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Document D : Roland Barthes, Mythologies, « Bichon chez les Nègres », 1957. Roland Barthes a rassemblé dans Mythologies des articles écrits entre 1954 et1956 et dans lesquels il analysait les différents aspects de la vie quotidienne en France à cette époque. Dans cet extrait, c'est avec humour et ironie qu'il s'attaque aux images stéréotypées véhiculées par la presse. Match nous a raconté une histoire qui en dit long sur le mythe petit-bourgeois du Nègre. Un ménage de jeunes professeurs a exploré le pays des Cannibales pour y faire de la peinture, ils ont amené avec eux leur bébé de quelques mois, Bichon. On s'est beaucoup extasié sur le courage des parents et de l'enfant. [...] . Le voyage des parents de Bichon dans une contrée située, d'ailleurs très vaguement, et donnée surtout comme le Pays des Nègres Rouges, sorte de lieu romanesque dont on atténue, sans en avoir l'air, les caractères trop réels, mais dont le nom légendaire propose déjà une ambiguïté terrifiante entre la couleur de leur teinture et le sang humain qu'on est censé y boire, ce voyage nous est livré ici sous le vocabulaire de la conquête : on part non armé sans doute, « mais la palette et le pinceau à la main », c'est tout comme s'il s'agissait d'une chasse ou d'une expédition guerrière, décidée dans des conditions matérielles ingrates (les héros sont toujours pauvres, notre société bureaucratique ne favorise pas les nobles départs), mais riche de son courage - et de sa superbe (ou grotesque) inutilité. Le jeune Bichon, lui, joue les Parsifal1 il oppose sa blondeur, son innocence, ses boucles et son sourire, au monde infernal des peaux noires et rouges, aux scarifications2 et aux masques hideux. Naturellement, c'est la douceur blanche qui est victorieuse : Bichon soumet « les mangeurs d'hommes» et devient leur idole (les Blancs sont décidément faits pour être des dieux). Bichon est un bon petit Français, il adoucit et soumet sans coup férir les sauvages : à deux ans, au lieu d'aller au bois de Boulogne, il travaille déjà pour sa patrie. [...] On a déjà deviné l'image du Nègre qui se profile derrière ce petit roman bien tonique : d'abord le Nègre fait peur, il est cannibale ; et si l'on trouve Bichon héroïque, c'est qu'il risque en fait d'être mangé. Sans la présence implicite de ce risque, l'histoire perdrait toute vertu de choc. Le lecteur n'aurait pas peur ; aussi, les confrontations sont multipliées où l'enfant blanc est seul, abandonné, insouciant et exposé dans un cercle de Noirs potentiellement menaçants (la seule image pleinement rassurante du Nègre sera celle du boy du barbare domestiqué, couplé d'ailleurs avec cet autre lieu commun de toutes les bonnes histoires d'Afrique: le boy voleur qui disparaît avec les affaires du maître). À chaque image, on doit frémir de ce qui aurait pu arriver : on ne le précise jamais, la narration est « objective » ; mais en fait elle repose sur la collusion3 pathétique de la chair blanche et de la peau noire, de l'innocence et de la cruauté, de la spiritualité et de la magie; la Belle enchaîne la Bête, Daniel4 se fait lécher par les lions, la civilisation de l'âme soumet la barbarie de l'instinct. L'astuce profonde de l'opération-Bichon, c'est de donner à voir le monde nègre par les yeux de l'enfant blanc : tout y a évidemment l'apparence d'un guignol. Or comme cette réduction recouvre très exactement l'image que le sens commun se fait des arts et des coutumes exotiques, voilà le lecteur de Match confirmé dans sa vision infantile, installé un peu plus dans cette impuissance à imaginer autrui que j'ai déjà signalée à propos des mythes petits-bourgeois. Au fond, le Nègre n'a pas de vie pleine et autonome, c'est un objet bizarre; il est réduit à une fonction parasite, celle de distraire les hommes blancs par son baroque vaguement menaçant : l'Afrique, c'est un guignol un peu dangereux. [...] REDACTION (à rendre le lundi 10 décembre 2012). Sujet : Vous imaginerez un dialogue argumentatif entre deux personnages. L’un considère que l’homme est un animal comme les autres, l’autre qu’il a un rang exceptionnel et est d’un autre ordre. Votre dialogue devra utiliser un ton polémique et comporter au moins 60 lignes. Vous pourrez vous inspirer des textes étudiés en cours mais devrez situer le dialogue au XXème siècle. Efforcez-vous de travailler la qualité de l’expression et l’enchaînement des répliques (cf méthode ci –dessous) METHODOLOGIE : LE DIALOGUE ARGUMENTATIF Définition Le dialogue est un échange de paroles entre personnages : débat entre deux positions, collaboration de deux personnes pour s'accorder, persuasion de l'un qui se range à l'avis de l'autre, lutte sans fin des deux qui s'en tiennent à leurs convictions initiales. En principe, tout dialogue cherche à être efficace : réussi, il est vif et possède une ligne directrice claire. Dialoguer