Courrier de germaine voitot epouse maurice

FRAGMENTS DE VIE Jean et Germaine Maurice- Voitot Juin et juillet 1940 l’exode Isabelle Sinet Arouto, d’après les archives familiales COURRIER DE GERMAINE VOITOT EPOUSE MAURICE PARTIE EN EXIL AVEC SES ENFANTS EN BOURGOGNE A JEAN MAURICE RESTE 13 AV DU DOCTEUR DARIN A CHAVILLE (S&O). juin- juillet 1940 Cet opuscule relate les périples du couple Jean Maurice Germaine Voitot durant l’exode entre les mois de Juin et Juillet 1940 grâce aux différents courriers retrouvés. Depuis que Germaine avait quitté Chaville avec ses 6 enfants pour se réfugier en Bourgogne, les deux époux se téléphonaient chaque jour. La rupture des communications leur ont fait s’écrire au quotidien, seulement les aléas du courrier en cette période trouble ont fait qu’ils sont restés sans nouvelle l’un de l’autre durant plusieurs semaines. Jean Maurice dans un premier temps seul à Chaville, a dû suivre l’entreprise dans laquelle il travaillait comme responsable du service production (LMT à Boulogne Billancourt). En effet début juin, les bombardements de l’armée allemande se sont tant intensifiés sur les aérodromes (Villa Coublay) et les industries de la région parisienne, que de nombreuses entreprises ont dû fermer ou se déplacer en zone plus calme. Cela Germaine ne l’a su que bien plus tard… Puis les Allemands ont rattrapés Germaine et ses 5 enfants qui étaient à « l’abri » à Aloxe Corton, dans la famille de Bourgogne… Pour eux aussi l’exode s’est compliqué… Ce courrier est le vivant témoignage des affres par lesquels est passé ce couple aimant, parents de 6 enfants, citoyens qui croyaient en la victoire de la France, et en la Providence pour les garder tous sains et saufs malgré la guerre. Le jeune couple Maurice-Voitot, juste après le premier conflit mondial. Il pensait que c’était la dernière guerre, que les hommes seraient à l’avenir plus sensés ! 03 06 1940 ALOXE- CORTON le chapitre Mon chéri, c’est encore un coup des nazis !! On ne peut plus téléphoner en dehors du département. Finies nos bonnes rencontres par fil !... C’est la guerre ! Il faut s’incliner. Quel compte ils nous devront ces satanés boches !! Je suis allée avec Pierre à Dijon samedi pour son examen. Ils n’étaient que 2 futurs capitaines au long cours. Marseillais tous les deux ! Examen assez difficile, en math surtout !!! J’ai traîné dans Dijon en alerte de 11h30 à 17h30 avec 20mn d’ « alerte danger ». La vie continue et les gens vaquent à leurs affaires avec un calme imperturbable. Au signal danger, quelques femmes courent, s’affolent déforment les consignes mais en général  tout est calme. L’examen de Pierre s’est d’ailleurs poursuivi comme si de rien n’était. L’incursion des avions sur le sud-est nous a valu sans doute cette alerte prolongée. SOTTENS disait hier soir que Marseille a subit pour la première fois la visite des bombardiers, 2 vapeurs marchands brûlaient dans le port. Maman et mes sœurs ont dû être inquiètes. Elles sont à la corniche aux premières loges. J’ai eu une lettre de maman samedi, je te la fait suivre. Que va faire Benito digne émule d’Hitler ? Il joue actuellement un rôle dégouttant, ne trouves-tu pas ? Et il a bien profité des leçons de ce dernier. Ici, calme, discussions suspendues à la suite d’une déclaration véhémente de ma part de ne tolérer devant nos grands aucune critique, aucune théorie antifrançaise, aucune discussion qui ne soit conforme à notre idéal très haut de la patrie, surtout à l’heure où la France est en danger... . et où nos fils et nos filles doivent plus que jamais se sentir fier d’être français de race, de corps et d’âme. Tout le monde a compris et mon entourage …impulsif…suit le mouvement. Nous avons ainsi « at home » une paix relative. Mes progrès au volant ne sont pas très très rapides ! J’ai atterri dans un pré, mollement, au virage de Fernand l’autre jour, sans casse ni éraflure de peinture. J’ai conduit depuis jusqu’ à Echeronne, Beaune, Savigny, mais ne me risquerais pas dans les agglomérations même avec Laurent. 