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Série thématique


Effets respiratoires des nanoparticules manufacturées
Pascal ANDUJAR1-3, Sophie LANONE1,2, Patrick BROCHARD4,5, Jorge BOCZKOWSKI1,2
Contributions :

Pascal Andujar : c (écriture de l’article)

Sophie LANONE : c (écriture de l’article)

Patrick BROCHARD : r (relecture de l’article)

Jorge BOCZKOWSKI : c (écriture de l’article)
Affiliations


  1. INSERM, Unité 955, Créteil, F-94000, France

  2. Université Paris 12, Faculté de médecine, Créteil, F-94000, France

  3. Hôpital Intercommunal de Créteil, Service de pneumologie et pathologie professionnelle, Créteil, F-94000, France

  4. Laboratoire Santé Travail Environnement, EA-3672, IFR 99, F-33076 Bordeaux, France

  5. Université Bordeaux 2, Faculté de médecine, Bordeaux, F-33076, France

Titre court : Effets respiratoires des nanoparticules
Auteur correspondant : Pascal Andujar

Adresse :

Hôpital Intercommunal de Créteil

Service de Pneumologie et de Pathologie Professionnelle

40 avenue de Verdun

F-94000 CRETEIL

Tel : 01.57.02.20.90

Fax : 01.57.02.20.99

Adresse électronique : pascal.andujar@chicreteil.fr

Résumé :
Les nanotechnologies sont définies comme l’ensemble des techniques visant à concevoir, caractériser et produire des matériaux à l’échelle du nanomètre dans au moins l’une de leurs dimensions. Ces nanomatériaux sont eux-mêmes constitués de nano-objets (nanoparticules, nanotubes…). Leur dimension nanométrique leur confère, du fait des lois de la physique quantique, de nouvelles propriétés physicochimiques et des comportements inédits. Les applications des nanotechnologies sont multiples (cosmétologie, industrie, médecine...). La production et l’utilisation des nanomatériaux connaissent une croissance importante. Cependant, des inquiétudes sont émises sur les effets potentiels des nanoparticules sur la santé, à court et à long terme. Ces questions sont motivées par la connaissance des effets toxiques sur la santé des particules micrométriques de la pollution atmosphérique et par la crainte de voir ces effets s’amplifier du fait de la nanodimension de ces matériaux. Dans cet article, est proposée une synthèse globale mais non exhaustive des connaissances actuelles concernant la pénétration, la déposition, la translocation et l’élimination dans l’appareil respiratoire, ainsi que les effets respiratoires des nanoparticules métalliques (plus particulièrement du dioxyde de titane) et des nanotubes de carbone. L’ensemble des études expérimentales in vivo et in vitro actuellement disponibles met en évidence l’existence d’effets biologiques des nanoparticules sur l’appareil respiratoire avec, notamment, la génération de stress oxydant, un effet pro-inflammatoire, un effet pro-thrombotique, la possibilité de survenue de fibrose et d’emphysème pulmonaire ou de dommages à l’ADN. Une meilleure connaissance des effets biologiques potentiels des nanoparticules est requise, afin de mettre en place des mesures de prévention appropriées en milieu de travail et/ou en population générale, si cela s’avérait nécessaire.
Mots-clés : nanomatériaux ; nanoparticules ; nanotubes ; poumon ; toxicité.

Title : Respiratory effects of manufactured nanoparticles

Summary :
Nanotechnology, defined as techniques aimed to design, characterize and produce materials on a nanometer scale, is a fast-growing field today. Nanomaterials are made of nanoobjects (nanoparticles, nanofibers, nanotubes...). The nanoscale confers on these materials their novel, hitherto unknown, chemical and physical properties by the laws of quantum physics which are essentially expressed on this scale. Nanotechnology applications are numerous (e.g., cosmetics, industry and medicine) and they keep growing. We can safely predict that the production and utilization of nanomaterials will increase greatly in the years to come. Nonetheless, the same properties that make these nanomaterials very attractive are a source of concern: there are questions about their potential toxicity, their long-term side effects, and their biodegradability. These questions are based on knowledge of the toxic effects of micrometric particles in air pollution and the fear that these effects will be amplified because of the nanometric size of the new materials. We present in this article a global but not exhaustive summary of current knowledge. We begin by defining lung penetration, deposition, translocation and elimination of nanoparticles. Finally, we consider the respiratory effects of metallic nanoparticles, titanium dioxide nanoparticles in particular, and carbon nanotubes. In vivo and in vitro experimental studies currently available highlight the existence of biological effects of nanoparticles on the respiratory system with generation of oxidative stress, pro-inflammatory and pro-thrombotic effects and the possible development of fibrosis and pulmonary emphysema or DNA damage. A better understanding of the potential biological effects of nanoparticles is required to implement appropriate preventive measures in the workplace and/or in the general population, if this should be necessary.
Key words : nanomaterials ; nanoparticles ; nanotubes ; lung ; toxicity.

