Propos et textes recueillis, traduits et annotés








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Il n'y aura pas de renouvellement de votre contrat, nous le reprenons ». Les musiciens présents en restèrent sans voix. Sidérés. Je partis. J'appris par la suite que l'orchestre se révolta contre le premier violon imposé. Qu'on dut arriver à un compromis et nommer un autre « concertmaster ».

Pendant mon séjour à Utica, j'avais créé l'Elégie à la Mémoire de Koussevitzky d'Howard Hanson, donné la première aux Etats-Unis de la suite d'orchestre de  Panambi  d'Alberto Ginastera (12), et quelques premières (mondiales !) de partitions signées Carlos Surinach (13) et Camargo Guárnieri (14). J'avais également mis sur pied une école pour chefs de chorale dont j'avais confié la direction à Hugh Ross (qui avait été mon professeur de chorale à Tanglewood), créé un concours de composition, et joué une kyrielle de partitions (plus ou moins bonnes) des compositeurs de la région, qui avaient rarement l'occasion de l'être.

Aujourd'hui, avec l'expérience, je serais, bien sûr, plus apte à me sortir d'une situation comme celle d'Utica. Mais le respect de certains principes, inaliénables, le refus de compromis, douteux ou franchement malhonnêtes, sont restés pour moi des idéaux, à défendre à tout prix.

Cette expérience douloureuse entraîna ma résolution à ne rester qu'un chef invité, à ne pas accepter de poste fixe (on m'en a proposé), afin de ne pas être impliqué et perturbé dans des situations politico-financières ou administratives malsaines, et qui n'ont rien à voir avec la musique que je veux servir, sans interférence aucune.

L'avenir me semblait plutôt sombre quand je reçus l’invitation de Luis Herrera de la Fuente, directeur de l'Orchestre National du Mexique, à passer deux semaines à Mexico pour y diriger. Ce que je fis. De Mexico, j'allais me reposer quelques jours à Acapulco d'où j'écrivis à Stokowski que j'étais disponible. A quatre-vingt-deux ans, il était sur le point de démarrer une nouvelle carrière, à la tête d'un nouvel orchestre, qui serait en résidence au Carnegie Hall. Je reçus à peine quelques jours plus tard une réponse du Maestro ainsi libellée : « Cher Maître, voudriez-vous être mon chef associé ? Démarrage en septembre. Voulez-vous auditionner les musiciens pour moi ? Etes-vous intéressé ? Appelez-moi si vous acceptez ! ». Je n'en crus pas mes yeux.

5. Que représentent, pour un jeune musicien d’à peine 21 ans,quatre ans de collaboration, en tant que chef associé, avec un géant de la direction d’orchestre comme Leopold Stokowski ?
J'ai passé quatre ans aux côtés de Stokowski. Sur le plan artistique ce furent quatre années inestimables, qui me marquèrent à jamais. Sur le plan financier ce fut le traitement homéopathique et je dus saisir toutes les opportunités possibles pour gagner ma vie correctement. J'acceptai tous les postes disponibles d'enseignant dans tous les endroits où l'on voulait bien de moi. Je fis des conférences à l'école de musique Jacques-Dalcroze (15) à Manhattan, et je remplaçai temporairement les professeurs de composition (pour raisons diverses : maladies, années sabbatiques, congés) des Universités voisines. L'été, je travaillais dans les camps de vacances pour enfants. Durant la saison 1962/63, alors que j'officiais avec le Maestro et son American Symphony Orchestra tout juste créé, je pris en charge la classe de composition et la direction de l'orchestre estudiantin du Swarthmore College (banlieue de Philadelphie). J'assumais, un an complet, le poste de Claudio Spies (16). Un formidable apprentissage, au milieu d'étudiants de mon âge ou légèrement plus jeunes, dont le quotient intellectuel était très élevé. De plus, le campus était magnifique…

C'est justement pendant cette période fort laborieuse que je reçus les premières invitations à diriger venant d'Europe. L'une de l'Harmonien (aujourd'hui Bergen Philharmonic) en Norvège, l'autre du Kol Yisrael Orchestra de Jérusalem. L'invitation norvégienne devait beaucoup au compositeur Harald Sæverud (17), rencontré l'année précédente à Minneapolis. Il avait écrit, à la demande de Doráti, une symphonie ( Minnesota Symphony) , qui avait reçu un accueil triomphal. Il était venu, pendant son séjour, me voir diriger l'orchestre universitaire et m'avait recommandé auprès des dirigeants musicaux de Bergen.

