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Université Paris IV - Sorbonne « En voulant éliminer les individus suspects, on a institué un séminaire FLN, une colonie de l’Algérie libre » Les rapports de force au sein du Centre d'assignation à résidence surveillée de Larzac durant la Guerre d’Algérie (1959- 1962) ![]() Kevin Mekhloufi Master II d’histoire contemporaine sous la direction du professeur Jean-Noël Luc Année universitaire 2010 - 2011 Université Paris IV - Sorbonne « En voulant éliminer les individus suspects, on a institué un séminaire FLN, une colonie de l’Algérie libre » Les rapports de force au sein du Centre d'assignation à résidence surveillée de Larzac durant la Guerre d’Algérie (1959- 1962) ![]() Kevin Mekhloufi Master II d’histoire contemporaine sous la direction du professeur Jean-Noël Luc Année universitaire 2010 - 2011 Remerciements Je souhaite d’abord remercier celles et ceux qui m’ont techniquement permis de réaliser ce mémoire, Sylvie Thénault pour le temps qu’elle m’a accordé, Jean-Noël Luc pour m’avoir laissé choisir ce sujet et M. Petit qui m’a aidé lors de mon passage aux archives départementales de l’Aveyron. Je souhaite ensuite remercier ceux qui m’ont humainement permis de réaliser cette étude. Et plus particulièrement ceux qui ont partagés mon assignation à résidence. Je souhaite tout spécialement remercier Eugénie, pour ce qu’elle sait. Note sur les noms Lors de cette étude j’ai été amené à désigner des individus ayant pris parti aux faits que je décris. Cette étude n’ayant pas pour but de fournir des noms, mais d’expliquer un aspect méconnu de la guerre d’Algérie, j’ai fait le choix de recourir à une grille d’anonymat. Les assignés, les surveillants et les officiers de police des RG ne sont désignés que par deux lettres prises dans leur prénom et nom. Exception est faite des personnages publics, tels les ministres, ou les directeurs des CARS, dont la nomination était officielle. “L’enclume survit toujours au marteau“ Proverbe vietnamien Depuis le mois de novembre 1954, la République Française est en guerre contre l'indépendantisme algérien dans les départements de la colonie. Quatre années plus tard, au mois d'août 1958, un second théâtre d’opération des “Évènements d’Algérie“ est ouvert dans l’hexagone par le Front de Libération Nationale. Les attentats contre les forces de police se multiplient sur fond de guerre fratricide avec le Mouvement national algérien. Depuis le début du conflit, la police métropolitaine est confrontée à plusieurs problèmes et cherche de nouvelles possibilités répressives. La lutte qu'elle engage contre le FLN serait bridée par l'impossibilité d'agir envers les militants connus, et qu’aucune preuve n’incrimine. Quant à ceux ayant été arrêtés et jugés coupable, bénéficieraient d'une forme de laxisme de la justice. Ces deux idées profondément encrées dans la mentalité policières de l'époque, pousse les gardiens de la paix à réclamer de nouveaux outils pour effectuer leur travail. Ce mécontentement semble s'apaiser dès Mars 1958 avec l'arrivée de Maurice Papon à la Préfecture de la Police de Paris. En provenance de la préfecture régionale de Constantine, il apporte avec lui une partie des idées répressives ayant cour en Algérie. La loi du 26 juillet 1957, votée dans la continuité des “pouvoirs spéciaux“, permet d'interner sans limite de temps, des individus suspectés de liens avec le FLN, et donc considérés comme représentant une menace pour la nation. Pour faire l’objet de cette mesure, les suspects doivent déjà avoir purgé une peine de prison, sorte de preuve que les suspicions aient un fondement quelconque. Dès lors, ils peuvent être astreints à résidence dans n'importe quel lieu prévu à cet effet. Cette loi pose deux problèmes aux forces de l'ordre. Premièrement, le préalable de condamnation ne permet pas d'interpeller les responsables FLN, qui sont bien souvent couvert par des subalternes. La demande initiale de la police n’est donc pas exaucée. Deuxièmement, la loi n'apporte pas de dotation matérielle ou budgétaire. Le ministère non plus d'ailleurs. Les algériens interpellés sont alors placés dans des cellules de commissariat, inadaptées pour les recevoir de manière permanente. Par la suite, ils sont internés dans des camps de fortune, à l'image du gymnase Japy (11ème arrondissement), du gymnase Jaurès (19ème arrondissement), une ancienne citadelle à Mézières, et même, durant un laps de temps