RISC (R1000, R2000 et R3000) sur la base de son architecture (dérivant des travaux de l’Université de Stanford). On peut considérer que les systèmes à base de R3000 étaient réellement ses premiers produits industriels. MIPS avait un plan complet tant logiciel45 que matériel autour de la nouvelle génération : le R4000. MIPS avait aussi lancé un programme (Synergy) pour constituer un catalogue d’applications. Le plan R4000 était prometteur (performance, multiprocesseur,…).

  • Motorola 88000. Ce projet avait dû naître dans un contexte particulièrement conflictuel chez Motorola46 : lors de nos visites à Austin, les équipes 680x0 et 88000 défilaient successivement dans la salle de réunion, la « pérennité de l’institution » étant assurée par les seuls représentants marketing. C’est ainsi que nous n’eûmes aucune réponse valable à notre question concernant la transition ou la co-existence entre notre gamme 680x0 et une nouvelle gamme 8800047. La situation étant tellement perceptible (à l’extérieur de la compagnie) que Motorola fusionna les deux divisions et nomma un responsable commun. La conséquence directe fut le départ de Roger Ross et de quelques hommes clés du 8800048. Le point le plus intéressant du 88000 était son bus multiprocesseur (dont la famille Power PC s’inspira). L’architecture n’avait pas un nombre de registres suffisant (flottant). L’implémentation faisait que la taille du cache associé à un processeur diminuait lorsque l’on augmentait le nombre de processeurs en configuration SMP (ce point fut corrigé par l’implémentation suivante). Là aussi, les aspects logiciel étaient peu satisfaisants. Le 88000 n’attira pas grand monde à l’exception de Data General et de Stratus49.

  • SPARC. L’introduction de SPARC par Sun fut le véritable déclencheur de la vague RISC. La première implémentation était simple, elle utilisait un Gate Array de Fujitsu ( de l’ordre de 20 000 portes si ma mémoire est bonne). Le plan était complet en particulier sur le plan logiciel (y compris les compilateurs). A cette époque, Sun était essentiellement un fournisseur de stations de travail mais avait l’ambition de devenir un fournisseur de serveurs. Ainsi, Sun nous présenta un projet de système à 64 processeurs50. Sun était très intéressé par une collaboration avec Bull. Il y avait, outre le fait d’avoir un partenaire de plus embarqué sur le navire SPARC, deux raisons majeures à cet intérêt : tirer profit de l’expérience de Bull dans les serveurs (lire mainframes) d’une part et accéder aux clients de Bull avec sa future offre de serveurs d’autre part. A mes yeux, la coopération avec Sun présentait un risque potentiel pour Bull car Bull n’était pas prêt –à cette époque- à remplacer les mainframes par des serveurs Unix. Sun étant une société sans complexes et sans états d’âme51, Bull risquait de se trouver en difficulté sur son propre marché. Notons aussi que le mythe OSF ne facilitait pas un accord avec Sun (l’ennemi juré avec son actionnaire ATT)52.


Nous passerons sous silence certaines propositions qui ne résistaient pas à un premier niveau d’analyse. Mentionnons toutefois, CCI avec son projet Regulus. C’était une nouvelle architecture destinée à remplacer le mini 6/32 que nous avions examiné lors de notre première recherche d’un partenaire Unix. CCI ne semblait pas avoir les moyens de mener ce programme à bien et les volets logiciels (applicatifs en particulier) étaient bien faibles. Bien évidemment, lors de nos meetings techniques nous avons posé la question des compilateurs optimisants53.
Les différents critères retenus par le groupe de travail étaient :


  • Partenariat stratégique

  • Disponibilité de produits

  • Système d’exploitation Unix

  • Disponibilité d’applications Unix

  • Performance

  • Acceptation par le marché

  • Scalabilité

  • Stratégie du fournisseur

  • Support d’OSF

  • Viabilité à long terme

  • Multi-source/Source majeure

  • Architecture/Technologie/adressage 64 bits


L’ordre dans lequel cette liste est présentée ne reflète pas le poids des différents critères.
La décision finale fut pour MIPS. Ce choix était conforté par le choix de l’architecture MIPS par un certain nombre de concurrents : Digital, NEC et SIEMENS notamment.

L’accord fut signé officiellement le 27 septembre 1989 par Francis Lorentz.

Afin de ne pas impacter la NCL qui n’était d’ailleurs pas encore annoncée, il fut décidé de ne pas introduire de produits à base de R3000. En revanche, pour satisfaire à des demandes (des US en particulier) de système Unix de haut de gamme (la saga du haut de gamme fait l’objet d’un prochain chapitre), on décida d’introduire un système, en OEM, à base de R6000. L’une des raisons de la demande pour un Unix haut de gamme venait du besoin de remplacer les systèmes Multics qui arrivaient largement en fin de vie et comme rien n’avait été réellement prévu pour leur succession, on rechercha à la hâte des palliatifs. Parmi les demandes du marketing US, si mon souvenir est exact, il y avait une demande pour le support d’un nombre pharamineux de terminaux asynchrones (plusieurs centaines)….

