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VIII. Les musées On peut distinguer trois fonctions pour les "musées" dans le domaine scientifique et technique. Elles se juxtaposent parfois au sein d'un même établissement. Mais les règles muséologiques et les messages sont différents. 1. Première fonction : Les collections. Le musée du premier type correspond à un lieu où sont conservés des échantillons remarquables. Sa fonction est voisine de celle des musées d'art: acquérir et présenter les grandes oeuvres. Dans le domaine des sciences, il s'agit en général de constituer, de classer et de préserver des collections. Elles doivent être aussi exhaustives et complètes que possible et bien entendu, être composées d'objets authentiques plutôt que de copies. C'est ce que font les muséums avec leurs collections de coquillages ou de papillons, et les musées techniques qui rassemblent des successions de machines, par exemple des automobiles ou des avions, présentées dans le contexte d'une évolution historique. Les musées ethnologiques ou les éco-musées (comme ceux de la paysannerie disparue) sont aussi dans ce cas. En général, dans ce type de musées, les explications associées aux objets présentés sont assez succinctes (réduites par exemple au nom latin d'un oiseau empaillé ... ou à la marque et à l'année d'une automobile). Le souci d'exhaustivité amène à juxtaposer de nombreux exemplaires presque semblables (vitrines d'insectes). Même lorsque la présentation fait preuve d'imagination, ces ensembles sont quelquefois austères. De fait, ce type de musées a été conçu à l'origine comme un dépôt d'échantillons de référence destiné à l'usage des chercheurs. Certains spécialistes pensent que dans ces lieux, les visiteurs ordinaires n'ont pas leur place (Claude Lévi Strauss dans un article du "Monde" de Septembre 1992 ...). Depuis quelque temps, pour tenter de modifier l'image de musées-réserves obsolètes, des efforts importants sont faits pour rénover le cadre traditionnel et lui ajouter des panneaux explicatifs un peu plus développés, des audiovisuels, voire des présentations "interactives", et une signalétique plus conviviale (La "Grande Galerie" du Muséum en est un exemple). Il reste que, pour pénétrer le détail des sujets traités, il faut se livrer à un important travail parallèle de documentation ou se contenter d'une promenade qui ne retient que les aspects esthétiques (comme dans les musées d'art). Sciences et techniques apparaissent là statufiées dans un inventaire solennel qui quelquefois, en se coulant dans l'imagerie des mythes contemporains, atteint une dimension émouvante (la galerie des animaux disparus), ou joue sur un ressort traditionnel du spectacle, la nostalgie, comme dans le cas des objets anciens, ceux de notre enfance. Les musées du premier type, musées de collections, ne sont donc pas dépourvus de charme en dépit de leur sévérité de principe. Ils impressionnent. D'autant plus qu'ils jouent très souvent sur une atmosphère sombre, peu éclairée, sans ouverture sur l'extérieur. Ils se placent ainsi dans le simulacre de la grotte ou de la caverne, endroit où sont traditionnellement enfouis des trésors que l'on vient, le coeur battant, découvrir respectueusement. 2. Deuxième fonction : La pédagogie interactive Le second type de "musées" est un lieu où le visiteur, très souvent un enfant, est censé participer physiquement aux présentations, où il doit être actif et non passif. Au début du siècle, à Bruxelles, on avait ouvert au public un atelier où tout un chacun pouvait venir faire des expériences électriques, la merveille de pointe de la science à l'époque ; aujourd'hui, on ouvre partout des "cybercafés" où le public peut venir s'initier à l'Internet. L'idée que le musée n'est pas seulement un endroit où le visiteur déambule entre des vitrines, mais pose des questions et participe, a une source lointaine dans les démonstrations des fêtes foraines mais couplées avec un souci pédagogique. La création du Palais de la Découverte en 1937 exprime le souhait de présenter la science en action par des expériences effectuées par des gens de laboratoire devant le public et au besoin avec sa participation (comme avec la célèbre machine électrostatique). Il s'agit de rapprocher la science du peuple dans le but d'en faire percevoir les beautés. Parce que ce modèle classique (scientiste) de la vulgarisation scientifique est proposé par des chercheurs (la corporation