L’Ecole polytechnique, ce concentré d’inégalités








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L’Ecole polytechnique, ce concentré d’inégalités

LE MONDE | 25.11.2014 à 19h32 • Mis à jour le 26.11.2014 à 13h16 |Par Benoit Floc'h

Pour réussir l’Ecole polytechnique, il vaut mieux être un Parisien issu d’une famille aux revenus confortables qu’un jeune provincial boursier. C’est ce qui apparaît à la lecture des résultats du concours d’accès à la prestigieuse école militaire d’ingénieurs. Le document interne de synthèse que Le Monde s’est procuré montre que l’épreuve orale, en particulier, accroît les inégalités en faveur des lycées parisiens et des candidats non boursiers. L’école militaire de Palaiseau (Essonne) n’est pas le seul établissement d’enseignement supérieur français dont la composition est aussi déséquilibrée. C’est le cas de la plupart des (très) grandes écoles comme HEC, Centrale Paris ou l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm…

Fleuron de la République
Mais l’X – l’autre nom de Polytechnique – est un symbole. D’abord parce qu’elle est un fleuron de la République. « Le rêve de toutes les mères »,écrivait Gustave Flaubert. Elle reçoit les meilleurs élèves du secondaire, fournit l’Etat et les entreprises en cadres dirigeants. Ses élèves, qui étudient sous statut militaire, sont particulièrement choyés par la nation. Ensuite, parce que l’école est l’une de celles où les déséquilibres sont les plus marqués. Les boursiers ne constituent que 13,5 % des effectifs, contre 35 % à l’université. Sur les 401 élèves de la promotion 2014, 152 viennent de… deux lycées, Louis-le-Grand à Paris, et Sainte-Geneviève à Versailles.

La classe préparatoire « mathématiques, physique » (MP) est l’une des principales filières d’accès à l’X. Si la moitié (53,2 %) des candidats qui s’inscrivent au concours MP viennent de la région parisienne, les Parisiens sont 68,1 % parmi les admissibles et 74,2 % parmi les admis. A l’oral, un quart des « Parisiens » a été éliminé, contre quatre sur dix chez les provinciaux – presque le double ! La tendance est encore plus marquée au sein de la plus prestigieuse des filières, « mathématiques, physiques, informatique » (MP info).
Pour ce qui est de la distinction boursiers/non-boursiers, l’écrémage est également spectaculaire en MP. De 26,1 % au départ, les boursiers passent à 14,3 % à l’arrivée. Quatre boursiers sur dix sont éliminés à l’oral, contre trois sur dix chez les non-boursiers.

Chez les filles, en revanche, l’oral est salutaire. En MP, 24 % des filles sont« éliminées » à l’oral, contre 32 % des garçons. En MP info, ce sont 7 % des filles (contre 27 % des garçons). « C’est connu, souligne Eric Keslassy, sociologue à l’université Paris-Diderot, les filles établissent mieux le contact avec un jury que les garçons. Et comme elles sont moins nombreuses à Polytechnique, j’imagine que les examinateurs font davantage attention à ce qu’elles disent. »

Contacté par Le Monde, un examinateur de Polytechnique (qui a souhaité garder l’anonymat) confirme ces données. « Il est navrant de voir que la discrimination géographique et sexuelle évolue défavorablement avec le temps, se désole-t-il. A quand un taux de provinciaux de un sur dix, voire moins ? Si on enlève Lyon, c’est déjà le cas… » De fait, si les provinciaux constituent aujourd’hui le quart des élèves polytechniciens, ils étaient encore un tiers en 2006. Pour ce qui est des boursiers, en revanche, la tendance est à la hausse : de 7,3 % des entrants en 2007, ils stagnent à quelque 13 % depuis trois ans. Quant aux filles, 16,7 % des effectifs en 2014, elles étaient 17,5 % en 2006.

A Palaiseau, on ne nie rien de tout cela, tout en mettant en garde contre les« raccourcis »« Mon rôle, c’est d’organiser un concours équitable et de sélectionner les candidats qui ont le meilleur niveau possible,expliqueMichel Gonin, professeur et directeur du concours. Je ne veux pas savoir s’ils sont garçon ou fille, français ou étranger, parisien ou provincial. Quant aux déséquilibres que vous mentionnez, ils ne sont pas dus au concours lui-même, mais à ce qui se passe en amont… »

Supprimer l’oral ?
Le système éducatif français est tourné presque exclusivement vers la sélection d’une élite scolaire, laquelle s’avère être une élite sociale. Les résultats du concours de Polytechnique, au faîte du système, sont « la confirmation que la méritocratie, en France, n’en est pas une », estime Eric Keslassy. « On considère que la réussite scolaire est le fruit d’un mérite individuel, poursuit-il, alors qu’elle est d’abord celui d’une atmosphère culturelle et intellectuelle familiale. »

Les études de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) l’ont montré depuis longtemps : le système éducatif français accroît les inégalités sociales au lieu de les réduire. A Polytechnique, « nous sommes conscients qu’il n’y a pas assez de filles ou de boursiers, assure M. Gonin. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour améliorer les choses ». L’école mène des actions en direction des prépas de province, rappelle qu’elle a conservé ses centres régionaux d’examen et qu’elle a aménagé l’organisation des oraux pour laisser le temps aux provinciaux de venir à Palaiseau.

Au niveau de l’écrit, l’école garantit l’égalité de tous les candidats devant l’épreuve. Elle publie le maximum d’exemples d’exercice sur son site et assure qu’« il n’y a pas de liens incestueux avec les prépas »« On fait tout ce que l’on peut, explique M. Gonin, mais on constate que les candidats issus des prépas parisiennes sont mieux préparés que les autres… » Les lycées franciliens ont une excellente réputation ; ils attirent donc les meilleurs élèves du pays, ce qui engendre une émulation, de bons résultats aux concours et, donc, une bonne réputation…

Mais l’oral ? Faut-il le supprimer ? Non, « il est indispensable, considère Michel Gonin. Certains candidats sont bien placés à l’écrit, mais l’oral redistribue les cartes ». Pas dans le bon sens, semble-t-il. « Tout dépend ce que l’on entend par bon sens, répond M. Gonin. Pour nous ce qui compte, c’est le niveau des élèves. »
Polytechnique en dates

2001

Les « Conventions ZEP » de Sciences Po Paris réservent une voie d’accès spécifique aux élèves des zones d’éducation prioritaire.
2002

L’Essec crée le dispositif « Une grande école, pourquoi pas moi ? » pour aider les bons lycéens de milieux défavorisés à préparer les mêmes concours que les autres.
2005

Signature d’une charte nationale pour l’égalité des chances dans l’accès aux formations d’excellence.
2008

Nicolas Sarkozy fixe l’objectif de 30 % de boursiers dans les grandes écoles. Cet objectif n’est toujours pas tenu à ce jour.

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