Enseigner le hatha-yoga et/ou pratiquer la yoga-thérapie ?
En préambule, précisons les termes énoncés, selon divers dictionnaires consultés :
La thérapie ? Etymologiquement, « thérapie » vient du grec ancien therapeía, traduit par « cure ».
Ce terme est dérivé du verbe therapévô qui veut dire soit « traiter, soigner », soit « servir, prendre soin de… » lui-même issu de théraps: « serviteur ».
La thérapie est ainsi une méthode curative ou un ensemble de mesures prises afin de prévenir, traiter, soigner ou soulager une maladie.
Par extension, nous comprenons le mot « thérapeute » par « celui qui soigne… à l’aide d’un traitement » ou « celui qui se met au service de… ».
Donc, selon le sens choisit, le thérapeute est soit
- celui qui traite - qui a la connaissance de la maladie - qui propose des solutions suivies par le patient avec confiance … (plutôt le thérapeute), soit
- celui qui soutient une démarche active que le malade, en tant qu’individu (élève), entreprend - celui qui se met au service de… - qui accompagne (plutôt l’enseignant).
Et le hatha-yoga ? Au sens large, la pratique posturale permet d’agir sur toutes les parties de l’individu : son corps physique, son mental, ses émotions… dans le but de les mettre « en lien », pour se sentir bien, trouver sa voie dans ce monde de matière.
Et l’enseignant ? C’est un pédagogue qui transmet une connaissance, une expérience ou un savoir-faire par le biais de l’enseignement.
Pour devenir enseignant de Yoga, selon les directives de l’association professionnelle Yoga Suisse, le futur diplômé doit avoir suivi une formation de base de 4 ans (600h. YS ou 500h. UEY) puis réussi un examen officiel.
Et le yoga thérapeute ? Un fois diplômé, il peut entreprendre une formation complémentaire en yoga-thérapie s’il désire exercer comme yoga-thérapeute reconnu. Ce complément aborde entre autres thèmes, la fonction, les devoirs, les limites, le relationnel, l’anamnèse, la gestion… (Voir sites YS, UEY et Ortra Tc).
Précisions importantes : Les 2 parties (enseignement ou thérapie) sont reconnues par les prestations complémentaires de certaines caisses maladies. Cfey Bansuri ne propose que la formation de base.
Cela étant posé, le hatha-yoga est-il une méthode thérapeutique dont l’enseignant tient le rôle du thérapeute et l’élève, celui du patient ?
Depuis quelques années, cette question fait débat dans le milieu du yoga en Suisse. Deux lignes bien distinctes se dessinent : être enseignant ou yoga-thérapeute.
- Si, comme le suggère cette question, je pense détenir la connaissance et les clefs de guérison des maux de mon élève, avec la capacité de les lui transmettre : Je dois répondre oui.
- Si, comme je le crois, mon rôle est d’accompagner l’élève dans sa démarche de vie, avec une pratique que j’ai expérimentée : Je dois répondre non.
Etayons ces deux affirmations par quelques précisions tirées de mon expérience:
Point-de-vue de l’élève :
Quand une personne débute la pratique du yoga, elle est motivée par le désir d’un mieux-être. Mes élèves (comme ceux de tout professeur de yoga) reçoivent un enseignement très adapté à l’individu, que d’aucun pourrait appeler « thérapeutique » puisqu’en effet ces pratiques font du bien. Ils apprennent et expérimentent les outils du hatha-yoga (en collectif ou de manière privée) afin qu’ils puissent agir de façon telle que s'établisse l’harmonie…
Est-ce pour autant de la yoga-thérapie ? Ils semblent ne pas la percevoir comme cela.
La plupart des élèves fréquentant mes cours hebdomadaires prennent comme « un plus » la possibilité de se faire rembourser une partie des coûts, s’ils ont une assurance complémentaire reconnaissant la pratique du yoga dans leurs prestations*¹. De fait, ils entament une démarche personnelle qui n’a pas grand-chose à voir avec un rapport d’argent. En cas de problème pour le paiement des cours, si l’élève est motivé, je propose toujours une solution.
Force est de constater qu’une personne « assurée - remboursée » n’est pas plus motivée ni plus assidue qu’une autre qui s’investit personnellement.
Point-de-vue de l’enseignant :
Comme dans toute formation en yoga, les futurs enseignants de Cfey Bansuri apprennent, entre autres choses, l’anatomie, la physiologie, les pathologies. Ils peuvent ensuite faire des liens avec le hatha-yoga qu’ils doivent pratiquer intensément. Quoi de plus normal, pour quelqu’un qui travaille avec des personnes, que de connaître la composition et le fonctionnement du corps humain ainsi que les troubles qui peuvent apparaître et de pouvoir le cas échéant adapter la pratique ? C’est indispensable ! Pour ne pas nuire, ils doivent savoir de quoi ils parlent. Leurs connaissances sont d’ailleurs évaluées par des examens officiels.
