4Perspectives de recherche. 4.1Contexte et objectif des travaux de recherche poursuivis De la nécessité d’utiliser des matières organiques dans les agrosystèmes…
Dans les sols, les matières organiques sont à la fois un déterminant de la production agricole (source d’éléments nutritifs pour les plantes) mais ont également un rôle environnemental (par son implication dans les cycles biogéochimiques). L’organisation des systèmes de production agricole d’Afrique sub-saharienne et plus généralement des pays en voie de développement est basée en grande partie sur une gestion des matières organiques produites sur le terroir. Les changements d’usages accompagnés des changements climatiques agissent sur les équilibres établis par les pratiques de recyclage des matières organiques dans les terroirs rendant ainsi vulnérables ces systèmes. Pour assurer durablement une sécurité alimentaire et contribuer au développement de l’agriculture des pays du Sud, il apparaît essentiel de faire évoluer les pratiques agricoles pour augmenter la productivité des sols et celle du travail. Concernant la gestion de la fertilité des sols, ces pratiques doivent inclure l’usage de matières organiques en tant que fertilisant ou amendement dans les systèmes de culture. Ceci n’exclue pas l’utilisation des intrants chimiques qui demeure nécessaire à l’augmentation significative des productions agricoles des pays en voie de développement. Cependant, pour faire face à des problèmes de coûts élevés des intrants, et de préservation de l’environnement, les innovations agricoles en terme de fertilisation ou d’amendement doivent conduire à une utilisation optimale des intrants chimiques. L’apport des matières organiques dans les sols tropicaux cultivés peut résoudre cette équation.
Des modes d’usage des matières organiques dans les pratiques agricoles…
Les matières organiques qui participent à la gestion de la fertilité biophysique et chimique des sols dans les terroirs agricoles concernent pour l’essentiel les résidus de récolte ou de défriche (y compris les systèmes racinaires des plantes cultivées ou présentes dans les jachères), les déjections animales déposées directement sur les sols ou redistribuées à partir des zones de parcages, enfin les déchets domestiques des villages. En périphérie des villes, les déchets urbains d’origine domestique ou industrielle peuvent être disponibles. Les techniques d’usage de ces différentes matières en tant que fertilisant ou amendement sont également variées. Ainsi, avant leur application, ces matières organiques exogènes (MOE) peuvent subir des transformations plus ou moins avancées. Le compostage est l’une des pratiques les plus préconisées dans les projets de développement agricole. Cependant, force est de constater que ces dernières techniques ne se sont pas généralisées dans le monde agricole des pays en voie de développement. L’une des raisons avancées de cet échec est tout particulièrement l’inadaptation des MOE produites aux besoins des paysans et de leurs systèmes de culture. Si les processus et les techniques de compostage semblent bien documenter et maîtriser, il n’en va pas de même de l’évolution des MOE dans le sol et leur impact sur la production agricole ou les propriétés physico-chimiques et biologiques des sols. Les connaissances actuelles en région tropicale apparaissent souvent empiriques voire acquises par des recherches agronomiques ne prenant pas en compte la complexité des sols et notamment son fonctionnement biologique.
Figure 17 : Schéma d’amélioration des techniques agricoles basée sur la valorisation de matières organiques dans les sols en tant que fertilisant ou amendement.
Le projet de recherche que je poursuis concerne les matières organiques exogènes (MOE) utilisées dans les sols tropicaux cultivés. L’étude de leur dynamique dans les sols doit permettre d’élaborer des référentiels techniques pour une utilisation adaptée des MOE en tant que fertilisant ou amendement dans les systèmes de production agricole des pays en voie de développement. L’introduction de MOE dans des sols cultivés a pour objectif de synchroniser les besoins nutritifs de la plante cultivée avec les éléments libérés par la minéralisation de ces matières organiques tout en préservant leur participation au maintien des propriétés physico-chimiques et biologiques des sols (Woomer & Swift, 1994). Les processus de transformation des composés organiques dans les sols sont des phénomènes complexes où interviennent divers facteurs dont les principaux sont (i) la nature des substrats organiques, (ii) les communautés microbiennes impliquées et (iii) les caractéristiques du milieu dans lequel se déroule les processus. Ces facteurs interagissent dans l’espace et le temps à de multiples échelles de l’agrégat à l’écosystème ou l’agro-écosystème. La hiérarchisation entre ces différents facteurs explique la variabilité de la dynamique des matières organiques entre différents écosystèmes (Lavelle et al., 1993). Pour améliorer les services rendus (fertilisation, amendement) par une matière organique exogène apportée dans un sol cultivé, on pourra donc agir sur ces différents facteurs, ce qui d’un point de vue technique consiste à transformer la qualité des MOE, par exemple par le compostage, et/ou adapter les techniques d’application des MOE dans les sols cultivés (Figure 17).
Si la question de l’effet des caractéristiques physiques et biochimiques des matières organiques sur leur dynamique dans les sols est largement étudiée, les modes d’application dans les sols de ces matières fertilisantes ou amendantes le sont beaucoup moins. Mes travaux se concentreront sur cette dernière question.
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