Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées








télécharger 259.07 Kb.
titreLes entreprises américaines se sont fortement internationalisées
page6/9
date de publication01.04.2018
taille259.07 Kb.
typeDocumentos
p.21-bal.com > économie > Documentos
1   2   3   4   5   6   7   8   9
école "fonctionnaliste", déjà évoqués dans la sous-partie précédente, imposèrent l'idéal d'une architecture rationnelle, radicalement épurée, débarrassée de toute ornementation gratuite, dont l'extérieur reflèterait la fonction et rien d'autre. Ce style culmina avec le Seagram Building de Mies van der Rohe, à New York, achevé en 1958: une peau de verre sur un squelette d'acier. À partir des années 1960, cet ensemble de procédés formels se systématisa et se banalisa quelque peu; comme il gagna le monde entier, on parle tout simplement de "style international". Les firmes multinationales furent de grands clients de cette architecture, s'attachant une image de fonctionnalisme (rationalité et austérité, dans la lignée de l'éthique protestante), mais aussi de puissance, de verticalité (force et efficacité, les valeurs d'une nation désormais impériale). L'écrasante présence de ces puissances capitalistiques, telle qu'elle s'exprime dans la Sears Tower de Chicago (construite en 1973 par la firme Skidmore, Owings & Merrill), ou dans les tours jumelles du World Trade Center à New York, construites par Minoru Yamasaki (un Nisei né à Seattle, 1912-1986) entre 1970 et 1977 et détruites en septembre 2001, est un élément essentiel de la poétique de la ville américaine. Ces bâtiments sont les cathédrales des entreprises américaines, et la clef pour comprendre qu’elles ne sont pas seulement des puissances économiques, que l'identité économique et l'identité culturelle des États-Unis ne font qu'une.

Il subsistait cependant une autre architecture, plus soucieuse d'expressivité: elle est illustrée notamment par certaines œuvres du Finnois Eero Saarinen (1910-1961), même si ses œuvres les plus connues (comme le CBS Building à New York, qui date de 1955) sont plutôt fonctionnalistes; par celles de Louis I. Kahn (né en Estonie, 1901-1974), et surtout par les derniers travaux de Frances Lloyd Wright (1867-1959) qui avait dessiné en 1943 la célèbre spirale du musée Guggenheim à New York, construite entre 1957 et 1959. La luxuriance de la Price Company Tower de Bartlesville, Oklahoma, qui mêle béton armé, cuivre et verre doré (elle date de1952 ), ou la structure circulaire du théâtre qu'il construisit à Dallas en 1955, ou encore l’auditorium couleur rose désert de Tempe, Arizona, font de l’architecture de Wright l'un des premiers manifestes du style figuratif qui, en réponse aux cubes à perte de vue des suburbs, voulut diversifier la physionomie des habitats. Il ouvrait la voie, à la génération suivante, à la critique des dogmes modernistes, incarnée notamment par Robert Venturi (né en 1925):Venturi considère Las Vegas comme un exemple et ne recule ni devant les arcs et les bandeaux, ni devant les enseignes lumineuses; c'est ce que l'on appelle le style "éclectique". On parle aussi de postmodernisme à propos dees architectes qui, surtout depuis les années 1960, mélangent allègrement références modernistes et citations plus ou moins intégrées des styles architecturaux clasiques ou exotiques: ainsi Philip Johnson (né en 1906) qui, dans la maison de Sert à Cambridge (1958), allia aux formes épurés et transparentes du rationalisme le patio de la vieille architecture méditerranéenne, ou fit poser des mansardes "à la française" sur le toit du 1001, Cinquième Avenue, en 1978.