Durant toutes ces années d’études pratique, théorique, philosophique et d’expérimentation, beaucoup de thèmes de la vie au sens large sont abordés. Les participants recherchent d’abord la connaissance, la compréhension pour eux-mêmes. Cela les transforment mais rares sont les candidats à la formation qui désirent directement enseigner.
Avec le temps, ils souhaitent partager cette richesse. Une sorte de mission se dessine alors tout naturellement: l’envie de transmettre… de passer le témoin.
Il est évident que l’enseignant favorise chez ses élèves les aspects du yoga soutenant une meilleure santé ou une remise en forme après disfonctionnements comme une allergie, une descente d'organe, une lombalgie... ou le soutien pour une grossesse etc…
La pratique du yoga agit donc de manière globale et bénéfique sur toutes les facettes de la personne – anatomique, physiologique, mentale, émotionnelle, spirituelle. Ce n’est pas pour autant une thérapie mais « juste » l’effet bénéfique d’une pratique précise.
*¹ Notons que :
- Certaines caisses ne reconnaissent de toute façon pas le hatha-yoga ni la yoga-thérapie.
- L’assurance complémentaire n’est pas forcément abordable pour tous les élèves.
Point-de-vue d’enseignante et formatrice :
Mon parcours est tel que décrit plus haut. Mes premiers élèves étaient des connaissances. J’ai parallèlement travaillé pendant quelques temps dans diverses écoles ou à l’université populaire : passages difficiles mais très formatifs, riches humainement. Au fil des années, patiemment, les groupes se sont formés et les participants, fidélisés. C’est maintenant le bouche-à-oreille qui m’amène de nouvelles personnes et non la publicité ou le fait d’une reconnaissance par certaines caisses maladies. L’accréditation de tels organismes est, pour moi, une attestation de qualité du travail fourni et non une garantie de quantité d’élèves. Je n’en reste pas moins enseignante.
L’envie de personnes nouvellement diplômées de voir leur profession reconnue dans le cadre des assurances complémentaires est certainement légitime. Je peux la comprendre. Cela génèrerait-il pour autant des élèves, puisque partiellement remboursés ? Peut-être mais ce n’est pas mon expérience.
Pour ma part, je préfèrerais une protection de l’appellation « enseignant de yoga » par un certificat fédéral de capacité ou un autre document officiel. Mes prédécesseurs, il y a plus de 40 ans, ont souhaité cette reconnaissance. Ils ont ainsi fondé une fédération qui devait les rendre plus crédibles auprès des autorités… Cette centralisation a permis d’uniformiser la qualité des formations proposées dans les écoles affiliées mais la reconnaissance de la profession n’existe toujours pas. Par ailleurs, des écoles non-affiliées proposent d’autres programmes, peut-être aussi valables… Ne les connaissant pas, je ne peux me prononcer. Il est de toute façon délicat de décider que telle fédération professionnelle est LA référence plutôt qu’une autre association ? Très difficile à établir!
Cela étant précisé, si je décidais de devenir yoga-thérapeute, je chercherais une « méthode » thérapeutique globale et complèterais mon diplôme avec une sérieuse formation en médecine ayurvédique. En effet, le hatha-yoga s’est développé parallèlement à l’évolution de cette discipline traditionnelle indienne dans le but de soutenir l’individu dans son ensemble et ce, de manière qualitative grâce aux asana, mudra et prânâyâma et quantitative grâce à la pharmacopée, l’alimentation et l’hygiène de vie.
Supposons que j’aie suivi cette deuxième formation et que j’anime des cours privés : je serais yoga-thérapeute mais n’enseignerais plus le hatha-yoga en collectif.
En guise de conclusion, je constate que la tendance actuelle est clairement d’être reconnu comme thérapeute avec la « méthode » yoga. J’en ai conscience mais réitère : Le but du hatha-yoga est d’essentiellement trouver sa voie, bref de se sentir bien dans la vie… Et confirme sans hésiter mon choix de transmettre la tradition du hatha-yoga. Je le souhaite dans un échange d’expériences humaines, « horizontal » plutôt que « vertical », de thérapeute à patient, même si ce choix est, semble-t-il, à contre-courant… Car la démonstration est faite : ce sont deux professions bien différentes.
Amicalement,
Lucie Pfefferlé |
