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1. La place des femmes dans la société et la famille coréenne1.1. La famille en CoréeComme nous l'avons vu, la famille tient une place centrale dans les sociétés confucéennes. Selon Moon Ok-pyo, l'unité familiale confucéenne n'est pas créée lors du mariage et ne disparaît pas à la mort des époux, elle est au contraire une entité complexe qui survit aux générations qui passent. En effet, le modèle familial coréen n'est pas nucléaire mais correspond plutôt à un modèle étendu. La société coréenne, jusqu'aux années 1960-1970 est une société agraire, plus de 70% de la population vit à la campagne. De ce fait, les familles vivent regroupées sur des zones géographiques peu étendues. Etant donné le besoin d'une main d'œuvre nombreuse, le nombre d'enfants par foyer est plutôt élevé. Il existe une grande solidarité au sein de ces familles qui représentent l'unité de production et de consommation de base. Malheureusement, on possède peu de données sur les familles pauvres. En ce qui concerne les grandes familles, on sait qu'elles vivent regroupées sur leurs propriétés où elles ont plus ou moins les pleins pouvoirs, elles réalisent des alliances entre elles, mais sur une zone géographique restreinte, certains chercheurs qualifient ces unions d'endogames. De plus, le système est soit patrilinéaire, soit matrilinéaire, en fonction de la localité (patri- ou matrilocalité) ; cependant, les enfants portent le nom de leur père. Il semblerait que ce soit un héritage du système bilinéaire datant de l'époque du royaume de Silla. Afin de maintenir leur influence sur tout leur domaine, et leurs "serfs", ces familles ont besoin d'une action de tous les membres de la famille, ceci ne change qu'avec le développement de la moralité confucéenne en tant que religion d'Etat, ainsi que du pouvoir du roi au détriment de celui de ses "seigneurs", phénomène amplifié par les révoltes militaires vers 1170 ainsi que les invasions mongoles du XIIIe siècle. Avec le développement de la morale confucéenne, la vie familiale évolue peu a peu. Et une fois la dynastie des Yi (1392-1910) en place, le confucianisme est adopté comme religion officielle à la place du bouddhisme. Ceci permet le développement des notions de lignée (patrilignage), de patriarchie, de piété filiale, ainsi que l'essor de rituels familiaux inspirés directement du livre des rituels de Chu Hsi. Les rituels prennent peu à peu une grande importance dans la vie familiale, ils permettent entre autres d'améliorer la cohésion familiale. L'adoption de ces normes confucéennes ne s'est pas faite sans mal, et il ne faut pas négliger le fait qu'il s'agit de normes idéales à suivre, mais que chaque famille conserve aussi, tout en préservant les apparences (néo-confucéennes), des pratiques qui lui sont propres. Notons qu'en 1419, estimant qu'il y a suffisamment de familles de l'élite dirigeante qui suivent son exemple, le roi a édicté une loi punissant de mort les "ennemis de l'Etat" qui refusaient de pratiquer le culte des ancêtres suivant les règles confucéennes. De plus, le roi, afin de s'assurer la loyauté de ses puissants administrés, décide d'engager leurs fils dans son gouvernement central, à la capitale. Ceux-ci, venant de toutes le provinces coréennes, cherchent vraisemblablement à s'intégrer au réseau déjà existant grâce à des jeux d'alliance, ainsi, progressivement, ces familles deviennent exogames. Lorsqu'il se présente, l'individu donne son nom de famille ainsi que sa province d'origine. De nos jours, il existe encore un tabou très puissant concernant les unions ; deux personnes portant le même nom de famille et dont les familles proviennent de la même province ne peuvent pas se marier car elles ont, pense-t-on, un ancêtre commun. L'exogamie, plus ou moins issue du de l'expansion du confucianisme mais aussi (surtout ?) d'une logique d'intégration à l'élite dirigeante, est devenue une règle inviolable pour tous. Si cette règle n'est pas suivie, m'a-t-on dit, les époux sont très mal vus par le reste de la société : « ça ne se fait pas ». A la fin de la dynastie des YI se sont succédées la colonisation japonaise, la partition du pays en deux entités qui n'ont toujours pas été réunies ainsi que la guerre de Corée. La Corée du Sud a beaucoup de difficultés à se relever de tous ces évènements, mais y parvient, dirigée d'une main de fer par des gouvernements autoritaires successifs. L'essor économique "miraculeux" du pays, permis par