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Stage nouveaux programmes de 1ère (rentrée 2011) S. Maffre et S Linger La 1ère guerre mondiale : l’expérience combattante dans une guerre totale : Proposition de mise en oeuvre Réflexions avant de construire le cours : « L’expérience combattante dans une guerre totale » (1914-1945)
« L’expérience et la transcendance de la guerre et de la mort ont-elles conduit à ce que l’on pourrait appeler la domestication de la guerre moderne, à son acceptation en tant qu’élément naturel de la vie politique et sociale », ce qui a pu aboutir par la suite aux camps de la mort ? B. Thèse contestée, à nuancer: A.Prost, “Brutalisation des sociétés et brutalisation des combattants”, in Les sociétés en guerre, 1911-1946, B.Cabanes et E.Husson (coord.), Armand Colin, 2003. La guerre n’a brutalisé qu’une minorité d’hommes. S’inspirant de l’ouvrage de J.Bourke (An Intimate history of killing. Face to face Killing in twentieth Century Warfare, London Granta, 1999) ou encore du Colonel Marshall, Men against fire. The problem of Battle command in Future War, Gloucester, Peter Smith, 1978 (1ère édition, 1947), on en arrive à l’hypothèse que 10% (seulement) des soldats en 1940 ont voulu tuer. D’après T. Ashworth, le « vivre ou laisser vivre » l’a emporté sur le « Tuer ou être tué ». De même, la mort de masse est le fruit de l’artillerie et des progrès d l’armement. La mort devient « invisible » : on ne sait pas si on a tué… Question essentielle dans cette séquence du programme : «Qui a tué ? ». Ici, davantage de témoignages sur la mort subie que la mort donnée. Pour A.Prost, la brutalisation concerne les sociétés, la violence plutôt l’individu, donc, la question essentielle ici est celle de la transgression de l’interdit du meurtre. Ne pas oublier que le pacifisme a été très important en France et au Royaume-Uni, et non en Allemagne dont Mosse s’inspire largement. Cela renvoie au concept d’histoire comparée. II.Définitions A. Thèse de S.Audouin-Rouzeau sur l’expérience combattante : « La guerre au XXe siècle, L’expérience combattante », Documentation photographique n°8041, La documentation française, 2004. Important d’utiliser le pluriel ici : des expériences combattantes (guerre des tranchées, de position, de mouvement, la Blietzkrieg, le débarquement de 1944…, La situation en Europe, dans le Pacifique…) Pour S.Audouin-Rouzeau, l’expérience combattante est entendue ici par « soldats qui ont traversé une expérience de guerre et qui y ont survécu». Toute expérience combattante est d’abord expérience corporelle (corps redressés, couchés, niés, impuissants, la blessure, la mort) et entraîne avec elle l’expérience de la solitude, de la durée. Il prend également en compte la psychée : en 1914-1918, les pertes psychiques représentent 14% des indisponibilités. Nuance : on ne combat pas que sous l’uniforme, qu’avec des armes, que si on est un homme…
La guerre censurée, Point histoire, n°330, 2003. Du même : F.Rousseau et R.Cazals, 1914-1918, le cri d’une génération. Les soldats sont des victimes, soumises aux volontés d’élites militaires et politiques qui les utilisent. Leur parole n’est pas assez prise en compte dans l’écriture de l’histoire de la 1ère guerre mondiale. Opposition à « la doxa » de « l’école de Péronne » (S. Audouin-Rouzeau, A. Becker…) Ils renvoient aux concepts de micro-histoire, de l’histoire des anonymes, de l’histoire sociale… Exemple : Les carnets de guerre de Louis Barthas, III) Ecueils à éviter A. Les anachronismes : « Le temps court des années de guerre n’est pas celui de l’horloge », (P.Laborie, Le chagrin et le venin, Fayard, 2011). 1914 n’est pas 1918, tout comme 1940 n’est pas 1944… Le temps de l’individu est différent de celui des groupes et de celui des Etats, tout comme les échelles des lieux de vie et les diversités de situations. D’où l’importance de la contextualisation face à tout travail de réflexion sur document.
Il reprend l’exemple de M. Genevoix répondant à A.Prost au sujet de deux Allemands qu’il aurait tués en 1914. Selon les périodes de sa vie il ne raconte pas la même version des faits ; ou encore l’exemple d’Elie Wiesel qui « bâtit plusieurs versions de son témoignage sur la Shoah ».