Introduction
Le terme de « nanotechnologie » est implicitement associé à l’innovation et à des technologies prometteuses. Les nanotechnologies comprennent la conception, la caractérisation, la production et l'application de nanostructures, de nanodispositifs ou de nanosystèmes. Elles sont considérées actuellement comme l’étape technologique la plus avancée de la miniaturisation, intégrant la technologie, la biologie, la chimie et la physique. Les nanosciences sont définies par l'étude des phénomènes générés par des nanomatériaux. Du fait de leur taille nanométrique et des lois de la physique quantique, les nanoparticules (NP) ont des comportements inédits par rapport aux matériaux de même composition chimique à plus grande échelle. En effet, la taille nanométrique de ces structures entraîne une augmentation de la proportion des atomes présents à leur surface, pouvant conduire à une plus grande réactivité de surface, une résistance élevée et des propriétés électriques modifiées. Les applications technologiques sont nombreuses, notamment dans les secteurs industriels innovants, tels que l’industrie cosmétique (écrans solaires, rouges à lèvres, pâtes dentifrices…) [1,2], l’industrie automobile (peintures, pneumatiques, lubrifiants, pare-brise…) [3,4], le secteur de la santé (pharmacocinétique et biodisponibilité des médicaments, matériels prothétiques, imagerie moléculaire…) [5,6].

L’impact des nanotechnologies sur le marché économique mondial est considérable. Les financements gouvernementaux alloués à la « nanorecherche » sont ainsi passés d’un peu moins de 500 millions de dollars en 1997 à plus de 3,5 milliards en 2004 [7]. Selon le National Science Foundation, en 2015, la part prévisible des nanotechnologies dans le revenu mondial est d’environ 1000 milliards de dollars [8].

Cependant, face à ces nouvelles technologies prometteuses et de plus en plus répandues dans notre vie quotidienne, la question des effets des nanotechnologies sur la santé humaine (en milieu de travail ou en population générale) et sur l'environnement est en suspens. En effet, des inquiétudes sont émises au regard des propriétés mêmes qui rendent attractifs les nanomatériaux et leur utilisation (grande réactivité de surface, capacité à traverser les membranes cellulaires...). Ces questions sont motivées par la connaissance des effets toxiques sur la santé des particules micrométriques de la pollution atmosphérique [9-15], et la crainte de les voir s’amplifier du fait de la nanodimension des matériaux impliqués. La recherche sur les propriétés toxicologiques des nanomatériaux et sur leurs effets potentiels sur la santé humaine et l’environnement est actuellement en plein essor. Cependant, de nombreux éléments sont encore méconnus : notamment le repérage des situations d’exposition (secteurs de fabrication, d’utilisation et d’application) et les niveaux d’exposition aux nanomatériaux manufacturés. De plus, l’évaluation des risques doit non seulement tenir compte des effets potentiels des nanomatériaux natifs, mais elle doit également prendre en compte leurs comportements et l’ensemble de leur cycle de vie (mode de fabrication, utilisation, vieillissement, biodégradabilité…). Actuellement, les connaissances des effets toxicologiques des NP sur la santé humaine, reposent essentiellement sur des études expérimentales in vitro et in vivo chez l’animal. Dans cet article, est proposée une synthèse globale mais non exhaustive, compte tenu de la complexité du sujet, des connaissances actuelles concernant la pénétration, la déposition, la translocation et l’élimination dans l’appareil respiratoire, ainsi que les effets respiratoires des NP et plus particulièrement ceux des NP métalliques, avec plus spécifiquement le dioxyde de titane (TiO2) et des nanotubes de carbone (CNT pour Carbon NanoTubes en anglais).