relativement court, au Vélodrome d'hiver1. Ce dernier sera fermé le 7 septembre 1958 par peur d'un rapprochement avec la rafle des 16 et 17 Juillet 1942. Une note2 des Renseignements généraux datant du 5 novembre 1957 affirme que les nouvelles possibilités apportées par la loi sont encore trop restrictives aux vues de celles offertes dans les départements d'outre-mer. Les policiers réclament des réponses rapides à ce nouveau blocage de leur action. L'ordonnance du 7 octobre 1958, dont certaines mesures auraient été inspirées par Maurice Papon, vient combler les « lacunes » de la loi du 26 juillet 1957. Elle permet en effet d'astreindre à résidence dans des centres prévus à cet effet, tout individu représentant une menace pour la nation. Le préalable de condamnation est abandonné, et désormais, toute personne suspectée de lien quelconque avec une organisation “anti-nationale“ ou terroriste peut tomber sous le coup d'une mesure d'assignation à résidence surveillée. Dès lors, les militants avérés ou suspectés sont arrêtés, et envoyés dans un Centre d'identification ou de Triage. Le plus connu étant celui de Vincennes. Là, ils peuvent être détenus pour une durée maximale de quinze jours, au nom d'un arrêté préfectoral. A l'issue de ces quinze jours, ils sont soit relâchés, soit assignés à résidence dans l’un des quatre centres de métropole, sans limite de temps, suite cette fois à un arrêté ministériel. Avant d'aborder leur vie au camp du Larzac, il semble important de revenir sur l’identité de ces personnes qui sont appelés à être internés des mois, voire des années durant, dans un centre d’assignation. Car si aucune des deux législations précitées ne définit le profil des individus visés par ces mesures répressives, il s'agit de facto d'hommes algériens en âge de travailler. Il existe bien un camp réservé aux femmes, à Tefeschoun en Algérie, mais les camps métropolitains n'accueillent que des hommes. Ils n'accueillent pas non plus de sympathisants tunisiens ou marocains, voire français “de souche“, alors que des membres de groupes sympathisants du FLN, comme ceux du Réseau Jeanson, auraient pu être concernés par l'internement. Non, il s'agit d'algériens venus pour travailler en France, poussés par la pression démographique et l'absence de travail dans les départements d’outre-mer. Depuis le début du XX° siècle, la population algérienne à doublé. En parallèle, l'industrie n’a pas été développée sur place, poussant ainsi les hommes entre vingt et quarante ans à aller chercher un emploi en métropole. Les régions privilégiées par l'immigration algérienne sont les régions parisienne, marseillaise, lyonnaise, du nord et de l'est. Le profil de cette main d'œuvre non-qualifiée est définit pas Benjamin Stora comme travaillant « avant tout [dans] les travaux publics et le bâtiment à 32% et 38%, si l'ont y adjoint les chantiers hydro-électriques, les barrages; puis les industries mécaniques (20%) ; enfin la production des métaux (13%) et les charbonnages (6%)3 ». Une grande partie de ces hommes sont venus en France derrière eux une famille à qui ils envoient de l’argent. Cette dépendance envers les travailleurs immigrés est immense. En 1951, sur les 60 milliards de francs qu’ils ont gagnés, les travailleurs algériens en ont envoyé 32 au pays4. Ces travailleurs sont théoriquement citoyens de la République française. Théoriquement car désignés en termes autres que “français“. “Français musulman d’Algérie“, “Français de souche nord-africaine“ lorsqu’ils restent dans le giron de l'État. “Rebelles“ ou “Fellaghas“ quand ils veulent le quitter. Au Centre du Larzac, les assignés sont catalogués selon leur degré d’endoctrinement supposé. Ils prennent de nouveaux noms. “Durs“, “mous“, “irréductibles“5. Cette caractérisation de l’adversaire revêt une dimension colonialiste catégorisant les “bons“ algériens des “mauvais“. En arrivant au centre d’assignation à résidence surveillée du Larzac, le “Français musulman d’Algérie“ devient un assigné. Situé à près de 900 mètres d’altitude, les conditions climatiques sont rudes. Prit en charge par l’administration du camp, il est fouillé, ses affaires sont consignés devant un greffe, il reçoit un matricule, un compte en banque lui est ouvert. Il s’apprête à être enfermé dans le plus grand camp de France pour une durée indéterminée. Il sera régulièrement convoqué par l’antenne des Renseignements généraux, par le Service d’action éducative et sociale, et