Attentions aux pièges du mémoriel et des simplifications abusives : « On montre aux gens, non pas ce qu’ils ont été, mais ce qu’il faut qu’ils se souviennent qu’ils ont été », M.Foucault, Dits et écrits, 1954-1988. Attention aux IO, aux manuels etc. « Il en est des sociétés comme des individus : la guerre les a moins transformés qu’elle ne les a révélés à eux-même », A.Prost. Mise en œuvre pour la classe Les notions clés Le concept de « guerre totale » est utilisé pour la 1ère fois à l’issue de la 1ère GM (montrant la perception que les contemporains ont eu du conflit). Il est défini par JB Duroselle avec 3 critères essentiels:
Le concept de « guerre de masse » utilisé pour la 1ère guerre mondiale, compte-tenu de la masse des gens engagés, au combat ou à l’arrière, de la mobilisation générale. La place de l’étude de la 1ère guerre mondiale Dans cette perspective, on étudie « l’expérience combattante dans une guerre totale » pour la 1ère guerre mondiale (en 3 heures maximum), on doit donc se centrer sur la notion de « combattant » pour établir une partie du concept de « guerre totale » et montrer le degré et l’intensité de la violence. Le programme en parlant « d’expérience » insiste sur l’impact de la guerre sur ceux qui l’ont faite (notion de violence de guerre). Il place les soldats au centre de l’étude, leur vécu et permet donc de travailler sur des témoignages, même si les « combattants » sont une acception plus large que celle de « soldat » car c’est à travers ces combattants que toute la société est touchée (par le deuil bien sûr mais aussi l’angoisse, la solidarité…). Le rôle de l’enseignant consiste donc à mettre ces « expériences » en perspective en montrant la diversité et en confrontant avec l’analyse des historiens Comment s’y prendre en classe ? Les documents à privilégier sont
Accroche : deux propositions :
Proposition de démarche : Il s’agit de travailler autour du thème suivant : « la violence au cœur de l’expérience combattante de la 1ère guerre mondiale » pour construire avec les élèves la notion de « guerre totale » et travailler sur « la violence et les combattants » et réfléchir à la « brutalisation » des sociétés par cette guerre et son impact jusqu’en 1945. Les éléments à aborder sont :
On pourrait envisager de construire cette notion et d’en voir les effets à partir de la confrontation de sources et de document créés par des historiens (ou des analyses) au travers de 5 axes. On travaille d’abord avec les élèves sur le document-source en l’interrogeant pour l’analyser puis on le confronte avec le document d’historien pour le mettre en perspective. Cela laisse une grande liberté dans le choix des documents mais pour être un peu plus concret, on peut envisager par exemple : La première guerre mondiale : la violence au cœur de l’expérience combattante
![]() GUERRE TOTALE, violence généralisée ![]() ![]() ![]() Sur les Anciens combattants Sur la société ![]() ![]() Traumatisme Refus Fascination ![]() Organisation du souvenir, héroïsation des combattants, deuil national Pacifisme ![]() Bellicisme ![]() ![]() DOCUMENTS UTILISES Extrait de « 14-18 : le cri d’une génération », R CAZALS et F ROUSSEAU (p. 40-41) Le poilu pouvait-il tout écrire sur son carnet ? Il était évidemment obligé de réduire le vécu d’une journée à quelques lignes, donc de résumer et de sélectionner. (…) La peur est toutefois bien présente et beaucoup savent évoquer, à côté des souffrances physiques, l’angoisse, la détresse morale qui leur fait parfois souhaiter la mort et songer au suicide. D’un autre côté, certains ont su noter la grande importance des petites joies du poilu. (…) Et les sentiments de révolte ? Capacités d’adaptation et culture profonde de l’obéissance en ont limité les manifestations extérieures et peut-être même les mentions sur les carnets. L’historien américain Léonard V Smith a cependant montré comme un « discours caché » de contestation arrivé au grand jour avec les mutineries de 1917, existait bien avant parmi les soldats. On en trouvera l’expression plus dans les carnets que dans les correspondances –qui pouvaient être contrôlées- ou dans les journaux de tranchées. Affiche de propagande anti-allemande de Louis Raemaeker ![]() Extrait de « 14-18, Retrouver la guerre » S Audouin-Rouzeau et A Becker, Dès les premiers jours de la guerre, sur tous les fronts, des violences particulièrement atroces ont été commises contre le civil qui se trouvaient sur les voies d’invasion, en particulier les femmes, dont les très nombreux viols