Jean levantal – 5, rue Coq Héron. 75001 Paris – Tél / Fax 01. 42. 36. 96. 89








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LE SALON DE L 'ŒUVRE ANONYME




1921

  1. En janvier, la galerie Devambez accueille le Salon de l'Œuvre Anonyme dont Loutreuil et ses amis ont eu l'idée quelques mois plus tôt, et dont Vildrac assure la présidence.

La réalisation de cette exposition, seule forme de présentation qui garantisse - selon Loutreuil - une appréciation impartiale des œuvres par le public, le décevra; d'autant qu'elle est très inégalement jugée par les critiques : certains voudront n’y voir que le “ Salon des Devinettes ”...

Une polémique entre journalistes s’engagera d’ailleurs au sujet de cette exposition d’une centaine d’artistes - indifféremment français et étrangers -, dont certains des noms illustres qui y furent identifiés par des critiques, confirment tout l’intérêt (citons, au détour des lignes écrites par Charles Fegdal et René Jean, Sabbagh, Goudiachvili, Camoin, Matisse, Picart Le Doux, Fraye, Loutreuil, Mainssieux, Foujita, Ottmann, Friesz, Gleizes, R. Dufy, Favory, Marcoussis, Le Bail, Fornerod…).

En dépit des passions qu’il avait suscitées (ou peut-être à cause d’elles), le Salon de l’Œuvre Anonyme restera sans lendemain à Paris, après que Loutreuil se sera séparé des organisateurs qui ne l’avaient, selon lui, réalisé que dans un esprit tout à fait mesquin et superficiel. La formule sera cependant reprise à Londres quelques mois plus tard.

  1. En février, Maurice participe avec cinq toiles, des aquarelles et des dessins, à la 2ème exposition collective du groupe coopératif de l'Encrier à la « boutique » du même nom, tenue par Marie Louise Smits, « boutique » qui est à la fois le siège du mouvement et de la « revue des lettres, des arts et des rêves appliqués à la vie » que dirige alors Roger Dévigne également sous le même vocable. Marie Wassilief figure parmi les exposants.

  2. Le 8 avril, le peintre Auguste Clergé et l’écrivain Serge Romoff organisent, sous le titre “Quarante sept artistes exposent au café du Parnasse ” la première exposition collective dans un café.

Ce Salon de Peinture installé dans un “ Salon de la Démocratie ”, (pour reprendre les termes de Gambetta), réunit 23 peintres étrangers et 24 peintres français, parmi lesquels Loutreuil - avec 2 œuvres -, Pierre Brune, Pinchus Krémègne, et Chaïm Soutine, qui tous quatre avaient séjourné à Céret.

La presse salue largement cette première, qu’André Salmon commente peu après en ces termes : – “ Leur exposition est une des plus intéressantes qui soit à Paris en ce moment ”.

  1. Le même jour est fondée, par Clergé et Romoff, la Compagnie Ambulante de peintres et sculpteurs, à laquelle adhère notamment Soutine, et qui choisit le Parnasse pour tenir ses assises.

  2. Animée par Paul Husson et Géo-Charles, l’équipe de “ Montparnasse ” fait alors, elle aussi, de ce café le quartier général de sa revue, qui ouvrira largement ses colonnes à Maurice Loutreuil dans les années qui suivront.

Kiki, le modèle bien connu, en vend le soir les numéros aux terrasses alentour.

Dirigé par Valentin Clamagirand, alors âgé de 37 ans, originaire de St. Paul des Landes, dans le Cantal, le café du Parnasse (ancien café Vavin), 103 boulevard du Montparnasse, est à l’époque le lieu de rencontres et d’échanges favori de Maurice. Il en préfère le calme à l’agitation de la Rotonde, tout proche au 105 du même boulevard, dont le patron Victor Libion s’est retiré dès 1920. Loutreuil apprécie peu les turbulences de certains de ses clients.

L’importance historique du Parnasse – en raison tant de son antériorité dans l’organisation des expositions au café, que de la qualité des artistes qui en furent les familiers – se trouvera toutefois quelque peu occultée par sa disparition précoce, après son absorption par la Rotonde vers juin 1924, suite à son rachat intervenu semble-t-il dès mars 1923. Il s’ensuivra, dans les souvenirs, une confusion fréquente entre les 2 cafés, en dépit des lignes consacrées au Parnasse par Charles Fegdal dans “ la Table Ronde ” dès 1921, puis par Gustave Fuss-Amoré et Maurice des Ombiaux dans leur “ Montparnasse ” paru au Mercure de France en 1924, et repris par Albin Michel en 1925, peu avant la publication par cet éditeur des lignes d’André Warnod à ce même sujet, dans “ Les berceaux de la jeune peinture ”.

  1. Le 3 juin, on trouve à nouveau Loutreuil, (avec une huile et une aquarelle), dans l’exposition “ Les cent du Parnasse exposent leurs œuvres au café ” que présente Serge Romoff, avec la participation, - toujours à parts égales - d’artistes étrangers et d’artistes français, parmi lesquels Othon Friesz.

  2. Maurice donne à cette occasion une peinture, pour constituer l’un des 11 lots de la tombola organisée sous l’égide de la revue “ Montparnasse ” par le Groupe d’art du Caméléon, dont Alexandre Mercereau prendra la suite, quelques mois plus tard, dans le même cabaret transformé en “ Sorbonne Montparnassienne ”.