Entièrement occupé par la direction d'orchestre et mes activités pédagogiques, je n'avais rien composé depuis un bon bout de temps. Puis Stokowski me demanda de lui écrire une pièce pour l'ouverture de la deuxième saison. Comme il m'informa de son désir trop tardivement, je fus dans l'embarras, car il ne me restait pas assez de temps pour composer quelque chose de conséquent. Après plusieurs tentatives infructueuses, je me décidais à lui offrir le second mouvement de ma Partita, la  Marche Funèbre , supprimée par Whitney dans son enregistrement.

C'était absolument le type de musique qu'il aimait. Il fut d'accord tout de suite pour la jouer et me demanda comment j'allais intituler cette pièce. Je cherchais un titre plus approprié à sa personnalité, car donner à diriger une marche funèbre à un homme de son âge aurait été d'un humour douteux (!) Je l'intitulais  Poema Elegíaco . Lorsque j'avais écrit ce morceau, j'avais songé à exprimer une idée grandiose, sur la mort de l'esprit et de la spiritualité dans notre époque furieusement matérialiste et pragmatique, bien plus que sur la mort, purement biologique, des êtres humains.

Harold Schonberg (18) fit, dans le New York Times, un commentaire élogieux sur la première exécution que Stokowski conduisit de main de maître. C'était la troisième fois qu'il me faisait l'honneur de me jouer. Presque immédiatement, quelques uns des meilleurs musiciens de l'orchestre me demandèrent de leur écrire des pièces spécifiques de leurs instruments.

Paul Price (19) était déjà l'un des plus réputés percussionnistes des Etats-Unis quand il rejoignit Stokowski à New York. Il avait créé le Manhattan Percussion Ensemble, devenu rapidement une véritable institution possédant sa propre série annuelle (très suivie) de concerts. C'est pour lui que j'ai composé ma Symphonie pour Percussion en trois mouvements, pour cinq percussionnistes, modelée sur la structure et le choix même des instruments de la Toccata (20) de Carlos Chávez, que je connaissais sur le bout des doigts pour l'avoir dirigée souvent. Mais les similitudes s'arrêtent là. Ma pièce ayant une approche totalement différente de la sonorité même des instruments de percussion choisis. La commande suivante vint du premier trombone, un nommé Davis, pour qui j'ai concocté mes Variations sur un Thème Enfantin, pour trombone soliste et orchestre à cordes.

Apprenant que l'Association Nationale des Accordéonistes organisait une compétition, dont la récompense serait la commande, rétribuée, d'une partition pour accordéon, je m'empressai d'y participer et triomphai ! C'était pour moi un véritable défi d'écrire pour cet instrument que je ne connaissais pas. On me prêta des livres, des partitions par dizaines, notamment celles des précédentes commandes honorées et un… accordéon. En quelques semaines, je fus à même de présenter, non seulement le Concerto qu'on attendait, mais aussi un bonus, un Moto Perpetuo pour accordéon solo, très virtuose et dont j'étais très fier.

Peu de temps après, passant devant la vitrine de Patelson Music House, j'aperçus cette dernière composition, éditée et en vente. Totalement ébahi, j'entrais et en achetais un exemplaire, puis j'appelais l'éditeur, une compagnie du nom de Pagani. J'eus le directeur en personne, qui me répondit chaleureusement et m'informa qu'il allait m'envoyer sous peu le contrat de publication. Une façon de procéder passablement illégale. Je contactai Lakond. Certes, je n'avais pas de contrat d'exclusivité chez Peer, mais je n'avais jamais donné de partition à qui que ce soit d'autre. Lakond écrivit à Pagani et on arriva à un arrangement satisfaisant, puisque Peer publia rapidement mon Concerto.