le développement de son industrie, a pour conséquence une rapide urbanisation. Cet exode rural de la jeunesse provoque de profonds changements dans la structure familiale. Celui-ci signe plus ou moins la condamnation à mort de la famille étendue classique. En effet, alors que les jeunes, une fois qu'ils ont fini leurs études, partent chercher du travail en ville, leurs parents, qui ne s'habituent pas à la vie urbaine, préfèrent rester dans leur exploitation rurale. Cependant, malgré l'éloignement géographique, les liens familiaux (économiques et psychologiques) restent très forts. Dès qu'ils gagnent suffisamment leur vie, les enfants soutiennent leurs parents financièrement, et les accueillent en cas de veuvage ou s'ils sont trop âgés pour continuer à s'occuper de leurs terres. De leur côté, les parents envoient des produits du terroir à leurs enfants. Et lors des rites annuels effectués sur la tombe des ancêtres décédés depuis plus de quatre générations, tous se réunissent. Ces cultes remplissent alors une nouvelle fonction, celle d'assurer la cohésion familiale, de resserrer les liens familiaux existant entre les vivants, ainsi que de confirmer le sentiment d'appartenance à un clan familiale et donc de renforcer l'identité individuelle en fonction de cette appartenance. Ces citadins fondent des cellules familiales conjugales (en règle générale). En effet, le manque de place, du fait de la dimension restreinte des appartements, limite le nombre d'individus pouvant vivre sous le même toit. C'est, comme nous l'avons vu, seulement lorsqu'ils ne peuvent plus vivre à la campagne, que les parents âgés viennent s'installer chez leur enfant (la plupart du temps le fils aîné). La modernisation conjuguée avec la vie urbaine, le développement de l'éducation de masse (coûteuse malgré tout) ainsi que les politiques de restriction des naissances ont eu pour conséquence une diminution significative du nombre d'enfant par foyer. Cho Yong-hee écrit, dans un article paru dans Culture coréenne, qu'ayant trois enfants, on la considère comme une mère de famille nombreuse. En effet, cela fait trente ans que le slogan « Avoir deux enfants / Mieux s'en occuper »90 raisonne aux oreilles des Coréens. Ceci nous donne une idée du nombre d'enfant moyen par famille, celle-ci préférant toujours avoir des garçons, car ce sont eux qui permettent la préservation du patronyme et donc la pérennité de la famille. Le clan familial (étendu dans la période préindustrielle) continue aujourd'hui de tenir une place prépondérante dans la vie des individus, faisant partie intégrante de leur identité sociale. De ce fait, les Coréen sont particulièrement attentif à leur famille ainsi qu'au prestige de leur nom. C'est ce que les sociologues nomment le familisme (ou encore égotisme social). Moon Ok-Pyo le défini dans son acceptation la plus large comme « une attitude ou un comportement qui visent à favoriser le développement et la mise en valeur du statut social, politique et économique du groupe familial. »91 Ainsi, encore aujourd'hui, les membres d'une famille prennent sur eux d'en assurer la pérennité et le prestige par leurs actions, leurs diplômes, leurs unions, etc. La loyauté au clan familiale est très grande, de ce fait, les liens familiaux sont forts, de même que la solidarité entre membres d'un même clan. Ainsi, malgré des changements, surtout en ce qui concerne sa forme, la famille conserve son statut de cellule centrale de la société, et fait partie intégrante de l'identité sociale des Coréens. Jusqu'à présent, bien que nous ayons tenté de généraliser notre étude à toute la société coréenne, nous avons surtout parlé des hommes. En effet, en Corée, depuis la confucianisation, une répartition sexuée des rôles au sein de la famille, et de la société, s'est développée. Il semble alors important d'étudier l'éducation que reçoivent les enfants au sein de leur famille étant donné que c'est à ce moment-là que commencent à se définir les rôles respectifs des hommes et des femmes. 