Bref, c'est dans la période 1945-1980 que les centre-villes américains ont pris le visage que nous leur connaissons — les évolutions aujourd'hui se sont faites moins spectaculaires, ne serait-ce que parce qu'il n'y a plus guère d'espace libre pour construire du neuf et que, les hauteurs des immeubles ayant atteint des limites (psychologiques entre autres: les attentats de septembre 2001 ont montré le danger de construire de véritables villes en hauteur); d'autre part, les constructions étant bien plus solides (et coûteuses) qu'au début du siècle, on détruit moins allègrement. Peut-être les villes américains ont-elles entamé, vers 1980, l'évolution qui en fera un jour elles aussi des villes-musées, témoin d'un temps et patrimoine d'une nation.
Au niveau des médias, la grande affaire de l'après-guerre fut l'expansion rapide de la télévision, qui se généralisa avec une vingtaine d'années d'avance sur la France. En 1951, les trois cinquièmes de la population étaient à portée d’un émetteur. De 1949 à 1951, les récepteurs passèrent de un à dix millions, en 1953 on en comptait cinquante-trois millions. De même que celle la radio, l’Histoire de la télévision aux États-Unis fut influencée par des facteurs d’ordre technique et politique: la Federal Communications Commission imposa le choix technique de la transmission par ondes V.H.F., qui avantageait les networks1, ce qui eut pour conséquence de répartir chaque marché local entre quatre ou cinq chaînes locales et des réseaux affidés aux grandes firmes et diffusant leurs programmes, la Commission attribuant et retirant les licences. C'est donc au début des années 1950 que la télévision entra de plain-pied dans la vie des ménages américains, succédant à la radio et en reprenant la plupart des formules. Ainsi la série Amos’n Andy, grand succès radiophonique des années 1930 (elle relatait les déboires de deux jeunes Noirs plutôt caricaturaux), continua d’avoir du succès à la télévision dans les années 1950, de même les shows sponsorisés par diverses marques et la technique du soap opera, sans oublier les concerts et les dramatiques. La télévision n'a inventé aucune nouvelle formule, elle s'est contentée de mettre les anciennes en image. De même, jusqu'à l'émergence des chaînes thématiques à la fin des années 1980 elle réservait aussi peu de place à l’information que la radio: quinze minutes tours les soirs et tous les matins pour les grands réseaux fédéraux.

La radio, menacée, survécut largement grâce aux autoradios, et aux nouvelles musiques. En effet, parallèlement à l’instauration de culture télévisuelle, s'installa définitivement un mode inédit de consommation musicale. La retransmission systématique des grands concerts à la télévision et la multiplication des émissions de présentation des nouveautés discographiques fit de la musique un élément essentiel du mode de vie américain — se souvient-on encore qu'il y eut une époque où les supermarchés, les ascenseurs, les chambres d'étudiants étaient silencieux? Les quatre grandes firmes qui se partageaient le marché du disque, à savoir R.C.A.-Victor, Columbia, Mercury et Capitol, vendirent en 1953 deux cent quinze millions de disques de plus qu'en 1952. À la fin des années 1940, le microsillon remplaça les 78-tours: il permettait un bien meilleur confort d'écoute, notamment parce que désormais il tenait jusqu'à trente minutes de musique sur chaque face de disque, dix fois plus qu'avant. Cependant, au milieu des années 1950 apparut le 45-tours, dont la durée (quatre à cinq minutes au maximum) est sensiblement le même que celui des pauses musicales à la radio. Les musiques devinrent de plus en plus formatées; mais cela n'empêcha pas l'apparition de nouveaux genres, d'abord évidemment le rock’n’roll, déclinaison blanche, "jeuniste" et dès le début passablement commerciale de certains styles de jazz entrés dans la patrimoine commun de l'Amérique depuis une génération: le premier succès rock'n'roll fut Rocket 88 de Bill Haley, sorti en 1951 et qui se vendit à vingt-deux millions d’exemplaires.

