Taï-ki.
Ce sont là les taï-ki primitifs, mais plus tard, pour marquer la pénétration des deux principes, on a placé un petit disque clair dans la partie foncée, et un petit disque foncé dans la partie claire de la figure. On arrive à faire une figure complète en plaçant le taï-ki au centre du sien-tien. On peut d'ailleurs représenter autrement la combinaison des deux principes : le ciel est rond et la terre est carrée (à Peking, par exemple, le temple du Ciel est rond, celui de la Terre est carré) ; la monnaie, appelée sapèque, qui est ronde et percée au centre d'un trou carré, représente donc le mariage du Ciel et de la Terre : elle est également le symbole de l'homme parfait.
Ces conceptions abstraites de philosophie ne sont plus guère accessibles au commun des lettrés, et depuis longtemps, même, ces systèmes quintessenciés n'ont trouvé pour leur donner quelques développements aucun homme de valeur ; en réalité, le vrai lettré chinois, le seul qui soit capable de comprendre les théories compliquées des anciens maîtres s'occupe plutôt de la forme que du fond et laisse de côté tout bagage philosophique qui, somme toute, loin d'être pour lui un moyen de se livrer à de profondes réflexions, est seulement prétexte de se livrer à de simples exercices littéraires. La conception philosophique d'un Chinois ordinaire, si conception philosophique il y a, ne va pas au delà des superstitions de la vie courante dont la plus grande partie se rattache au foung-choui dont nous avons déjà parlé.
D'ailleurs, les Chinois ont connu tous les systèmes de p.105 philosophie depuis le confucianisme jusqu'au communisme. Il n'y a pas d'histoire de la philosophie chinoise ; M. Eitel a essayé d'en donner une esquisse : l'époque légendaire comprendrait les empereurs mythiques Fou-hi (2852-2738 av. J.-C.) et Houang-ti (2697 av. J.-C.), puis viendraient Yu-tseu (1250 av. J.-C.), Houi-Kong (720 av. J.-C.), le fondateur du communisme, le précurseur de Mih-ti, et Kouan-tseu (485 av. J.-C.) et enfin la grande époque des philosophes Lao-tseu et Confucius. Lao-tseu a pour disciples Kang Sang-tseu (570-543 av. J.-C.), Li-tseu (500 av. J.-C.) et Wen-tseu (500 av. J.-C.). Les disciples de Confucius sont Tseu-i (506 av. J.-C.) l'auteur du Ta-hio, et Tseu-sse (500 av. J.-C.) l'auteur du Tchoung-young. Une nouvelle grande époque comprend les philosophes hétérodoxes, Mih-ti, (450 av. J.-C.) continuateur de Houi-Kong, apôtre de l'amour universel et Yang-tchou (450 av. J.-C.) l'Epicure de la Chine, les taoïstes dont le plus illustre est Tchouang-tseu (330 av. J.-C.) qui avec Kang Sang-tseu, Li-tseu et Wen-tseu est le vrai fondateur du taoïsme, et enfin les philosophes orthodoxes représentés par le plus illustre disciple de Confucius, Mencius (372-289 av. J.-C.). Sous les Tsin et les Han, quoique nombreux, les philosophes diminuent d'importance : une renaissance a lieu sous les Tang avec Han-yu ou Han Wen-koung (768-824 ap. J.-C.), adversaire du bouddhisme et disciple de Mencius, mais éclectique. C'est sous les Soung que la philosophie chinoise a sa dernière grande période avec le novateur Wang Ngan-chi (1021-1086 ap. J.-C.) et surtout avec l'illustre Tchou-hi ou Tchou Fou-tseu (1130-1200 ap. J.-C.) dont nous avons exposé le système. Les philosophes des dynasties modernes ne valent guère la peine qu'on en parle.
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CHAPITRE XI
Beaux-arts
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p.106 Les Chinois ont considéré la peinture comme une des six formes de la calligraphie. D'après la tradition, elle remonterait à la plus haute antiquité, mais elle ne date guère que de l'introduction définitive du bouddhisme en Chine au 1er siècle de notre ère, et le premier grand peintre chinois qui nous est signalé est Tsao Fou-hing (IIIe siècle), qui a exécuté des peintures pour les temples bouddhistes construits alors en grand nombre. Il excellait dans la peinture des dragons. Notons au VIe

