Une introduction aux processus sédimentaires








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4. LA DIAGENESE

La diagenèse se rapporte à l'ensemble des modifications physico-biochimiques que subit un sédiment, après dépôt, dans les conditions de pression et température "faibles" qui règnent en environnement de sub-surface. La diagenèse n'englobe pas les modifications du sédiment liées uniquement aux facteurs biologiques (bioturbation) et s'arrête là où commence le métamorphisme. Pour dissiper l'impression d'incertitude qui se dégage de cette frontière qualitative, disons qu'en pratique, la diagenèse traite de problèmes de dégradation et d'évolution de la matière organique et de phénomènes de cimentation, dissolution, recristallisation et remplacement affectant les phases carbonatée, siliceuse ou sulfatée.

4.1. Evolution de la matière organique

La dégradation des constituants les plus fragiles de la matière organique déposée dans le sédiment (la matière organique dérivée du plancton est d'ailleurs plus fragile que celle dérivée des plantes terrestres) s'effectue sur des durées variant du jour à l'année, les constituants plus résistants persistent à des profondeurs plus importantes pendant des centaines ou des milliers d'années et enfin, les constituants les plus résistants, précurseurs des hydrocarbures, évoluent sur des échelles de temps de l'ordre du million d'années. En général, moins de 1% de la matière organique déposée est conservée dans le cycle géologique!

L'évolution de la matière organique débute dès les premiers centimètres d'enfouissement (Fig. VI.6). Une série de zones biogéochimiques impliquant des communautés microbiennes différentes a été observée dans la plupart des sédiments. L'extension en profondeur de ces zones est cependant très variable et dépend principalement de l'apport de matière organique, de la perméabilité des sédiments et de l'oxygénation des eaux de fond: dans les sédiments les plus riches en matière organique, les zones biogéochimiques peuvent se succéder sur quelques centimètres (environnement estuarien par exemple), alors qu'en d'autres endroits plus pauvres (océan), elles couvrent chacune plusieurs mètres. D'une manière générale, la succession des différentes zones traduit l'utilisation d'oxydants de moins en moins puissants (l'énergie des réactions est décroissante): respectivement O2, NO3-, Mn et Fe, SO42-, et CO2. Le résultat de ces réactions redox est une transformation d'une grande partie de la matière organique originelle en composés plus simples.

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Figure VI.6: réactions impliquées dans la dégradation de la matière organique dans un sédiment marin. D'après Konhauser (2007), modifié.

- Le premier processus est la respiration aérobie: c'est cette réaction qui fournit le plus d'énergie et définit la zone oxique. On considère que près de 90% de la matière organique sédimentée est dégradée de cette manière en milieu océanique, alors qu'en environnement littoral, plus riche, cette proportion tombe à 50%.

- L'intervention des processus de dénitrification (capables comme la respiration aérobie de dégrader la matière organique complètement, c-à-d jusqu'au CO2) définit la zone suboxique. La proportion de matière organique consommée chute à 3% de ce qui a été dégradé par la respiration aérobie, sauf dans les zones estuariennes, beaucoup plus riches en nitrates.

- Les oxy-hydroxydes de fer et de manganèse font partie de la fraction détritique du sédiment qui en général, est non réactive. Dans le cas particulier de ces deux métaux, le caractère réducteur du sédiment induit leur passage en solution et leur intervention dans les processus de dégradation de la matière organique. La réduction de Mn4+ est le premier processus observé. Il consomme en général moins de 10% de la matière organique du sédiment. Le Mn2+ produit peut former des carbonates de manganèse comme la rhodocrosite (le sulfure, MnS, est trop soluble pour être précipité), voire diffuse jusqu'à l'interface eau/sédiment et contribue à la formation des "nodules de manganèse" océaniques.

- Sous la zone de réduction du manganèse et alors que tout le nitrate a été consommé, débute la réduction du Fe3+. En général, le Fe2+ produit réagit rapidement avec HS- issu de la réduction des sulfates (voir Fig. VI.6) pour former de la mackinawite, précurseur de la pyrite:

  • Fe2+ + HS- FeS + H+

L'abondance de la matière organique semble être dans ces conditions, un des contrôles majeurs sur la formation de pyrite dans les sédiments marins. Si le fer est très abondant (où les sulfates rares, comme dans les sédiments continentaux), du Fe2+ excédentaire peut diffuser vers le haut dans le sédiment et être oxydé par MnO2 ou NO3-, donnant naissance à des enduits d'hydroxydes de fer sur des fossiles, par exemple. Dans certains cas, de la magnétite peut être produite, tout comme de la sidérite (FeCO3) dont le HCO3- peut provenir de la réduction des sulfates.

