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Lecture analytique Texte 2, extrait de Gargantua, Rabelais

INTRODUCTION :

François Rabelais est un écrivain humaniste du XVIème siècle. Il a eu un parcours atypique puisqu’il a été moine puis médecin. Il est l’auteur d’œuvres censurées par la Sorbonne. Il publie Pantagruel en 1532 et Gargantua en 1534 sous le pseudonyme d’Alcofribas Nasier.

- Situation : l’extrait que nous allons étudier se situe au chapitre 25 ou 27 de l’édition moderne. Sous un prétexte dérisoire (querelle entre les bergers - de Grangousier -et les fouaciers - de Pichrocole), Pichrocole a envahi les terres du pacifique Grandgousier, le père de Gargantua. Après avoir ravagé le village de Seuillé, les pillards dévastent les vignes de l’abbaye : les moines sont terrorisés. Frère Jean va à lui tout seul fuir l’ennemi.

Nous allons montrer comment cette scène de combat est comique et critique : dans un premier temps nous nous demanderons si le portrait brossé de Frère Jean est celui d’un personnage héroïque et nous verrons ensuite que ce récit comique est au service d’une pensée libre

Vocabulaire :

bréviaire : livre de l’office divin renfermant les formules de prières / livre liturgique catholique contenant l’ensemble des textes nécessaires pour prier durant la liturgie

bien servi en nez : bien servi en flair, en perspicacité

beau débiteur d’heures : qui disait ses prières de la journée à toute allure.

litanie : prière liturgique répétitive

précepte : formule qui exprime une règle

I - Un personnage héroïque ?

1) Le portrait de Frère Jean : un portrait positif ?

physique : « jeune » « pas manchot » « pimpant » « haut, maigre » « bien fendu de gueule » « bien servi en nez » (l.5-7)
moral : « fier » « joyeux » « hardi, courageux » « vivant, débrouillard, malin, savant (« clerc ») (l6-9) (+ par rapport à héros médiéval, « moins parfait », « plus humain »)

 accumulation d’adjectifs laudatifs, il correspond au modèle de l’homme selon Rabelais (qualités physiques, morales et intellectuelles)

Le titre (comme dans Candide) annonce et résume le passage : la victoire (« sauva »)
Le portrait positif : répétition de « beau » (l.7) ; rythme ternaire

Par la description et l’énumération du portrait physique le portrait est certes élogieux mais ressemble à une espèce d’inventaire qui devient comique.

2) Un homme qui sait manier la parole

Appel au combat, arguments :
- Défendre le vin : (l.25/26) précepte monacal, il utilise le présent de vérité générale pour en faire un principe de vie : « c’est ce que fait tout homme de bien » (l.25/26), « Jamais un homme noble ne hait le bien »
- Arguments d’autorité : « Saint Thomas l’anglais » (mort pour les Biens de l’Eglise) (l.34,35), « Feu Frère Macé Pélosse » (l.29) : prêtre décédé, sorte de modèle pour Frère Jean et peut-être modèle pour les autres moines.
- (l.32) parodie du proverbe « qui m’aime me suive » : « Messieurs… vous autres qui aimez le vin. Par le corps de Dieu, suivez-moi ! »

3) Un homme d’action (portrait en action)

Personnage dynamique par rapport à l’immobilité : combat épique : seul contre de nombreux ennemis « aux uns » (l.46), « à d’autres » (l.46)
Accumulation, champ lexical de la violence (l.46-55) (« écrabouillait », « brisait », « démettait », « disloquait », etc… (l.46 à l.64), nombreux verbes à l’imparfait qui indiquent une action durative et répétitive, tous de l’ordre de la violence physique.
Victoire de Frère Jean

Personnage héroïque dans la manière dont il est présenté (qualités, discours, action) mais aussi mis en valeur par les personnages secondaires quasiment inexistants ou montrés plutôt négativement (les autres moines et le prieur). Mais les personnages servent aussi à critiquer la religion.

II- Un récit comique au service d’une pensée « libre »

1) Un personnage blasphémateur

Il interrompt le culte divin
Sauver le vin : insistance de la part de Frère Jean « donnez-nous notre vin quotidien » (l.21) + sorte de blasphème accentué par la reprise paronymique : « service du vin » / « service divin »
Il se saisit de son bâton de croix (l. 39) se bat avec « son bâton de croix » (l.39-49)
Il ne cesse d’en appeler au diable et de jurer (l.20 « nous autres pauvres diables », l.34 « Ah non no diable », l.58-59 « ton âme à tous les diables » : aucune miséricorde de da part)
« Si je mourais à la tâche, ne serais-je pas saint pareillement ? » ironie, moquerie par rapport à la sainteté

2) Satire de la religion

Les moines sont des poltrons : « pauvres diables de moines » (l.1), « à tout hasard », « décrétèrent alors », « belle procession », « beaux psaumes », « avec de beaux répons pour la paix » décalage entre les faits et comment vont résoudre le problème
Personnages destinés aussi à permettre au narrateur de critiquer la religion: « un vrai moine s’il en fut depuis le monde moinant moina de moinerie » : néologismes à partir du nom moine », plusieurs dérivés qui insistent de manière comique et péjorative sur le fait qu’il existe des moines depuis longtemps / allitération en m qui peut faire penser au murmure des prières monastiques.
Le prieur, comme les autres moines, ne comprend rien : autoritaire, dogmatique et qui cherche à emprisonner le seul moine qui défend l’abbaye.

3) Une parodie burlesque

Parodie du combat épique par l’exagération (amplification), champ lexical de l’anatomie, les imparfaits de répétition : combat complètement irréaliste et aucune pitié pour les morts et blessés : espèce de parodie de super-héros (ninja)
Parodie des combats de chevaliers
Comique de gestes (Frère Jean assaillant avec sa croix)
Sympathie du lecteur pour ce personnage ? : ennemis non cités

Conclusion : Frère Jean est représentatif de l’œuvre de Rabelais, pour qui l’individu doit sa force, son identité à son libre-arbitre. (valeurs)

Personnage par sa force morale et physique (héros)
Epique (seul contre tous)
Libre (par rapport à la religion)
Visions du monde et du personnage : libre-arbitre d’un individu (porte-parole de l’auteur) par rapport à monde figé
Représentation du héros : aussi parodique par combat

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