Tombeaux des Ming, nord de Peking.
siècle Tchang Sang-yeou, qui peignit pour l'empereur Wou-ti des scènes bouddhistes ; au VIIe siècle, indiquons Yen Li-te et son frère Yen Li-peun, peintres de portraits, et Tchang-yue, mort en 730 ; au VIIIe siècle, le plus grand artiste, Wou Tao-hiuan ou Wou Tao-tseu, au service de l'empereur, remarquable par ses peintures de la déesse Kouan-yin. L'époque des p.107 Soung donne une série d'artistes distingués ; mais déjà, sous les Youen, commence la décadence, qui augmente vers la fin du XVe siècle sous les Ming, grâce à l'influence des artistes méridionaux, décadence qui n'est pas suivie de renaissance. A partir de ce moment, l'art japonais, qui a pour origine l'art chinois, ne trouve plus de rivaux et règne en maître depuis le commencement du XVIIe siècle (V. Art.) L'architecture chinoise a pour caractéristique l'uniformité du style et des matériaux employés ; les

Pont à Peking.
maisons sont généralement de construction basse à un ou deux étages, en bois, en briques ou en torchis. Les grandes charpentes sont faites de poutres arrondies qui soutiennent des toits en pente, dont les coins sont relevés en cornes. La nature même des matériaux indique qu'il y a en Chine peu ou point de monuments anciens ; ceux-ci sont des inscriptions que nous avons déjà signalées. Parmi les monuments modernes, il n'y a guère à remarquer que les grands p.108 temples, particulièrement celui du Ciel, à Peking, et quelques beaux ponts de marbre, à Peking, au palais d'été, près de Sou-tcheou, etc. Ces ponts ont quelquefois une grande hardiesse et les arches affectent souvent la forme d'un cercle parlait. Les pagodes (ta) à cinq, sept, neuf étages, sont nombreuses dans le pays ; l'une, la plus célèbre, était la fameuse tour de porcelaine de Nan-king, construite sous les Ming, et détruite dans les dernières luttes pour la reprise par les Impériaux de cette capitale qui était au pouvoir des rebelles Taï-ping (1864). Les monuments de marbre sont rares ; la tombe du lama, mort à Peking, sous Kien-loung, est un bel exemple, ainsi que la tour de Wou-tchang, mais ceci n'est pas de l'architecture chinoise. Les temples sont souvent remarquables par leur ornementation, mais ils n'ont jamais le caractère grandiose des édifices religieux de l'Orient et de l'Occident. On emploie assez souvent le granit, pour la construction des ponts, pour daller les routes, pour ces sortes de portes ou d'arcs de p.109 triomphe appelés paï-leou, en l'honneur des veuves méritantes, des fils dévoués, etc.

Monument de Wou Tchang.
On peut considérer la grande sculpture comme à l'état rudimentaire ; quand ils font grand, les Chinois nous donnent d'immenses Bouddha en bronze ou en bois doré, des kouan-ti, dieux de la guerre, à la figure convulsée, etc. ; mais je ne vois guère à signaler d'intéressant que les groupes gigantesques de figures d'hommes et d'animaux qui marquent les approches des tombeaux des Ming à Nan-king et à Peking. Parfois, dans leurs bas-reliefs ou mieux dans la pierre sculptée, ils donnent des figures fort curieuses, par exemple dans la série trouvée dans le Chan-toung et qui date du IIe siècle avant notre ère. C'est surtout dans les petits objets que le sculpteur chinois excelle ; il nous donne avec le bambou des figures charmantes et il arrive, soit dans les bois noirs et durs à Canton, soit dans les bois clairs à Ning-po, à fabriquer de petits chefs-d'œuvre. L'ivoire, particulièrement travaillé à Canton, ainsi que les métaux précieux, or et argent, est destiné aux travaux très délicats. Enfin, puisque de la sculpture, nous descendons aux bibelots, mentionnons les laques rouges et les p.110 émaux cloisonnés de Peking, et les laques jaunes et rouge-brun de Fou-tcheou, fabriqués par une seule famille et comparables, pour leur fini, aux meilleurs produits du Japon (V. Céramique, Laque et Porcelaine).