  3. Le peintre occupe ensuite, le 5 juin, le stand n° 12 de la “ Foire aux croûtes ”, exposition-vente (au titre peu flatteur) où il est invité, avec d’autres artistes “ Montparnassiens ”, par les représentants de la Commune Libre de Montmartre, quelques jours après que ces derniers aient eux-mêmes reçu un accueil très arrosé au café du Parnasse.


“ POMPIERS ” ET “ MODERNES ”


  1. Loutreuil est chargé le même mois par la galerie Devambez de constituer un groupe de peintres dits “ modernes ”, en vue de la confrontation, dont il avait donné l’idée, de 2 groupes de tendances opposées (l’un de peinture pompier, l’autre de peinture moderne).

  2. Il choisit, pour exposer avec lui, René Ben Sussan, Marcel Chotin, Sophus Claussen, Henri Epstein, Hélène Grünhoff, Zygmunt Landau, Osvaldo Licini, Maurice Mendjiski, Chantal Quenneville, Manuel Ortiz de Zarate, Roysen, Chaïm Soutine, Waclaw Zavado, mais élargit aussi son groupe à la sculpture avec Julio Gonzalez et Léon Indenbaum.

  3. Trois salles leur sont consacrées au 1er étage de la galerie, où Maurice assure le placement de leurs œuvres et figure, pour sa part, face à Mendjiski, entre Marcel Chotin et Chaïm Soutine dont le “ lapin écorché ” (souligne André Gybal dans son compte rendu du “ Journal du Peuple ” intitulé “ Deux Ecoles ”) “ révèle…un peintre tout à fait sûr de son métier ”.

L’avis général est que c’est intéressant et que le groupe moderne bat à plate couture le groupe pompier, rapporte Loutreuil, en précisant que c’est déjà caractéristique sous plusieurs rapports : dans le groupe pompier rien que des français et pas de femmes ; dans l’autre une grande majorité d’étrangers. (12 artistes sur 16, en effet).

Tabarant confirme d’ailleurs, dans le journal “ l’Œuvre ”, que “ les peintres du 1er groupe n’existent pas auprès de leurs antagonistes, peintres du Salon d’Automne pour la plupart ”. Il ajoute “ … comme ils apparaissent nus et maigres ” “ sortis de leur habitat naturel qui est le Salon des Artistes Français ”, même si certains d’entre eux “ ne sont pas dépourvus de qualités, bien qu’ils aient reçu les leçons de M. Cormon, le moins peintre des peintres. ”.

Même s’il reproche à Loutreuil “ d’avoir donné à l’élément étranger une place trop prépondérante ” dans le 2ème groupe, le journaliste reconnaît que “ le 1er groupe disparaît devant le second parce qu’il est une pauvre chose morte en regard de quelque chose qui est vivant ou aspire à vivre ”

  1. Belle revanche pour Maurice, naguère refusé à l’atelier Cormon, que le succès en ces termes du groupe qu’il a formé…

  2. Mais c’est surtout le qualificatif “ Ecole ” qui se détache en tête des lignes que consacre Gybal à celui des 2 groupes dans lequel il place ses espoirs, alors que Chavance, dans le journal “ Liberté ” écrit au sujet de ceux qui en font partie que “ ce qu’on distingue surtout et non sans plaisir, c’est, en dépit de préoccupations très dissemblables, une évidente parenté entre les œuvres purement françaises, à côté des tentatives d’artistes étrangers qui, en grande partie, composent le second groupe ” – ajoutant en outre – “ Et l’on peut en conclure que le mariage entre les diverses tendances n’est pas éloigné de se faire… ”.

  3. A Paris une Ecole nouvelle et indépendante est bien née, – qui réunit des français et des étrangers. Son nom reste à lancer : ce sera “ l’Ecole de Paris ”.

  4. L’harmonie entre artistes étrangers n’est pas pour autant parfaite à la même époque dans la capitale. La presse se fait notamment l’écho de leurs dissensions en ce qui concerne la définition des grands courants de l’art contemporain russe, à l’occasion de l’exposition organisée par l’association “ Mir Isskousstva ” à la galerie la Boétie. Au “ russianisme ” des exposants, Bakst, Tarkhoff, Belobodoroff, Chiriaeff, Goudiachvili, Grigoriew, Jacovleff, Sovdeikine s’oppose celui de Feder, Lebedeff, Krémègne, Lipchitz, Zadkine, alors que “ l’Imagier ” conclut, dans “ l’Œuvre ”, au sujet des uns et des autres, que “ ce qu’ils sont à même d’offrir n’est plus empreint que d’un slavisme de déracinés ”.

  5. Dans ce climat qui n’est pas exempt de polémiques entre ses propres amis, Loutreuil travaille beaucoup dans sa nouvelle habitation de Belleville qui constitue pour lui un lieu favorable à la réflexion et aux recherches. Mais il est souvent déprimé.

  6. Les apparitions intermittentes de Suzanne Dinkes, revenue à Paris, après avoir passé un an en Algérie en tant que professeur de dessin au lycée de garçons de Constantine, et dont il fait plusieurs portraits importants, ne font qu'aviver sa souffrance de manque d'affection féminine : – Suz. Dinkes qui est actuellement une femme dans toute sa splendeur, est venue me voir hier (et) ne me laisse aucun espoir, écrit-il à son frère, après avoir appris d’elle la mort de Gabriel Fabre à l’hospice de Martigues le 31 mars précédent.