ont été attestés par des témoignages. Toute entrée en guerre est marquée du même phénomène, toute troupe se trouvant en territoire ennemi s’est comportée de façon semblable : les Russes en Prusse orientale et en Galicie, les Allemands en Belgique et dans le nord de la France, les Austro-Hongrois en Serbie (…) Le Docteur Reiss, professeur de criminologie à l’Université de Lausanne donne une idée des atrocités commises (…)On peut remarquer que les mutilations du visage, en particulier celles des yeux sont les plus fréquentes contre les hommes et contre les femmes qui sont, elles, atteintes d’exactions liées au viol et à l’atteinte aux organes génitaux. Ces atteintes visent le plus humain dans l’homme, le visage et les moyens de la filiation (…) Il y a toutefois aussi des légendes nées autour des atrocités commises (.. ;) français et Belges par exemple se persuadent aisément que les Allemands sont dépourvus de toute conscience morale. (…) . Discours de M Brana, directeur d’école à Bayonne, prononcé le 15 aout 1936 à l’occasion de la remise de la légion d’honneur qui lui est faite. La guerre a fait de nous, non seulement des cadavres, des impotents, des aveugles. Elle a aussi, au milieu de belles actions de sacrifices et d’abnégations, réveillés en nous d’antiques instincts de cruauté et de barbarie. Il m’est arrivé, à moi qui n’ai jamais appliqué un coup de poing à quiconque, à moi qui ai horreur du désordre et de la brutalité, de prendre plaisir à tuer. Lorsque nous rampions vers l’ennemi, la grenade au poing, le couteau entre les dents, la peur nous tenait aux entrailles et cependant, une force inéluctable nous poussait en avant. Surprendre l’ennemi dans sa tranchée, sauter sur lui, jouir de l’effarement d’un homme qui ne croit pas au diable et qui pourtant le voit tout à coup tomber sur ses épaules ! Cette minute barbare, cette minute atroce avait pour nous une saveur unique, un attrait morbide. Un extrait de « retrouver la guerre » de S Audouin-Rouzeau (p. 64-65) La violence interpersonnelle, en revanche, de nature à entretenir une culpabilité, demeure une donnée très peu présente, sinon absente du témoignage. Comme l’ont remarqué certains anthropologues, « on est tué » à la guerre, on ne tue pas (…) très peu de combattant ont fait état des violences qu’ils ont exercées (…) Dans les moments de violence directe, rapprochée et personnelle, un interdit fondamental était transgressé, celui de ne pas tuer. Quant à la transe spécifique qui semble pouvoir s’attacher à la mort donnée de près, que l’on découvre parfois chez les individus les plus hostiles à toute idée de violence physique en temps ordinaire, seule une minorité infime a osé faire part de la forme de plaisir qu’elle pouvait occasionner. Canons en actions, Gino Severini (1915) ![]() Un extrait de « retrouver la guerre » de S Audouin-Rouzeau (p. 48-49) Nous manquons de vocabulaire pour dire la mutation qui s’est produite. Hindenburg et Ludendorff, stupéfaits de leur visite sur la Somme en septembre 1915 ont alors forgé l’expression « bataille de matériel » pour tenter de nommer cette grande rupture : le terme suffit-il à résumer ce qui s’est réellement produit à partir de l’année 1916 ? Leurs soldats, eux, parlaient de « Verwüstungschlacht » mot difficilement traduisible qui associe l’idée de ravage, dévastation à celle d’abattage, mettant ainsi en relief le massacre des hommes. On pourrait aussi proposer le terme de « bataille totale ». (…) Toute la relation à la guerre du monde occidental s’est trouvée durablement bouleversée par la nouvelle manière de combattre née entre 1914 et 1918 (…) C’est cette tradition d’auto-contention de la violence de guerre qui s’effondre d’un coup et définitivement. Là où le siège des villes répondait à un cérémonial précis jusque dans les modalités de leur reddition, on bombarde désormais les cités jusqu’à leur destruction complète. Là où les officiers prisonniers étaint traités avec de réels égards, ils subissent désormais le lot des camps d’internement, la trêve des brancardiers et le ramassage des survivants, traditionnels à l’issue des affrontements, disparaissent. |
![]() | ![]() | «avec projection», de cette thèse aux membres du Conseil scientifique et à leurs expliquer pourquoi cette thèse ne devait pas être... | |
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![]() | ![]() | «Que dit l’auteur à propos de ce thème ?» est la question que l’on pourrait se poser pour repérer la thèse | |
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