6è leçon ! L’oncle Paul est rentré à Savigny ; son séjour et traitement à Aloxe lui a fait du bien. J’ai vu Hélène; le baptême aura lieu dimanche prochain à Dijon. Son mari ne fait rien à nouveau. Et toi, mon grand ? Que deviens-tu ? J’espère que tu vas être libre demain et pouvoir te reposer. Que ne puis-je être près de toi ! Ma pensée et mon cœur y sont, tu le sais mon Aimé. Je t’embrasse mon Jean avec tout mon amour. Ta Mémaine Ps Suz. ayant une visite inconnue et la lettre de Maman étant chez elle, je te l’enverrai demain. Baisers Le 04 06 1940 AloxeCorton Mon chéri, l’annonce du bombardement de la région parisienne a causé à tous une douloureuse émotion. La guerre est vraiment totale ! Que le Bon Dieu nous aide, nous protège ! SOTTENS annonçait que les aérodromes d’Issy et du sud-ouest de la région parisienne avaient été particulièrement visés. A vol d’oiseau Boulogne et Chaville ne sont pas loin ! Il me tarde d’avoir de tes nouvelles mon chéri. Quelle est l’impression générale ?... Que le Bon Dieu décuple les énergies, soutienne les courageux ! Téléphone à Germaine si tu peux, sa mère ne doit plus vivre ! Je me ronge les poings d’être loin de toi et inutile à un moment où tout le monde, où tous les Français doivent servir ! Un ami de Laurent de l’ALT (artillerie lourde tractée) engagé dans le grand coup a écrit : « Si je me suis plaint en Alsace de ne pas voir assez d’avions, je fais ici amende honorable. Il y en a ! Et les équipages gonflés à bloc sont tout simplement splendides; ils font de l’ouvrage, du beau, les braves petits gars. On voudrait être libre, sans enfant, non marié pour se jeter dans la bagarre encore plus avec eux ». Le moral parait très haut parmi les hommes de 1ère ligne d’après ce qu’écrivent Alph et plusieurs de ses camarades ! Laurent est très calme ces jours-ci. Les affaires sont tout à fait stoppées, la défection de Léopold III lui coûte cher… Plaie d’argent n’est pas mortelle et il est encore dans les privilégiés. Samedi à Dijon, je me suis acheté un corset, le mien ne tenant plus. Un article qui a augmenté terriblement ! Ma couture avance bien peu et les journées sont pourtant bien occupées. Je regrette de n’avoir pu emmener ma machine. Hier soir 2 avions ont tourné au dessus de la région pendant longtemps dans la nuit et leur moteur ne parlait pas français. Nous n’avons plus d’alerte à Aloxe depuis le départ du cantonnement. Il y a quelques réfugiés Belges à Aloxe mais peu, aucun au Chapitre. J’espère mon chéri que les évènements d’hier ne t’ont pas obligé à travailler aujourd’hui ? Que tu auras pu te reposer un peu. Mon cœur est près de toi mon aimé avec tout mon amour, je t’embrasse tendrement Ta Mémaine Marguerite Maurice 04 06 1940 de la Ferté Gaucher Marguerite Maurice « sœur Marie Fortunée » Ma chère Germaine, je devance un peu le temps pour vous apporter mes vœux. Il semble qu’avec tous ces évènements il doit vous tarder d’avoir des nouvelles. Nous avons eu en effet quelques émotions. Pour la 5è fois, nous avons eu quelques bombes mais sans dégât en ville. C’est le champ d’aviation et la gare qu’ils visent. Hier cependant, plus de 60 appareils ronronnaient sur nos têtes; nous n’en menions pas large, mais qu’est-ce que cela auprès de ce que tant d’autres ont à souffrir. Ma chère Germaine, comme nous avons besoin du bon