  7. Le décès de sa grand-mère en juillet, ajoute à sa tristesse, ainsi que la vente par sa tante Gouin, qui en avait acquis la propriété à la disparition du grand-père Loutreuil-Fleury en 1906, de la maison où Maurice enfant avait séjourné à Chérancé auprès de ses grands-parents paternels.

  8. Il sent qu'il lui faut réagir : – J'ai fini par m'apercevoir du préjudice énorme que me causait la solitude. Je vais y parer avant toute chose, soit par un rapprochement avec ma famille, soit de toute autre manière.

  9. Au cœur de cette Ecole de Paris cosmopolite, qui n’a pas encore su dire son nom, la vie de Montparnasse, à laquelle il prend une part active, lui apporte à cet égard un soutien précieux, en académies comme dans les cafés où s'échangent les idées : – Je passe toutes mes soirées au café du Parnasse – où j'ai maintenant beaucoup de camarades.

Le peintre y côtoie les plus grands, et parmi eux ses familiers, Raymond Billette, Pinchus Krémègne, Jean Metzinger, Tjerk Bottema, Léopold Survage, Titus Czyzewski… ; Paul Husson, Auguste Clergé et Géo-Charles enfin, animateurs de la revue Montparnasse en même temps qu’ils ont été ses tout premiers défenseurs.

  1. Amies toutes deux de Chantal Quenneville et de son mari le pianiste britannique Adolphe Hallis, à qui Maurice est alors très lié, Nina Hamnett la compagne du peintre Zavado et la poétesse Béatrice Hastings, égérie de Modigliani en 1914 et 1915, hantent alors, elles aussi, la terrasse du Parnasse et celle de la Rotonde.

Le poème de cette dernière que Maurice a laissé, après l’avoir copié de sa main, (peut-être en pensant à Modigliani, autant qu’à ses propres déboires amoureux) prend un caractère de rareté, compte tenu des bons mots qu’André Salmon a cru justifié d’écrire plus tard sur elle, à défaut - semble-t-il - d’avoir lu la revue “ Montparnasse ” d’avril 1923 où il fut retranscrit :
“ - Histoire Banale

Elle ne l’aimait guère : et ses mains froides et blanches purent lui frapper

son cœur brûlant, purent se réchauffer de ses larmes –

Elle l’aimait trop : et comme le feu follet, il la leurra.

Elle quitta sa porte protectrice

Elle lui fit un signal de son voile agité –

Elle ne l’aimait guère : et son œil fut pour lui une étoile, son visage

la seule fleur de la terre, sa chevelure un filet soyeux, sa parole un

don et le don d’un baiser – trop.

Elle l’aimait : et il la rejeta comme la mer rejette l’algue

Elle l’attend, comme l’algue attend le retour de la mer. ”

  1. Salmon en parlant de “ …Béatrice la poétesse ..” “..sans œuvre qui, de toute sa froide raison, … mit toute sa poésie dans des amours tout de suite espérées insensées ”, ajoutait en effet : – “ Seul peut-être, car cela n’est pas trop assuré, Modigliani eut pu parler des poèmes de Béatrice Hastings.

Personne, je le répète, n’a cité le moindre de ses vers, pas même aucun des esthètes anglo-saxons si nombreux à Montparnasse. A-t-elle déchiré ses manuscrits à l’exemple délirant de son amant Amedeo déchirant ses dessins dignes du musée ? Mais quoi ? La poétesse était-elle digne des anthologies ? ”.

  1. Bien qu’à regret, car ça n’est plus la vie, Maurice se voit obligé à l’époque de recourir à des modèles de profession. Parmi ceux-ci, Germaine Maraud – mais aussi la fameuse Aïcha Goblet, dont le compagnon Samuel Granowski figure parmi les peintres du Parnasse – et enfin Alice Prin dite Kiki, comptant avec son ami Maurice Mendjiski, autre peintre du Parnasse, parmi les familiers de l’établissement.

  2. Il fait aussi le portrait de plusieurs de ses amis : Georges Letessier, dont il fait, semble-t-il, la connaissance par le biais de François Gibon, dans les derniers mois de l'année, est l’un d’entre eux. Originaire de la Mayenne et retiré des affaires, après avoir pris part entre autre à la direction de l’hôtel de Rennes, au Mans, Letessier, dont Loutreuil laissera des portraits remarquables (aquarelles et huiles), sera pour le peintre un ami fidèle et secourable, notamment lors de son hospitalisation en 1924.

  3. En novembre sont présentées 2 toiles au 14ème Salon d'Automne.

  4. En dépit d’un rapprochement avec Suzanne Dinkes, la fin de l’année, loin d’apporter à Loutreuil le réconfort familial dont il aurait besoin, est teintée de tristesse. Il est sans nouvelles de son frère et de sa belle-sœur et leur exprime le 31 décembre, en même temps qu’il leur envoie ses vœux, sa crainte de n’avoir pas à se méprendre sur la signification de leur silence : – Vous pensez qu’entre nos 2 manières de comprendre et de vivre, il est enfin temps de mettre des distances – Je le regrette infiniment.