Brûle-parfums. (Musée Guimet.)
Les Chinois attachent la plus grande importance à la musique et cet art était l'objet d'un sixième grand classique, le Yo-king, dont il ne reste plus que des fragments dans le Tcheou-li, le Li-ki et dans quelques passages du Chou-king. Ils ont d'ailleurs une littérature assez riche, non seulement sur la musique, mais encore sur les instruments de musique ; par exemple, l'art de battre le tambour, Ki kou leu (IXe siècle), un traité de la lyre, Eul hiang kin pou (1833), etc. Aujourd'hui encore, le Li-pou ou ministère des rites a une subdivision musicale ou Yo-pou, constituée en 1742 sous l'empereur Kien-loung, qui comprend un directeur, ho cheng chou chou tcheng, un sous-directeur, 5 chefs de musique, hie lu-lang, 25 sous-chefs, se-yo-lang, 180 musiciens, hio cheng, et 300 choristes ou figurants, wou-cheng. La musique du palais se compose de six orchestres ; le premier, Tchong-ho-chao-yuo avec 17 instruments différents ; le deuxième, Tan-pi-ta-yuo, 9 instruments ; le troisième, repas de l'empereur, 7 instruments ; le quatrième, Tsien-pou-ta-yuo (cortège impérial) ; le cinquième, Toei-wou, 50 instruments, pour la danse ; le sixième, divisé en Nao-ko et en K'aï-ko, sert pour les actions de grâces. Les principaux instruments de musique employés par les Chinois sont : la cloche de bronze (po-tchong), le psaltérion heptacordes (kin), la flûte de Pan (p'ai-siao), la flûte droite (siao), le tambour (kien-kou, yao-kou-ta-kou, tchang-kou), le violon (hou-tchin), le tambourin (tcheou-kou), le claque-bois (po-pan), la mandoline (pi-pa), le gong (lo, yun-lo), les trompes, les hautbois, les cymbales, etc. On peut d'ailleurs diviser la musique chinoise en musique des rites et en musique populaire ; quoique la mesure soit à quatre temps, les autres sont permises, celle à trois temps en particulier. On appelle lu une série de tubes en bambou, de longueur variable, qui rendent les douze demi-tons de l'octave chromatique. Les instruments n'étant pas construits avec la rigueur de ceux des Européens, leur intonation n'est pas toujours juste ; les intervalles dans l'échelle musicale p.111 n'étant pas adoucis, les notes sont souvent fausses ; enfin, la mélodie n'est jamais bien définie, ni en majeur, ni en mineur, et il s'en suit qu'elle manque à la fois de force et de tendresse. Somme toute, la musique chinoise est bruyante, monotone et assommante. On pourra consulter sur cet art les Mémoires du père Amiot (Mémoires concernant les Chinois, VI), Mme Charlotte Devéria (Magasin pittoresque, 1885) et J.-A. van Aalst (Spécial séries, n° 6, Imp. Marit. Customs : China, 1884).

Hou-tchin.
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BIBLIOGRAPHIE
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J'ai donné dans un ouvrage de 1.408 col. en 2 vol. gr. in-8 la bibliographie des ouvrages relatifs à la Chine, je ne puis le résumer ici et j'y renvoie : Bibliotheca Sinica. Dictionnaire bibliographique des ouvrages relatifs à l'empire chinois ; Paris, 1878-1885, 2 vol. gr. in-8. J'ai marqué également dans le courant de cet article les livres les plus importants relatifs à la langue et la littérature ; je me contenterai donc d'indiquer ici en deux séries, ouvrages généraux et ouvrages divers, ce qui me paraît le plus nécessaire :
Ouvrages généraux :
— J.-C. de Mendoça, Hist. de las cosas mas notables... del gran Reyno de la China ; Rome, 1585, petit in-8.
— A. Semedo, Imperio de la China ; Madrid, 1642, petit in-4.
— Magaillans, Nouvelle relation de la Chine ; Paris, 1688, in-4.
— Louis Le Comte, Nouveaux mémoires sur l'état présent de la Chine ; Paris, 1696, 2 vol. in-12.
— J.-B. Du Halde, Description géog... de l'empire de la Chine ; Paris, 1735, 4 vol. in-fol. (c'est encore un des meilleurs livres sur la Chine).
— Mémoires concernant l'histoire, les sciences, les arts, etc., des Chinois ; Paris, 1776-1814, 16 vol. in-4 (mine inépuisable de renseignements).
— Grosier, Description générale de la Chine ; Paris, 1818-1820, 7 vol. in-8 (bon livre).
— J.-F. Davis, The Chinese, last éd., Londres, 1857, 2 vol. in-8 (livre sérieux).
— S.-W. Williams, The Middle Kingdom, last. éd., Londres, 1883, 2 vol. in-8 (somme toute, de beaucoup le meilleur livre moderne sur la Chine).
— Richthofen, China ; Berlin, 1877, in-4 et atlas (encore inachevé).
— J.-H. Gray, China, a History of the Laws, Manners, etc., 1878, 2 vol. in-8.
Ouvrages divers :
— W.-F. Mayers, The Chinese Reader's Manual ; Chang-haï, 1874, in-8 ; The Chinese Government ; ibid., 1878, in-4 ; Treaties between the Empire of China and Foreign Powers ; ibid., 1877, in-4.
— H.-A Giles, A glossary of reference on subjects connected with the Far-East ; Hong-kong, 1886, in-8, 2e éd.
— Yule, Hobson-Jobson ; Londres, 1886, in-8.
Les autres ouvrages sont signalés dans le courant de notre article.
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