Dieu. Et vous, ma chère Germaine, avez-vous ces vilains visiteurs ? J’espère que non mais peut-on être tranquille… Aussi, je pense beaucoup à vous et à JEAN, d’autant que j’apprends à l’instant que le raid d’hier qui s’est déchargé de quelques bombes sur nous était destiné à Paris. Hélas, quelle angoisse ! Pour moi, je n’ai pas peur mais combien je tremble pour ceux que j’aime. Mais le Bon Dieu est là, il vous protègera tous, j’en ai la ferme confiance ; je le prie tant pour vous. Un petit mot ma chère Germaine pour me rassurer sur vous et sur Jean, je vous en supplie. Nous avons beaucoup de réfugiés que nous avons nourris, soignés, habillés. C’était navrant, pauvres gens ! Espérons que nous ne serons pas du nombre avec tous nos vieux et infirmes ! Ce ne serait pas facile ! Je viens de lire le journal ; je suis inquiète, on ne dit pas les endroits atteints à Paris. Mon Dieu pourvu qu’il n’y ai rien eu à Chaville ! Mais non, ayons confiance, ma chère Germaine, prions, cela donne du courage. Qu’ils sont malheureux ceux qui n’ont pas la foi. Recevez ma chère Germaine, ainsi que les enfants, mes nombreux baisers et les plus affectueux. SM FORTUNEE Hospice de la Ferté Gaucher Le 05 06 1940 Aloxe Mon chéri, ta lettre de mardi reçue ce matin en même temps que ton mandat m’a rassurée tout à fait sur ton sort et la maison. Une grande bataille est à nouveau en cours. Que le bon Dieu nous aide ! SOTTENS annonçait que les Boches avaient mis hier soir 6000 avions en action ! C’est à peine croyable ! Nos pauvres soldats, quelle rude tâche ils assument ! Ce matin, Reynaud modifie son ministère, Daladier disparait; est-ce mieux ? Faisons –lui confiance malgré tout et ne critiquons pas ceux qui assument une si lourde responsabilité.Mussolini déclare les eaux italiennes zone de guerre. Où va-t-il en arriver ?... Il est absolument dégoûtant. Que décide Jeanne Th  pour sa mère et Dédé ? Sont-ils toujours à Agnières ? Pour le moment, on ne parle pas du tout d’évacuation qui ne rimerait à rien et serait stupide. J’ai confiance malgré tout que nous n’en arriverons jamais là. J’ai eu ce matin une lettre de Marguerite ; je lui répondrai demain. Je t’envoie ma dernière famille de papier à lettre. Mon chéri, tu as raison. Combien j’ai bien fait d’aller te retrouver la semaine dernière mais je ne désespère pas d’y retourner dans quelques temps. Je demande un permis de circulation pour 2 mois. SUZON et Mme EMPEYTAS leur secrétaire, en ont obtenu hier. Il n’y a pas de raison qu’on ne me le délivre pas et j’irai te revoir ne serait-ce que 24h. Je t’embrasse mon Aimé avec tout mon amour ta Mémaine La belle sœur de Laurent lui a offert sa remorque pour sa voiture, large et vaste. Il est entendu que LAURENT nous ramènera en voiture à Chaville quand on y rentrera définitivement….En tout cas la remorque serrait précieuse s’il fallait un jour s’en aller. Bons baisers Germaine Maurice et ses trois garçons Pierre, René et Jean-Marc devant Le 05 06 1940 Aloxe Mon chéri, ta lettre de lundi matin reçue aujourd’hui ne me rassure pas sur les évènements de lundi après –midi que les communiqués officiels annoncent chaque jour comme ayant été plus meurtrier sans indiquer les endroits de S&O qui ont été surtout touchés et les quartiers de Paris. Donne mi donc des nouvelles de nos amis des différentes banlieues et quartiers. Je ne sais pourquoi, j’ai la conviction intime que toi mon Jean, tu n’as pas été atteint. Il me semble que si tu l’étais, j’en aurais immédiatement la conscience tant mon union avec toi est profonde et intime, tant ton être appellerait le mien. Donne-moi vite des nouvelles de toi, de la maison, de l’usine, des amis. Que les distances