1.2. Complémentarité entre homme et femmePour étudier les rites de mariage, il faut aussi prendre en considération la nature des rapports entre homme et femmes. Afin de développer cette observation, nous orienterons surtout notre étude sur l'évolution du statut des femmes. Jusqu'à l'époque du royaume de Koryò, les femmes ont bien plus de droits et de pouvoir à l'extérieur de la cellule familiale qu'une fois la morale néo-confucianiste bien installée ; elle sont socialement (quasiment ?)92 à l'égal des hommes. Elles peuvent « organiser des fêtes à l'égal des hommes et jouir [d'une] liberté sans contrainte »93, sortir où et quand elles le désirent, ont des propriétés, peuvent être considérées comme chef de famille94, héritent au même titre que leurs frères de propriétés ou de biens et partagent également avec leurs frères les rituels (ils s'en chargent chacun leur tour). La pérennité d'une famille et de ses propriétés dépend indifféremment des hommes ou des femmes. On constate aussi qu'à cette époque, et jusqu'au XV-XVIe siècle, le lieu de résidence des jeunes mariés est indifféremment patri- ou matrilocal. En règle général, il est matrilocal durant les quelques années qui succèdent au mariage, et il n'est pas rare qu'un mari retourne dans la famille de sa femme pour passer les dernières années de sa vie, et même d'être enterré dans leur caveau familial. Il est intéressant de noter que les femmes de la haute société, veuves ou même divorcées, au même titre que les hommes, sont libres de se remarier. On peut donc considérer qu'avant la confucianisation de la société coréenne, les hommes et les femmes sont sur un pied d'égalité, chacun jouit d'une liberté d'action qui sera réduite par les normes confucéenne adoptées par la suite. Cette liberté des femmes a progressivement décliné à partir de l'époque de Koryò, et elles se sont retrouvées confinées dans la sphère familiale et privée au cours du règne de la dynastie des Yi (en ce qui concerne les femmes de la haute société, yangban), et n'ont plus eu de place dans la sphère publique une fois la confucianisation de la (haute) société achevée, vers le XVIIe siècle. Le temps passant, elles ont vu graduellement disparaître des droits et des libertés qu'elles avaient auparavant, mais cela ne s'est pas fait sans résistance de leur part. Kim Haboush95 écrit que les dernières prérogatives qu'elles ont préservé sont leur droit à la propriété ainsi que leur rôle dans la vie rituelle de leur famille. Une fois ces dernières libertés perdues, elles rentrent pleinement dans le rôle que leur assigne le confucianisme et sont sous la tutelle officielle des hommes (leur père, leur mari puis leur fils aîné). Ainsi, au fur et a mesure que les normes confucéennes prennent place s'installe un rapport qui apparaît hiérarchisé mais en réalité, il est surtout complémentaire. Afin de mieux cerner cette complémentarité des rôles des hommes et des femmes, nous allons les observer au sein de la famille, au sein du couple, car la femme, dans la société confucéenne traditionnelle se voit assigner des responsabilités et des devoirs limités à la sphère domestique alors que l'homme, le chef de famille, tient son rôle le plus important pour sa famille dans la sphère publique. Selon Mencius, cette collaboration s'avère être une nécessité voire une vertu car les efforts collectifs, la collaboration permettent le bon développement de la famille. Lee Kwang-kyu, dans son livre Korean Family and Kinship considère que la vie d'une femme coréenne peut être divisée en trois étapes consécutives que nous allons développer ici. La première étape correspond à son statut de jeune mariée devant se faire accepter dans sa nouvelle famille, celle de son époux. La deuxième débute plus ou moins quand l'épouse a un fils, mais surtout lorsqu'elle remplace sa belle-mère dans la gestion du foyer. La troisième commence au moment où elle devient elle-même belle mère. La norme confucéenne traditionnelle veut qu'une fois mariée, la jeune femme parte vivre dans sa nouvelle famille, la famille de son époux. Ces premières années sont les plus difficiles pour une épouse car elle doit faire ses preuves auprès de sa nouvelle famille, se montrer digne d'en faire partie en attendant qu'elles en apportent la meilleure preuve en ayant un fils. Il s'agit d'ailleurs du premier devoir d'une femme, donner naissance à un garçon. Son statut est le plus bas au sein de la famille, elle doit utiliser un langage très honorifique lorsqu'elle s'adresse à ses beaux-parents, et honorifique lorsqu'elle parle avec ses beaux-frères et belles-sœurs qu'ils soient plus âgés ou plus jeunes qu'elle. Elle passe la plupart de son temps avec sa belle-mère qui la supervise dans les tâches ménagères et sa (ou ses) belle-sœur. Selon Lee Kwang-kyu, les rapports qu'elle entretient avec la mère de son époux sont en général particulièrement tendus. Ils sont délicats à gérer avec sa belle-sœur qui est plus ou moins un espion qui