L'explication était simple. L'Association Nationale des Accordéonistes donnait toujours toutes les pièces qu'elle sollicitait à Pagani en vue d'une publication, et Pagani lui, ne publiait que de la musique pour accordéon. Donc, les choses s'étaient passées comme à l'habitude, sans aucune intention malveillante ou spoliatrice.
6. Comment êtes- vous devenu Compositeur en Résidence auprès d’un orchestre de la taille et à la réputation aussi prestigieuse que celui de Cleveland ?

La route qui me conduisit de New York à Cleveland, autrement dit de Leopold Stokowski à George Szell, fut celle que me désigna le fait de gagner l'American Conductor's Project Award émanant de la Fondation Ford en collaboration avec le conservatoire Peabody de Baltimore.

Cette compétition était un superbe projet, élaboré et mis sur rails par le président du conservatoire de Baltimore, le compositeur Peter Mennin (21), qui allait peu après devenir le patron de la Juilliard School.

Non seulement le vainqueur bénéficiait d'une récompense financière, mais aussi d'un séjour, frais payés, de trois mois auprès de l'orchestre de Baltimore qu'il pourrait diriger chaque jour, sous la supervision de chefs de grande expérience, comme Fausto Cleva (22) pour le répertoire opératique, Max Rudolf (23) ou Alfred Wallenstein (24) pour les sections symphonique et concertante.

Le jury se composait des chefs pré-cités, de Leonard Bernstein, Szell et Mennin. L'année où j'ai remporté le prix (1964), je fus ex-aequo avec James Levine, tout frais moulu de Juilliard.

Je dus solliciter un congé de l'American Symphony Orchestra. A la fin des trois mois d'une expérience enrichissante, Szell proposa à Levine et à moi de devenir ses assistants à Cleveland. Levine accepta de suite.

J'étais contrarié à l'idée de devoir abandonner Stokowski et Szell était si entouré (son staff comprenait son premier assistant Louis Lane (25), un chef associé, Robert Shaw (26) auxquels s'ajoutaient Levine et un nommé Michael Charry (27) que mes chances de diriger m'apparurent trop minces et je déclinai l'invitation.

Lorsque l'année suivante Sezll me le proposa de nouveau en y ajoutant la responsabilité de conduire le Cleveland Philharmonic, et le poste de Compositeur en Résidence du Cleveland Orchestra avec bourse de la Fondation Rockefeller, je n'hésitais plus.

C’est pendant ces années en poste à Cleveland que j’ai débuté mes tournées en Pologne. J’ai dirigé chaque orchestre du pays , me déplaçant de ville en ville. Ce fut sans doute ma première réelle expérience consacrée à répéter, encore et encore, un large éventail de partitions, et ce avec des orchestres différents, jusqu’à ce qu’elles deviennent partie intégrante de moi-même, de mon propre sang. Une expérimentation exceptionnelle. Ma première tournée polonaise ne dura que quelques semaines. Puis, les années passant, les tournées durèrent plus longtemps, parfois plusieurs mois. La Pologne fut le premier pays européen à m’ouvrir ses portes musicales.

Peut-être parce que ma mère y était née, je me sentais chez moi dans ce pays si musicien, malgré les conditions de vie déplorables de l’époque communiste. Plus tard, la Pologne fut le premier pays , d’au-delà du rideau de fer, à s’insurger contre la domination soviétique. J’en constatai les premières fêlures lors de mes tournées et, chose surprenante, c’est dans les milieux musicaux et médiatiques que cela prit naissance. Conformément au modèle soviétique, l’Etat polonais avait le monopole absolu et controlait fermement chaque secteur d’activités. Au début des années quatre-vingt, des employés des milieux étatiques de la radio et de la télévision, audacieux et courageux, décidèrent de créer une compagnie indépendante, acte incompatible avec l’orthodoxie communiste régnante. Et au sein même de cette nouvelle compagnie privée de Radio-TV, ils fondèrent simultanément une agence de management artistique, se mettant de fait, en compétition directe avec la PAGART, monopole d’état vieillot et poussièreux. PAGART étant alors le seul organisme artistique auquel les artistes qui souhaitaient travailler se devaient d’appartenir.Ce n’était, ni plus, ni moins, que l’équivalent du GOSCONCERT, agence unique de l’URSS. Quand les artistes polonais désiraient se produire à l’étranger, PAGART, ou ses équivalents dans les pays de l’est, s’appropriait leurs cachets et ne leur en reversait qu’une infime partie. Il en allait de même quand des artistes occidentaux voulaient jouer dans ces mêmes Pays de l’Est, ils étaient contraints de passer des accords avec les agences monopolisatrices d’Etat.

