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1. La nature et la portée de la science économique 1.1 L'économie en tant que science sociale 1.2 Homo economicus La rationalité Les objectifs humains – l’hypothèse de l'intérêt personnel Ignorance et incertitude 1.3 Les interactions marchandes et non marchandes 1.4 L'allocation par les prix – le système de marché 1.5 Le comportement au sein des organisations 1.6 Analyse positive ou normative : « Est » ou « Doit » 1.7 Éléments du système économique Les agents qui prennent des décisions en économie La rareté, les choix, et les activités économiques 1.8 La microéconomie et la macroéconomie Résumé Questions Exemples
L’économie a pour sujet d’étude central la prise de décision : comment faire un choix entre différentes actions possibles. Chaque action a ses avantages et ses inconvénients, ses points positifs et ses points négatifs, ses bénéfices et ses coûts. Vous envisagez de vous mettre au tennis ? Pratiquer ce sport pourrait améliorer votre ligne et être bon pour votre santé, mais cela prendrait sur le temps que vous consacrez à vos études et pourrait abîmer vos articulations. Pourquoi ne pas laisser tomber l'université et prendre un travail ? Vous gagneriez sans doute plus d'argent dès maintenant, mais moins plus tard dans votre vie. C'est la même chose pour un entreprise ou un gouvernement. Qu'il s'agisse d'une petite action, comme la fixation du prix des pommes de terre sur le marché à côté de chez vous, ou bien d'une grande, comme la décision par le Congrès de déclarer la guerre, il y a presque toujours de bons arguments pour et contre. Face à de telles considérations opposées, comment les individus, les entreprises, ou les gouvernements doivent-ils prendre leurs décisions ? La science économique montre comment déterminer la meilleure action, à l'aide d'une évaluation systématique des coûts et bénéfices. Les décisions sont rarement prises ex nihilo. Il est vraisemblable qu’elles provoqueront des réactions d'autres personnes. Penser comme un économiste signifie prendre en compte ces réactions. Un cabinet d'avocats qui augmente ses tarifs peut voir sa clientèle se tourner vers d'autres fournisseurs de services juridiques – de telle sorte que des honoraires supérieurs ne conduisent pas forcément à des profits plus élevés. Ou encore imaginons que le Congrès, dans le souci d'accroître l’utilisation d'Internet, demande aux fournisseurs d'accès Internet (FAI) d'appliquer des tarifs très bas. Avant de dire que c'est une bonne idée, nous devons nous demander comment les FAI vont réagir. Ils peuvent accepter de fournir leurs services à ces tarifs meilleur marché. Ils peuvent aussi diminuer la qualité du service, les clients découvrant alors qu’ils ont du mal à obtenir une connexion satisfaisante. (Cet exemple peut sembler caricatural, pourtant un phénomène similaire se produit quand, en période d'inflation générale des prix, le Parlement décide de bloquer les loyers. À la suite du gel des prix les propriétaires sont moins disposés à fournir et maintenir en bon état des logements pour la location.) L'économie a été appelée « the dismal science », la science lugubre1. C'est probablement parce que les économistes sont souvent les messagers de mauvaises nouvelles ; par exemple, un projet ou un plan en apparence attrayants peuvent s’avérer ne pas être une si bonne idée quand toutes les conséquences sont prises en compte. La table 1.1 présente une liste de problèmes individuels et sociaux, et les « solutions » envisageables. Elle montre aussi les conséquences néfastes possibles sur lesquelles un économiste attirerait l’attention. Pouvez-vous rajouter d'autres objections ? Et d'un autre côté, pouvez-vous proposer des arguments contrant ces objections ? Les partisans de plans et de projets ont tendance à omettre les inconvénients possibles, tandis que leurs opposants ont tendance à ignorer les arguments favorables. Comme, sur une question donnée, ceux qui ont arrêté leur choix ne veulent généralement pas écouter les arguments adverses, penser comme un économiste – c’est-à-dire soupeser de manière impartiale le pour et le contre – a peu de chance de vous rendre populaire. Mais cela améliorera vraisemblablement vos décisions privées, accroîtra les chances de réussite de vos projets d’entreprise et vous permettra d’avoir une opinion sur les questions de société plus pondérée. Table 1.1 Trouver des solutions aux problèmes de société
1.1 L'économie en tant que science sociale L'économie est une science. Comme toutes les autres sciences, elle consiste en des modèles explicatifs (des théories) qui nous aident à comprendre le monde autour de nous et à faire des prédictions correctes, et aussi en un ensemble d’observations empiriques qui renforcent ou affaiblissent ces modèles. Plus précisément, l'économie est une science sociale. Son sujet d’étude est l’interaction entre les choix effectués par des êtres humains vivant ensemble. L’économie se pose des questions comme : Est-ce qu’une réduction de la fiscalité sur les gains en capital fera monter la Bourse ? Des tarifs plus élevés seraient-ils bénéfiques aux consommateurs ? L’allongement des peines de prison réduira-t-il la criminalité ? La facilitation des procédures de divorce peut-elle aider à améliorer la condition féminine ? Est-ce qu’une stratégie de prix élevés (et donc de volumes de vente moindres) entraînera plus ou moins de profit pour une entreprise qu’une stratégie de prix bon marché ? Un esprit sceptique peut nier que l'économie soit une science. Un argument typique est le suivant : « Les économistes ne sont jamais d'accord entre eux. Comment avoir confiance que l'économie soit parvenue à des vérités scientifiques ? De plus, si les économistes peuvent prédire scientifiquement les événements commerciaux et financiers, comment se fait-il qu’ils ne soient pas tous riches ? » Il est aisé d’exagérer les désaccords entre économistes. La