1. Généralités

1.1. Définitions
Les nanomatériaux sont constitués de nano-objets, définis par au moins une dimension nanométrique (1 à 100 nm). Si l’une de leurs dimensions est nanométrique, il s’agit de nanofeuillet (graphite par exemple). Si l’objet a une structure nanométrique bidimensionnelle, il s’agit alors de nanotube ou nanofil, les plus connus étant les CNT, découverts en 1991 [16], mesurant quelques nanomètres de diamètre et jusqu’à plusieurs micromètres de long. Enfin, si c’est la structure tridimensionnelle de l’objet dans son ensemble qui est nanométrique, il s’agit alors de nanoparticule (NP).
1.2. Sources d’émission des nanoparticules
Il existe deux types de sources d’émission ou de production des NP : une origine naturelle (éruptions volcaniques, incendies de forêts, pollution marine…) et une origine anthropogénique non intentionnelle (pollution industrielle, émissions Diesel, combustions diverses, pollution intérieure des bâtiments…) et intentionnelle (NP manufacturées par l’industrie ou produites dans des laboratoires de recherche).

La nature chimique des NP peut être plus ou moins complexe : d’origine minérale (graphite, hématite, silicasol…), métallique (SiO2, TiO2…) ou organique [composés carbonés : fullerènes C60, CNT monoparoi (ou monofeuillet, SWCNT en anglais pour « Single Wall Carbon NanoTubes ») et multiparois (ou multifeuillets, MWCNT en anglais pour « Multiple Wall Carbon NanoTubes) ; polymères : polystyrène, nylon, dextrane…]. Les NP peuvent être également issues de mélanges plus ou moins complexes selon leur processus de génération (chauffage de polytétrafluoroéthylène (PTFE ou téflon), fumées de soudure, suies de combustion d’un hydrocarbure ou d’un polymère). De plus, une NP peut être composée d’un noyau particulaire sur lequel peuvent être adsorbés des polluants, comme des métaux de transition, des hydrocarbures ou des substances biologiques (endotoxines…).
2. Déterminants des effets toxiques des nanoparticules sur la santé
Par analogie avec les particules ultrafines de la pollution atmosphérique, les effets des nanomatériaux sur la santé seraient également fonction de plusieurs paramètres souvent corrélés : taille, nombre et/ou surface, forme, composition chimique, traitement de surface et potentiel d’agrégation/agglomération. Peu de données toxicologiques sont disponibles actuellement chez l’Homme [17-19].
2.1 Taille des nanoparticules
Selon un modèle développé en 1994 et s’appliquant aux particules inhalées sous forme de particules bien individualisées à une taille déterminée et non sous forme d’agrégats, la déposition des NP inhalées dans chacune des trois régions du tractus respiratoire (le nasopharynx, l’arbre trachéobronchique et la région alvéolaire), dépendrait largement de leur dimension, ce qui pourrait avoir des conséquences sur leurs effets potentiels [20]. Ce point est développé plus loin dans le chapitre 3. La taille de la NP est également intrinsèquement liée à sa surface relative, au moins dans le cas des nanomatériaux solides.
2.2. Forme des nanoparticules
La forme des NP conditionne leurs effets biologiques. Les NP manufacturées peuvent avoir des formes très diverses (par exemple : sphériques, fibreuses, tubulaires, circulaires et planes). Il est bien établi dans des études toxicologiques expérimentales in vitro et in vivo sur les particules sphériques et fibreuses de taille micrométrique que les particules fibreuses naturelles, comme l’amiante, ou manufacturées, comme les fibres vitreuses, sont associées à des effets cytotoxique et génotoxique accrus et à un risque augmenté de survenue de fibroses pulmonaires et de cancers bronchopulmonaires [21,22]. Les paramètres critiques sont la dose, la taille et la biopersistance des fibres. La biopersistance des formes fibreuses est une caractéristique importante, car plus elles restent longtemps au contact des cellules, plus leurs effets biologiques peuvent être importants [22]. Les fibres ont une biopersistance plus longue que les particules sphériques. Des études toxicologiques sur des particules de TiO2 ont montré que la forme fibreuse est plus cytotoxique que la forme sphérique. Watanabe et coll. ont exposé des macrophages alvéolaires de rat à des concentrations similaires de particules TiO2 fibreuses et sphériques (1-2 µm) [23]. L’observation par microscopie électronique a montré des changements vacuolaires et des dommages des surfaces cellulaires de macrophages exposés à des particules fibreuses de TiO2 (700 nm). En revanche, aucun changement significatif n’a été observé chez les macrophages exposés à des particules sphériques de TiO2. En accord avec ces résultats, un relargage plus important de lactate déshydrogénase (LDH) dans le milieu de culture, index de cytotoxicité, a été mesuré après exposition aux particules fibreuses de TiO2 [23]. Les résultats de ces expériences suggèrent que la cytotoxicité du TiO2 dépend clairement de la forme du matériel. Même si ces données sont issues d’études à partir de particules supérieures à 100 nm, il semble licite de penser que la forme des NP doit également jouer un rôle dans leurs effets biologiques.

