Economie du savoir
evaluation de la Tunisie
Identification et comblement des ecarts en matiere de capacites et d'innovation de la region situee au Sud et a I'Est du bassin mediterraneen (region SEMED)
Whiteshield Partners
Nurturing Innovation, Impacting Economic development
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Economie du savoir
evaluation de la Tunisie
Identification et comblement des ecarts en matiere de capacites et d'innovation de la region situee au Sud et a I'Est du bassin mediterraneen (region SEMED)
Cette etude a ete financee par le Southern and Eastern Mediterranean Multi-Donor Account-MDA.
Le MDA est soutenu par I'Australie, la Finlande, la France, I'Allemagne, I'ltalie, les Pays-Bas, la
Norvege, la Suede et la Grande-Bretagne. Le contenu de cette presente publication est sous la seule
responsabilite de Whiteshield Partners Limited et ne reflete pas necessairement les opinions de la
BERD.
Avec le support de :
Banque Europeeime
pour la Reconstruction et le Developpement
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Au cours des dix dernieres annees, I'economie tunisienne est devenueplus complexe et axee sur les exportations tout en enregistrant des performances superieures d celles de pays comparables. Toutefois, il lui reste encore a realiser son potentiel d'innovation. Les limites imposees par les demarches classiques, reposant sur une analyse horizontale ou verticale et limitees a la gouvernance, aux variables institutionnelles, au cadre reglementaire ou a des facteurs politiques ne semblent pas repondrepleinement a deux moteurs essentiels de I'innovation : les reseaux de partage et du savoir et le renforcement des capacity. En s 'appuyant sur le concept de « complexite economique », les auteurs de la presente etude ont cartographic, par type de chaine de valeur, les possibility et les lacunes en matiere d'innovation en Tunisie. Un schema de developpement du savoir se degage de la sme decennale qui a ete etudiee, dans laquelle des secteurs comme les paiements electroniques, la securite logicielle, I 'electronique appliquee et la pharmacie se degagent comme les principaux vecteurs du savoir, mais aussi de I 'investissement. Ces conclusions sont egalement etayees par une serie complete de donnees sur les exportations, par une methode rigoureuse d'evaluation de la taille des marches, une serie d'indicateurs sur I'innovation, ainsi que des enquetes realisees aupres des entreprises concernees et d'autres parties prenantes. A partir de notre indice d'investissement dans I'innovation et compte tenu des obstacles existants, nous recommandons trois categories d'investissement: « Placements a risque et transferts de technologic », « Acteurs de premier plan » et « Projets de plateforme ». Plus de 300 projets d'investissement d'un montant compris entre un million et 100 millions d'euros ont ete analyst et sont propose, dans ces trois categories.
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Sommaire
Introduction 5 Methode et cadre d'analyse 13 Chapitre 1 21 Examen de 1'economic du savoir : un fort potentiel de developpement 21 1.1. Facteurs politiques : completes, mais mises en oeuvre de fa9on incoherente 22 1.2. Demande du marche : Croissance des secteurs des technologies de 1'information et de la
communication, de I'electronique et de la pharmacie 40 1.3. Developpement du capital humain: De solides bases pour innover, mais une certaine
inadequation des competences 57 1.4. Ecosysteme d'innovation: L'essentiel est en place, mais un cadre plus adapte et une
meilleure coordination sont necessaires 64 Chapitre 2 76 Possibilites et lacunes : les secteurs des logiciels, de I'electronique et de la pharmacie sont les moteurs de I'innovation 76 2.1. Complexity economique: capacites importantes dans les TIC, I'electricite et
I'electronique, et la pharmacie 77 2.2. Reseaux des chaines de valeur: possibilites dans le paiement electronique, les logiciels,
les telecommunications, I'electronique, les appareils medicaux et la sante 91 2.3. Indice de I'investissement dans I'innovation: accorder la priorite aux domaines
constituant des cibles potentielles 101
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Introduction Une economic divcrsifiec et axee sur les exportations
La Tunisie est un pays a revenu intermediaire de la tranche superieure. Elle se caracterise par un
produit interieur brut (PIB) qui a augmente de 3,5 % par an sur la periode ayant precede la
revolution de 2008-2010\ un PIB de 3 310 euros par habitantˍ en 2011, un environnement
macro-economique relativement sain et une economic assez divcrsifiec, tournee vers les
exportations et soutenue par rinvestissement direct etranger (IDE). En 2011, les exportations
representaient en effet 51 du PIB du pays. Les sept secteurs suivants ont realise 80 % des
echanges de biens et de services : textile, electronique, construction electrique et mecanique,
Industrie chimique, agriculture, tourisme et technologies de 1'information et de la communication
(Tic/. En 2011, le secteur des services representait plus de 45 % du PIBˍ, principalement grace
aux TICˍ. A elles seules, les TIC representent 10 % du PIBˍ et elles offrent un potentiel
important, la valeur de ce marche etant estimee a 4,8 milliards d'euros et le taux de croissance
annuel compose du secteur s'etant eleve a 6 % entre 2007 et 2012ˍ. L'industrie est egalement
bien representee dans 1'economic, les industries electrique et electronique ayant vu leur poids
s'accroitre avec un volume d'affaires estime a plus de 2,2 milliards d'euros en 2012, et
effectuant une progression de 16 % par rapport a la periode 2005-2010ˍ.
