ColèRE, agressivité et violence








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POUR UNE APPROCHE SYSTÉMIQUE DANS L’ÉVALUATION DES

SITUATIONS DE VIOLENCE CONJUGALE
Lorsque nous entendons les mots « violence conjugale», la plupart d’entre nous avons spontanément en tête la représentation d’un homme en train de battre sa conjointe. La perspective féministe, dans le cadre d’une lutte légitime pour dénoncer la violence faite aux femmes, a contribué à forger cette représentation sociale de la violence conjugale. Nos gouvernements ont adopté des politiques et un protocole d’intervention qui s’inspirent de cette représentation. Une représentation sociale n’est pas le simple reflet de la réalité, mais une organisation signifiante qui dépend de nombreux facteurs comme le contexte social et les idéologies prédominantes. La représentation sociale agit comme un système de pré- encodage de la réalité qui détermine un ensemble d’anticipation et d’attentes. La Politique d’intervention en matière de violence conjugale (Gouvernement du Québec, 1995) définit la violence comme « un moyen choisi pour dominer l’autre personne ». Elle adopte une théorie sur la violence conjugale qui écarte une partie importante de la littérature scientifique et de la recherche sur le sujet.

Dans le cadre de nos fonctions d’expert en matière de garde d’enfants, nous sommes fréquemment confrontés aux effets pervers de cette représentation et de ces politiques. Les informations colligées auprès de chacun des parents, auprès des enfants et de sources collatérales nous permettent d’apprécier chaque situation dans un climat apaisé. Au Service d’expertise psychosociale de la Cour supérieure du district judiciaire de Montréal, le quart des situations comportent des allégations de violence conjugale. Des enfants sont privés de contacts avec leur père ou limités à des visites supervisées, pendant des semaines et des mois, en grande partie à cause de ces allégations. Après une évaluation de la situation, le Service d’expertise recommande au tribunal un accès libre des enfants à leur père deux fois sur trois.
La recherche empirique nous invite à revoir notre représentation sociale de la violence conjugale et notre façon d’intervenir à son sujet. La violence conjugale ne peut être interprétée par une théorie unique avec une cause unique. L’importance de faire une distinction entre les types de violence en tenant compte du contexte, des causes et de la dynamique propre de chaque couple est maintenant largement documentée. Dans cet article, nous traiterons de la distinction nécessaire à faire entre colère, agressivité et violence avant de résumer l’évolution des principales théories sur la violence conjugale. Les développements récents de la recherche empirique sur les conflits familiaux suggèrent que, dans la population en général, la violence conjugale serait majoritairement mineure, interactive et réciproque (Straus 1999 et 2001, Archer 2000, Fiebert 2003, Laroche 2003).