efficacement, ce peut être informer (dans une scène d'exposition), construire rationnellement une vérité commune (dans le dialogue philosophique), argumenter pour faire agir (dans le déroulement de l'action au théâtre). Les formes du dialogue recouvrent en fait la diversité des interactions humaines. Les types de dialogues Dans le dialogue didactique, les deux personnes ne sont pas à égalité : l'une détient déjà une vérité que l'autre, par un jeu de questions, va peu à peu découvrir (dialogue entre un maître et son élève, interrogatoire...). Dans le dialogue dialectique, les interlocuteurs raisonnent en commun pour trouver ensemble une vérité qu'aucun des deux ne détient au départ. Les places respectives dans l'échange ne sont pas fixées; le dialogue reste interactif, c'est-à-dire qu'il fait entendre clairement deux voix, sans que l'une absorbe l'autre. Dans le dialogue polémique, chacun défend sa certitude en réfutant celle de l'autre et en déniant à l'autre le droit d'avoir raison; c'est une joute verbale où chacun est attentif à l'attitude de l'autre (il y a donc bien dialogisme), mais qui ne peut déboucher sur un accord. La progression du dialogue L'efficacité du dialogue se mesure au chemin que chacun des interlocuteurs parcourt vers l'autre. Un échange avance d'autant mieux que les enchaînements de paroles y sont justes et pertinents : répond-on à la question, tient-on compte de ce qui vient d'être dit, ne change-t-on pas de sujet ? Cette justesse des enchaînements est un des ressorts de l'écriture théâtrale. On distingue quatre types: -l'enchaînement sur le mot: « - Tu peux te passer de me parler d'amour, je pense. / - Tu pourrais bien te passer de m'en faire sentir. » (Le Jeu de l'amour et du hasard) ; - l'enchaînement syntaxique (question/réponse ou continuité grammaticale) : « -Nous serons mariés? / -Oui. / - Mais quand ? / -Dès ce soir. » (L'École des femmes) ; - l'enchaînement thématique, sur la chose: « - Ne l'as-tu pas tué? / - Sa vie était ma honte. » (Le Cid) ; - l'enchaînement, paradoxal, sur interruption: « - Ne me parlez pas. / - Mais... / - Plus de société. » (Le Misanthrope). Écrire un dialogue argumentatif
Elle peut mettre en jeu des personnages réels ou fictifs : il est nécessaire de les caractériser et de s'interroger sur leur qualité (auteur célèbre, spectateur, lecteur, etc.) et de déterminer leurs liens (amitié, rivalité, etc.), leur statut social et culturel ; parfois, leur personnalité est indiquée par les consignes.
Avant de commencer la rédaction, reformulez les deux axes que propose ou suggère le sujet : ils ne sont pas toujours totalement explicités par le libellé.
Comme pour un débat oral, chaque discours doit tenir compte des arguments de l'adversaire pour que la discussion avance. Choisissez pour convaincre des exemples précis, pris dans le corpus, dans vos lectures ou votre expérience personnelle. Un débat doit s'achever et il faut prévoir son issue : une des thèses l'emporte sur l'autre ou la situation reste inchangée, les pôles adverses étant inconciliables. Cette dernière position implique que vous sachiez soutenir avec la même force les deux points de vue. abordant sa petitesse, sa grandeur et les questions de sexisme. SEANCE 9 : La confrontation de deux points de vue Objectif : Etudier en quoi les personnages de Knaatsch et Eatons s’opposent l’un à l’autre, tant dans leur discours que dans leur représentation. Support : Vercors, Les Animaux dénaturés, chapitre XII, de « Le professeur Knaatsch » jusqu’à la fin du chapitre, pp.133 à 136. Documents complémentaires :
- Passage à l’oral d’un ou deux élèves sur la LA du chapitre XII, de « Le professeur Knaatsch » jusqu’à la fin du chapitre, pp.133 à 136. - Reprise avec l’ensemble de la classe. Introduction : Jean Bruller dit Vercors est un écrivain et dessinateur du XXème siècle qui a choisi son pseudonyme pendant la seconde guerre mondiale où il a montré son engagement en combattant mais aussi en créant Les Editions de Minuit clandestines et en publiant Le Silence de la mer en 1942. Après-guerre il se questionne sur la nature humaine et son roman Les Animaux dénaturés dont nous allons étudier un extrait s’efforce de proposer une définition de l’homme en imaginant la découverte par un groupe de savants d’une espèce, les « Tropis », sorte de chaînon manquant entre le singe et l’homme. L’extrait qui nous intéresse propose, lors d’un procès, une confrontation entre deux savants, les professeurs Knaatsch et Eatons, pour déterminer dans quelle catégorie il faut justement classer ces Tropis. Nous nous demanderons de quelle manière l’auteur oppose les deux hommes. Pour répondre à cette question nous verrons tout d’abord qu’il existe des différences formelles entre les deux protagonistes, puis que leurs théories scientifiques sont opposées, ce qui mettra en évidence une totale contradiction sur le plan idéologique.