Parmi les pratiques culturelles "industrielles" les plus typiques, qu'on permette à un amateur impénitent de s'arrêter sur les bandes dessinées, les comics. Ils existaient depuis la fin du XIXe siècle (1896 est la date habituellement retenue) et avaient connu un âge d'or dans les années 19301, avec notamment Terry et les Pirates de Milton Caniff (1907-1988)2, Popeye d'Elsie C. Segar (1894-1938)3, Krazy Kat de Fred Harriman (1880-1944)4, les premiers super-héros à la fin de la décennie — Superman est apparu en 1938. Contrairement aux bandes dessinées franco-belges, cantonnées au ghetto de la presse pour enfants catholique ou communiste, ils étaient destinés aux adultes et parraissaient dans les journaux d’information, quotidiennement (une bande — comic strip — par jour ouvrable, une planche complète en couleurs dans les suppléments dominicaux, l'un et l'autre se suivant ou non selon les cas). Or deux mille deux cent quotidiens paraissaient aux États-Unis en 1950 (le premier en tirage était le New York Times, qui tirait à un million d’exemplaires); on estime que 60% de leurs lecteurs lisaient en premier les bandes dessinées. S'y ajoutaient de plus en plus de petits fascicules bon marché contenant en général une seule histoire, les comic books: depuis les années 1930, le secteur était dominé par la firme Marvel (et par Disney sur un autre créneau). Il s'en vendit sept cent vingt millions d'exemplaires en 1948: l'ensemble n'était pas d'une qualité ébouriffante, mais marqua une génération au moins autant que les immortelles mélodies des rockers. Enfin, les années 1950 virent l'apparition de revues spécialisées dans une bande dessinée plus "adulte" et contestataire: Mad, lancée en 1952 par Harvey Kurtzman (né en 1924), annonçait le Pilote français des années 1960 et influença décisivement René Goscinny, le futur créateur d'Astérix.
En 1945, l'Amérique avait déjà inventé un certain nombre de formes littéraires et cinématographiques codifiées. Ainsi la mythologie de la Frontière, structurée dès 1893 par Frederick J. Turner dans The Significance of the Frontier in American History, possédait sa mythologie avec le western qui s'était popularisé, avant même Hollywood, via des revues spécialisées comme le Saturday Evening Post ou à travers les pulp books, livres de poche à bon marché sur papier bon marché aux scénarios bon marché dont les premiers datent des années 1910. L'essor du western avait contribé à la structuration de l’espace américain en au moins quatre unités antagonistes, Nord et Sud, Est et Ouest, au même titre que les romans "sudistes" de Faulkner et le succès planétaire de Autant en emporte le vent1, autre épopée sudiste; ou encore les représentations du Yankee qui s’étalaient dans la presse du Nord. Les États-Unis, en 1945, étaient déjà un pays chargé de représentations et de pratiques culturelles fixées. Les années 1950 ont sacré ces représentations en leur donnant leur forme moderne, à travers la coexistence entre la segmentation du marché en cibles et la diversité des formes et mythologies à représenter. Parmi les autres formules américaines, citons le film historique, les comédies de mœurs,, la comédie musicale de type Broadway, comme le grand Ziegfeld de Robert Z. Leonard (1936), la comédie sophistiquée, à la fois véhicule et satire du rêve américain (par exemple Ange d’Ernst Lubitsch avec Marlène Dietrich, sorti en 1937), ou encore le film noir (Le faucon maltais de John Huston, 1906-1987, est sorti en 1941). L'ensemble constitue une production culutrelle d’un extrême richesse quand on veut bien songer à son extrême jeunesse; elle doit sans doute à son dynamisme mercantile d’être devenu le premier vecteur de sens de la civilisation occidentale du XXe siècle.

Il faut toutefois distinguer deux types de formules. L’une a pour but avoué de distraire et de profiter de l’engouement du public pour certains sujets, avec force effets spectaculaires et force anachronismes: adaptations de best-sellers comme Ben Hur de Cecil B. de Mille (1959); backstage musicals, c'est-à-dire films profitant de la popularité de stars pour attirer le public en lui donnant l’impression de participer à leur intimité. Le phénomène commença avec ce chef-d’œuvre de légèreté et d’humour qu'est Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly (1912-1996), sorti en 1952, et mit quarante ans à se rapprocher des véritables centres d’intérêt des spectateurs avec In bed with Madonna (1990). Citons encore Jailhouse Rock de Richard Thorpe (1896-1991), sorti en 1957, avec Elvis Presley (1935-1977), et surtout Blackboard Jungle (1955) de Richard Brooks (1912-1992), où le gros Bill Haley (1925-1981), chantant Rock around the Clock, donna une impulsion décisive à la massification du rock’n’roll.

On peut rapprocher ce type de formules des séries télévisées et des soap operas, qui représentent exactement le même type de divertissement; mais aussi d'un autre type de "formule" fondamentale dans la structuration de l’imaginaire sémiotique américain: la publicité. Cette proximité eut des conséquences diverses, de l’extrême dégradation de la qualité des programmes télévisés à la technique des logos et mascottes, fort utile, dans une société d’images, pour imprimer dans l’imaginaire l'image d’une marque, comme le fameux Tony the Tiger des corn-flakes Kellog’s, Ronald McDonald et le cow-boy de Marlboro.

