Récit de la situation clinique








télécharger 38.54 Kb.
titreRécit de la situation clinique
date de publication01.04.2017
taille38.54 Kb.
typeDocumentos
p.21-bal.com > documents > Documentos
Pauline AELION

2ème semestre

Service de médecine interne de l’HEGP
Compétence n° 1 : Prendre en charge un problème de santé en soins de premier recours.

Compétence n° 4 : Eduquer le sujet à la gestion de sa santé et de sa maladie.


Introduction




C’est pendant mon stage en médecine interne que j’ai rencontré ce patient. M.P. était hospitalisé pour pneumopathie hypoxémiante, pathologie qui a été soignée sans grande difficulté. A la fin de son hospitalisation, je demande à ce patient éthylique chronique s’il a déjà envisagé un sevrage.

Récit de la situation clinique




« Oh mais vous savez, je ne bois quasiment plus, de temps en temps quelques bières avec des copains, un apéritif avant les repas, du vin lors des fêtes, je bois très rarement au travail. Mais sinon, rien ! Mais c’est vrai que j’aimerais arrêter définitivement un de ces jours. »
A ce sujet, il souhaiterait refaire une cure de sevrage. La dernière cure remonte à un an, c’est son médecin traitant qui l’avait organisée. Malheureusement, le patient est sorti du centre avant la fin de cette cure. Il a repris la consommation d’alcool tout de suite après cette sortie anticipée.
M.P. a 45 ans, il travaille à la commune de son village. Il est marié et a deux enfants. Dans ses antécédents, on retrouve donc cet éthylisme chronique de même qu’un tabagisme, une hépatite C, et une fracture du fémur suite à un accident de moto. Son examen clinique est normal à part quelques crépitants persistants dans le terrain de sa pneumopathie. Il semble bien sur le plan psychologique, pas de signes de dépression, et il a l’air d’être motivé pour arrêter l’alcool ; je reste méfiante néanmoins, connaissant bien cette motivation fluctuante de nombreux éthyliques. Je ne suis même pas sûre s’il aurait parlé de sevrage si je ne lui avais pas posé la question.
Je ne me sens pas à l’aise pour aider ce patient, tant sur le plan médical (indication médicale d’une cure en institution, son intérêt, l’objectif à viser) que sur le plan administratif (qui contacter, les démarches à faire). De plus, j’ai l’impression de le juger en mettant en doute sa motivation.

Je lui réponds que c’est très bien de penser à une cure, et que son médecin traitant saura certainement l’aider dans les démarches. M.P. n’a pas l’air mécontent de cette réponse, mais je suis tout à fait consciente que je n’ai fait aucun effort pour aider ce patient.

Analyse de la situation clinique complexe

Quels sont les points marquants de cette situation clinique ?


  • Homme de 45 ans

  • Hospitalisé pour pneumopathie

  • Ethylisme et tabagisme chroniques

  • Demande de sevrage alcoolique



Quels sont les principaux problèmes que me pose cette situation clinique ?


  • Je n’ai pas su répondre à la demande du patient.

  • Faut-il se fixer pour objectif un sevrage total ?

  • Comment évaluer objectivement la motivation d’un patient demandeur de cure de désintoxication alcoolique ?

  • Existait-il une indication pertinente au sevrage en institution ?

  • La dimension psychosociale du sevrage : comment régler le problème de la consommation d’alcool sur le lieu du travail ? Comment éloigner le patient de certaines influences néfastes (tels ses « copains de bière ») ?

  • Quelle est la stratégie thérapeutique à proposer ?



Quels objectifs d’étude vais-je envisager ?


  • Faut-il se fixer pour objectif le sevrage total ?

  • Comment évaluer objectivement la motivation d’un patient demandeur de sevrage?

  • Existe-il des indications pertinentes au sevrage en institution ?

  • Le sevrage : en pratique ?

  • Et après le sevrage ?


Synthèse de la recherche



1. Faut-il se fixer pour objectif le sevrage total ?

L’alcoolodépendance est définie comme un ensemble de manifestations psychiques (désir compulsif de boire de l'alcool qui rend le sujet incapable de maîtriser sa consommation), comportementales (recherche de la consommation d’alcool qui prend le pas sur la plupart des activités du sujet ; phénomène d’évitement : le sujet consomme de l’alcool, souvent dès le matin, dans l'intention de prévenir ou de supprimer les symptômes de sevrage. Le but est généralement atteint en 30 à 45 minutes ; fixation progressive des modalités de consommation de l’alcool, dictée par la nécessité de maintenir une alcoolémie suffisante ; augmentation de la tolérance amenant le sujet dépendant à consommer des quantités croissantes d’alcool) et parfois physiques (symptômes du sevrage, de l’ivresse aiguë, érythrose faciale, pathologies chroniques dues à l’alcool).