controverse attire généralement plus d’attention que le consensus. La grande majorité des économistes s’accordent pour dire que le contrôle des prix entraîne la pénurie, que le libre-échange améliore la division internationale du travail, que l’usage incontrôlé de la planche à billet conduit à l’inflation2. Plus important encore, les désaccords sont essentiels pour faire avancer la science. En astronomie, l’hypothèse héliocentrique de Copernic a remis en cause le modèle géocentrique, vieux de plus de mille ans, de Ptolémée. En chimie, la théorie phlogistique de la combustion a été remplacée par la théorie de l’oxydation de Lavoisier. Et en biologie, le créationnisme a été contré par la théorie de l’évolution de Darwin. Ce qui caractérise la science n’est pas l’accord unanime, mais plutôt l’acceptation d’examiner les faits. Toutes les questions économiques importantes – par exemple, quelle est l’influence de la fiscalité sur l’incitation à travailler, les syndicats permettent-ils d’augmenter les salaires ouvriers, est-ce que des lois strictes sur la propriété intellectuelle encouragent la création – sont perpétuellement en cours de réévaluation à la lumière des faits. Des désaccords entre économistes peuvent persister, peut-être parce que les problèmes sont ardus, ou les chercheurs pas assez doués, mais l’existence de questions non résolues est une caractéristique saine de toute science vivante. Les ingénieurs, bien que disposant de théories solidement validées et d’une quantité considérable de connaissances expérimentales sur la résistance des matériaux, rajoutent habituellement un énorme facteur de sécurité (50% ou même 100%) pour construire un pont ou un barrage. Quand bien même, les ponts parfois s’effondrent et les barrages se rompent. À Los Angeles, lors du tremblement de terre de 1994, des voies d’autoroute renforcées, conçues pour résister à des secousses encore plus fortes que celle qui a eu lieu, ont néanmoins été détruites. Un autre exemple : la météorologie est sans conteste une science de la nature, pourtant les météorologues ne s’aventurent pas à prédire le temps plus d’une semaine à l’avance. Si les économistes étaient autorisés à prédire le taux de chômage ou le rythme de l’inflation avec la même marge de sécurité que les ingénieurs ou les météorologues, on verrait qu’ils se trompent rarement. EXEMPLE 1.1 L’ÉCOLOGISTE, L’ÉCONOMISTE ET LE STATISTICIEN En 1990, l’écologiste et auteur à succès Paul R. Ehrlich envoya un chèque de $576,07 à l’économiste Julian L. Simon. C’était l’enjeu d’un pari pris 10 ans plus tôt. Ehrlich, qui n’était pourtant pas économiste, avait fait des prédictions économiques surprenantes dans son best-seller publié en 1968 The Population Bomb3. Voici, par exemple, la première phrase : « La bataille pour nourrir l’ensemble de l’humanité est perdue. En 1970 des centaines de millions d’individus mourront de faim. » Les prévisions d’Ehrlich s’étaient avérées grossièrement fausses. Malgré les deux chocs pétroliers, du milieu et de la fin de la décennie, dans l’ensemble les années 1970 ont été une période de remarquable croissance économique. Cependant, l’auteur a continué à être acclamé. Dans des livres, des conférences et des articles qui reçurent une large attention du monde entier, il prophétisa que les quantités accessibles d’un grand nombre de ressources minérales seraient à peu près épuisées en 1985. À la même époque, l’économiste Julian L. Simon avait prédit exactement le contraire pour les décennies 1970 et 1980 – c’est-à-dire l’amélioration continue du niveau de vie de l’humanité, et la baisse des prix des matières premières. En 1980, Simon avait donc proposé à Ehrlich de faire un pari, avec un enjeu monétaire, qu’Ehrlich avait accepté. Ils prirent le pari que les prix de cinq métaux importants – le chrome, le cuivre, le nickel, l’étain et le tungstène –, après correction de l’inflation, allaient monter ou baisser. L’économiste avait laissé à l’écologiste le choix des matières premières. À nouveau, les prédictions de l’économiste Simon furent les bonnes, et celles d’Ehrlich les mauvaises. Les années 1980 furent encore une décennie de prospérité, et les prix des métaux en général baissèrent. L’écologiste dut payer l’enjeu du pari. L’erreur d’analyse d’Ehrlich était de ne considérer que l’évolution de la demande, et plus spécialement la croissance de la population (plus de bouches à nourrir). Julian Simon, avec sa meilleure compréhension des mécanismes économiques, avait aussi pris en compte l’évolution de l’offre. Plus de gens signifie certes plus de bouches, mais aussi plus de bras et de cerveaux. Par ailleurs Simon tînt compte des tendances économiques favorables : la libéralisation des économies nationales et l’accroissement du commerce international. Ainsi, les prédictions résultant de l’analyse économique furent confirmées. Néanmoins, Paul Ehrlich continua à publier des ouvrages très populaires prédisant, de manière toujours aussi erronée, des cataclysmes écologiques pour un avenir proche. Tout aussi régulièrement, jusqu’à son décès en 1998, Simon produisit des analyses solides et des prévisions économiques étayées, culminant avec son ouvrage The Ultimate Resource, 2ème édition, Princeton University Press, 19984. Mais aucun de ses livres ne fut jamais un best-seller. Que se passait-il alors ? Une interprétation économique est de dire que ces deux auteurs fonctionnaient dans des secteurs différents. Julian Simon fournissait des analyses économiques correctes. Paul Ehrlich, quant à lui, était et est toujours dans une autre activité, plus proche de celle d’auteur de récits d’épouvante comme Stephen King. Évidemment, pour ce qui concerne la vente de livre en tous cas, la demande pour des récits d’épouvante est très supérieure à la demande pour des analyses économiques solidesa. Une étude ultérieure soigneuse et exhaustive effectuée par le statisticien danois Bjorn Lomborg, |