Colloque Régulation 2015. Atelier : at19 L’autonomie du politique à l’épreuve de l’analyse des capitalismes








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Colloque Régulation 2015. Atelier : AT19 - L’autonomie du politique à l’épreuve de l’analyse des capitalismes -

Rachid Mira, doctorant Université Paris 13, Cepn. Email : rachidmira@hotmail.fr

Titre : Institutions et ordre politique dans le modèle algérien

Abstract :

Notre étude sur longue période de l’économie politique algérienne, prend appui sur l’approche régulationniste inspirée du cadre d’analyse néoréaliste de Bruno Amable et Stefano Palombarini (2009) et des concepts néo institutionnalistes de Mushtaq Khan (2000, 2009) : elle considère que le développement économique de l’Algérie s’opère dans un contexte donné de distribution du pouvoir et d’institutions variées formelles et informelles, qui structurent des accords ou équilibres politiques sur la base de groupes sociaux soutenant la coalition au pouvoir et captant en retour des rentes distribuées. La confluence ou divergence d’intérêts politiques et économiques conditionne la réussite ou l’échec de politiques économiques et industrielles favorables à la croissance et au développement. Les institutions joueraient dans le processus de développement un rôle fondamental.

Our case study concerns Algerian political economy over long period and takes support on the Regulation approach inspired by Bruno Amable and Stefano Palombarini’s neorealist analysis and Mushtaq Khan’s theory: We consider that the economic development of Algeria takes place in a given distribution of political power and a variety of formal and informal institutions, which structure political agreements or equilibrium based on social groups supporting the coalition of power and getting in return rents. The confluence or variation of political and economic interests determines success or failure of economic and industrial policies that enhance growth and development.

Introduction générale :

La littérature économique a depuis une vingtaine d’années remis les institutions au cœur de l’analyse économique et des facteurs influençant la croissance et le développement. La nouvelle économie institutionnelle s’est développée à partir du travail pionnier de D. North (1981, 1990) en mettant en avant le rôle fondamental des institutions comme ensemble de règles agissant dans le déroulement de l’activité économique : dans le cadre de la coordination de décisions individuelles, de l’allocation des ressources, de la production et des échanges marchands, l’absence ou l’existence d’institutions spécifiques, formelles et informelles, peuvent avoir une incidence sur la croissance et le développement. Les institutions définies comme ensemble de règles définissant le cadre des incitations et des décisions économiques en matière de production et d’échange. Ces règles du jeu permettent d’inciter les individus à interagir et à passer des contrats. Le rôle des institutions, de par son rôle protecteur des droits de propriété, est donc fondamental pour le fonctionnement du marché et la performance économique en matière de croissance et de développement. La théorie de la Régulation (Boyer.1986, 1995), cadre de notre analyse, conduit à s’interroger sur la dynamique d’un système économique, donc sur les transformations structurelles et institutionnelles qui le façonnent ou le déforment jusqu’à la rupture qui exprime l’état de crise. L’étude des rapports sociaux doit ainsi être centrée sur les modalités de la reproduction de ces rapports sociaux et institutions hiérarchisés, constitutifs du système, mais dont la conflictualité met constamment en péril la stabilité de sa reproduction. Ces formes institutionnelles sont: d’abord, l’Etat, instance de souveraineté qui assure la pérennité des rapports sociaux, ensuite, la contrainte monétaire, le rapport salarial, les formes de la concurrence et les modalités d’insertion dans le régime international. L ’Etat constitue une totalisation d’un ensemble de « compromis institutionnalisés », selon l’expression de Ch.André et R.Delorme (1983). « Ces compromis, une fois noués, créent des règles et des régularités dans l’évolution des dépenses publiques, selon de quasi-automatismes qui, (...) sont radicalement distincts de la logique de l’échange marchand » (Boyer, 1986). La forme Etat interagit avec les autres formes institutionnelles qu’elle contribue à faire émerger et qui en retour peuvent influencer le mode de gestion des finances publiques. Dans le mode de production capitaliste, la forme Etat s’appuie sur d’autres formes structurelles, comme la forme monnaie qui assure dans le rapport marchand la reconnaissance ou validation sociale, par l’échange de travaux privés.