rapporte ses moindres faux pas. Par contre, ils sont relativement calmes avec son beau-frère qui peut même prendre sa défense en cas de besoin. Cependant, son principal allié dans cette nouvelle vie est son mari. Elle ne doit pas manifester d'intérêt particulier à son égard lorsqu'ils sont en public, mais quand ils sont seuls tous les deux, elle peut rechercher protection et réconfort auprès de lui. Cependant, si ses beaux-parents décident de la renvoyer dans sa famille, ce qui serait un grand déshonneur, son mari n'ira pas les contredire. Suite à la modernisation, l'industrialisation et l'urbanisation massive du pays, les familles se sont trouvées modifiées. Les jeunes couples s'installent en ville où ils s'installent seuls, de préférence, mais continuent de maintenir des liens étroits avec la famille du mari, dont ils s'occupent du mieux possible, et qu'ils prennent en charge pour leurs vieux jours. Mais il est commun pour une jeune mariée de tenter d'éviter le plus longtemps possible la cohabitation avec sa belle-famille car une forte pression repose alors sur elle. Cependant, ceci ne l'empêche pas de devoir s'occuper de sa belle-famille et d'en prendre soin autant que faire se peut. Quelle que soit l'époque, une fois qu'une épouse met au monde un garçon, elle change de statut, elle gagne alors le respect de sa belle-famille. Il s'agit de la tâche principale d'une femme, sa plus grande responsabilité est de donner un héritier à son époux, à sa belle famille, afin de donner un avenir à la famille. Ceci lui permet aussi de renforcer l'affection que son mari lui porte, mais surtout de pleinement intégrer sa nouvelle famille car elle est la mère de l'héritier du nom. Tout ceci est bien plus important encore pour l'épouse d'un fils aîné, car c'est lui qui prendra la succession de son père dans la charge de l'autel des ancêtres. Une fois qu'elle a mis au monde un fils, elle change de statut au sein de sa nouvelle famille, et devient maîtresse de maison à part entière. Que ce soit en zone rurale ou en zone urbaine, les rôles sont répartis de façon complémentaire entre mari et femme. Le mari est le chef de famille, il représente la famille dans la sphère publique, il travaille et gagne de quoi s'occuper de sa famille. La femme, de son côté, est la maîtresse de maison elle doit gérer tout ce qui concerne la sphère domestique, tenir la maison, gérer les finances et les réserves de nourriture (elle détient la clef de la réserve de riz), s'occuper des enfants, etc. Il faut donc rester prudent avec les apparences, les femmes ne sont pas si faibles, au contraire, elles gagnent en force à partir du moment où elles atteignent le statut de mère car elles assurent alors la sécurité émotionnelle de la famille. Ceci leur permet, lorsqu'elles ne sont pas entendues, d'avoir recours à diverses armes pour arriver à leur fin. Soit elles se positionnent en martyrs, soit elles ont recours à la froideur, au silence, aux cris, etc. ... Par conséquent, bien que l'époux ait l'autorité officielle et légale, et que l'épouse est sous sa tutelle (du moins jusqu'il y a peu), celle-ci, ayant gagné en légitimité grâce à son statut de mère, a voix au chapitre lorsqu'il s'agit des affaires de la maison, et même le chef de famille pratique l'art du compromis et se plie à ses décisions. Lorsque la femme devient enfin belle-mère, elle a un sentiment de réelle appartenance à la famille de son mari, et a tissé des liens très étroits avec son fils. Les familles ne sont harmonieuses qu'en apparence, en fait, elles sont le théâtre de nombreuses tensions, les plus communes étant celles qui existent entre une épouse et sa belle-mère. En effet, la mère défend le lien oedipien tissé entre son fils et elle, et qu'elle sent menacé par l'arrivée de sa bru dans la vie de son fils, ayant peur que son affection pour elle ne diminue ; de plus, elle peut être tentée de se venger sur sa belle-fille des frustrations subies par sa propre belle-mère. De ce fait, elle peut rendre la vie de sa bru très difficile, lui faisant subir les frustrations qu'elle-même a vécu. Mais dans certains cas aussi, elle peut l'aider dans la gestion de la maison, même une fois qu'elle a cédé sa place de maîtresse de maison. Surtout, comme elle a enfin beaucoup moins de travail et beaucoup plus de temps libre, elle cherche à profiter de ses petits enfants. Ainsi, lorsqu'elle trouve que la mère se montre un peu trop dure avec ses enfants, de son côté, la grand-mère a tendance à céder à