1922

  1. Les réponses de son frère viennent dissiper ses craintes, mais la solitude morale n’en reste pas moins lourde à porter pour Maurice qui avoue, en ce début d’année : – …c'est toujours la mauvaise vie qui continue, et tous les soirs je me demande quand tombe le jour, faut-il que je me couche, ou faut-il que j'arpente les rues ou faut-il que j'aille prendre un café-crème – voilà depuis plus de 20 ans ce qui me chagrine – je connais beaucoup de monde ici – mais je ne vais pour ainsi dire voir personne, car au fond je ne m'entends bien complètement qu’avec quelques rares camarades – aussi peu favorisés que moi – et qui habitent loin.

  2. Parmi ceux-ci, précise-t-il, je vois très souvent Billette – il fait en ce moment des recherches que je trouve rudement intéressantes et pourtant dans un sens voisin de Lhote et aussi des cubistes – et en même temps, il est un critique très averti, ce qui donne lieu à de longues dissertations … et à de nombreuses soucoupes !

C’est, bien sûr au café du Parnasse, que s’entassent les soucoupes en question.

  1. En même temps que les peintres, une pléiade de jeunes poètes s’y retrouve chaque soir à l’époque, aux côtés d’aînés, comme Gustave Kahn, André Salmon, Blaise Cendrars. Au nombre de ceux dont Maurice est proche, Philippe Chabaneix y accueillera Pierre Camo, au seuil de l’hiver suivant, salué également par Moïse Kisling qui avait lui aussi connu le poète à Céret.

  2. Présent dans 4 expositions collectives au cours des premiers mois de l’année, dont l’une organisée par Louis Vauxcelles chez Marcel Bernheim en avril, Loutreuil demeure, en fait, si activement lié à la vie de Montparnasse qu’il songe un moment à revendre sa maison de Belleville pour s'en rapprocher.

  3. Mais finalement il en poursuit la réparation, en même temps qu’il plante dans son jardin des soleils, du maïs, du gazon et aussi des fèves, – dans l’espoir, - écrit-il -, que ce soit favorable pour le travail cet été.

  4. Préfacée par Gustave Kahn, la 4ème exposition collective du Parnasse accueille en mars, 6 œuvres du peintre. La revue Montparnasse lui consacre dans ses bureaux une exposition particulière en avril suivant.

  5. Très réservé, au même moment, sur les accrochages présentés à son tour par le café voisin, dont il a trouvé l’exposition moins bonne qu’au début, Maurice déclare en mars : – La Rotonde est toujours au complet mais l’exposition y est devenue très peu intéressante, puis en juin : – j’ignore toujours la Rotonde qui ne rentre pas dans mon esthétique.

  6. Il avait écarté, peu auparavant, l’idée de former un groupe de peintres cubistes et futuristes , en vue d’une exposition dans une galerie niçoise dont on avait souhaité le charger : – Vu que je ne suis ni cubiste, ni futuriste – j’ai craint une trop grande perte de temps et j’en ai chargé Survage.

  7. Faisant suite, au cours du printemps, à une exposition Modigliani chez Bernheim-Jeune, qui ne peut lui avoir échappé, mais le laisse muet…, une exposition de Henri Matisse, vue à la même galerie, ne l’emballe pas énormément.

  8. Au seuil de l’été, les galeries parisiennes accueillent 4 expositions assez symptomatiques des tendances de l’Art : Laprade chez Druet – Delaunay chez Guillaume – Les Cubistes, de Léger à Braque chez Rosenberg – Lhote à la Licorne.

Maurice y trouve l’occasion de confirmer son opposition sans appel à ce dernier, en même temps que ses réserves au sujet du cubisme :

J'ai vu dernièrement une exposition d'André Lhote qui m'éloigne définitivement de lui – à cause de l'élimination, volontaire ou non, de toute espèce de richesse, de don de soi, – Son travail certainement a d'autres mérites, mais je ne peux pas lui reconnaître ceux-là – C'est comme un moteur auquel il ne manque aucune pièce mais qui ne marchera jamais parce qu'il n'y met pas d'essence.

J'ai eu il y a quelque temps une longue conversation avec Metzinger qui dit être bien décidé à lâcher le cubisme – reste à savoir si le cubisme le lâchera aussi facilement – mais il avait une bien belle nature morte aux Indépendants, ajoute-t-il, plus conciliant pour son ami.

  1. La maladie contractée en 1920 nécessite des traitements répétés, et Loutreuil doit faire le 7 juin un court séjour à l’hôpital pour y subir une ponction lombaire, séjour à l’issue duquel il compte, travailler sans désemparer pendant tout l’été.

  2. C’est en fait chez lui, à Belleville, que Maurice poursuivra en large part son activité de peintre, au cours de cette année, avec la satisfaction - les beaux jours venus - de pouvoir y réaliser en plein air plusieurs peintures importantes, comme “ le nu orange dans le jardin ” et le “ nu aux mains jointes assis devant le feuillage ” : – J'ai installé une sorte de tente dans mon jardin – où je travaille le nu.

  3. Mais il reste en proie à la solitude en dépit des quelques visites de Suzanne Dinkes, dont il avoue, après avoir peint à nouveau son portrait : – ma camarade tient mal ses promesses et s’oriente d’une manière peu intéressante ; toujours en proie au doute aussi, lorsqu’il constate : – Le secret de la peinture me semble de plus en plus indéchiffrable.




  1. L’ALLEMAGNE




  1. Un voyage d'un mois à Berlin en août et septembre, en visitant au passage Cologne et Liège, vient éclairer la fin de l'été.