- Plus bas dans le sédiment, débute la zone anoxique, caractérisée par la réduction des sulfates. Ce processus intervient quand tous les autres oxydants ont été épuisés. Dans les sédiments riches en matière organique, on considère que cette réaction consomme environ 50% de la matière organique. Dans les sédiments océaniques, cette proportion tombe à moins de 10%. Les sulfates sont particulièrement abondants dans l'eau de mer (50x plus que les autres oxydants), mais l'intensité du processus dépend beaucoup de la réactivité de la matière organique: si une partie importante a déjà été dégradée par la respiration aérobie, le résidu est constitué de produits résistants qui seront difficilement décomposés par la sulfatoréduction. Un des produits libérés par la réduction des sulfates est le H2S/HS-, molécule extrêmement toxique. Heureusement pour les communautés microbiennes, ces molécules réagissent avec le Fe2+ pour former des sulfures insolubles.

- Enfin, l'étape ultime de la dégradation anaérobie de la matière organique est la méthanogenèse. Ce processus ne serait responsable que de 1% de la transformation de la matière organique et ne serait effectif que dans des zones côtières où l'accumulation est importante et dépasserait les possibilités de la sulfatoréduction. Le CH4 produit peut s'accumuler dans les pores du sédiment, remonter à la surface sous la forme de bulles ou encore, diffuser dans la zone de sulfatoréduction et être oxydé selon la réaction suivante:

  • CH4 + SO42- HCO3- HS- + H2O

Il s'agirait d'une réaction capable de consommer une bonne partie des sulfates des sédiments, plus que la dégradation de la matière organique.

 4.2. Cimentation-dissolution-recristallisation-remplacement

Les principaux processus diagénétiques affectant les phases minérales sont la cimentation, la dissolution, la recristallisation et le remplacement.

- La cimentation correspond à la précipitation de matière sur un substrat et à l'accroissement progressif des cristaux ainsi formés. La cimentation a pour conséquence la disparition progressive de la porosité.

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Cimentation: précipitation centripète de ciment carbonaté fibreux dans une cavité d'un calcaire.

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Cimentation partielle d'un sable avec formation de "miches" de grès (flèches). Falaise du Cap Gris Nez, France.

- La dissolution d'un substrat ou d'une phase diagénétique préexistante a évidemment comme conséquence une augmentation de la porosité. Ce phénomène joue à diverses échelles, depuis celle du système karstique jusqu'à la porosité intraparticulaire. Un processus de dissolution implique toujours le passage par une étape où existe un vide: ce vide peut être ensuite rempli par des sédiments internes ou cimenté. On distingue différents types de porosité en fonction de leur dépendance/indépendance par rapport aux structures originelles du sédiment (Fig. VI.7). La pression-dissolution est un processus de dissolution suite à une augmentation de la pression aux points de contact entre les grains. C'est ce processus qui est responsable du développement de structures comme les stylolithes (dans les calcaires purs) et de "joints de pression-dissolution" dans les calcaires plus riches en insolubles (par concentration d'insolubles le long de la surface de dissolution préférentielle). Ce processus peut conduire à la naissance de stylocumulats et de calcaires noduleux (Fig. VI.8).

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Figure VI.7: différents types de porosité (en bleu). A : porosité primaire intergranulaire. B : porosité intragranulaire. C : porosité de dissolution sélective de grains. D : porosité intercristalline. E : porosité due à des perforations. F : porosité de fracture.

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Figure VI.8: phénomènes de pression-dissolution; A: stylolithes dans un calcaire pur; dans le cas du stylolithe (a), l'ampleur de la dissolution peut être déduite du raccourcissement des sphérulites (flèches); le stylolithe (b) met en contact deux faciès différents; B: joints de pression-dissolution dans un calcaire argileux; ici également, le raccourcissement des fossiles permet de déduire l'ampleur de la dissolution (flèches); des cristaux de dolomite sont souvent associés aux joints de pression-dissolution; C: shale nodulaire formé par pression dissolution dans un sédiment argilo-carbonaté.

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Stylolithe mettant en contact deux faciès différents (rudstone à coraux et crinoïdes en haut et mudstone en bas). Les flèches indiquent des coraux partiellement dissous au niveau du stylolithe.

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Pression-dissolution dans un calcaire argileux à crinoïdes. L'argile est concentrée dans les joints de pression-dissolution. Lame mince, lumière naturelle.

- La recristallisation implique un changement de cristallinité de la phase préexistante, sans modification chimique. Exemples: augmentation de la taille moyenne des cristaux par coalescence dans une masse déjà cristallisée; "inversion" de l'aragonite en calcite (l'aragonite étant 8% plus dense que la calcite, du CaCO3 est dès lors disponible pour des processus de cimentation).