Notre étude prend appui l’approche régulationniste inspirée du cadre d’analyse néoréaliste de Bruno Amable et Stefano Palombarini (2009) critique de l’approche de la variété de capitalisme et des concepts néo institutionnalistes de Mushtaq Khan (2000, 2009) qui considèrent que le développement économique s’opère pour un pays dans un contexte donné de distribution du pouvoir et d’institutions variées formelles et informelles, qui structurent des accords ou ordres politiques sur la base de groupes sociaux soutenant la coalition au pouvoir et bénéficiant en retour de rentes distribuées par le pouvoir dans le cadre de réseaux patron-clients. La confluence ou divergence d’intérêts politiques et économiques conditionne la réussite ou l’échec de politiques économiques favorables à la croissance et au développement. Les institutions joueraient dans le processus de développement un rôle fondamental en combinant un ensemble d’institutions formelles et informelles variées dont la mise en œuvre effective est fonction de leur convergence avec les intérêts de la coalition politique et de la forme qu’y prend la distribution du pouvoir. Selon la période et le pays considéré, les mêmes institutions peuvent produire des effets différents sur la croissance et le développement, suivant qu’ils portent ou non les intérêts de la coalition politique et stabilisent ou non la distribution du pouvoir. Dans l’approche néoréaliste, la recherche d’une définition plus claire des institutions formelles et informelles et du changement institutionnel, ainsi que des interactions entre les dynamiques politiques, sociales et économiques, notamment le rôle du pouvoir politique en interaction avec le soutien de groupes sociaux dans la construction de politiques économiques, sont des approches qui inspirent notre analyse. L’approche néoréaliste considère l’approche de la firme par les théories de variétés du capitalisme comme insuffisante et propose de la repenser en prenant en compte la fonction politique dans la régulation des conflits sociaux et dans la construction d’un équilibre politique par la satisfaction de la demande des groupes sociaux dominants. Nous formulons l’hypothèse qu’en Algérie la difficulté de mener à terme des réformes économiques propices à la croissance et au développement comme celles menées durant la fin des années 1980 et le début des années 1990, résulterait de l’absence de convergence entre le changement de distribution de bénéfices, dû à l’émergence d’un nouveau socle institutionnel et les intérêts économiques de la coalition au pouvoir. La problématique consiste à identifier par période la distribution des bénéfices économiques et les intérêts du pouvoir politique sous l’angle d’une analyse de la recherche et captation de rentes économiques issues des ressources en hydrocarbures, ceci en soutien à un ordre politique fondé sur un accord de distribution du pouvoir. Une politique économique cherchant par exemple à développer le secteur industriel s’appuie sur un ensemble d’institutions qui en favorise le développement (allocation ciblée des ressources, incitations à l’investissement, politique fiscale et de crédit favorable, développement de l’entreprenariat) que dans la mesure où il y a convergence avec les intérêts économiques de la coalition au pouvoir à une période donnée. Nous étudierons, à travers l’établissement d’une périodisation politique et économique, la nature et l’orientation des politiques industrielles en Algérie avec l’identification des rentes qui en stimulent ou non la mise en œuvre. L’étude des recherches et captation de rentes servira à identifier par période des accords ou équilibres politiques et en établir une typologie. La question de la rente pétrolière comme source de l’échec des politiques de développement en Algérie a été insuffisamment traitée par les auteurs régulationnistes (Talha, 1999) qui ont conceptualisé la notion de régime d’accumulation basée sur la rente pétrolière sans théoriser la distribution et captation de rentes et la contrepartie en termes d’évolution des institutions comme le rôle de l’Etat et du politique dans la mise en place d’un développement économique transformant les structures sociales et favorisant la croissance.
1 La période 1962-1988 Construction d’un régime d’accumulation monopoliste rentier basé sur les ressources en hydrocarbures
La problématique à rappeler ici est celle de la compréhension des politiques industrielles menées en Algérie, leurs dysfonctionnements et les moyens institutionnels, économiques et financiers mis en œuvre pour réformer le secteur industriel. L’étude économique tentera ensuite de restituer ces politiques industrielles dans le cadre de l’ordre politique au sens de Khan (2009) dans lequel elles prennent place.

Quelle ambition économique et politique a-t-on eu dans la mise en œuvre des politiques industrielles élaborées depuis 1962 à 1988 ?

Quel intérêt y-a-t-il à privilégier le développement du secteur public par rapport au secteur privé ? Le secteur privé a t’il fait l’objet d’une politique de développement industriel sur la période ?