  2. Loutreuil juge magnifique - l'architecture urbaine de Berlin où, logé dans le quartier des peintres, 40, Wielandstrasse à Charlottenbourg, il peut faire venir à domicile des modèles pour 100 marks par séance,

J’ai une amie qui a dix huit ans ! écrit-il alors à son camarade le céramiste Marcel Stahli ; peut-être s’agit-il du modèle qui a posé pour le nu très juvénile connu sous le titre de “ nu de l’été 1922 ” ?

  1. L’artiste parcourt l’important musée de peinture ancienne - s’arrête plus spécialement devant les œuvres françaises du musée de peinture moderne (œuvres de Renoir, Cézanne et Matisse en particulier, voisinant avec de bonnes pièces de Sisley, Pissarro, Manet). Maurice rencontre Serge Charchoune, dont il voit avec intérêt l’exposition à la galerie “ Der Sturm ” en même temps que la présentation d’œuvres d’Hélène Grünhoff, sa compagne, et d’aquarelles de Ossip Zadkine.

  2. Place Augusta-Victoria, il devient vite un familier du Romanischer Café, rendez-vous berlinois des intellectuelscomme à Paris le Rotonde – parmi lesquels il a la satisfaction de retrouver fortuitement différents intellectuels russes connus à Paris.

  3. Sur la recommandation de Chantal Quenneville-Hallis, le peintre fait en outre la connaissance de l’écrivain Ilya Ehrenbourg, qui séjourne à Berlin après avoir été expulsé de France à son retour de Russie l’année précédente.

Les 2 hommes s’accordent pour ne pas aimer du tout ce qu’on appelle “ expressionnisme ”.

Leur approche du cubisme semble en revanche les séparer : à l’affirmation de Loutreuil que les meilleures choses sont les moins cérébrales, Ehrenbourg répond en citant ce mot de Georges Braque “ – J’aime la mesure qui corrige l’émotion ”. Maurice conclut : – ça me rappelle les religieuses qui mettaient des caleçons aux statues de Michel-Ange  –  Je crois aussi que la mesure est la chose la plus magnifique du monde dont l’homme puisse s’emparer. C’est le but de tous nos instants. C’est dans la mesure qu’est l’absolu pour l’homme ; c’est elle seule qui peut faire de lui un Dieu – mais je trouve que c’est justement l’émotion qu’on doit charger de trouver la mesure – je veux dire que c’est seulement par l’émotion qu’on se trouve en contact avec tous les éléments dont on a à tenir compte et que tout ce qui est en dehors d’elle est inévitablement partiel, insuffisant, pauvre. Bouddha disait paraît-il, “ ce qui importe le plus en toutes choses c’est le “ ah ! ” qu’elles nous font faire ”.

Ainsi Loutreuil faisait-il sienne une des constantes qui rapprochent nombre de peintres de l’Ecole de Paris, - souvent originaires d’Europe centrale : l’élément émotionnel leur est un facteur commun.

  1. De ce voyage, le peintre rapporte finalement une quinzaine de toiles dont un nu de dos qu'il présente au 15ème Salon d'Automne, avec deux autres peintures.

  2. Mais à Paris, au retour, malgré quelques achats d'amateurs nouveaux, ses ventes restent insuffisantes comme il le constatait déjà l'hiver précédent en écrivant : – Je travaille beaucoup et je vends très peu Enfin je dois patienter sans doute, jusqu’au jour où je pourrai vendre moi aussi pour 220.000 francs de peinture. Pareille patience allait être épargnée à Soutine, même si les achats que lui fit le docteur Barnes à l'époque n'atteignirent pas un tel chiffre.

  3. Maurice doit donc décider en décembre, pour alléger ses soucis financiers, de louer en totalité sa petite maison ainsi que l’atelier contigu, et d'habiter un nouvel atelier en planches qu'il entreprend de construire de ses mains sur un coin du jardinet avec du bois de récupération.


1923

  1. L’année semble s’annoncer sous le signe de la stabilité. Le peintre achève son nouvel atelier et peut commencer à y travailler. Les expositions auxquelles il est invité à participer se succèdent (8 dans l’année), organisées notamment : - à la galerie La Licorne  par la revue “ Montparnasse ”, en janvier, avec une vingtaine d’artistes de Montparnasse, (en hommage à Modigliani, un portrait de femme exécuté par l’artiste et prêté par le Commissaire Léon Zamaron occupe la place d’honneur) - à la Librairie Montparnasse, en avril, avec Kasimir Zieleniewski et Raymond Billette (qui peint alors par “ association d’impressions ”) - puis au Musée du Mans, où Henri Gizard, ami de Loutreuil, est également représenté.

  2. Soucieux d’échapper à toute forme d’appartenance (abonnements ou engagements), Loutreuil oppose à l’invitation de Gizard, qui lui propose d’adhérer au Mans à la Société des Amis des Arts, le même refus qu’aux Anciens Elèves du lycée, aux Sarthois de Paris, à “ l’Encrier ”, à “ Montparnasse ”, etc… et s’en explique : – mon existence s’est continuellement écoulée depuis le sortir de l’enfance dans une telle horreur que je me suis depuis longtemps déjà désolidarisé d’avec mes contemporains – je ne cherche pas à sous-entendre pour cela que c’est leur faute – Je ne comprends rien à ce qui m’est arrivé et toute société me fait peur – je n’en conçois qu’une dont nous sommes loin – et dont je ne veux même pas parler n’ayant jamais réussi à l’expérimenter moi-même.

Je reste avec mon chaos et je ne veux pas en sortir … par la porte de secours.