COLÈRE, AGRESSIVITÉ ET VIOLENCE



À force d’associer colère, agressivité et violence, on en vient souvent à vouloir réprimer l’expression de la colère elle-même. La colère est une émotion. Les émotions jouent le rôle de régulateur et nous informent sur le degré de satisfaction à nos besoins (Larivey 2003). La colère traduit généralement l’insatisfaction, la frustration et le sentiment d’injustice. Des paroles ou des actes perçus comme une menace à nos besoins et à notre estime de nous-mêmes peuvent soulever la colère. Le sentiment d’être intentionnellement blessé, insulté, trahi ou ridiculisé peut produire le même effet. Des attentes irréalistes, des perceptions erronées, et l’incapacité à se soustraire d’une situation indésirable augmentent les risques d’émergence de la colère.
L’intensité de la colère varie entre l’irritation à une extrémité et la fureur à l’autre. On éprouve généralement de la colère contre un obstacle mais il arrive que la colère reste sans cible ou vise la mauvaise cible. L’expression de la colère aurait comme effet de soulager la tension. Une colère excessive exprimée de manière impulsive risque d’avoir un effet destructeur. La colère peut servir à cacher d’autres émotions (comme l’angoisse et l’anxiété) et à expliquer en partie la dépression lorsqu’elle est tournée vers soi. On peut aussi être en colère envers quelqu’un sans jamais lui exprimer directement ses frustrations, ni faire preuve d’agressivité. Dans les cas structurés, on parle d’une personnalité passive-agressive.
L’agressivité est généralement, mais non exclusivement, le produit de la colère. L’agressivité est la manifestation d’une volonté de s’affirmer ou de confronter. Elle peut parfois apparaître sans provocation apparente, mais presque toujours avec une cible, responsable ou non de notre frustration (Zaczyk 1998). Toutes les espèces qui développent des liens de fidélité entre partenaires et des attentions privilégiées envers leur descendance sont des espèces dont l’agressivité intraspécifique est aussi très développée (Lorenz 1963). Le lien souffrance - agressivité est fréquemment observable chez les mammifères. Plus un animal est privé de ce qui lui est nécessaire, de nourriture et de partenaire sexuel par exemple, plus il se montre agressif.
L’agressivité serait-elle innée ? Tremblay (1999) a rapporté qu’à l’âge de 17 mois, la moitié de ses sujets d’étude avait bousculé d’autres enfants dans un contexte d’activités libres. On sait que les garçons sont plus colériques et agressifs que les filles dès l’âge de 2 ans. Si on fait entrer de jeunes enfants de 3 ans dans une pièce où sont dispersés le même nombre de jouets, tous identiques, il est peu probable que chacun possède un seul jouet à la sortie de la confrontation. Les uns en auront plusieurs, les autres aucun.
L’agressivité aurait des racines à la fois physiologiques, chimiques, hormonales, génétiques, culturelles et sociales (Berkowitz 1993). La stimulation de certaines parties du cerveau activerait l’agressivité. La stimulation d’une autre partie l’inhiberait. L’augmentation du niveau de testostérone et l’hypoglycémie pourraient augmenter l’agressivité chez une personne. Le processus de socialisation et l’alcool sont d’autres facteurs connus en lien avec l’agressivité. Berkowitz suggère que l’agressivité a un caractère spontané. Il estime que de soudaines situations désagréables génèrent des émotions négatives, incluant un sentiment de colère primitif et des impulsions de lutte, avant même que la personne ait le temps de penser à ce qui se produit et de penser à sa réponse. Même si nos capacités cognitives nous permettent d’arrêter une impulsion agressive (on ne frappe pas son patron ou son dentiste), beaucoup du lien entre frustration, colère et agressivité échappe à notre attention. Bref, seules des explications multifactorielles peuvent rendre compte du fonctionnement des mécanismes qui expliquent l’agressivité, les facteurs culturels jouant à coup sûr un rôle important.