Quelles sont les types de rentes mises en œuvre pour favoriser le développement industriel sur la période ? A quelles bloc social dominant (BSD) au sens de Bruno Amable et Stefano Palombarini (2012), Ces rentes ont-elles bénéficié et convergent-t-elles avec les objectifs de développement indépendant poursuivi par les régimes et coalitions politiques aux affaires sur la période ? Quelles formes prennent sur la période ?sont-elles des rentes de monopole, de transfert ou de technologie et d’innovations ? Permettent-elles de faire émerger une classe d’entrepreneurs ou bien le seul opérateur économique du développement est-il l’Etat ?

L’analyse portera à la fois sur la cohérence des politiques industrielles et leur sens et portée politique et idéologique : le choix de privilégier l’industrie traduit-il le fait que le courant industrialiste au sein du bloc dominant de la coalition au pouvoir a pris le dessus? Les politiques industrielles sont-elles un moyen de stabiliser la coalition au pouvoir en poursuivant des objectifs de satisfaction des besoins de la population ?
1.1 La période 1962-1965 : Emergence d’un pouvoir politique autoritaire, construction d’un modèle économique socialiste autogéré
Après la guerre d’indépendance de 1954-1962, la période 1962-1988 se caractérise par l’émergence et le développement d’une industrialisation sous la direction exclusive de l’Etat en vue de construire une économie indépendante et d’idéologie socialiste. Le modèle de développement poursuivi est celui d’un développement autocentré en rupture avec celui de la période coloniale même si le plan d’industrialisation de Constantine de la fin des années 1950 a marqué une volonté politique de relancer ce secteur. La structure de l’économie algérienne héritée de la période coloniale est caractérisée par sa dépendance à l’économie française. Le secteur industriel algérien fut donc conçu pour entrer en complémentarité et non en concurrence avec la métropole.

La rupture consiste pour l’Algérie à mettre en œuvre un modèle socialiste avec le développement sur le marché interne d’un secteur industriel public et sur le marché externe d’un commerce extérieur, tous deux en situation de monopole. Le modèle de développement indépendant vise à construire une industrie de base (sidérurgie, pétrochimie) appuyée par l’introduction de technologies modernes et dirigée par une action volontariste de l’Etat palliant à l’absence d’une classe bourgeoise d’entrepreneurs algériens.

En 1962, l’l’industrie algérienne se compose de trois secteurs principaux :

-le secteur privé constitué d’entreprises n’ayant pas été nationalisées par les décrets de 1963

-le secteur mixte regroupant des sociétés avec une participation de l’Etat dans leur capital social

-le secteur socialiste autogéré et des entreprises nationales

Le secteur autogéré est le plus important par le nombre d’entreprises qu’il couvre. Il s’agit de la gestion directe des entreprises par les travailleurs qui désignent un comité de gestion théoriquement en dehors de toute intervention de l’Etat et de son administration. Le secteur autogéré va contrairement au secteur capitaliste connaître des difficultés de production, d’approvisionnement, de prix de vente, de coût de revient et de commercialisation.
1.1.1 Le rôle des institutions formelles dans la stabilisation de l’ordre politique et dans l’incitation aux investissements en Algérie :
Face à l’instabilité politique postérieure à l’indépendance de l’Algérie, le gouvernement Ben Bella, premier gouvernement de la république, cherche à freiner la fuite de capitaux et rétablir la confiance des investisseurs dans le pays. Les investisseurs étrangers y obtiennent des garanties contre la nationalisation de leurs biens et leur confère des avantages et un régime préférentiel leur permettant d’éviter l’expropriation tant que les bénéfices nets ne dépassent pas le montant des capitaux investis :

Le code des investissements de juillet 1963 prévoit les avantages octroyés aux investisseurs en Algérie ainsi que les modalités d’intervention de l’Etat dans le domaine des investissements.
1.1.2 Le rôle institutionnel de l’Etat dans la régulation de l’investissement et du développement industriel :
La loi de juillet 1963 relative aux investissements définit un mode d’intervention de l’Etat dans la sphère économique par le moyen d’investissements publics en créant des sociétés nationale ou des sociétés mixtes en s’associant à des investisseurs étrangers ou nationaux et en participant même au capital des entreprises privées.