se familiariser avec les surveillants. En se mêlant à la foule, il se retrouve convoqué pour un interrogatoire. Il découvre alors que de ce côté-ci des barbelés existe également une forme d’administration. Il existe dans le camp une justice FLN, une police, un service d’éducation. L’assigné se trouve face à une gestion double des la masse des internés. A la fois antagoniste et complémentaire, l’administration du camp et le Comité de détention sont engagés dans une lutte frontale et sans merci. La direction cherche à éradiquer la mouvance frontiste dans le centre. L’organisation intérieure cherche à obtenir de plus en plus d’autonomie et à être traité comme une égale de l’administration. Le but commun qui les opposent est l’hégémonie sur les assignés. Chacun tente, par le recours à la propagande, à rallier les Français musulmans d’Algérie à sa cause. Ou plutôt, la direction tente de les faire rentrer dans ce qu’elle estime être le droit chemin, alors que le Comité de détention cherche à les maintenir dans ses rangs. Leur présence au Larzac nourrit un sentiment d’injustice chez les assignés, ce dont le FLN tire allègrement partie. Pour autant, la propagande fait-elle la différence ? Non. Voilà pourquoi ces deux entités usent d’autres méthodes. Pour l’administration, il faut tirer profit de la peur qu’à l’assigné de voir sa famille jetée dans la misère. Le chantage aux aides sociales est un moyen. Pour le FLN, les moyens de pression sont culturel, au mieux, physique, au pire. Les algériens récalcitrant à obéir au Comité sont jugés comme traîtres et battus. Les officiers de police des Renseignements généraux, lors des interrogatoires avec ces derniers, tentent de jouer sur l’autoritarisme de l’organisation intérieure pour “retourner“ les assignés. Ainsi, dans cette bataille des cœurs, chacune de ces deux entités se nourrit des désavantages de l’autre pour avancer ses pions. En tant que plus grand centre d’assignation à résidence de France, le camp du Larzac revêt une importance particulière en ceci qu’il est “généraliste“. Contrairement à Thol, recevant spécifiquement les jeunes, Vadenay accueillant les cadres ou Saint-Maurice-l’Ardoise détenant les nationalistes non-frontistes, le Larzac est un lieu ou l’on détermine le niveau d’endoctrinement des assignés. Les rapports de forces y sont alors probablement plus disparates et fluctuant. La question de l’assignation à résidence surveillée durant la guerre d’Algérie n’a fait l’objet que de peu d’études. Seuls quelques articles rédigés au sein de production commune apportent des connaissances sur cet aspect méconnu du conflit. C’est au sein de La France en guerre 1954-1962, Expérience métropolitaine de la guerre d’indépendance algérienne6, ouvrage collectif rédigé sous la direction de Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, et du numéro 92 de la Revue Matériaux pour l’histoire de notre temps7, intitulé L’internement en France pendant la guerre d’indépendance algérienne, une nouvelle fois sous la direction de Sylvie Thénault, que l’ont trouve la majorité de ces publications. Le plus grand contributeur à l’historiographie sur le camp du Larzac n’est autre que Jean-Philippe Marcy, dont on trouve un article dans chacun de ces deux ouvrages. Son approche du sujet par L’aide aux internés : La CIMADE au camp du Larzac (1959-1961)8, permet de découvrir le centre d’assignation par le biais d’observateur extérieurs. Bien que limité par les conditions d’entrée dans le camp et le contexte de l’époque, le point de vue des visiteurs de la CIMADE permet de cerner les conditions de vie de l’assigné lambda. Marcy contribue encore à l’étude sur ce camp avec un autre article : Le Larzac, 1959-1962. Entre une politique répressive et le pouvoir du FLN 9. Le rapport de force entre le Comité de détention et l’administration du camp y est clairement démontré. On peut également y lire deux articles d’Arthur Grosjean consacrés au Camp de Thol, L’assignation à résidence surveillée : le camp de Thol (1958-1961)10, ainsi que L’action des conseillers techniques aux Affaires musulmanes. L’exemple du camp de Thol11. Le premier est un panorama de l’assignation dans ce centre réservé aux éléments de moins de 25 ans. Il y dresse le constat que cette politique d’internement des sympathisants présumés du FLN se solde par un échec. Dans sa seconde publication, il détaille le Service d’action éducative et sociale, partie prenante dans la lutte