* parler populaire de K - mots élidés « c’t’inouï » « M’sieur » etc… - métaphores et comparaisons populaires : l.15 « ce n’est pas le père Noël » - phrases incomplètes ; style télégraphique ex. l.33 - abondance d’exclamations ou d’interrogations qui traduisent l’excitation du personnage * langage soutenu et un peu précieux d’Eatons - cf le choix du nom du personnage qui fait penser à un collège très sélect d’Angleterre : Eton - remarque sur sa prononciation avant cet extrait (« distinction extrême ») - phrases complexes et structurées - phrases avant tout déclaratives qui traduisent un homme sûr de lui - présence d’ironie (« mon éminent confrère ») : signe de supériorité
* une agitation chez K. - cf avant l’extrait p.130 « un visage secoué de tics » - une impossibilité de se tenir en place : cf la comparaison avec un collégien l.2 - ne respecte pas les règles du procès l.5-9 * une distance posée de la part d’E. - ne se départit jamais de son sourire : l. 8 ; l. 94 « un sourire d’impuissance navrée » ; l.123 « sourire distingué » = une attitude hautaine et supérieure qui tranche avec la « vulgarité » (au sens étymologique) de K. Transition : ces différences dans la forme même de l’argumentation sont aussi le signe de divergences très importantes sur le plan scientifique
= mise en évidence de leurs théories = dans les deux cas raisonnements déductifs
* une vision plus matérielle qui repose sur des éléments physiques Cf les termes qui évoquent les parties du corps ou des phénomènes physiques : l.15 « chimie du cerveau » ; l.19 et autres « astragale » ; l.22 « la main » * un raisonnement logique en raccourci qui en devient presque caricatural : étudier passage l. 21 à 32
* cf précédemment p.131 le rappel des découvertes « historiques » précédentes * un retournement des propos de K. = image d’un homme qui sait manier les mots pour retourner les idées l.49 * évidence de la mauvaise foi d’E qui n’accepte que les éléments qui vont dans son sens et rejettent toutes les contradictions de K (à relever) Transition : cette opposition dans le point de vue scientifique montre bien les intentions de Vercors : montrer que les préjugés idéologiques peuvent modifier l’utilisation d’éléments en apparence objectifs.
* cf ses interrogations après la longue réplique d’E l.88 et sq. * énumération « d’hommes primitifs » qui pour lui sont sans conteste à intégrer à l’humanité - l.88 homme de Néanderthal - l.91 Veddah (groupe aborigène de l’Est du Sri Lanka) : Pygmées (peuple de la forêt équatoriale africaine) ; Australiens (référence aux aborigènes d’Australie) ; Boschimans (peuple d’Afrique australe, l’un des plus anciens du continent) = choix significatif car aucun peuple d’Europe (s’oppose donc à l’ethnocentrisme européen) * est effaré comme le public par les théories d’E.
* comme tout raciste s’efforce d’avoir une caution scientifique qu’il oppose à une approche jugée trop sentimentale : cf l.97 « perspectives fort raisonnables » ; l.115 « il serait donc plus sérieux »… * faux regret de devoir dénier aux Noirs le droit d’être des hommes l.106 et sq. * référence à l’actualité de l’époque : Apartheid en Afrique du Sud, ségrégation aux USA Conclusion : La mise en place d’un système d’opposition aussi fort entre les deux savants permet à Vercors, dans cet extrait des Animaux dénaturés, de montrer plusieurs éléments : tout d’abord si sur le plan oratoire K est bien inférieur à E, sur le plan moral il lui est supérieur : il ne faut donc pas en rester à l’apparence. D’autre part l’idée majeure est que la notion d’humanité ne peut en rester à l’aspect uniquement physiologique puisque toutes les interprétations sont possibles comme K et E l’ont montré. La suite du roman montrera que c’est un aspect plus spirituel qui définit l’homme et les Tropis seront donc inclus dans la famille des êtres humains. |