  1. Il paraît en revanche, à la même époque, s’intéresser à l’organisation le 4 mai d’un bal à Bullier au profit d'une association pour les artistes nécessiteux ; il précise qu’à l'intérieur seront des loges décorées par les peintres, sans toutefois indiquer la part qu’il peut y avoir prise.

  2. En mai, une peinture de Loutreuil est sélectionnée pour le 1er Salon des Tuileries créé par les moins vieux des sociétaires de la Nationale pour confronter les écoles nouvelles, avec le souci de grouper par affinités français et étrangers.

  3. Toujours attentif aux travaux des autres artistes, Maurice fait la connaissance de Gaspard Maillol, à l’occasion d’une exposition de ses papiers à la Licorne.

Après de premiers essais faits avec son oncle le sculpteur Aristide Maillol, près de Marly en 1914, auxquels la guerre avait mis fin, ce “ musicien-peintre-vigneron et terrien ” avait tenté de relancer au Mans en 1920, avec l’aide de Pierre Térouanne, la fabrication de papiers à la forme pour artistes, les papiers de Montval (à base de “ fibres de tissus de chanvre effilochés ”), mais dut y renoncer après 3 ans.

  1. Chez Bernheim-Jeune, Loutreuil admire une exposition de Matisse qu’il trouve très supérieure à celle de l’année précédente  – Les toiles douteuses y sont rares et il y en a beaucoup de remarquables, séries de femmes habillées ou nues en orientales dans une chambre donnant sur la mer. – quoiqu’il travaille certainement un peu en vue de la vente, c’est tout de même un peintre très attachant…

  2. Les belles choses de Vincent Van Gogh et de Paul Cézanne qu’il voit également en juin, aux cimaises de Bernheim, n’échappent pas à son attention, mais c’est à Henri Matisse et Raoul Dufy, que vont ses préférences du moment.

  3. Si Othon Friesz et aussi Gabriel Fournier, figurent parmi les peintres actuels qu’il préfère, – comme nouveau, ajoute-t-il, je ne vois guère que Pascin et Hermine David – leur art toutefois n'est pas exempt de compromissions – Je veux dire qu'il manquerait peut-être d'une base substantielle – mais ils sont d'une intelligence très avertie.

Une femme qui a dernièrement fait beaucoup de progrès c’est Chériane, constate-t-il par ailleurs, peu après avoir estimé que Derain cherche dans une peinture avant tout, le drame.

  1. Par contre - bien que gendre de Paul Fort - le peintre Gino Séverini, revenu à la tradition figurative après avoir illustré la “ grandeur futuriste ” au côté de Marinetti, (dans un esprit d’ailleurs assez proche du cubisme), ne trouve pas grâce à ses yeux : – je n'ai aucune confiance en lui. – Je crois qu'entre Séverini et un élève ou professeur académique il n'y a jamais eu de sérieuses différences – quant à tous les autres cubistes ou ingristes si intéressants qu'ils puissent être, ils font autre chose que de la peinture.

Et Loutreuil d’ajouter : – Je crois qu'entre image et peinture il y a lieu de faire une différence fondamentale – que jusqu'à présent, personne n'a pu faire sans dommage, bon marché de sa sensibilité, – qu'au Louvre, le bœuf écorché de Rembrandt est d'un travail très supérieur à la “ Bethsabée ” qui se trouve juste en face – que dans le travail tout dépend de la force d'énergie impulsive autant que contenue qu'on y met, etc... Je pourrais multiplier les arguments qui moi, me convainquent, mais je ne puis penser qu'avec la cervelle que j'ai et qui est bien peu de chose en face du Problème.

L’artiste écrit par ailleurs, à ce sujet : – Pour ma part, je limite le problème auquel je désire m'attaquer, à la seule peinture et je la vois dans le phénomène aussi spontané et direct que possible – à 3 éléments inséparables et confondus : le peintre, le motif et une unité minimum de temps. Cela se rapproche peut-être des impressionnistes, mais en rejetant complètement leur romantisme – et je crois que le nom le plus propre serait de “ peinture directe ”.

  1. Je vais au Parnasse tous les jeudis soir, et j’y vois pas mal de peintres, rapporte alors Maurice à ses amis Hallis, avec lesquels il entretient à l’époque une correspondance suivie.

  2. Installé dans son nouvel habitacle, Loutreuil se dispose à travailler sans désemparer tout l’été, bien que désorienté et dépité par la versatilité de S. Dinkes, à nouveau silencieuse après lui avoir écrit “ – Je n’ose plus aller vous voir pourtant je sais toute votre bonté… ”.




  1. SEJOUR DANS LA SARTHE




  1. La difficulté de trouver des modèles, le désir de faire du paysage, et peut-être aussi le besoin d'être moins seul, le décident finalement à aller passer à Mamers les mois d'août et de septembre, chez son frère Arsène et sa belle sœur Berthe.

Il sollicite leur hospitalité et croît les rassurer en leur précisant : – je me proposerais uniquement de travailler, c'est vous dire que je ne fréquenterais personne – et observerais une tenue vestimentaire correcte. (tenue vestimentaire dont certains eurent cependant l’occasion de constater qu’elle se limitait parfois au seul plastron de la chemise, sous le veston…).

  1. Le peintre rejoint finalement Mamers le 6 août, après avoir été retardé par un litige résultant d’un début d’éboulement de son jardinet, consécutif à des travaux d’excavation faits chez son voisin.