contre le Front dans les camps. Une autre publication spécifiquement dédiée au Larzac, Être interné au Larzac. La politique d’assignation à résidence surveillée durant la guerre d’Algérie (1958-1962)12, livrée par Marc Bernardot, approche sous l’angle historique et sociologique la question de l’internement dans ce camp. En ce qui concerne l’organisation du Comité de détention, l’article de Linda Amiri Du point du vue du FLN : les comités de détention dans l’organisation politico-administrative de sa Fédération de France (1958-1962)13, offre des clefs pour appréhender cette émanation obscure du FLN. Enfin, sur les thèmes de la guerre d’Algérie et de la répression policière durant cette période, deux importants ouvrages sont à mentionner. Il s’agit d’une part de Ils venaient d’Algérie, l’immigration algérienne en France14, 1912-1992 de Benjamin Stora, dont les travaux sur la question ne sont plus à présenter. Et d’autre part, pour le volet policier, Police contre FLN – Le drame d’octobre 196115, de Jean-Paul Brunet, dont la description des conséquences de la lutte entre le FLN et la police offre une grande compréhension du travail policier au Larzac. La qualité des publications citées ne peut pour autant pas dissimuler l’état d’avancement des recherches sur ce sujet. Le fait que 15 000 personnes aient été internées des mois, voire des années durant, sur un bref rapport des Renseignements généraux n’est pas une simple anecdote du conflit. Il s’agit d’un élément complémentaire à la démonstration que l'État français, durant cette période, à eut recours à des actions arbitraire. Ce sujet n’étant donc pas dénué d’intérêt, il faut donc se tourner vers les archives nationales et départementales. Les fonds étant inaccessible avant cinquante ans, tous les documents sur les centres d’assignation à résidence surveillée ne pourront être consultés en libre accès qu’en 2012. Bien que les archives nationales possèdent une documentation intéressante, notamment avec le fond Direction des libertés publiques et des affaires juridiques 19770381, les archives départementales de l’Aveyron avec la série W, possèdent les fonds les plus fournis. Cet épisode méconnu de la guerre d’Algérie soulève plusieurs interrogations. La présence de trois acteurs identifiables, pose notamment la question des rapports de force entre deux entités organisées cherchant à intégrer de gré ou de force les assignés dans leur projet de société, et de la masse des assignés, se retrouvant au milieu d’une lutte idéologique. Dans cette lutte à trois, l’administration est rapidement mise en échec, et le Comité connaît de graves crises internes. La nature et les causes de ces défaillances réciproques, sont des facettes importantes du jeu des rapports de force entre, une administration cherchant à récupérer les assignés, et à les réintégrer à la République, le Comité de détention qui s’oppose frontalement à l’administration et cherche à faire des assignés, les citoyens algériens de demain, et les assignés qui se rangent derrière le FLN, non sans protestation. En tant qu’organisations hiérarchisées, l’administration du centre et le Comité de détention feront dans un premier temps, l’objet d’une description poussée de leurs structures internes. La défaillance de ces mêmes structures seront mises en lumière dans un second temps. Première partie Une dualité effective dans l'administration du camp de Larzac Chapitre I L'administration du CARS, émanation matérielle de la République Française L’encadrement de prêt de 3000 individus, représentant hypothétiquement un danger pour la nation, nécessite une organisation efficace doté de moyens conséquents. Il est dans un premier temps nécessaire pour le Ministère de l’Intérieur de trouver un lieu susceptible d’accueillir une telle population, et dont la garde ne présente pas de contraintes trop importantes. Le camp du Larzac, rassemble ces deux critères. L’administration qui y est alors installée, mène pendant quatre années, la lutte contre l’organisation intérieure du FLN, en assurant le bon fonctionnement du centre. Elle doit surtout superviser le dispositif de sécurité, censé garantir le déroulement de cette mission répressive. Ce dispositif s’articule entre une garde intérieure, formée de gardiens contractuels, de l’antenne des Renseignements généraux et d’une brigade canine, et d’une garde extérieure, assurée par des CRS. |
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