des chercheurs est alors en formation) et des universitaires, il implique d'insister plus sur les principes de base que sur les applications, sur la science pure plutôt que sur l'industrie. En fait, il s'agira surtout de faire devant tout le monde des expériences de cours (alors classiques dans les cours universitaires). Le Palais de la Découverte a donc toujours été étroitement associé à la pédagogie scolaire. Il vient directement en support de l'enseignement fondamental des sciences. Faire des leçons où l'on apprend par l'observation revient aussi à s'éloigner d'un enseignement purement livresque et comporte donc une coloration rousseauiste. Le projet de Frank Oppenheimer, qui crée l'Exploratorium de San Francisco en 1969, est, lui, franchement de même nature que les propositions pédagogiques du Philosophe de Genève et inspiré des principes de Locke et de Condillac. Comme à l'Ontario Science Center à Toronto, fondé à la même époque, l'idée est de faire acquérir des connaissances aux enfants, notamment en physique, par des expériences, ou des jeux, qui mettent en action leurs sens physiologiques et leur sens de l'équilibre. On apprendra l'optique en s'amusant avec des illusions d'optique; on découvrira la composition de la lumière blanche en faisant tourner des disques qui mélangent des couleurs. Les hands-on experiments, inventés dans les domaines les plus variés - mécanique, optique, sciences naturelles, communication, biologie, etc ...-, se rencontrent aujourd'hui dans de très nombreux "musées" pour enfants et adolescents de part le monde (notamment à Paris, "la Cité des Enfants" de la Cité des Sciences et de l'Industrie). De l'éducation enfantine, le concept s'est étendu à du matériel d'exposition dit "interactif", présentations dans lesquelles le visiteur doit intervenir pour percevoir le sens. Cela va de la simple pression sur un bouton à une participation élaborée pouvant nécessiter de l'adresse et de la réflexion. Très souvent, la forme prise est celle d'un jeu (le flipper par exemple). 3. Troisième fonction : La présentation du contemporain Le troisième type de "musées" est pratiquement l'héritier des Expositions Universelles. Dès que la révolution industrielle en Europe a atteint sa vitesse de croisière au milieu du XIXème siècle, est apparue l'idée de fonder des Musées des Arts et de l'Industrie ainsi que d'organiser des présentations temporaires ouvertes à un vaste public. Les promoteurs en sont généralement des sociétés pour l'encouragement de l'industrie, plutôt que des milieux universitaires. L'Exposition du Crystal Palace de Londres en 1851 a un énorme succès et entraîne en 1857 la création de l'ancêtre du Science Museum à South Kensington. A Mulhouse (1858), puis à Lyon (1863), apparaissent des Musées industriels. Ils sont encore très proches des Arts appliqués (il s'agit de tissus et soieries). La fonction des Expositions Universelles est de présenter les nouveautés manufacturières, de susciter l'envie de les acquérir, donc de créer un marché. En même temps, c'est une vitrine de la puissance et des capacités d'un pays. Au cours du XIXème et du XXème siècle, les Nations vont s'affronter, rivaliser dans le grandiose sur ce champ de la représentation. Fonction commerciale, économique, et fonction de prestige sont mêlées. C'est aussi le cas pour nos "musées" du troisième type. Là, la science et l'industrie ensemble montrent ce qu'elles font pour la vie quotidienne du citoyen. Il ne s'agit pas du passé, mais du présent ou du futur proche. Il s'agit d'expliquer le contemporain, de faire rêver sur le futur, de faire désirer. On y montre la conquête de l'espace, l'ordinateur, les sources d'énergie. Il s'y ajoute une évocation des problèmes qui se posent à la société aujourd'hui et dans lesquels science et industrie sont mêlées, l'environnement ou la santé par exemple. "Explora", l'exposition permanente de la Cité des Sciences et de l'Industrie correspond à ce type. En général, ces présentations passent rapidement sur les principes fondamentaux et insistent plutôt sur les usages. Les chercheurs ont souvent l'impression de ne pas y reconnaître la science... En effet, même lorsque les présentations sont centrées sur les disciplines traditionnelles (mathématiques, géologie, astronomie), elles sont plutôt orientées vers les applications que vers les concepts abstraits ou alors, ceux-ci sont illustrés par des maquettes qui paraissent simplifier à