Un capital humain traditionnellement important
Les atouts du pays en termes d'education (aussi bien au niveau des facteurs que des resultats
d'apprentissage) sont I'une des principales explications de son dynamisme economique. En
2011, I'indice de developpement humain des Nations Unies etait superieur a la moyenne
regionale (0,70 pour la Tunisie contre 0,64 pour d'autres pays de la region du Moyen-Orient et
de I'Afrique du Nordˍ''), tout en restant inferieur a 0,87 scion 1'Organisation de cooperation et de
' Source : Donnees de la Banque mondiale,
http://donnees.banquemondiale.org/indicateurr/NY.GDP.MKTP.KD.ZG ; remarque: PIB en parite de pouvoir
d'achat (PPA), croissance en glissement annuel sur la periode 2007-2012.
ˍ Source : Donnees de la Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD ,
2011.
ˍ Source : Donnees de la Banque mondiale, http://databank.worldbank.org/ddp/home.do.
Source : Agence de Promotion de l'industrie et de I'lnnovation (APII),
http: //www. tuni sianindustry. nat. tn/ fr/home. asp.
ˍ Source : Institut National de la Statistique. Remarque : PIB en PPA, 2012.
ˍ Source : Perspectives des technologies de I'information de I'OCDE, 2010.
' Source : Agence de promotion de I'investissement exterieur (FIPA),
http://www.investintunisia.tn/site/en/article.php?id_article=779. Remarque : PIB en PPA.
Source : IDC CEMA Black Book 2011.
' Source : Agence de promotion de I'investissement exterieur,
http://www.investintunisia.tn/site/en/article.php?id_article=774.
Les pays de la region du Moyen-Orient et de I'Afrique du Nord sont les suivants : Algerie, Bahrein, Djibouti,
Egypte, Irak, Jordanie, Koweit, Liban, Libye, Maroc, Palestine, Oman, Qatar, Arable saoudite, Soudan, Syrie,
Tunisie, Emirats arabes unis, Yemen.
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developpement economiques (OCDE)". La meme annee, 78% de la population etait
alphabetisee, contre 98 % pour la moyenne des pays de I'OCDE . Au-dela de ces
fondamentaux, le taux de scolarisation est important dans le secondaire puisqu'il s'elevait a
90 en 2009. En termes de resultats educatifs mesures par le programme PISA (Programme
international pour le suivi des acquis des eleves) de I'OCDEˍ'', la Tunisie ameliore ses
performances (401 points pour la comprehension des sciences en 2009 conre 386 points en
2006), mais reste neanmoins a la traine de la moyenne des pays de I'OCDE (501 en 2009)'ˍ.
Des politiques de soutien a I'innovation en place, mais pas encore coordonnees ni pleinement
mises en ceuvre Les responsables politiques ont elabore plusieurs programmes en faveur de 1'innovation et du
developpement de I'economie du savoir. Le systeme d'innovation du pays repose sur le modele
de la «triple helice », c'est-a-dire de la collaboration entre universites, instituts de recherche et
jeunes entreprises. L'innovation se concentre dans certaines villes comme Tunis et Sfax. La
recherche et le developpement (R-D) sont relativement importants par rapport aux pays
comparables de la region, les depenses de R-D s'etant elevees a 1,1 % du PIB en 2010 (contre
0,21 % en Egypte, 0,42 % en Jordanie et 0,08 % en Arable saoudite)ˍˍ. Le travail scientifique a
donne lieu a la publication de 17 068 articles entre 2006 et 2010, ces travaux et la redaction
conjointe d'articles ayant eu lieu dans les domaines suivants : physique et astronomic (64 %),
neurosciences (58 %), science des materiaux (53 %) et immunologic (55 Vof. Toutefois, un
certain nombre d'obstacles en matiere d'elaboration des politiques continuent de freiner les
performances du pays dans I'economie du savoir: role important de I'Etat, manque de
coordination entre organismes publics, bureaucratic envahissante, baisse des entrees de capitaux
et acces insuffisant aux financement et aux capitaux du secteur prive, en particulier apres la
creation des entreprises. Le manque de coordination entre organismes publics et les delais
d'examen des demandes de financement - jusqu'a six mois pour obtenir une reponse, d'apres
une enquete aupres du secteur prive - incite les entreprises innovantes interrogees a reduire
progressivement leurs demandes officielles et a se tourner vers le secteur prive. Le nombre de
'' Source : Programme des Nations Unies pour le developpement, http://hdrstats.undp.org/fr/pavs/profils/TUN.html .