Chaque fois qu’il existe une alcoolodépendance, même en l’absence de signes physiques, le sevrage s’impose. Sachant que chaque alcoolodépendance s’accompagne de manifestations psychiques et comportementales, poussant le patient de boire de plus en plus, l’objectif du sevrage thérapeutique est l’entrée dans un processus d’abstention complète et durable d’alcool.

L’alcoolodépendant reste toujours beaucoup plus menacé par le maintien d’une consommation, même modérée, que par une abstinence totale.

La réponse à la question posée est « Oui, le sevrage doit toujours être total pour pouvoir être efficace et durable ».

2. Comment évaluer objectivement la motivation d’un patient demandeur de sevrage?

C’est difficile d’avoir une évaluation objective de la motivation au sevrage d’un patient éthylique chronique. En effet, il existe de nombreuses personnes autour du patient qui sont possiblement beaucoup plus demandeuses et motivées que le patient lui-même. Il s’agit du conjoint, des enfants, des parents, des amis, de l’employeur, de l’assistante sociale… Le patient est souvent soumis à la pression de son entourage. Un sevrage ne peut aboutir que si le patient est motivé lui-même, s’il a envie que sa vie change et s’il a compris ce qu’il peut et doit attendre du sevrage. Bien sûr que l’appui des proches est nécessaire et important, mais le facteur indispensable est le patient lui-même. Plus la motivation d’abstinence est forte, plus l’indication d’un sevrage s’impose et meilleur est le pronostic. Tout projet thérapeutique à moyen et long terme doit tenir compte avant tout de l’implication du patient. L’entrée dans la vie sans alcool est alors décidée par le patient et le médecin à un moment où la situation la rend possible avec les meilleures chances de réussite. Le questionnaire CAGE, comprenant 4 questions (1. Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées ? 2. Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation ? 3. Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ? 4. Avez-vous déjà eu besoin d’alcool dès le matin pour vous sentir en forme ? ), aide à évaluer la perception personnelle de la maladie du patient.
Il existe des échelles permettant d’évaluer la sévérité de l’alcoolodépendance du patient et faire le diagnostic de celle-ci, telles le MAST (Michigan Alcool Screening Test, 13 questions) et le SADQ (Severity of Alcool Dependence Questionnaire, 20 items).


3. Existe-t-il des indications pertinentes au sevrage en institution ?

Il faut commencer par rechercher les indications au sevrage :


  • Les sevrages préparés : c’est le patient qui veut le sevrage à un certain moment de sa vie, et demande de l’aide.

  • Les sevrages non préparés : l’arrêt de l’alcool est imposé au patient.

    • Les sevrages « contraints » : obligation de soins décidée par le juge ; sevrage lors d’une incarcération 

    • Les sevrages dans « l’urgence » : Il s’agit des sevrages de survenue brutale, en milieu hospitalier, réalisés dans le cas d’admissions en urgence, quelles qu’en soient les causes (traumatiques, hémorragiques, infectieuses…)

  • Les sevrages multiples


Il n’existe pas de contre-indications absolues au sevrage, mais plutôt des non-indications au sevrage immédiat :


  • Absence totale de demande ou de motivation du patient

  • En cas de situation de crises (affective, sociale, professionnelle) révélées par un demandeur de l’entourage ou par le patient, sans évaluation correcte des avantages et inconvénients des conduites d'alcoolisation et de l’abstinence

  • En cas d’absence de projet thérapeutique (évaluation, objectif, programme) et de projet social


Le sevrage alcoolique peut se faire en ambulatoire ou en hospitalisation (sevrage institutionnel).
Le sevrage ambulatoire a l’avantage de permettre au patient de continuer de sa vie professionnelle, sociale et familiale. Le patient et son entourage participent activement à la prise en charge qui ne nécessite pas de moyens techniques importants. Il est contre-indiqué dans diverses situations : dépendance physique sévère ; antécédents de delirium tremens ou de crise convulsive généralisée ; échec d’un essai sincère d’un sevrage ambulatoire ; affection somatique sévère justifiant une hospitalisation ; syndrome dépressif ou autre pathologie psychiatrique sévère associée ; dépendance associée à certains produits psycho-actifs ; demande pressante de l’entourage familial ou professionnel ; entourage non coopératif ; processus avancé de désocialisation. Environ 10-30% des patients sont exclus du sevrage ambulatoire.
Le sevrage institutionnel permet de surveiller le patient de façon continue, ce qui est particulièrement important pour les patients isolés ou sans entourage fiable. Il retire le patient de son environnement d’éthylique et permet le respect des prescriptions médicales. Il est indiqué dans les syndromes de sevrages sévères et en cas de pathologies associées. Un problème existe néanmoins : le long délai d’attente avant de pouvoir suivre un sevrage en hospitalisation.
Il faut, en première intention, privilégier le sevrage ambulatoire.