2.3. Surface des nanoparticules et réactivité de surface
Dans le domaine de recherche des particules ultrafines de la pollution atmosphérique, plusieurs travaux in vivo chez l’animal ont montré que différents paramètres, tels que l’afflux des polynucléaires neutrophiles dans les poumons, la modification de la perméabilité de l’épithélium pulmonaire, ou encore l’accumulation dans les ganglions lymphatiques, sont corrélés à la surface totale des particules administrées [21,24,25]. La petite taille et la grande surface spécifique correspondante des nanomatériaux solides leur confèrent des propriétés spécifiques, comme par exemple, des effets catalytiques de réactions chimiques. L’importance de la surface devient évidente, lorsque la surface des atomes ou des molécules est prise en considération, jouant un rôle essentiel dans la détermination des propriétés physicochimiques des nanomatériaux [19] ; le ratio surface sur nombre total d’atomes ou de molécules augmente de façon exponentielle avec la diminution de la taille de la particule. Comme les réactions chimiques surviennent à la surface, ceci signifie que les nanomatériaux pourraient être plus réactifs que ces mêmes matériaux composés de particules de plus grande taille. Par exemple, dans un volume inhalé comportant une concentration de 10 µg/m3 d’air, le nombre de particules de 5 µm est de 0,15/ml, alors que le nombre de NP de 5 nm est de 153 x 106/ml, soit une augmentation d’un facteur 109 par rapport aux particules de 5 µm. Leur surface totale respective est de 12 µm2/ml et de 12000 µm2/ml, soit une augmentation d’un facteur 1000 par rapport aux particules de 5 µm de la surface de contact avec les membranes cellulaires et les molécules biologiques, expliquant une plus grande réactivité biologique des NP à concentration massique de particules égale, avec une production de radicaux libres, un stress oxydant et un potentiel proinflammatoire accrus [26].
2.4. Compositions chimiques des nanoparticules
La composition chimique des NP est un autre paramètre conditionnant leurs effets biologiques. En effet, la nature métallique de la particule ou la présence de métaux de transition, impuretés du processus de fabrication, peuvent également être des déterminants des effets biologiques. En effet, les métaux de transition, provenant de NP non manufacturées, sont impliqués dans la génération de radicaux libres de l’oxygène, molécules très réactives pouvant moduler différents processus biologiques et causer des dommages cellulaires [19]. Par exemple, il a été montré que le fer est impliqué dans les effets pathologiques des particules issues de la pollution atmosphérique urbaine [27,28]. La biodisponibilité du fer provenant de particules en contact avec des cellules épithéliales est dépendante de la taille et décroît avec l’augmentation de la taille de la particule [29]. Dans ce cas, le fer était responsable de l’induction d’une cytokine proinflammatoire, l’interleukine IL-8. En accord avec ce résultat, Shvedova et coll. suggèrent que les propriétés redox du fer sont un des mécanismes de cytotoxicité des CNT sur des kératinocytes humains [30].
2.5. Degrés d’agrégation/agglomération des nanoparticules
Les NP sont plus ou moins douées de propriétés d’agglomération et/ou d’agrégation. En effet, les NP soumises aux forces de Van der Waals, électrostatiques ou aux tensions de surface, tendent à s’agglomérer entre elles [31]. De même, les NP peuvent également s’agréger entre elles, si elles sont soumises à des forces plus importantes, rendant ainsi leur séparation plus difficile. Ces agglomérats ou agrégats, allant jusqu’à une dimension micrométrique, peuvent avoir des formes complexes et sont difficiles à caractériser. Les phénomènes d’agglomération et d’agrégation des NP peuvent laisser supposer une déposition différente dans l’appareil respiratoire du fait de la modification de leur diamètre aérodynamique. De plus, comme le laissent supposer les travaux de Wang et coll. sur le tractus digestif, l’agrégation peut influencer la tolérance aux particules. En effet, l’administration orale de NP de zinc induit le décès d’animaux, lorsque les NP s’agrègent dans le tractus gastro-intestinal, alors que les particules de zinc de taille micrométrique n’induisent pas de tels effets [32].