Le choix du modèle de développement sera après 1963 marqué par la Charte d’Alger de 1964 qui constitue un virage en faveur d’un modèle socialiste et le renoncement au modèle capitaliste, considéré dans l’idéologie comme porteur de crises périodiques et ayant pour modèle de division du travail dans l’entreprise, la séparation des ouvriers de la direction.

Le développement industriel sera organisé après 1965 par la planification, ce qui constituera un tournant par rapport à la période 1962-1965 avec l’élaboration et la mise en œuvre de plan de développement mis en place dès l’année1967.

Cette période correspond politiquement à la rupture que constitue le coup d’Etat du 19 juin 1965 et l’avènement au pouvoir du colonel Houari Boumediene avec la constitution d’une réorganisation et reconstitution de la coalition au pouvoir et économiquement avec la fin programmée de l’autogestion comme modèle de développement et le début de la préparation des plan de développement économique jusqu'à l’aube du plan quinquennal de 1980-1984.

Le développement économique y est voulu autocentré avec un objectif d’acquisition et de maîtrise technologique, de produire ses propres biens de production et de consommation. Le modèle est celui de la priorité donnée aux industries lourdes déjà évoquées dans le programme de Tripoli et réaffirmé en 1966 par la volonté de développer les industries de base que sont la sidérurgie et la pétrochimie.

La stratégie industrielle va privilégier le développement des industries lourdes : la part des investissements industriels reste relativement faible entre 1963 et 1966 bien qu’il atteigne ¼ de l’investissement total mais ne concerne que les industries de biens de consommation (textiles, cuir, denrées alimentaires). En 1967 la rupture est évidente avec une part de 47.1% puis croitra pour se maintenir en 1973 au même niveau de l’investissement total. La planification accordera de l’importance aux industries de biens de base et d’équipement. L’objectif est de créer une industrie favorable à l’emploi et à la création d’un tissu industriel intégré dans le cadre d’un développement autocentré sur le marché national.

Au niveau du commerce extérieur, se mettent en place des institutions formelles d’octroi de monopoles d’importation aux entreprises publiques algériennes, notamment par l’ordonnance n°67-74 du 27 avril 1967 conférant à la Société Nationale de Sidérurgie (SNS) le monopole du commerce extérieur de produits sidérurgiques. La mise en place du monopole d’Etat des importations s’inscrit d’abord dans une logique de construction par l’Etat d’une économie indépendante par le système de la planification portant aussi sur le commerce extérieur.

Le premier plan quadriennal de 1970-1973 précise les buts assignés au commerce extérieur et notamment des importations : il s’agit de contribuer au succès de la politique de substitution aux importations, de concourir à la réduction des coûts du développement et d’améliorer les conditions générales de financement. Dès lors, l’octroi du monopole d’importation à des entreprises publiques constitue un instrument de réalisation des objectifs énumérés.
1.2 La politique budgétaire dans le financement des investissements des entreprises publiques
L’Etat entrepreneur dans l’Algérie des années 1960 à 1980 a été, nous l’avons vu par une série de plans impératifs, le principal contributeur du développement économique et industriel. De 1963 à 1986, l’Etat a contribué à une part de 40% dans l’accumulation du capital et à près de 25% dans la distribution des revenus salariés des ménages.

Le rôle important de l’Etat dans le financement du développement économique et notamment dans l’accumulation du capital, a généré des déficits budgétaires en raison de la croissance plus rapide des dépenses que des recettes. Les déficits sont persistants dans les années 1960 jusqu’aux années 1980 avec ponctuellement des périodes d’excédents dans les années 1970. Du côté des dépenses de transferts elles oscillent entre 14 et 20% du total des dépenses : elles recouvrent des dépenses de subventions à la consommation des ménages, des allocations, pensions et également de subventions d’exploitations des entreprises publiques. Ces dépenses de transferts jouent donc un rôle fondamental dans la part du budget allouée au soutien financier des entreprises publiques et viennent s’inscrire dans un modèle d’économie socialiste fermée où l’Etat joue un rôle de régulateur économique et social majeur. Les entreprises publiques bénéficient donc d’un soutien de l’Etat prenant la forme de charges budgétaires de transferts représentant 1/5ème des dépenses budgétaires en 1985.