l'excès des questions complexes. Les grands musées parisiens Le Musée des Arts et Métiers, au sein du CNAM, est actuellement en cours de rénovation dans la perspective de l'ouverture du nouveau Musée National des Techniques. Des travaux importants ont été effectués dans la Chapelle où des fouilles archéologiques ont été rendues nécessaires par la découverte des vestiges mérovingiens. Le Musée présente des objets, des machines en trois dimensions que l'on peut toucher, contourner, faire fonctionner. L'approche historique d'un objet permet à des personnes qui ont une très faible culture scientifique de mieux comprendre les concepts qui entrent dans toute innovation technique. Le personnel du musée utilise beaucoup l'informatique, c'est le support choisi pour archiver les collections. Le Musée des Arts et Métiers expose environ 4000 objets sur une collection d'environ 80.000; les objets non exposés étant conservés dans les nouvelles réserves visitables de Saint Denis. Le Palais de la Découverte fondé par Jean Perrin en 1937 est installé dans le Palais d'Antin, accolé au Grand Palais, un lieu prestigieux mais qui connaît aujourd'hui des difficultés architecturales (il est fermé depuis Novembre 1993). On ignore quelles pourraient être les conséquences pour le Palais de la Découverte. Celui-ci est resté fidèle à l'organisation de la présentation de la science selon le découpage conventionnel en grandes disciplines proches de la logique du découpage scolaire et de l'organisation de la recherche fondamentale. Il comporte donc les Départements d'Astronomie, de Chimie, de Mathématique, de Physique, de Sciences de la Vie et de Sciences de la Terre. Il se caractérise par des exposés didactiques faits devant le public ainsi que par des démonstrations expérimentales. Il abrite un laboratoire de recherches en muséologie, le Laboratoire Jean Perrin. Le Palais recevra en 1995 environ 400 000 visiteurs. Le Museum d'Histoire Naturelle se caractérise par une abondance de collections. Il offre aujourd'hui une information concernant la Nature, sur des thèmes écologiques qui permettent de mettre en évidence la diversité des espèces. La nouvelle Grande Galerie possède 3000 m2 d'exposition permanente. Un espace de 800 m2 est réservé à l'animation pédagogique pour des travaux pratiques avec les enfants. La Grande Galerie, ouverte fin Juin 1994, aura reçu, en 1995, environ 700 000 visiteurs. La Cité des Sciences et de l'Industrie fêtera ses dix ans en mars 1996. Elle dispose d'environ 30000 m2 d'espaces d'expositions dont beaucoup sont réservés aux présentations temporaires. Elle abrite également une grande Médiathèque publique et divers autres services (dont la Cité des Métiers). Les espaces réservés aux enfants sont très importants (la Cité des Enfants). La Cité recevra en 1995 environ 1 600 000 visiteurs payants mais, comme chaque année, environ 3,5 millions de personnes y pénétreront et/ou visiteront les espaces gratuits (dont la Médiathèque). Tous les Musées des Sciences parisiens ont des liens étroits avec l'éducation nationale et les établissements d 'enseignement. Les "Classes Villette" sont des classes de découverte à thèmes scientifiques pendant lesquelles des enfants se familiarisent durant deux semaines avec les approches présentées dans les Musées parisiens du thème qu'ils ont choisi. Les musées parisiens font peu de recherche. Les conservateurs, contrairement à leurs collègues britanniques, s'occupent peu du repérage et de l'acquisition du patrimoine technique contemporain. Tous ces établissements paraissent dotés d'un budget de fonctionnement correct, mais il y a peu de moyens pour enrichir les collections ou pour procéder à des rénovations dans les bâtiments anciens. 4. Les expositions temporaires Les établissements qui disposent de présentations permanentes y ajoutent souvent des expositions temporaires centrées sur un sujet. L'éventail est vaste. Il y a des expositions à demi philosophiques, qui mélangent les sciences et les arts pour composer un récit culturel ("l'Ame et le Corps", Grand Palais, 1994). Elles s'adressent à un public très cultivé. D'autres sont construites sur l'évocation pluridisciplinaire d'un domaine susceptible (pour des raisons "mythologiques") de soulever l'intérêt du public. On en profite alors pour donner des éléments d'information sur le plan scientifique et industriel ("Vive l'eau" à la CSI en 1990, mais aussi "Les Dinosaures" au Palais de la