Colère et agressivité ne conduisent pas nécessairement à la violence même si c’est souvent la colère qui sert de déclencheur. La violence recouvre un large éventail de comportements humains. On peut inciter quelqu’un à se suicider sans lever le petit doigt. On peut aussi tuer quelqu’un en situation de légitime défense. Tout individu est capable de gestes violents dans certaines conditions, par instinct de survie. La violence est généralement définie comme une atteinte à l’intégrité physique et psychologique de l’autre. Empêcher une personne de faire ce qu’elle veut ou la contraindre (par la force, l’intimidation ou la menace) à faire ce qu’elle ne veut pas, constitue une atteinte à l’intégrité de cette personne. L’humiliation, le dénigrement, la dévalorisation, la privation, l’isolement, et le contrôle constituent d’autres formes de violence (Ouellet et al. 1998).
La violence serait la réalité prévalente de l’histoire de l’humanité. Phénomène complexe et diffus, sa définition varie dans le temps et dans l’espace, au gré de l’évolution des valeurs sociales et des influences culturelles. Si on met en relation l’existence de conduites violentes et la représentation dont elles sont l’objet, Chesnais (1982) estime que la violence interpersonnelle a connu une baisse séculaire en Occident depuis le Moyen Âge. On sait que la représentation de la violence diffère entre les pays, les classes sociales et les sexes. Dans nos sociétés, la violence des femmes serait en général mieux acceptée dans certaines circonstances (adultère, gestes outrageants, etc.) que celle des hommes (Simon et al. 2001). Aussi, il est paradoxal de constater les efforts déployés par les sociétés occidentales pour bannir la violence au quotidien et le succès des films comportant des scènes de violence au cinéma.
ÉVOLUTION DES THÉORIES SUR LA VIOLENCE CONJUGALE
Notre compréhension du phénomène de la violence a fait de réels progrès au cours des trente dernières années. Si une part importante de la recherche sur la violence conjugale a été consacrée à la victimisation des femmes en particulier, d’autres chercheurs ont adopté une approche plus globale dans l’étude de ce phénomène. La question la plus souvent discutée dans la recherche en sciences sociales sur la violence interpersonnelle est celle de la causalité. L’interprétation de ces causes est encore loin de faire l’unanimité.
La théorie du « contrôle social » (Merton 1968) suggère que, malgré les interdits et les règles qui gouvernent une société, les personnes qui n’obtiennent pas satisfaction à leurs besoins ont plus tendance à recourir à la violence. L’acceptation de la légitimité des règles et des conventions sociales inciterait chacun à contrôler son agressivité. Quand une personne, homme ou femme, est victime de pauvreté, de discrimination, d’exclusion, d’oppression, et qu’elle a peu d’espoir d’améliorer sa situation, elle risque davantage d’agir avec violence qu’une personne qui n’est pas soumise à ces conditions. Toujours selon Merton, dans les sociétés humaines, le comportement des individus serait avant tout motivé par la poursuite des intérêts individuels. L’ordre social serait caractérisé par une lutte de pouvoir et fondé sur la coercition appuyée par le domaine des croyances construites socialement (loi, religion, morale, idéologie).
Selon Simmel (1971), la famille serait aussi bien caractérisée par le consensus que par la compétition. À l’origine, la relation amoureuse se construit dans un marché compétitif où chacun tente d’impressionner l’autre par le caractère propre de sa masculinité ou de sa féminité. Les gens fondent une famille et entrent en compétition parce que les intérêts de l’un se confrontent à ceux de l’autre. Simmel présume que les humains sont prédisposés à l’agressivité mais que celle-ci est tempérée par des besoins affectifs et sociaux. La prémisse de base est que tous les processus sociaux, incluant le processus du mariage et de la famille, font face à un problème perpétuel : régler les conflits d’intérêts. L’absence de frontière serait la principale source des conflits. L’intensification des conflits découlerait d’un déséquilibre des possessions (le tien est plus grand que le mien), de la contestation de la légitimité du pouvoir (chacun cherche à en préserver le plus), et du degré émotionnel impliqué (plus le niveau émotif est élevé, plus les risques d’escalade augmentent).