4. Le sevrage : en pratique

La prise en charge d’un sevrage est multidisciplinaire, à l’hôpital comme en réseau :


  • Médicale : alcoologues, médecins généralistes, autres spécialistes, médecin du travail…

  • Paramédicale : infirmières hospitalières, infirmières libérales, aides-soignantes…

  • Sociale : assistantes sociales…

  • Psychologique : psychologues, psychiatres…

  • Associations : AAA p.ex. …

  • Et autres…



Les médicaments utilisés :


  • Les psychotropes :

    • les benzodiazépines :

      • de préférence per os, réduisent l’incidence et la sévérité du syndrome de sevrage, des crises comitiales et du DT

      • p.ex. diazépam 10mg 1cpx4/j pendant 1-3 jours, puis réduction progressive et arrêt en 4-7 jours

      • ou diazépam 10mg 6cp le premier jour, puis diminution d’un cp/j les jours suivants jusqu’à arrêt

      • Le traitement par benzodiazépine ne doit pas excéder 7 jours




  • Médicaments associés :

    • Vitamine B1 : 500mg/j, afin de prévenir une carence responsable de troubles neurologiques ou cardiaques graves

    • Vitamine B6 : afin de prévenir une carence pouvant favoriser les crises comitiales

    • Vitamine PP : conseillée seulement si Vit B1 et B6 prescrite de façon concomitante, comme cofacteur

    • Magnésium : en cas d’hypokaliémie

    • Hydratation : orale chez le patient conscient, suffisante mais sans provoquer d’hyperhydratation

    • Acide folique : chez la femme enceinte pour diminuer le risque de malformation fœtale

    • Bétabloquants et clonidine : pour diminuer les signes d’hyperactivité adrénergique de sevrage mais n’apportent pas de protection vis-à-vis des crises comitiales


Prise en charge psychologique et sociale, dont l’importance est fondamentale. Elle a 3 fonctions essentielles :
1. L’information, le soutien, le réconfort du patient. Cette prise en charge est importante afin de prévenir et contrôler les symptômes ainsi que les accidents du sevrage. Elle permet de diminuer les doses de médicaments. Il existe certainement un intérêt dans les techniques de relaxation et de réappropriation corporelle.

La mise en place ou le renforcement d’une relation psychothérapeutique qui doit se poursuivre au-delà du sevrage pour permettre au malade d’associer bien-être et abstinence. Un travail de revalorisation de l’image de soi et de restauration narcissique de la personne est essentiel. En fonction des sujets, cette démarche comprend une psychothérapie individuelle, des psychothérapies de groupe, des thérapies familiales ou de couple, des thérapies comportementales. Dans une étude randomisée, la participation des mouvements d’entraide dès le sevrage améliore de façon significative le pronostic à long terme.

L’accompagnement social, qui complète la prise en charge médicale, et l’approche psychologique dans une perspective de réadaptation, notamment pour les populations en situation de précarité.

5. Et après le sevrage ?

Après la cure de sevrage, il ne faut surtout pas laisser le patient évoluer sans aucune aide. En effet, le risque de rechute est extrêmement élevé. Même après le sevrage, le patient doit rester l’acteur principal de son projet thérapeutique, qui regroupe plusieurs aspects différents :


  • Le soutien psychologique, que ce soit par l’écoute, la relation d’aide, la psychothérapie de soutien

  • La psychanalyse est considérée comme un outil thérapeutique, mais leur efficacité attend toujours d’être prouvée scientifiquement

  • Les thérapies cognitives et comportementales, à utiliser seulement par un personnel formé spécifiquement pour l’alcoolodépendance

  • Les groupes de parole et autres thérapies de groupe

  • Les ateliers thérapeutiques (créativité, culture, communication, réintégration sociale, ergothérapie, mémorisation, écriture)

  • Les moyens socio-éducatifs : accompagnement social visant à améliorer le réseau relationnel ; il s’agit de travailler sur l’individu et sur son environnement. L’évaluation sociale doit être réalisée le plus tôt possible dans la prise en charge du patient.