Quand la Pologne rompit cette habitude, ce qui fut soit négligé, soit simplement ignoré par les soviétiques, ce fut le signal annonciateur de la fin de leur mainmise. Et c’est peu après que la Pologne commença à voir naitre des syndicats indépendants, ce qui aboutit à des grèves et à un étonnant, et inattendu, sens de la liberté.

De Pologne, j'allais en Australie où j'effectuais des tournées d'une durée parfois très longue, jusqu'à six mois chacune. J'y dirigeais, là aussi, tous les orchestres du pays, dans des centaines de concerts couvrant un très vaste répertoire. L'Australian Broadcasting Company me proposa le poste de chef permanent de l'Adelaide Symphony Orchestra. Je refusai, mais acceptai celui de principal chef invité.

Simultanement, j'ai également été responsable musical d'un petit festival, le plus ancien d'Amérique, celui de Worcester, dans le Massachussets, pendant plusieurs saisons. Je n'eus donc guère le temps de composer. De plus, j'avais une nouvelle famille et j'accompagnais souvent ma femme Carole dans les salles d'opéra d'Europe où elle se produisait.

7. Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre Concerto

pour contrebasse,« Nueve » et votre Concerto pour harpe,

« Colores Mágicos » ?
Le second orchestre dont j'eus la charge, après celui d'Utica, fut le Plainfield Symphony Orchestra, dont la seule gloire était d'être le plus vieil orchestre de l'état du New Jersey. Comme à Utica, il s'agissait d'un ensemble semi-professionnel, avec lequel il était difficile d'obtenir ce que l'on voulait exactement. Par nécessité économique, j'y restai six ou sept ans, voyageant en bus de New York à Plainfield chaque lundi, pour me rendre aux répétitions.

Pour son cinquantième anniversaire, l'orchestre me commanda une œuvre et mon choix fut un Concerto pour Contrebasse et Orchestre : Gary Karr (28) venait d'arriver à Plainfield. Un contrebassiste dont j'ignorais le nom avant que Stokowski ne m'en parle. Je l'écoutai et je me rendis compte de suite que j'avais affaire à un phénomène. Il jouait de la contrebasse comme les violoncellistes rêvent de jouer de leur instrument un jour… Il m'expliqua qu'il était la huitième génération d'une célèbre lignée de contrebassistes. Ecrire un concerto pour un tel virtuose fut un régal.

Il est extraverti et possède une expérience exceptionnelle de la scène. Je lui fis, en guise de cadenza, réciter de la poésie et utilisai les instruments de façon non conventionnelle, en les plaçant autour des auditeurs, créant par là des sonorités inhabituelles pour eux. Ce fut un énorme succès : un autre orchestre de la région de Cleveland le mit à son programme peu après. Des années plus tard, je le dirigeai à travers toute l'Afrique du Sud avec l'orchestre de la Radio Nationale, le soliste étant Karr lui-même, bien évidemment.

Peer, peut-être parce qu'il n'y avait que peu de possibilités qu'un tel concerto soit souvent donné, ne l'édita pas. Conséquence : sa diffusion et ses chances d'être joué tombèrent au plus bas.

Je l'avais sous-titré  Nueve  (le chiffre neuf), parce que je n'y utilisais que neuf notes. Ce qu'à l'époque j'estimais être le fin du fin : une discipline auto-imposée. Il y avait neuf variations et d'autres éléments tournant autour du chiffre neuf. Pourquoi neuf ? demandera-t-on. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Peut-être parce que mon appartement new yorkais était alors sur la quatre-vingt-dix-neuvième rue, au neuvième étage ? Bien après, une triomphale comédie de Broadway s'intitula  
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