semblent grandes par les heures tragiques que nous vivons. Ici, tout va bien LAURENT a essayé de reprendre la route aujourd’hui, Suzon est à Beaune chez la sage femme avec RENEE P. J’ai eu ce matin une lettre de BLANCHE incluse. Que puis-je envoyer à LULU pour sa 1è communion ? Il fait une chaleur d’été torride aujourd’hui ; les cerises murissent mais il y en a peu. Tout sèche faute d’eau. Mon aimé chéri, je t’aime et t’envoie dans mes baisers toute ma tendresse. Ta Mémaine TELEGRAMME 07 06 1940 Aloxe Corton à Jean Maurice Sté matériel téléphonique Boulogne Billancourt Ai écrit tous les jours depuis lundi. Tout va bien. Baisers. Germaine La tribu Maurice au complet en Bourgogne : Suzanne, René, Marguerite, Pierre et devant Jean –Marc et Jeanette Le 08 06 1940 Aloxe -reçue le 10 06 40 Mon chéri, j’espère que tu auras reçu mes 4 lettres de lundi, mardi mercredi et jeudi et mon télégramme d’hier matin et que tu es rassuré. Ici, je couds ces jours-ci ; je fais des blousons de toile écrue à mes fils. J’ai dû acheter une culotte à RENE, la sienne, l’unique ayant perdu même son fond de remplacement ! Veux-tu m’envoyer les diplômes scolaires des enfants ? Pierre en aurait besoin pour sa préparation militaire et il vaudrait mieux que je les aie, ainsi que mon certificat commercial. LAURENT me proposait d’aller à Chaville avec sa voiture chercher si nous le désirons ce que nous voudrions enlever dans le cas d’une avancée ou de grave bombardement des boches. Qu’en penses-tu ? Il y a 700km aller-retour qui font presque 700f de frais de voiture ! Et que faudrait-il enlever ? J’ai vendu l’or dont je t’avais parlé (chaines, alliances) 1920f, il y en avait 64g net à 30f. Je mets 2000f de côté pour parer à toute éventualité et ai encore 1500f de bijoux que j’ai conservés intacts qui pourraient au besoin être monnayés en cas d’urgence. Je n’ai rien reçu de toi depuis ta lettre de jeudi matin. Je t’embrasse mon Aimé avec tout mon amour. Ta Mémaine Dijon synagogue sauvée de la destruction grâce à l’évêque KIR qui a proposé aux allemands d’en faire une réserve militaire Le 09 06 1940 DIJON -reçue le 31 07 40 Le courrier ne m’a rien apporté depuis vendredi et les journées passent si lourdes d’inquiétudes dans l’attente des nouvelles et des communiqués qu’il me semble qu’il y a des semaines ! As-tu reçu mes lettres de lundi, mardi mercredi jeudi samedi et mon télégramme de vendredi ? Je suis poursuivie depuis hier soir par cette musique d’un chant de messe qui m’et revenu spontanément en m mémoire hier soir en pensée, sursaut d’espoir sans doute. Je te la passe pour qu’elle te poursuive toi aussi en chant d’optimisme : « Les hommes d’armes combattront et Dieu donnera la victoire ! » Je t’écris de chez HELENE ; j’ai reçu ce matin seulement sa lettre du 6 fixant le baptême à hier ! J’ai immédiatement pris le car pour expliquer notre absence d’hier ; Je ramènerai ses 2 ainées à Aloxe ce soir pour quelques jours, ce dont elles se font une joie. Son bébé est très très beau. Son mari n’a toujours pas de travail. PIERRE a repris la classe aujourd’hui, son pied est toujours enflé mais va bien. Je l’ai d’ailleurs fait voir au Dr BIZOT qui n’a rien trouvé d’anormal. Hier, nous n’avons pas bougé, anxieux de n’avoir reçu à Aloxe ni journaux, ni courrier. Le bombardement de la ligne à Sens en était la raison. J’ai reçu une lettre de Marseille ce matin. Je te l’enverrai après l’avoir fait lire à Tante Alice toujours anxieuse de nouvelles de tous. Ecris-moi un mot seulement que je te sache en bonne santé et à Paris toujours. Je t’embrasse mon Aimé chéri avec tout mon amour. Mémaine

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