leurs caprices. De même lorsqu'un homme est grand-père il a plus de latitude pour faire des démonstrations d'affection à ses petits-enfants qu'il n'en avait pour ses enfants. C'est une fois qu'elle a atteint ce statut de mère et surtout de grand-mère qu'une femme est enfin honorée pour les sacrifices qu'elle a faits ainsi que son dévouement pour sa famille "adoptive". Elle a gagné sa place sur l'autel des ancêtres. La dernière étape de sa vie de femme, en tant que grand-mère, est donc la plus intéressante car c'est à ce moment qu'elle a le plus de libertés mais aussi de pouvoir. Malgré cela, rappelons que traditionnellement, une femme reste toute sa vie sous tutelle masculine ; à sa naissance son père régente sa vie, ensuite son mari a l'autorité légale, et enfin, si elle est veuve, son fils prend le relais. Aujourd'hui, la situation sur le plan légal a changé, mais il reste difficile d'être une femme seule et libre car la société ne le voit pas sous un très bon œil. Notons tout de même que des efforts pour plus d'égalité légale ont été faits, elles ont retrouvé un droit à la propriété par exemple. Bien que la norme dictant les rôles impartis à chaque sexe soit très ancrée dans les mœurs, nombreuses sont les citadines qui travaillent, leur mari ne gagnant pas assez étant donné le coût de la vie. On constate malgré cela que nombreuses sont celles qui arrêtent de travailler non pas à la naissance de leur premier enfant comme on peut l'observer en France, mais lorsqu'elles se marient. Certaines voient même cette close écrite noir sur blanc dans leur contrat de travail, ou encore les propositions d'embauches donnent un âge limite de candidature comme nous l'explique Lee Mijeong dans son livre Women's Education Work and Marriage in Korea. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant qu'il n'existe une réelle égalité dans les statuts sociaux des hommes et des femmes, et c'est sur le marché du travail que cette inégalité se ressent le plus.96 En ce qui concerne leur attitude face aux hommes, les femmes restent timides et humbles, quelque peu en retrait, et rougissent facilement. J'ai été quelque peu choquée de constater lors de mon séjour là-bas qu'elles ont tendance à s'effacer en présence d'un homme, ou de leur mari. Ceci m'a interloquée lorsque je suis allée boire un verre avec un couple d'amis d'une trentaine d'années qui avaient passé huit ans en France. Lorsque que nous étions tous les trois, elle n'intervenait quasiment jamais, et laissait son mari mener la discussion. Cependant, lorsqu'il s'est absenté quelques minutes, elle s'est montrée tout à fait différente, plus avenante et loquace ; d'ailleurs, son français était bien meilleur que celui de son époux mais elle se gardait bien de le montrer lorsqu'il était là. Son changement d'attitude m'a vraiment interpellée et je le trouve tout à fait révélateur de l'influence confucéenne sur la société coréenne. C'est dans ce contexte que sont élevés les enfants et comme nous considérons que leur éducation joue un rôle important dans la formation de leur identité, nous allons maintenant développer ce thème. D'autant plus que ceci nous permettra de mieux comprendre l'importance que jouent les parents dans le choix du futur conjoint. 1.3. Education des enfantsAu sein d'une société confucéenne, les rôles sont donc parfaitement répartis entre les sexes, sachant qu'un des éléments de la hiérarchisation de la société, en dehors de l'âge et le genre. La différence des rôles qui incombent respectivement aux hommes et aux femmes leur est enseignée dès leur plus jeune âge au sein de leur famille où ils reçoivent une éducation différenciée. S'agissant d'une société patriarcale, les femmes, comme les enfants, ont seulement un minimum de droits légaux alors que l'homme, le chef de famille a officiellement tout le pouvoir légal, que ce soit dans la vie sociale, ou au sein de sa propre famille. Notons cependant que la maîtresse de maison joue un rôle très important dans le foyer, et que son époux doit se ranger à son opinion en ce qui concerne les affaires domestiques. Bien souvent dans une société confucéenne, on constate une préférence marquée pour les garçons. Rappelons à ce sujet que le nom est transmis par le père (patrilignage) donc avoir un garçon c'est avoir l'assurance d'avoir un héritier qui pourra prendre en charge l'autel des ancêtres à la mort de son père, s'occuper de la propriété le moment venu et assurer la pérennité de la famille. Une fille n'est pas