  • Les mouvements d’entraide, proposées par différentes associations

  • L’accompagnement de l’entourage : L’accompagnement peut se situer à plusieurs niveaux – information, éducation, soutien, psychothérapies individuelles, de groupe, ou familiale – tenant compte de la complexité des jeux relationnels de co-dépendance

  • Thérapie conjugale et familiale

  • Les médicaments visant à réduire l’appétence pour l’alcool :

    • Acamprosate :

      • Durée : 1an

      • 4-6cp/j en fonction du poids

    • Naltrexone

      • Durée : 3 mois

      • 1cp/j




  • Médicaments à effet antabuse :

    • Disulfirame : devant les réactions parfois graves induites par ce médicament, on ne saurait le recommander systématiquement ; on remarque néanmoins que la consommation d’alcool diminue chez de nombreux patients ayant fait l’expérience d’une réaction antabuse.


Conclusion

En ce qui concerne mon patient, je n’ai certes par répondu à la demande de mon patient, mais j’essaie de me justifier en faisant remarquer que l’organisation d’un sevrage n’est pas facile et ne se fait certainement pas entre la prescription des ordonnances et la sortie du patient. De plus, les recommandations disent qu’ « il est utile de ne pas répondre systématiquement et immédiatement à chaque demande mais de travailler avec le patient pour une maturation de sa motivation ».

Pour ce patient, comme pour tous les sujets alcoolodépendants, l’objectif du sevrage est le sevrage total. J’aurais pu me servir de diverses échelles pour évaluer la sévérité de la dépendance ainsi que la motivation du patient pour le sevrage. Il aurait fallu voir les proches du patient afin évaluer leur appui dans la prise en charge. On aurait pu lui proposer une prise en charge en ambulatoire.

La prise en charge d’un patient souhaitant un sevrage alcoolique est difficile, et pour l’équipe soignante, pour laquelle les échecs sont parfois imprévisibles et toujours insatisfaisants, et pour le patient lui-même. En effet, le patient est dépendant de l’alcool, et après la disparition de la dépendance physique, il reste la dépendance psychique, beaucoup plus difficile à gérer. La prise en charge est longue, le soutien de l’entourage parfois inexistant, les rechutes fréquentes. Ces dernières ne doivent néanmoins pas être considérées comme des échecs, mais plutôt comme une partie intégrante du projet thérapeutique. Le médecin généraliste occupe une place primordiale dans la prise en charge du sujet alcoolodépendant, aussi bien pendant le sevrage qu’après celui-ci. Le médecin généraliste, médecin traitant du patient, connait bien son patient et est facilement accessible. Il est la personne ressource pour le patient et son entourage. Comme la prise en charge d’un sujet alcoolodépendant est difficile et très spécifique, il faudrait que le médecin généraliste ait suivi une formation spécialisée dans le sevrage d’alcool. De même, le travail en réseau avec d’autres médecins spécialistes, des infirmières, des psychologues, des assistantes sociales, des associations, est indispensable, ce qui rend la prise en charge de cette pathologie difficile pour les jeunes médecins généralistes comme moi, qui n’avons pas beaucoup d’expérience sur le terrain et pas de connexion aux réseaux existants au début de notre carrière.

Bibliographie :
- Modalités de l'accompagnement du sujet alcoolodépendant après un sevrage - Conférence de consensus - Paris, Cité des Sciences et de l'industrie - 7 et 8 mars 2001 - ANAES.

- Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcooldépendant - Conférence de consensus - Paris, Maison de la chimie - 17 mars 1999 - ANAES, SFA.


.

similaire:

Récit de la situation clinique iconThème 1 : Imaginez une situation clinique qui mettra en avant la...

Récit de la situation clinique iconFigures III
«Le récit est une séquence deux fois temporelle IL y a le temps de la chose-racontée et le temps du récit.» Christian Metz

Récit de la situation clinique iconMémoires ☞Question de définition
«certa variat memeria actae rei» ( le récit de l’événement varie beaucoup selon les auteurs) IL y a des variations dans le récit...

Récit de la situation clinique icon1- qu’est-ce qu’un test ?
«Technique permettant une description quantitative et contrôlable du comportement d’un individu placé dans une situation définie,...

Récit de la situation clinique iconRésumé… le début d’un récit fantastique

Récit de la situation clinique iconL'omniprésence de la violence dans le récit

Récit de la situation clinique iconExamen clinique

Récit de la situation clinique iconL’examen clinique

Récit de la situation clinique iconExamen clinique

Récit de la situation clinique iconExamen clinique








Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
p.21-bal.com