La théorie du « comportement appris » (Bandura 1975) suggère que la violence est apprise par l’observation d’un modèle et par l’apprentissage de la récompense envisagée comme conséquence à l’agression. Les hommes violents auraient été témoins ou victimes des agressions de leur père. Les femmes victimes ou témoins de l’abus de leur propre mère seraient plus à risque d’être victimes à leur tour. Dans une autre perspective, la théorie du « renforcement différencié » (Akers 1985) suggère que la socialisation des genres n’encourage pas les hommes à exprimer leurs émotions et leurs sentiments. La violence serait le résultat de l’accumulation de frustrations qui se traduirait par une colère incontrôlée. Les hommes et les femmes font face aux mêmes stresseurs mais exprimeraient leurs frustrations différemment. Les femmes répondraient par la dépression, les hommes par l’agressivité. Les hommes exprimeraient plus facilement leur colère parce qu’ils sont socialisés pour la compétition et pour jouer un rôle combatif qui permet et encourage l’agressivité. Les femmes, au contraire, seraient socialisées à materner et à jouer un rôle de soutien qui décourage l’agressivité.

Selon Stulberg (1989), les conflits conjugaux seraient le résultat d’une compétition et d’un état d’interdépendance. La compétition dans un contexte de rareté des ressources (temps, affection, argent, prestige, etc.) ferait en sorte que chaque situation résulterait ultimement en une récompense pour l’un et en un coût pour l’autre, selon le principe des vases communicants. Les conflits peuvent être d’ordre structurel (infidélité, partage des tâches selon les normes, etc.) ou instrumental (il n’y a pas de système préexistant pour la résolution du conflit). La relation entre les conjoints peut être de nature symétrique ou asymétrique. Dans la première, chaque membre a des ressources égales et perçoit posséder un pouvoir égal à celui de l’autre. Il y a risque de conflit lorsqu’un membre remet en question l’équilibre des pouvoirs. Il y a escalade du conflit et risque de violence lorsqu’un membre pense qu’il peut gagner des avantages à pousser le conflit au-delà des limites permises. Dans une relation asymétrique, le fait que les conjoints n’ont pas les mêmes ressources engendre une relation domination - soumission. Les conflits seraient moins fréquents parce qu’un membre est perçu comme ayant plus de pouvoir et que la personne dominée conteste plus rarement son autorité. Le danger d’escalade naîtrait du fait que la relation entre les partenaires soit « uniquement ou extrêmement » symétrique ou asymétrique. L’une résulte en une compétition excessive et l’autre en une dépendance excessive.
L’approche systémique propose une classification de la violence selon l’intention : l’agression expressive pour faire cesser un irritant ou se défendre, et l’agression instrumentale pour obtenir une récompense ou une revanche (voir Rondeau et al 2001). La violence expressive constituerait une réponse inadaptée au stress et à la colère. La violence instrumentale quant à elle serait intentionnelle et viserait le contrôle de l’autre. Dans une perspective systémique, la violence n’est pas un phénomène individuel mais la manifestation d’un phénomène interactionnel. Les deux conjoints partagent une certaine responsabilité dans l’irruption de la violence. Dans une relation égalitaire, les conjoints sont en rivalité et font des efforts pour maintenir l’égalité entre eux. Si l’un cherche à rompre cet équilibre, l’autre peut réagir avec agressivité. Les conjoints revendiquent le même statut et le même pouvoir. Le plus fort physiquement n’est pas nécessairement le plus fort d’un point de vue psychologique. Dans une relation inégalitaire, un conjoint cherche à dominer pour modeler et rendre l’autre conforme à l’image qu’il a de lui-même et du monde.
La perspective féministe s’oppose à toute conception de la violence qui ne tient pas compte du concept de patriarcat, synonyme de la domination masculine et de l’oppression des femmes. La violence relève à la fois de rapports sociaux de domination et d’une stratégie visant à l’appropriation de la vie et du corps de la femme. Présentée comme un instrument du pouvoir masculin (Dobash 1979), la violence n’est pas une perte de contrôle mais une prise de contrôle. Le but de la violence est essentiellement l’exercice du pouvoir. Chaque événement ferait partie du modèle plus large d’un ensemble de comportements ayant pour but d’exercer ou de maintenir le pouvoir et le contrôle de l’homme sur la femme. Les théories du « cycle de la violence » et du « syndrome de la femme battue » (Walker 1984) constituent les théories féministes les plus connues. Un processus comportant des périodes successives d’escalade de la tension, d’agression, de justification et de rémission expliquerait la difficulté des femmes à quitter leur conjoint violent. Les théories féministes rejettent toute analyse qui nie le caractère structurel de la violence et la présente comme un problème interpersonnel.
On appelle «théorie» un ensemble de connaissances cohérentes, logiques et pertinentes par rapport à une réalité étudiée (Cartafan 2002). Une théorie scientifique n’est qu’une hypothèse qui s’appuie sur des données observables. Elle aide à donner un sens à ce qui autrement n’en aurait pas (Brownstein 2000). Malgré le rêve d’une théorie finale, chaque théorie dans les sciences humaines ne peut expliquer qu’une partie de la réalité. Par exemple, si le taux de crime avec violence est plus élevé parmi les classes défavorisées, la théorie du « contrôle social » reste muette sur le fait que la majorité des membres des classes défavorisées ne sont pas violents. Si les garçons témoins ou victimes d’abus physique sont plus à risque de devenir violents à l’âge adulte, la théorie du « comportement appris » n’explique pas pourquoi plusieurs hommes témoins ou victimes de violence dans leur enfance ne sont pas violents. Ni pourquoi certains hommes violents n’ont pas été témoins ou victimes de violence dans leur enfance. Si le fait que la majorité des personnes accusées de crime avec violence sont des hommes, la théorie du « renforcement différencié » n’explique pas pourquoi les femmes seraient aussi violentes que les hommes envers les enfants (Ditson et Shay 1984, Sack et al 1985, Mahoney 2000, Trocmé et al. 2001). Le taux élevé de violence parmi les femmes lesbiennes (Lockhart et al 1994, Guay 1999, West 2002) constitue une source d’embarras pour les défenseurs des théories féministes. Certaines théories négligent les aspects biologiques du comportement humain, le pouvoir des émotions, l’histoire du sujet, l’origine parfois inconsciente de nos comportements, etc. D’autres minimisent les facteurs sociaux, économiques, historiques et culturels.
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