De façon tout à fait intéressante, la capacité de ces matériaux à former des agrégats par adsorption de protéines a une influence importante dans la clairance des particules et dans leurs effets immunologiques et toxicologiques. Kendal et coll. ont mis des NP de noir de carbone (25 à 100 nm) avec des traitements de surface différents en présence de dipalmitoylphosphatidylcholine (DPPC) dans du milieu de culture et ont observé l’agglomération des NP en 1 heure. En effet, des changements dans la répartition par taille des NP immergées ont été observés, par rapport à un milieu riche en tampon phosphate de contrôle [33]. La diminution de la concentration en DPPC a lieu de façon dépendante de la surface et de la taille des NP. Cela signifie que la surface d'adsorption est responsable de l'agglomération et de la réduction de la concentration en phospholipides. La survenue de tels phénomènes dans le surfactant alvéolaire, dont la composition comprend des phospholipides importants dans le maintien des propriétés mécaniques du poumon, pourrait être un mécanisme comptant dans la survenue des effets toxiques des nanomatériaux dans l’appareil respiratoire.
2.6. Traitements de surface des nanoparticules
Le revêtement de surface est un paramètre important et probablement plus pertinent que le type de particules pour évaluer l'exposition chez l'Homme. Le revêtement de surface peut accentuer ou diminuer la toxicité de la particule. Derfus et son équipe ont montré que les puits quantiques (en anglais « quantum dots »), objets à une dimension de taille nanométrique, de cadmium-sélénium (Cd-Se) sont cytotoxiques pour des hépatocytes primaires sous certaines conditions [34]. En particulier, ils ont montré que la cytotoxicité des boîtes quantiques, objets à trois dimensions de taille nanométrique est modulée par certains paramètres du processus de synthèse, notamment l’exposition à des rayonnements ultraviolets et la surface de revêtement. La cytotoxicité observée est corrélée à la libération d’ions Cd2+ libres due à la détérioration de la structure Cd-Se. Toutefois, lorsque les puits quantiques de Cd-Se sont convenablement traités, ils ne sont plus cytotoxiques. Ils sont actuellement utilisés dans le domaine de la recherche biomédicale dans le suivi de la migration et la réorganisation cellulaire in vitro.

Le revêtement de surface peut également moduler la pénétration des NP dans la cellule. L’albumine, protéine la plus abondante dans le plasma et dans le milieu interstitiel, semble faciliter l’endocytose des nanomatériaux. De même, la lécithine, phospholipide membranaire, semble faciliter la translocation à travers la barrière alvéolo-capillaire de particules de polystyrène (240 nm) recouvertes par de la lécithine, alors que les mêmes particules non recouvertes ne sont pas susceptibles de la traverser [35]. Des études expérimentales de Heckel et coll. [36] chez des rongeurs exposés par voie intraveineuse à des NP d’or revêtues d’albumine montrent une transcytose médiée par des récepteurs (protéines de liaison à l’albumine) via les caveolae. La présence de l’albumine et des phospholipides dans le revêtement liquidien des cellules épithéliales alvéolaires pourrait, par conséquent, être un élément important pour faciliter l’absorption épithéliale des nanomatériaux après déposition dans l’espace alvéolaire.
3. Inhalation, pénétration et déposition des nanoparticules dans l’appareil respiratoire
L’appareil respiratoire constitue la principale voie d’entrée dans l’organisme des particules. De façon générale, la pénétration et la déposition des particules inhalées dans l’appareil respiratoire sont soumises à cinq types de mouvements selon leur granulométrie. Il s’agit de la sédimentation par gravité, l’impaction inertielle, l’interception (contact particules-surface), la diffusion et l’attraction électrostatique. Trois autres éléments importants affectent la déposition des particules dans l’appareil respiratoire : la géométrie des voies aériennes et leur ramification, la fréquence respiratoire et le mode respiratoire nasal ou buccal.
La déposition de NP inhalées sur les parois de l’appareil respiratoire est déterminée principalement par des mouvements de diffusion dus aux mouvements thermiques des molécules d'air inhalées et exhalées au contact des NP inhalées. Il est important de noter que les NP peuvent former des agrégats et/ou des agglomérats et passer ainsi d’une dimension nanométrique à une dimension micrométrique. Contrairement aux particules de taille micrométrique, plus la taille des NP est petite, plus la déposition s’effectuera au niveau du nasopharynx et au niveau de l’arbre trachéobronchique [17,37-42]. Des modèles mathématiques de prédiction de déposition des particules dans l’appareil respiratoire chez l’Homme ont été développés. Ainsi, d’après le modèle de la Commission Internationale de Protection Radiobiologique (CIPR), des NP inhalées de tailles croissantes (1, 5 et 20 nm) auront une fraction calculée de déposition massique de l’aérosol ambiant avec un mode respiratoire nasal, respectivement d’environ 90 %, 30 % et 15 % dans la région nasopharyngée, d’environ 10 %, 30 % et 15 % dans la région trachéobronchique et d’environ 0 %, 30 % et 50 % dans la région alvéolaire. Si l’on considère la répartition de la déposition en fonction de la concentration surfacique pulmonaire des NP de 20 nm, la déposition dans la région alvéolaire sera 100 fois supérieure à celle de la région nasopharyngée et 10 fois supérieure à celle de la région trachéobronchique [40,41].
4. Devenir des nanoparticules dans l’appareil respiratoire