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Recristallisation: augmentation de la taille des cristaux formant une boue calcaire. A: boue recristallisée ("microsparite"); B: boue à grain fin, non recristallisée ("micrite").

- Le remplacement implique quant à lui, non seulement un changement de cristallinité, mais également un changement chimique d'un substrat préexistant. La dolomitisation dite secondaire en est un exemple fréquent, comme la silicification. Notons que les minéraux constituant les fossiles peuvent être remplacés sans que leur morphologie soit affectée.

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Remplacement: silicification d'un calcaire. Les cavités ultimes sont cimentées par de la calcédoine (c) et du quartz (q).

4.3. Diagenèse carbonatée

La diagenèse carbonatée est traitée en détail dans le cours de "diagenèse et dynamique des bassins sédimentaires".

4.4. Compaction et diagenèse d'une boue argileuse

Une boue argileuse est formée lors de son dépôt de 70 à 90% d'eau. Les parties minérales sont souvent des minéraux argileux (kaolinite, illite, smectite), de la chlorite, un peu de feldspath, de la calcite et du quartz. Son évolution comprend les étapes suivantes:

- transformation progressive de la vase argileuse en argile plastique par expulsion de l'eau interstitielle (compaction). La porosité du sédiment passe d'environ 70% à 35% à 500 m de profondeur. Des concrétions de CaCO3 et des sulfures tels FeS2 peuvent apparaître;

- transformation de l'argile plastique en argile compacte: la pression lithostatique et la température augmentent avec la profondeur. Vers 2000 m, l'argilite n'a plus qu'une porosité de 13% (argile compacte). Sur le plan minéralogique, il y a disparition progressive de la kaolinite au profit de l'illite et de la smectite au profit de la chlorite et de l'illite.

4.5. Diagenèse d'un sable

La compaction étant beaucoup moins importante dans un sable que dans une boue argileuse, son action seule est insuffisante pour transformer un sable en roche plus ou moins cohérente. La cimentation est donc le processus majeur de la lithification des sables.

C'est souvent durant la phase initiale d'expulsion des fluides que les sables ont tendance à acquérir leur couleur finale. La présence de matière organique a comme conséquence d'appauvrir le milieu en oxygène et d'amener le fer à l'état de Fe++ (couleurs vertes). Les grès rouges, par contre, sont soit riches à l'origine en pigment hématitique détritique (éventuellement en "coating" sur les grains de quartz), soit doivent leur coloration durant la diagenèse à une réaction du type biotite  minéraux des argiles + oxyde de fer.

La silice est un ciment fréquent des grès, croissant en continuité optique sur les grains de quartz et donnant naissance aux quartzites si le processus arrive à terme. Suivant l'âge des grès, ce ciment peut être constitué d'opale (forme peu stable de la silice), de calcédoine ou de quartz (forme très stable) (voir cours de pétrographie). 

Le problème des ciments siliceux réside surtout dans l'origine de la silice: les eaux marines sont sous-saturées en silice (voir cours de pétrographie) et ne fournissent que peu de matière à la cimentation. De plus, les processus de pression-dissolution ne peuvent être responsables que d'environ 1/3 du volume de ciment. Restent la silice issue de la dissolution des tests des organismes (radiolaires, diatomées, éponges) et la silice provenant de la transformation diagénétique des minéraux argileux. Ce sont deux sources majeures de silice, mais rarement associées géographiquement à des corps sableux importants (argiles, radiolaires, éponges sont plutôt associés à des faciès profonds). Il faut donc imaginer une circulation diagénétique intense pour expliquer l'existence des ciments siliceux.

Les carbonates sont également un ciment majeur des grès. Ils nécessitent quand même des flux importants d'eau diagénétique, puisque le calcul (à partir des concentrations en CaCO3 dans l'eau de mer) montre que pour cimenter un pore, il faut faire circuler 2700 fois son volume en eau.

Un autre ciment important des grès est l'oxyde de fer. Le fer provient de l'altération des biotites, amphiboles, chlorites, etc. Comme la dissolution de ces minéraux se fait souvent dans des conditions réductrices, le fer est transporté à l'état Fe2+, soluble. Il précipite à l'état d'oxyde et devient insoluble dès que le milieu devient suffisamment oxygéné. Une fois à l'état d'oxyde, le fer est très peu affecté par la diagenèse (voir cours de pétrographie).

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Deux cas de cimentation dans les sables et grès calcaires de la Formation de Luxembourg à Sampont. A: la cimentation est indépendante de la stratification (les stratifications entrecroisées, soulignées en tiretés passent en continu du sable au grès); B: la cimentation est parallèle à la stratification et donne naissance à des bancs de grès alternant avec des sables.

 

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