  2. Outre des paysages, il rapportera de ce séjour bénéfique un portrait de sa belle sœur, ainsi qu’un important portrait de son frère que ce dernier conservera, en même temps que plus de 300 des lettres qu’il reçut de Maurice.

La charge affective qui émane de cette œuvre, vient aujourd’hui compléter les lettres transmises par Arsène Loutreuil, en les enrichissant d’un élément pictural qui paraît curieusement manquer pour illustrer les lettres de Vincent Van Gogh à Théo.

  1. Le retour de Maurice à Paris semble être marqué par des ventes encourageantes à quelques nouveaux amateurs. Résultat modeste, toutefois, face au tapage qui se développe autour de Soutine “ sur qui - assure Marcel Hiver - la mercante essaie de faire un bon coup ” à l’occasion d’un nouveau passage à Paris du mécène américain Albert C. Barnes, “ mammouth doré ” dont Paul Guillaume se serait institué “ l’astucieux cornac ” pour le promener dans les ateliers des artistes…

Barnes ne vint pas chez Loutreuil, qui ne pouvait qu’être rebelle à toute forme de mise en scène autour des artistes, comme il l’avait prouvé à l’occasion du Salon de l’Œuvre Anonyme

  1. En septembre, Maurice envoie une nature morte et 2 aquarelles, à une importante exposition collective organisée par son ami Perrin, dans le cadre de la 1ère Foire de Tananarive.

  2. En novembre, il participe au “ Salon du Montparnasse ”, organisé par l’éditeur-marchand de tableaux Eugène Figuière, dont Alexandre Mercereau avait dirigé la collection littéraire. C’est Figuière qui publia, “ Du cubisme ”, par Albert Gleizes et Jean Metzinger, ainsi que, plus tard, “ Le Vieux Montmartre ”, par André Warnod.



  1. 16ème SALON D’AUTOMNE




  1. Loutreuil présente au même moment 3 toiles, (dont 2 paysages peints à Mamers), au 16ème Salon d’Automne, qui le conduit, peu après avoir écrit à ce même sujet un important article pour un journal de Los Angeles,  à réaffirmer sa conception de la peinture à son amie Marthe Lepeytre :

Pour ma part, je suis tout à fait en désaccord avec les cubistes d'une part et de l'autre – avec les néo-classiques – Je ne conçois comme signification du mot peinture, que le travail direct, sur nature et aussi spontané que possible – ce qui ne veut pas dire impressionniste – mais plutôt dans le sens de “ construction de la sensibilité ” – c'est-à-dire que le travail, au lieu d'obéir à des préoccupations extérieures comme chez les impressionnistes, doit s'inspirer bien plutôt des réactions intérieures du peintre, mal définies jusqu'à présent, mais dont le tumulte en accord simultané avec la perception de la nature et son mouvement contient et contient à lui seul toute la richesse artistique – laquelle a tout à craindre et s'évanouit à la moindre atteinte sacrilège de cette chose qui lui est complètement étrangère et qu'on appelle “ idée ”, “ raison ”, “ sujet ”, ou même “ forme ”, “ ressemblance ”, etc …

Mais il y aurait tant à dire là-dessus – et au-dessus de tout ce qu'on pourrait en dire, il y aurait encore tant à chercher, le pinceau en main…

Car je considère toujours que l'art est un des meilleurs moyens de recherche de la vérité.

  1. Pour le journal américain, Maurice avait au préalable exposé ses vues sur les peintres présents au Salon, en y opposant le néo-classique (avec Favory, Barraud, Perdriat, Lhote, Sabbagh, Roche) à la peinture de sensibilité, (avec Lemercier, Galibert, Chotin, Randall, Davey, Pearson).

Suivait une réflexion sur le problème de la femme peintre – quelques-unes d'entre elles étant passées avec une rapidité prodigieuse et une audace rare, de travaux insignifiants à des qualités remarquables – mais qualités retirées hélas trop souvent, non pas de la nature elle-même, mais du travail de tel ou tel autre peintre masculin.

Errement passager, pérégrination passagère dans l'histoire du développement féminin ou nécessité fonctionnelle ?  Le rédacteur posait la question sans conclure.

Puis était suggérée par le peintre, toujours désireux de clarté, une classification des artistes qui permettrait de déterminer la part des œuvres de culture française, – même si les auteurs sont étrangers ou de culture étrangère même s'il s'agit de peintres français.

Ainsi - mieux qu’un commentateur - était-ce un créateur – directement impliqué dans l’alchimie spontanée qui résultait à l’époque des affinités entre artistes – qui, parmi les premiers, se souciait dès 1923, de la nature spécifique de la création artistique, à l’époque où Montparnasse, creuset où se forgeait l’innovation, voyait converger toutes les différences – tantôt pour s’y fondre, tantôt pour s’y exalter, au feu de la culture française.

  1. Au même moment, cependant, le Comité du Salon des Indépendants songeait bien au contraire à adopter, pour 1924, le placement des artistes par nationalités.

Cette mesure, jugée xénophobe, vivement critiquée par Florent Fels, dans un article des Nouvelles Littéraires du 3 novembre 1923 qui n’a certainement pas échappé à Loutreuil, qui en était un lecteur assidu, entraînera, avec le départ de nombreux étrangers, la démission spectaculaire de peintres nés en France tels que André Dunoyer de Segonzac, Fernand Léger, Jean Lurçat, Francis Picabia.