4.1. Rétention pulmonaire des nanoparticules dans l’appareil respiratoire
La rétention pulmonaire des NP dépend principalement de la taille de la particule et des capacités d’élimination. À concentration égale, la rétention pulmonaire des NP après inhalation est plus importante par rapport aux particules de même nature chimique et de taille plus élevée. En effet, une étude expérimentale d’inhalation chez le rat montre que la rétention pulmonaire de NP de TiO2 de 20 nm est plus importante par rapport aux particules fines de TiO2 de 250 nm, à concentrations égales [43]. La rétention pulmonaire des NP est d’autant plus importante que les patients sont atteints d’une pathologie obstructive, telle que l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive [44,45].
4.2. Mécanismes d’élimination des nanoparticules dans l’appareil respiratoire
Deux processus permettent d’éliminer les particules déposées dans le système respiratoire : les mécanismes d’élimination physique, différents dans les trois régions du système respiratoire, et les mécanismes d’élimination chimique des particules plus ou moins solubles, identiques dans toutes les régions.

Les mécanismes d’élimination physique des NP inhalées comprennent la clairance mucociliaire des cellules épithéliales ciliées en direction du carrefour aérodigestif, la phagocytose macrophagique et la translocation épithéliale. Cette dernière sera abordée plus loin.

La clairance pulmonaire mucociliaire concerne les étages trachéobronchique et nasopharyngé. Celle-ci est rapide, inférieure à 24 à 48 heures comme le montre une étude expérimentale chez des rats exposés par voie intratrachéale pendant une heure à des NP d’Iridium radiomarqué (15 et 80 nm) [46].

La phagocytose macrophagique des NP insolubles concerne les étages trachéobronchique et alvéolaire. Son efficacité est largement dépendante de la forme et de la taille des NP et de leurs agrégats. Les macrophages sont ensuite éliminés par l’ascenseur mucociliaire dans le tractus digestif avec une demi-vie particulièrement longue d’environ 700 jours chez l’Homme [40].

Les mécanismes d’élimination chimique des particules comprennent la dissolution uniquement pour les particules solubles, la lixiviation et la fixation protéique. Ainsi, les particules ou leurs composés peuvent être absorbés et diffusés ou fixés par des protéines ou d’autres structures subcellulaires et sont ensuite susceptibles d’être éliminés dans la circulation sanguine ou lymphatique.

Dans la région alvéolaire, le mécanisme d’élimination principal est la phagocytose des particules par les macrophages alvéolaires. La plupart des particules sont rapidement phagocytées en 6 à 12 heures avec de nettes différences selon la taille des particules. Plusieurs études expérimentales animales chez le rat ont montré que les NP non agglomérées sont moins bien éliminées par phagocytose macrophagique que les particules micrométriques avec une importante accumulation alvéolaire des NP [47,48]. Une étude expérimentale sur des macrophages alvéolaires humains obtenus à partir de liquides de lavage broncho-alvéolaire (LBA) exposés à un aérosol d’une heure de NP de TiO2 (20 nm) montre une accumulation croissante des NP dans les macrophages alvéolaires [49].
4.3. Translocation et distribution des nanoparticules dans l’organisme
Des études contradictoires ont été rapportées concernant la translocation de particules après l'inhalation de NP [50]. Certains auteurs suggèrent la possibilité d’une translocation épithéliale, interstitielle et neuronale des NP insolubles ou peu solubles vers d’autres compartiments de l’organisme [51-53].