Aux dépenses de transferts s’ajoutent les dépenses d’investissements publics qui ont représenté à elles seules entre ¼ et 1/3 des dépenses budgétaires globales sur la période 1963-1985. La structure des recettes budgétaires sur trois décennies se divise en deux phases : d’abord une montée continue de la part des recettes fiscales pétrolières de 1963 à 1981. Les années 1986-1988, marquent la baisse brusque des recettes pétrolières due au contrechoc pétrolier et la remontée nette des recettes fiscales ordinaires. le dysfonctionnement dans le financement de l’Etat prêteur aux entreprises publiques, source de déficits chroniques, a été corrigé par la baisse du poste de dépenses budgétaires « des prêts et avances » initiée par le premier plan quinquennal (1980-1984) et poursuivi lors du contrechoc pétrolier de 1986.
1.3 L’émergence d’une coalition au pouvoir et de factions politiques autour du FLN
Un conflit au sein du pouvoir oppose en 1962-1963 le président Ben Bella et le clan du ministre de la défense Boumediene : il s’agit de rapports de force et de pouvoir qui s’expriment au niveau de tous les niveaux de l’appareil d’Etat (armée, police, justice, administration). Ben Bella devenu président de la république tente de constituer autour de sa personne une coalition et se sert de la présidence comme instrument de contrôle des autres appareils d’Etat. Ben Bella tente notamment de rallier à sa coalition les dirigeants des wilayas et l’aile gauche du FLN. La politique économique de l’autogestion et des nationalisations vise à affirmer de la part de Ben Bella l’ancrage à gauche du FLN et à élargir sa base populaire. La coalition du colonel Houari Boumediene de son côté constitue la seconde force politique à l’intérieur du FLN qui pour un temps soutient le clan Ben Bella mais se prépare néanmoins à la prise du pouvoir. Ses soutiens sont au premier chef l’armée devenue Armée Nationale Populaire (APN) en 1962 devenue professionnelle. Nombre d’anciens membres de l’ALN se sont vu attribués des postes dans le secteur civil comme dans l’administration, le commerce, l’agriculture et l’industrie avec la formation de coopératives ou la direction des entreprises autogérées. Sur le plan politique près d’un tiers des députés sont issus des rangs de l’armée de libération nationale. Donc, l’armée comme institution et comme source de ramification de l’administration et de l’économie va constituer un soutien politique de poids au clan Boumediene. L’ancienne bourgeoisie foncière et commerçante, vilipendée par Ben Bella, va également se joindre à la nouvelle bourgeoisie issue de l’armée pour offrir son soutien à cette coalition adverse au sein du FLN.

La coalition du colonel Boumediene, ministre de la défense dans le premier gouvernement Ben Bella puis vice-président du conseil dans le second gouvernement, pris l’ascendant lorsque le président Ben Bella voulu rééquilibrer son pouvoir et réduire l’influence des militaires dans les organes de pouvoir. Les tentatives de Ben Bella eurent pour effet la démission du gouvernement à l’été 1964 de militaires et la tentative d’exclure le ministre de la jeunesse et des sports, A. Bouteflika. Cette dernière eu pour conséquence de déclencher le « coup d’état » du 19 juin 1965 initié par le clan de Tlemcen et mit fin aux fonctions présidentielles de Ben Bella. La clan de Boumediene soutenu par l’armée populaire nationale (ANP) devint la coalition au pouvoir mais devait, pour se stabiliser et couvrir toutes les factions militaires du pays, intégrer au conseil de la révolution du FLN les anciens chefs de maquis des wilayas.

Le coup d’Etat constitue un retour au pouvoir du clan soutenu par l’armée, seule force légitimée par la révolution et apte à défendre la nation. Néanmoins, le nouveau régime du président Boumediene fit en sorte de recruter des civils pour exercer les fonctions gouvernementales et fit en sorte que le conseil de la révolution ne se confonde pas avec le conseil des ministres1. L’armée est considérée comme une institution de promotion et d’ascension sociales. Sur le plan économique, l’armée occupe une place de premier plan puisqu’elle se montre pleinement entrepreneur : elle produit des biens et des services et gère des coopératives industrielles et agricoles. Elle dispose de compétences techniques pour répondre à des appels d’offres dans le génie civil, les constructions et travaux publics. Ces indices incitent à penser que le pouvoir politique bien qu’il s’appuie sur la force militaire pour asseoir son pouvoir et sa légitimité, s’est émancipé de l’armée révolutionnaire devenue une armée de métier.
1.3.1 Les organisations politiques constitutives d’une assise populaire à la coalition au pouvoir
La constitution d’un socle d’organisations en mesure de mobiliser diverses strates sociales de la population remonte à la Charte d’Alger de 1964 : autour et sous le contrôle du parti du FLN, les organisations sont composée des syndicats, de la jeunesse, des femmes et des anciens combattants. Le FLN ressort donc comme le principal acteur pouvant mobiliser, orienter les organisations, associations et pouvant même créer ces mouvements politiques représentatifs de catégories sociales comme les Unions paysannes. Outre les oppositions internes constituées en deux clans rivaux jusqu’au coup d’état de 1965, les oppositions externes constituent une myriade de mouvements et partis non homogènes mais susceptibles depuis 1962 de constituer des alliances ou de partager des convergences d’opinions ou d’idéologies face au pouvoir central algérien.