vraiment considérée comme un membre à part entière de la famille car lorsqu'elle se mariera, elle changera de famille bien qu'elle conserve son patronyme toute sa vie. D'ailleurs, dans la société préindustrielle, si une fille meurt avant d'être mariée, elle n'aura pas sa place sur l'autel des ancêtres. Parfois, pour pallier ce problème, on les marie après leur mort, avec un autre "esprit". Malgré cette préférence évidente pour un héritier mâle, les filles sont aimées et chéries par leur famille, surtout si elles ont un "bon caractère". Il existe une constante humaine immuable, il naît 105 garçons pour 100 filles, or on constate qu'en Corée du Sud, la proportion de garçons par rapport aux filles est supérieure. On peut alors penser que certaines petites filles ont été victimes d'infanticide (peu après leur naissance). Avec l'apparition des échographies et de la possibilité de connaître le sexe du bébé avant la naissance, les autorités ont dû faire face à un mouvement non négligeable d'avortement lorsque le bébé était une fille. Ces faits illustrent bien la préférence qu'ont les Coréens pour les garçons, ou plutôt la nécessité qu'ils ressentent d'avoir au moins un fils97. Dans la société confucéenne de la dynastie des Yi jusqu'aux premières années de l'industrialisation, au sein des familles aisées, les enfants sont confiés aux bons soins de leur mère et jouent ensemble jusqu'à ce qu'ils aient 7 ou 8 ans et soient séparés. Alors que les petites filles aident leur mère dans les tâches domestiques et apprennent leur futur rôle de maîtresses de maison, le père prend en charge les garçons afin de les préparer à l'examen national qui permet d'intégrer le gouvernement ou l'administration du royaume ; lorsque la dynastie des Yi a périclité, ils vont à l'école. Durant la dynastie des Yi, les jeunes filles de bonne famille restent à l'intérieur de la maison, ne peuvent pas sortir, et apprennent à être une future bonne épouse auprès de leur mère. Elles apprennent la broderie, laver le linge, préparer les repas, s'occuper des enfants plus jeunes, etc. Les femmes ne sont autorisées à sortir de chez elle qu'après le couvre feu, pour être sûre de ne croiser aucun homme étranger à leur famille, et vêtues d'amples vêtements qui cachent leur corps et voilées afin de masquer leur visage, juste au cas où un homme n'aurait pas respecté le couvre feu. Aujourd'hui encore, les filles aident leur mère dans la gestion du foyer et prennent soin de leurs cadets, d'autant plus si leur mère est obligée de travailler pour compléter les revenus du ménage. A cette époque-là, on ne s'occupe pas d'éduquer les jeunes filles car on considère qu'une femme trop éduquée aura des difficultés à avoir un enfant comme l'énonce le dicton chinois rapporté par Lee Kwang-kyu : « If a woman has lots of letters in her stomach, she has no space to bear a child (N. Niida, 1966: 32) »98 Une fois l'éducation de masse mise en place, en partie par les Japonais (ce qui leur permet de tenter d'endoctriner la population), les filles sont envoyées à l'école, mais elles peuvent se voir alors confier une autre tâche. En effet, surtout si elles sont les aînées d'une nombreuse fratrie, elles arrêtent, ou leurs parents les encouragent à arrêter leurs études, afin de travailler et d'aider financièrement la famille pour que ses cadets, surtout s'il s'agit d'un frère, puisse faire des études plus longues, car s'est un moyen d'ascension sociale ; intégrer une université renommée est la voie royale car il s'y crée un réseau de connaissances dont chaque personne, par loyauté, aidera celui qui est dans le besoin. De ce fait, depuis le développement de l'éducation de masse, les parents peuvent aller jusqu'à vendre une partie de leurs terres ou leurs biens pour financer les études de leurs enfants, et surtout de leurs fils. S'ils en ont la possibilité, les parents encouragent leur fille à poursuivre leurs études car elle pourra faire un bon mariage. Aujourd'hui, il reste des écoles, collèges, lycées et même des universités non mixtes, et quoi qu'il en soit, l'amitié entre garçon et fille (et surtout entre jeune homme et jeune fille) est suspecte d'une certaine façon. Même dans les écoles mixtes, vers 7 ans, on les encourage à se séparer dans leurs jeux, à ne pas s'asseoir côté à côté sur un banc. Ils se côtoient, peuvent bien s'entendre, mais ne peuvent pas être amis proches sans qu'on ne suspecte un autre type de relation. J'ai moi-même fait les frais de cette vision des choses