Découverte en 1992). Plus simplement, on s'efforce d'attirer le public curieux vers des thèmes tournant autour d'une branche industrielle connue ("Communications", "le lait", CSI, 1993), d'une spécialité sympathique ("le bois", "le silicium" au Muséum, 1994, 1992) ou d'un problème aigu ("la douleur", CSI, 1993). Il est très rare que les Expositions temporaires, parce qu'elles ont besoin immédiatement d'un public, aient un cadre pédagogique pur, celui d'une discipline comme les mathématiques par exemple (cela ne peut fonctionner qu'avec un public captif). Soit elles ont une base de propagande de type commercial ou apologétique (pour susciter le désir ou combattre la répulsion), soit elles ont des composantes spectaculaires empruntées à l'art, ou aux différents thèmes de la romance qui font l'efficacité de la vulgarisation scientifique. 5. Muséologie et vulgarisation scientifique Les expositions permanentes ou temporaires mélangent plusieurs supports pour diffuser leur message. Autour des objets et des images, on trouve des écrans, des claviers, des opérations interactives plus ou moins ludiques, et des textes. Ceux-ci sont d'ordinaire soigneusement calibrés, ils ne dépassent pas une certaine longueur. Ils sont donc difficiles à rédiger. Le problème se pose de leur perception par le public. Il n'est pas certain que beaucoup de ces textes soient lus par les visiteurs. Comme un journal, une présentation d'exposition est d'abord appréciée "en diagonale". Certains éléments, mots, graphismes, sont perçus, d'autres pas, et dans un ordre qui n'est pas forcément celui que les auteurs ont prévu. Généralement, les visiteurs commencent à manipuler une expérience avant d'avoir lu le mode d'emploi... (d'où des frustrations...). En général, une exposition à thème scientifique ou technique exige un effort de la part du visiteur pour être comprise. Moyennant quoi ils sont souvent satisfaits, surtout s'ils prennent la peine de saisir en détail au moins une partie de ce qui est offert. Le temps consacré à la visite est particulièrement important. Un mode de consommation attentif permet de faire passer efficacement des messages. Le public qui visite les musées des sciences est en principe intéressé par le sujet. La stratégie des concepteurs s'appuie souvent sur une distribution d'objets-phares. Ceux-ci servent de repères, ils fonctionnent comme des signaux pour localiser un thème mais aussi comme des emblèmes, des totems, car très souvent, l'objet-phare est chargé d'un symbolisme fort, celui de la puissance, destinée à impressionner, de la science et de l'industrie (comme une maquette de fusée, un avion d'assaut, un gros camion, etc....). Les présentations muséales peuvent être divisées en deux catégories : celles qu'à tort ou à raison le visiteur reconnaît (c'est le cas par exemple de tout ce qui est vivant, du végétal, des machines communes), et celles pour lesquelles il n'a pas du tout idée de leur nature. La différence est que dans le second cas, il faut lire les notices pour s'intéresser vraiment à la présentation. Alors que pour celles que l'on croit reconnaître, le rythme de la promenade peut suffire. De nombreuses présentations, de taille modeste mais difficiles à identifier, forment comme une collection de miniatures et demandent une démarche de visite particulière. Le mélange entre objets-phares ou ludiques et les "miniatures" autorise un certain équilibre, avec comme résultat la perception partielle de la logique du contenu. En général, celle-ci est très étudiée, mais pas toujours facilement lisible sur le terrain. Les architectes d'expositions ont des principes idéologiques et suivent un plan. Celui-ci n'est pas toujours aisé à découvrir. En particulier lorsque le concepteur a été inspiré par l'approche post-moderne (à la suite de la grande exposition organisée par Jean-François Lyotard au Centre Pompidou en 1985 sur le thème des "Immatériaux"). Les plateaux d'exposition se présentent alors avec des entrées multiples et le visiteur est libre de son parcours. Les choses sont présentées sur un même plan mosaïque et éclaté (comme la juxtaposition de quartiers de cultures différentes dans les villes modernes). Les parcours possibles sont alors nombreux, et l'effort exigé du visiteur peut être assez considérable dans la mesure où il n'est pas guidé par une thématique du genre "salle I", salle II", "salle III", etc... |
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