Nous avions identifié le PCA qui après une période d’existence légale en juillet 1962, fut ensuite interdit au même titre que les autres partis d’opposition comme le FFS et le PRS devenus partis clandestins. Le coup d’Etat de juin 1965 marqua une nouvelle période marquée par une baisse d’influence du parti FLN au profit du renforcement d’un pouvoir centralisé de l’Etat. Le pouvoir de l’armée par la présence d’anciens militaires au sein des instances du FLN allant du bureau politique au comité central devenait plus pesant. Les partis d’opposition durent se réorganiser dans la clandestinité L’insertion d’outsiders se fait aussi par une pratique de clientélisme et de captation de rentes : les opposants d’hier se voyaient octroyer des prêts à faible intérêt pour s’insérer comme entrepreneurs dans le tissu industriel de la petite et moyenne production privées. Le régime a aussi permis aux ex-opposants d’obtenir par nomination des postes dans le secteur public et au sein de sociétés nationales. Il s’agit pour le gouvernement d’affaiblir le pouvoir de nuisance de l’opposition et de l’insérer dans la coalition au pouvoir. Le renforcement du pouvoir centralisé du nouveau régime se fit par une exclusion des partis politiques d’abord, un affaiblissement ensuite des oppositions et leur insertion dans ou autour du parti unique du FLN. La nouvelle coalition au pouvoir se caractérise donc par un retour d’anciens militaires dans les instances de décision étatiques dont, le Conseil de la Révolution dont les membres sont détenteurs effectifs du pouvoir, le gouvernement et le parti du FLN. Les nouveaux dirigeants politiques sont ainsi constitués de personnalités issues des rangs de l’armée, promues à des fonctions civiles et formant sur le plan social une nouvelle bourgeoisie sur laquelle s’appuie la coalition au pouvoir. Sur le plan économique, la nouvelle coalition se caractérise par un retour en grâce des industriels privés, considérés sous Ben Bella comme une bourgeoisie favorable au système économique capitaliste et donc contraire à l’édification d’une nation socialiste. Dès lors, le soutien accordé par le régime à cette classe sociale d’entrepreneurs se fit jour sous la présidence Boumediene et notamment, comme l’affirme DjillaliLiabès (1982)2 par le code des investissements de 1966 qui vient corriger celui de 1963 défavorable au capital privé.
1.3.2 Interprétation de la structure de la coalition au pouvoir de 1962 à 1978
La coalition au pouvoir dominée par une direction constituée d’anciens militaires depuis l’indépendance de l’Algérie fut construite autour de la domination du parti unique du FLN suite à l’éviction des partis politiques challengers que furent le PCA, le FFS et le PRS. Le CNDR regroupera le FFS, le PRS, mais le pouvoir ne laissa pas prospérer cette opposition. Du pouvoir présidentiel personnalisé par Ben Bella de 1962 à 1965, l’Algérie est passé après le coup d’Etat de juin 1965 à un pouvoir renforcé et centralisé de l’Etat assis sur une armée professionnalisée et aux mains de H. Boumediene.

Sur le plan de l’identification du type d’arrangements politiques de la période, l’Algérie se situerait dans une phase de développement préindustrielle ou au capitalisme peu avancé assise sur un équilibre politique clientéliste où les institutions formelles sont peu opérantes au bénéfice d’institutions informelles et où les réseaux de pouvoir patron-client et les relations personnalisées dominent. Le pouvoir politique rencontre la concurrence de challengers relativement puissants pouvant pousser à l’alternance du pouvoir sans pourtant correspondre à un système démocratique et un arrangement politique capitaliste.
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