lorsque j'étais en Corée. En effet, j'ai passé quelques soirées avec un jeune homme coréen qui avait passé quelques années en France. Il a fini par me proposer de me mettre en couple avec lui, ce qui était hors de question pour moi, je le considérais comme un ami, sans plus, et pensais avoir été suffisamment claire à ce sujet. Vexé par ma réponse, qu'il n'a pas vraiment comprise, il a par la suite refusé de me revoir. Je peux encore citer comme exemple le cas d'un ami français et d'une amie coréenne à Paris qui passaient beaucoup de temps ensemble et agissaient comme deux amis (j'entends par là qu'ils pouvaient n'être que tous les deux, et se faisaient la bise). Au bout d'un certain temps, le bruit s'est répandu dans la communauté coréenne qu'ils formaient un couple, ce qui a mis mon amie coréenne dans l'embarras. De ce fait, du jour au lendemain, elle est devenue froide avec lui, et a refusé de lui faire la bise afin de faire cesser cette rumeur qui n'avait pas lieu d'être. Ces deux exemples montrent bien qu'un homme et une femme ne peuvent passer du temps ensemble, seuls, sans que l'on ne les considère comme un couple. Ceci peut en partie s'expliquer par ce que nous développerons ensuite, les couples ne doivent pas être démonstratifs en société. Pour en revenir à l'éducation des enfants dans la famille, on constate que la mère se charge de les élever, elle représente traditionnellement l'aspect "affectif" dans la relation parent/enfant et le père de son côté représente plutôt l'autorité, il est le parent "sévère". L'enfant reçoit de sa mère l'affection, bien que parfois elle doive le punir, elle tisse avec lui des liens affectifs très fort et représente la sécurité émotionnelle selon Lee Kwang-kyu. Son père représente plus l'autorité, d'ailleurs, traditionnellement, on n'attend pas de lui qu'il montre son affection de façon visible comme peut le faire sa mère. Il est considéré comme le parent strict, sévère (omch'in). Comme nous l'avons vu, auparavant, on traitait garçon et fille de manière très différenciée une fois qu'ils avaient sept ans. De nos jours, la donne est changée, le père n'est quasiment pas présent à la maison, et la mère doit se charger de jouer en plus de son rôle affectif un rôle d'autorité. On constate que le père étant moins souvent au domicile est un peu plus affectueux, et surtout a tendance à céder aux caprices de ses enfants. Les principes éducatifs traditionnels étaient définis et indiscutables, mais les enfants grandissent dans une société qui a été bouleversée et est très différente de la société traditionnelle. De ce fait, les mères ne souhaitent pas suivre le modèle traditionnel et suivent deux approches éducatives qui s'opposent. Dans le premier cas, elles se montrent surprotectrices, surveillent tous les faits et gestes de leur enfant, ses fréquentations, ses devoirs, l'envoient dans des écoles privées pour qu'il y prenne des cours de musique, de dessin ou de sport, mais aussi dans des écoles du soir afin de préparer l'examen final du lycée qui permet, selon le classement, d'intégrer telle ou telle université. L'enfant est alors au centre des préoccupations de sa mère, et doit tenter de répondre au mieux à ses attentes. Dans l'autre cas, les mères font preuve d'une permissivité excessive. Selon Lee Kwang-kyu, il s'agirait surtout des mères les moins éduquées et qui doivent travailler de longues heures ce qui ne leur permet pas de disposer de temps pour s'occuper de leurs enfants. Par conséquent, ils doivent apprendre seuls et soit ils savent développer de bonnes habitudes de travail et se montrer productifs et indépendants, soit ils ont des comportements à problèmes. La deuxième option semble être la plus fréquente. On constate que la famille qui était traditionnellement orienté vers les parents, et le passé, est aujourd'hui tournée centrée sur les enfants (leur éducation) et l'avenir de la famille, qui passe par leurs études qui sont un moyen d'ascension sociale, mais aussi leur futur mariage. Un lien fort et indéfectible se tisse entre parents et enfants, d'autant plus que ceux-ci font de gros efforts et sacrifices pour le bien-être de leur progéniture. C'est donc logiquement que les enfants, une fois qu'ils en ont la possibilité, prennent soin de leurs parents. Nous allons maintenant nous intéresser au mariage et surtout tenter de mieux appréhender l'importance que tient le mariage dans la vie sociale d'un individu. |
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