Mais il arrive aussi que des génies de la trempe de John Ford (1894-1973) ou d’Alfred Hitchcock (1899-1980) s'emparent de ces "formules" et en fassent des "genres" artistiques, selon un processus que l'Europe a connu à l'époque classique avec le roman, destiné tout d’abord à fixer par écrit les récits populaires avant de supplanter, par sa puissance et sa qualité, le genre "élevé" qui l'avait précédé, l’épopée. Ainsi le western, parti d’une figuration assez rudimentaire des mythologies de la liberté et de l'individualisme, a fini par donner un véritable équivalent des Perses d’Eschyle avec Les Cheyennes de John Ford (1964); dans Rio Grande du même John Ford (1950), on assiste à l’hypostase de la Frontière des États-Unis en frontière de la Civilisation, telles les bornes d’Hermès aux confins de la cité chez les tragiques grecs. Les grands westerns traitent tous les dilemmes américains, le sacrifice à la nation, le rapport au Sud, la construction d’un civisme par l’héroïsme, l’interrogation sur les fondements du pouvoir — ainsi dans L’homme qui tua Liberty Valence de John Ford encore (1952); sans oublier la puissance des étendues désertiques reflétant une nudité intérieure dans Rio Bravo d’Howard Hawks (1959), ou l’extraordinaire Vallée de la peur de Raoul Walsh (1887-1980) où l’espace devient plus qu'un décor, un personnage obsédant, ou encore l'extraordinaire et crypté Rivière sans retour d’Otto Preminger (1954) où tous les symboles du protestantisme s'empilent pour faire, de l'odyssée sur un radeau d’un couple de rencontre fuyant l'Indien, l'allégorie de la traversée chrétienne du monde.

Bien sûr le western a pu se cantonner à des formules simples et peu excitantes, avec des films comme Rawhide (1951) de Hathaway, père de la série télévisée du même nom et de son hit country,. Néanmoins, la transfiguration du western est l’indice d’un changement d'attitude des États-Unis à l’égard de leur propre culture. Celle-ci, dans son identité, sa popularité et son prestige croissants, est devenue peu à peu un véritable reflet d’une civilisation. De même qu'au XVIIe siècle la tragédie est devenue le point de mire de la grandeur culturelle de la France, le western et la mythologie de l’Ouest ont acquis peu à peu un rôle de vecteurs de la dignité culturelle de l’Amérique aux yeux des Américains eux-mêmes, tout en attirant des créateurs capables d’en transcender les formes et formules jusqu’à atteindre une expressivité universelle1.

On pourrait multiplier les exemples cinématographiques de "formules" accédant au statut de "genres" grâce à de grands créateurs: la comédie sophistiquée grâce à Lubitsch, le film noir grâce à Fritz Lang, Hitchcock ou Orson Welles (La dame de Shanghaï date de 1948), la comédie sociale grâce à Frank Capra ou le film historique, grâce à Lang encore, avec l’extraordinaire Moonfleet (1955). Deux faces d'une culture se dessinent entre "formule" et "genre": l'efficacité sociale, la force des œuvres. Ce phénomène ne s'est pas limité au cinéma. Du reste,
1   2   3   4   5   6   7   8   9

similaire:

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconProgramme de lettres : Les éditions indiquées sont impératives. La...

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconLe rapport Laurent Grandguillaume sur l’entreprise individuelle (dont l’auto-entrepreneuriat)
«dangereuse»; les enseignant travaillant en lien avec les entreprises ont une représentation bien plus positive. Réseau National...

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconL’Indien dans les sociétés hispano-américaines coloniales
«indien» solidaire face aux agressions est par définition plus récente — en réalité, elle date essentiellement des indigénismes du...

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconPourquoi les etablissements de credit et les entreprises d’investissement...

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconLes investissements réalisés par les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconLes rites de passage sont des rituels qui marquent le passage d'une...
Postliminaire '. La phase liminal est quand les choses ne sont pas comme ils sont dans le monde ordinaire: les rôles peuvent être...

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconCompétences disciplinaires en science et technologie
«Les constellations sont formées d’étoiles qui sont réellement à proximité les unes des autres.»

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconLe marché financier régional de l'uemoa et les entreprises Burkinabe:...

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconNous nous éveillons, dites-vous, à «une nouvelle réalité – celle...
«une nouvelle réalité – celle des communaux collaboratifs». Ce réveil ne risque-t-il pas d'être difficile pour les entreprises ?

Les entreprises américaines se sont fortement internationalisées iconConsidèrent comme moins sérieuse et moins dommageable envers les...
«emotional abuse» sont très mal connues du grand public, surtout si elles ne sont pas associées à d’autres types de maltraitances,...








Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
p.21-bal.com