Le R6000 était une implémentation en ECL de l’architecture MIPS (version monoprocesseur). Le processeur était développé par une petite société : BIT (Bipolar Integrated Technology) et le système était développé par MIPS. Ce système a tardé à « tomber en marche »  et n’a pas rencontré de marché. Je me souviens, quelque temps après, d’avoir tenté de persuader des collègues universitaires d’acheter à prix de faveur quelques systèmes R6000 qui étaient restés en stock chez Bull. Notons qu’une version ECL d’un processeur RISC n’était pas propre à MIPS puisqu’il y avait aussi, chez BIT si ma mémoire est bonne, un projet de processeur SPARC en ECL (projet qui n’a pas abouti si je me souviens bien). Notons aussi, qu’un startup, Prisma, avait travaillé sur un projet de système haut de gamme Unix sur l’architecture SPARC (ECL ou AsGa ?), Pete Wilson connaît bien cette histoire.

L’activité autour de MIPS se concentrait donc sur le R4000, nouvelle génération en cours de développement. Le R4000 supportait le multiprocesseur et MIPS développait le M5, un système à 8 processeurs.
Les retards accumulés par MIPS dans le développement du R4000 et les désillusions en matière de performance (en contexte système), la désaffection de Digital qui avait introduit son architecture Alpha, la pauvreté du catalogue d’applications, etc. firent que cette filière technologique perdit de sa compétitivité et de son attrait.
Notons aussi que lors la recherche d’un partenaire RISC, le reciblage de la ligne DPS6000 sur l’architecture RISC avait été décidé sous l’impulsion de Ron Pampel. Il avait en effet décidé de ne plus financer le développement de matériel spécifique DPS6000 ni DPS4000.

La situation du DPS4000 était plus favorable que celle du DPS6000 : absence de développement en assembleur ou assimilé, forte isolation entre les utilisateurs/programmeurs et le système54,….

Différentes études avaient été menées pour le reciblage du DPS7000 et, dans une moindre mesure pour le DPS9000, sur l’architecture RISC. Pour le DPS7000, deux hypothèses techniques avaient fait l’objet d’investigations (à des époques différentes) : une émulation par logiciel et une technique de traduction dite « transcompilation ». En ce qui concerne la première approche, la conclusion avait été négative, la performance « native » des microprocesseurs n’étant pas suffisante (la conclusion fut positive quelques années après avec le projet Diane). Quant à la transcompilation, elle conduisait à des encombrements de code prohibitifs.

La conclusion pour le DPS8000 (émulation par logiciel), était négative. Notons que les processeurs du DPS9000 avaient une performance intrinsèque supérieure à ceux du DPS7000 et, surtout, que l’architecture 36 bits entraînait une complexité et, par voie de conséquence, un fort impact sur la performance d’un émulateur. Les possibilités offertes par les microprocesseurs avaient changé lors du projet V900055.
Rétrospectivement, nous pouvons dire que l’un de nos torts, tant pour l’épisode MIPS que pour l’épisode Power PC/IBM (voir ci-après), est de pas avoir considéré suffisamment Intel x86 et le poids de la « machine à dollars » que représentaient (et que représentent toujours) les ventes de PC. En effet, sur la base d’une architecture (ISA Instruction Set Architecture) peu propice aux hautes performances, Intel a réussi à développer des implémentations parfaitement compétitives (sauf en virgule flottante, mais ce n’est pas la tasse de thé de la clientèle de Bull). Intel présentait l’avantage de fournir des systèmes en OEM et on a pu noter, au cours du temps, une synchronisation de plus en plus fine entre : la disponibilité des microprocesseurs, les chip sets associés et les systèmes pour les OEM, rendant difficile la compétition directe avec Intel sur ces systèmes en terme de « Time to Market ». Notons, toutefois, qu’Intel, avec ses « Reference Design » interdisait à ses OEM de le concurrencer. Cela obligeait les OEM à trouver, pour leurs propres systèmes, à trouver des domaines complémentaires à ceux déjà couverts (et à devoir en trouver de nouveaux lorsque Intel décidait d’investir le domaine). Intel semblait ouvert à la coopération, il nous l’a montré au début du projet FAME (voir plus loin le paragraphe spécifique). Bien sûr, Intel ne proposait pas, en 1990, d’architecture viable 64 bits. Bien que les architectures 64 bits aient mis du temps à se matérialiser et à se répandre et qu’une architecture 64 bits n’était pas nécessaire sur le marché en 1990, il convient de noter que l’existence de plans solides dans ce domaine était un critère de choix important.
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