Ce sont des mécanismes de translocation épithéliale et interstitielle qui permettraient aux NP de passer dans la circulation lymphatique et sanguine, conduisant ainsi les NP à une distribution à l’ensemble de l’organisme. L’endocytose des NP est un phénomène qui est particulièrement étudié dans différents types cellulaires. Des mécanismes d’endocytose épithéliale respiratoire concerneraient les trois compartiments de l’appareil respiratoire et permettraient un passage direct des NP dans le système sanguin ou lymphatique [17,52,53]. D’autres modes de transport des NP sont actuellement discutés, comme le transport vésiculaire luminal au niveau des caveolae présentes à la surface des cellules épithéliales et endothéliales. L’ouverture des caveolae s'étendant de 40 à 100 nm, elles semblent être une voie de passage à travers la barrière alvéolocapillaire vers la circulation systémique [38]. Plusieurs travaux ont évalué l’existence d’un passage systémique de différentes NP dans l’appareil respiratoire, après instillation intratrachéale ou après inhalation [38,53,54].

Chez l’animal, la translocation rapide au niveau pulmonaire de plusieurs types de NP vers la circulation sanguine a été observée dans plusieurs études [17,40,43,46,53,54]. Ce phénomène peut mener à la redistribution des NP dans les organes. Une étude expérimentale chez le rat a montré que les NP générées par chauffage de PTFE sont détectées dans la sous-muqueuse bronchique et dans l’interstitium pulmonaire proche de la plèvre seulement 15 minutes après inhalation [55]. D’autres travaux expérimentaux chez le rat ont montré que seule une petite fraction de NP inhalées radiomarquées par de l’Iridium192 accèderait à la circulation systémique [46]. D’autres études expérimentales chez des rats exposés en chambre d’inhalation ont montré un marquage radioactif important au niveau hépatique et pulmonaire dès 30 minutes après l’inhalation de NP insolubles de C13 (20-29 nm) après 18 et 24 heures d’exposition [53]. Ceci implique un passage systémique des nanoparticules inhalées. En revanche, aucun marquage n’était retrouvé dans le cœur, le bulbe olfactif, le cerveau ou les reins après 24 heures d’exposition. Les différences observées pourraient être attribuées à la différence de mode d’administration et aux nanomatériaux utilisés. Dans une étude par inhalation chez le rat de NP de TiO2 (20 nm) et de particules fines de TiO2 (250 nm), les auteurs retrouvent dans les ganglions lymphatiques un plus grand nombre de NP, phénomène indiquant la pénétration des NP dans les espaces interstitiels [43]. Cependant, Kreyling et coll. ont observé, chez le rat, une translocation sanguine inférieure à 1 % de NP d’Iridium radiomarqué (15 et 20 nm) atteignant le foie, la rate, les reins, le cerveau et le cœur [46]. Nemmar et son équipe ont ainsi administré par voie intratrachéale à des hamsters des NP colloïdales d’albumine sérique dénaturée marquées au technétium 99 (Tc99m) (< 80 nm) [54]. Dès 5 minutes après l’administration, en plus d’une dose massive retrouvée dans les poumons, on retrouve des traces de radioactivité dans le sang, de même que de très faibles quantités dans les reins, la rate et le cerveau des animaux. L’importance de translocation semble être variable en fonction des propriétés physicochimiques des NP [56]. En effet, Nemmar et coll. ont montré dans leur modèle de hamster que des paramètres physicochimiques, tels que la charge polaire à la surface des NP, ont une grande influence sur l’importance de la translocation à travers l'épithélium respiratoire vers la circulation sanguine [54].

Chez l’Homme, la translocation des NP dans le compartiment sanguin est davantage contestée. Une étude expérimentale chez l’Homme semble montrer que les NP auraient la capacité de franchir facilement la barrière alvéolocapillaire et de passer ainsi dans la circulation sanguine pulmonaire. En effet, l’inhalation chez 5 sujets humains de NP de carbone de 5 à 10 nm radiomarquées au Tc99m montre qu’il existerait un passage rapide de 3 à 5 % des NP à travers la barrière alvéolo-capillaire vers la circulation pulmonaire et systémique pour atteindre d’autres organes (foie, cœur, rate, cerveau) [57]. En revanche, deux autres études chez l’Homme n’ont pas retrouvé de translocation, après inhalation des NP de carbone radiomarquées au Tc99m avec un seuil de détection de radioactivité des NP inhalées de 1 % [39,58]. Il reste que l’on peut s’attendre à un passage dans l’organisme des nanomatériaux entrant par la voie pulmonaire et donc à une distribution potentielle de ces NP aux différents organes.