Source : UNICEF, http://www.unicef.org/french/infobvcountrv/Tunisia statistics.html .
Source : Donnees de la Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SE.SEC.ENRR .
Remarque : I'etude PISA (Programme international pour le suivi des acquis des eleves) est une etude
Internationale qui a ete lancee par I'OCDE en 1997. Elle vise a evaluer les systemes educatifs dans le monde tous les
frois ans en evaluant les competences des jeunes de 15 ans dans le domaine de la lecture, des mathematiques et des
sciences.
'ˍOCDE, PISA 2006, 2009, http://www.oecd.org/pisa/46643496.pdfet http://www.oecd.org/pisa/46660259.pdf
'ˍSource : Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GB.XPD.RSDV.GD.ZS .
Source : SCImago. (2007).SJR - SCImago Journal & Counfry Rank.
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societes de capital-risque reste limite, tandis que les societes d'investissement a capital-risque
(SICAR) et les prets bancaires sont relativement peu adaptes aux financements de demarrage. En
termes d'entrees de capitaux, I'investissement direct etranger dans I'economie du savoir est plus
faible qu'au Maroc ou que dans d'autres pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, puisque
les entrees d'IDE ont diminue de 9 % entre 2007 et 2010ˍˍ.
Le defi a relever: liberer le potentiel de la Tunisie par des politiques et des moyens d'action
centres sur le savoir Depuis la revolution de Janvier 2011, le pays rencontre des difficultes economiques inherentes a
la phase de transition qu'il traverse. Des obstacles importants doivent encore etre surmontes,
notamment ceux lies a la rigidite du marche du travail, a un systeme fiscal inequitable, a
rabsence de politiques de la concurrence adaptees et a un deficit de competences, des problemes
importants qui favorisent un chomage eleve. Plus precisement, un certain nombre de difficultes
doivent etre traitees en vue d'elaborer une strategic globale centree sur le savoir: il faut
identifier et cibler les lacunes dans les capacites et 1'innovation et mettre en evidence des
objectifs pertinents d'investissement. La question la plus importante est de definir un cadre
approprie permettant a la fois d'analyser et de combler ces lacunes, en commen9ant par trouver
une definition de I'economie de la connaissance, une notion qui n'est pas encore claire dans la
litterature. En outre, compte tenu de leurs limites, les demarches actuelles classiques, fondees sur
une analyse horizontale ou verticale et qui portent uniquement sur la gouvernance, les variables
institutionnelles, le cadre reglementaire ou politique, ne semblent pas prendre pleinement en
compte le principal moteur de la croissance economique, c'est-a-dire le savoir.
Des demarches nouvelles et novatrices, comme celle de la complexity economique, ont ete
avancees par Hausmann et Hidalgo (2011) en vue de liberer le potentiel des economies fondees
sur le savoir, mais les implications concretes de ces theories restent a developper. La methode de
la complexity economique est une mesure fondee sur les resultats qui part du principe que si la
fabrication de deux produits necessite des institutions, du capital, des infrastructures et des
technologies similaires, ces produits sont susceptibles d'etre fabriques parallelement. Plus
generalement, «la complexite d'une economie est liee d la multiplicite du savoir utile qu'elle
contient. Pour qu'une societe complexe puisse exister et assurer sa perennite, les gens qui
connaissent le design, le marketing, la finance, la technique, la gestion des ressources humaines,
rexploitation des entreprises et le droit commercial doivent etre capables d'echanger et
Source : Donnees de la Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/BX.KLT.DINV.CD.WD .
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d'associer leur savoir en vue de fabriquer des produits. Ces memes produits ne peuvent etre
fabriques dans les societes oil certaines parties de cet ensemble de capacites font defaut. Par
consequent, la complexite economique s 'exprime dans la composition des produits fabriques par
un pays et reflete les structures qui se forment pour contenir et associer les connaissances
necessaires pour cela.
L'indice de complexite economique (ICE) permet de mesurer le savoir necessaire. II explique
15 % des variations de la croissance economique entre tous les pays sur une periode 12 ans,
contrairement a d'autres variables institutionnelles comme la gouvemance ou le cadre
reglementaire, qui en expliquent de 1 % a 2 L'ICE presente aussi une correlation de 0,75
avec la croissance du PIB dans le mondeˍ\ Les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord
(MENA) peuvent considerablement ameliorer leurs performances economiques grace au savoir
et aux capacites dont ils disposent. La figure la souligne les possibilites qui s'offrent a eux par
rapport a d'autres pays du monde. Le modele de developpement des capacites varie
considerablement selon le pays. Ainsi, la Tunisie a developpe ses capacites cognitives
progressivement, tandis que le Maroc stagne, et etait meme en recul sur ce point jusqu'a une
periode recenteˍˍ (voir aussi la figure [lb]).
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