  1. Quinze mois s’écouleront avant qu’un critique - en l’occurrence André Warnod - fasse écho à la suggestion de Loutreuil, et constate : – “ il est très difficile de préciser ce que les étrangers nous empruntent et ce que nous leur empruntons ”.

Face à la frilosité ou au chauvinisme – voire même aux propos racistes – de certains critiques, la position des artistes – mieux placés que quiconque pour mesurer l’intérêt primordial de cette question – s’affirmait cependant sans ambiguïté.

A Jacques Guenne qui lui demandait : – “ Voyez-vous avec regret l’envahissement de notre école par des artistes étrangers ? ”, Dunoyer de Segonzac répondra d’ailleurs dans “ l’Art Vivant ” en 1928 : – “ Bien au contraire. Je me réjouis, comme vous, de ce que la France soit actuellement le “ foyer de la peinture ”. Et il n’est pas douteux que ces étrangers nous aident à renouveler notre vision. Au reste, notre génie sait toujours garder son indépendance, s’il ne refuse pas de s’enrichir des influences étrangères. Songez à Byzance, à l’Italie, à la Flandre… ”.

  1. Ainsi se confirmait, en 1923, dans l’esprit affirmé dès 1921 par Géo-Charles et Clergé, la définition d’un caractère spécifique majeur qui différencie l’Ecole de Paris de l’Ecole Française stricto sensu : “ la transformation des images résultant de la rencontre entre traditions locales et nationales multiples ” ; définition qui ne fait d’ailleurs que reprendre les termes dans lesquels Tsvetan Todorov a cru pouvoir distinguer la naissance, dans des conditions analogues, d’une 1ère Ecole de Paris, au temps où s’élaborait le manuscrit “ Les Très belles Heures ” du Duc de Berry.

  2. Ainsi, dès 1923, Loutreuil invitait-il à réfléchir - par sa vie, ses propos et son œuvre - à l’innovation résultant du “ concert ” des “ prodigieuses forces vives ” déployées par ces artistes, français et étrangers, qui ensemble avaient fait de Paris leur commune “ patrie d’art ” – innovation qui, bien que constituant la condition déterminante de l’appartenance de chacun d’eux à l’Ecole de Paris, n’a toujours pas fait, l’objet d’une synthèse…




  1. CHRISTIAN CAILLARD




  1. L'automne venu, Loutreuil est à Paris; tantôt dans son atelier de Belleville, où il choisit pour modèles de ses natures mortes les humbles objets usuels qui l'entourent et les fruits de saison; tantôt à Montparnasse où il reprend ses habitudes et son travail en académie. Agé de 37 ans, Il y figure parmi les “ aînés ” à qui les plus jeunes demandent conseil, comme le fait parfois Kostia Terechkovitch en lui montrant ses dessins.

  2. Pour aller d'une butte à l'autre, il fait souvent route commune avec un nouveau voisin de Belleville, Christian Caillard, son cadet de 15 ans, un jeune peintre qui vient d’élire domicile 79 boulevard Sérurier et qui, comme lui, travaille à la Grande Chaumière.

Neveu par alliance de Henri Barbusse, Caillard est l’un des petit-enfants du poète Catulle Mendès et de la compositrice Augusta Holmès, sa compagne.

  1. Les deux peintres s’abordent un jour, au sortir du métro.

C'est le début d'une très courte mais intense amitié, à laquelle seront associés les amis proches de Caillard – Irène Champigny, en particulier, dont le dévouement suivra Loutreuil jusqu'au bout.

Maurice écrira d’ailleurs à cette dernière peu avant de mourir : – pour moi, c‘est une providence de vous avoir rencontrés tous les deux, alors que j'étais à bout, littéralement broyé sous la morgue annihilante de Suz. qui pesait sur moi depuis 6 ans et les autres affres antérieures – toute ma jeunesse ayant été épouvantable sous le côté affectif et soutien moral de la femme.

  1. Il convient de souligner à ce sujet combien le malheureux est encore soumis à l’époque à la pression qu’exerce sur lui l’attitude contradictoire de Suzanne Dinkes, qui le réduit au rôle de confident, alors qu’il rêve encore d’en faire sa compagne.

Les lettres et les visites désarmantes se succèdent ; destructrices : – Il m’en arrive une dure…ma camarade est venue me voir et m’a appris qu’elle était mariée…depuis 3 mois ! – Elle m’a dit qu’elle allait divorcer etc… Je n’en crois rienJe lui ai dit de s’en aller et de ne revenir que libre.

  1. La douleur est trop forte. Il s’en ouvre avec toute sa pudeur, mais en termes déchirants à l’amitié déjà ancienne de Marthe Lepeytre : – Quant à la vie, j'ai été littéralement crucifié par elle – et il me reste de toutes les souffrances et déceptions subies, une amertume et une tristesse insondables. J'ai saigné à toutes les misères du cœur – les beaux jours se sont écoulés et sont partis, sans moi, et tout est perdu maintenant sans même avoir vu le jour – et je n'ai même pas de souvenirs pour me consoler. Je dis cela à haute voix parce que je voudrais que cela n'arrive pas à d'autres.Heureusement - ajoute l’artiste - que l'inquiétude du travail subsiste à tout et que ses joies sont intactes.

Malheureux en amour, Loutreuil n’est pas pour autant un peintre “ maudit ”.


  1. NOUVEAU DEPART



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