Certains auteurs suggèrent une translocation neuronale des NP. Une étude expérimentale chez des rats exposés en chambre d’inhalation à des NP insolubles de C13 a observé à J1, après une exposition de 6 heures, une distribution des NP dans le cerveau, le cervelet et le bulbe olfactif avec une persistance jusqu’à J7 dans le bulbe olfactif [59]. Il existe, selon les auteurs, deux hypothèses : une translocation pulmonaire vers la circulation systémique avec un passage à travers la barrière hémato-encéphalique et une translocation neuronale via le bulbe olfactif, suivie d’une migration axonale rétrograde vers le système nerveux central. La translocation neuronale vers le système nerveux central via les neurones sensitifs de l’épithélium respiratoire serait possible dans les régions nasopharyngée et trachéobronchique. D’autres études chez l’animal vont dans ce sens [21,40,60]. Toutefois, il convient de souligner que la muqueuse olfactive chez l’Homme représente seulement 5 % de la surface de la muqueuse nasale, alors que celle-ci est 10 fois plus importante chez le rat.
5. Effets des nanoparticules sur l’appareil respiratoire
Du fait du faible nombre d’études, de l’avènement récent des NP, de la grande variabilité des NP testées et des concentrations de NP utilisées in vitro généralement plus élevées à celles rencontrées in vivo, l’interprétation des études expérimentales sur les effets des NP doit rester très prudente. Dans ce chapitre, seront plus particulièrement abordés les effets respiratoires de deux types de nanomatériaux manufacturés : les CNT et des NP métalliques avec plus particulièrement des NP de TiO2.

5.1. Etudes expérimentales in vitro
5.1.1. Espèces réactives de l’oxygène et stress oxydant


- Nanotubes de carbone

Le stress oxydant est un des principaux mécanismes de cytotoxicité des nanomatériaux. Dans le cas des CNT, il est admis, de façon consensuelle, que seule la forme non purifiée des CNT contient du fer, inducteur de stress oxydant. Il s’agit là d’un point important à considérer pour le potentiel toxique des SWCNT. Les SWCNT riches en fer ont plus de propriétés oxydatives que la forme purifiée de SWCNT pauvres en fer [61]. Plus récemment, il a été montré qu’après incubation de cellules avec des SWCNT, le stress oxydant induit secondairement une diminution des défenses antioxydantes, car les auteurs ont trouvé des niveaux diminués de glutathion et d’enzymes antioxydantes (superoxyde dismutases 1 et 2) [62]. Cette intéressante constatation complète le mécanisme décrit plus haut.
- Nanoparticules métalliques
La capacité des nanomatériaux métalliques à produire des espèces réactives de l’oxygène en solution en condition abiotique a été démontrée pour des NP de TiO2 sous des rayonnements ultraviolets [19]. La capacité de différents nanomatériaux métalliques et non métalliques à produire du stress oxydant intracellulaire a été montrée dans différents modèles [63-65]. Une étude récente a souligné le rôle de la taille dans les effets pro-oxydants et pro-inflammatoires de NP métalliques [66]. Les auteurs ont observé in vitro sur des lignées cellulaires humaines A549, une réponse pro-inflammatoire et un stress oxydant induits par des NP de TiO2 et de noir de carbone plus importants comparés à des particules de plus grandes tailles de même composition chimique à masse égale. Ce résultat suggère que la dose mesurée en surface particulaire totale par rapport à la surface cellulaire totale exposée est plus fiable que la dose mesurée en masse. Les relations dose-réponse observées in vitro dans cette étude semblent être directement comparables avec les relations dose-réponse trouvées dans les études in vivo, lorsque les doses ont été standardisées.

Plusieurs études désignent le stress oxydant comme un des mécanismes en cause dans les effets cytotoxiques des NP [19]. Une étude illustre élégamment ce propos. Elle compare les effets cytotoxiques de différents nanomatériaux en les corrélant avec leurs propriétés oxydatives intracellulaires, résultant du stress oxydant [23]. Elle montre clairement que le stress oxydant est toujours associé à une cytotoxicité des NP et est absent lorsque les NP ne sont pas cytotoxiques. La capacité d’une NP déterminée à produire des espèces réactives de l’oxygène en solution, sans contact cellulaire, n’était pas prédictive du potentiel cytotoxique de ces NP dans cette étude.

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